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Date: 19981028

Dossiers: 96-4009-IT-G; 96-4010-IT-G

ENTRE :

MICHEL LÉPINE, ATTACHES REMORQUES DU QUÉBEC INC.,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

Motifs du jugement

(Rendus oralement à l'audience à Québec (Québec), le 11 septembre 1998.)

Le juge P.R. Dussault, C.C.I.

[1] Pour l'appelant Michel Lépine, il s'agit d'appels de cotisations pour ses années d'imposition 1990, 1991 et 1992; pour l'appelante, la société Attaches Remorques du Québec Inc., désignée à l'occasion la « société » , il s'agit d'appels de cotisations pour ses années d'imposition se terminant le 31 janvier 1991, 1992 et 1993.

[2] En cotisant l'appelant Michel Lépine, le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) s'est appuyé sur les faits énoncés aux alinéas a) à k) du paragraphe 6 de la Réponse à l'avis d'appel. Ces alinéas se lisent ainsi:

a) durant les années en litige, l'appelant était actionnaire majoritaire et administrateur de la corporation Attache-Remorque du Québec Inc., ("la corporation");

b) la corporation exploite une entreprise qui oeuvre dans le domaine des attaches de remorques;

c) la corporation opère toute l'année, mais le niveau d'activités est plus fort du mois de mai au mois de septembre;

d) l'appelant a déclaré des revenus qui se composaient principalement de revenus de salaires et de dividendes et qui totalisaient 26 985 $, 52 983 $ et de 45 348 $ respectivement pour ses années d'imposition 1990, 1991 et 1992;

e) les dépenses personnelles composées, entre autre, de repas de cantine pris au garage de l'entreprise par l'appelant et sa conjointe et de billets de hockey ont été payées par la corporation et déduites par celle-ci au titre de frais de représentation;

f) les dépenses personnelles mentionnées au sous-paragraphe 6e), totalisant 6 569 $, 11 049 $ et 3 581 $ respectivement pour les années d'imposition 1990, 1991 et 1992 étaient des avantages imposables reçus par l'appelant au cours des années en litige;

g) ces dépenses n'ont pas été remboursées par l'appelant à la corporation;

h) une analyse des comptes de banque de l'appelant et de sa conjointe a permis au ministre de retracer des dépôts qui n'ont pu être justifiés par l'appelant et qui totalisaient 18 976 $, 27 736 $ et 28 780 $ respectivement pour ses années d'imposition 1990, 1991 et 1992;

i) en 1991, le paiement d'une facture par un client de la corporation a fait l'objet d'un transfert au montant de 4 100 $ du compte d'un client de la corporation dans le compte de banque de l'appelant, cette somme a servi à payer de l'équipement de camping utilisé personnellement par l'appelant;

j) lors de la production de ses déclarations de revenu pour les années d'imposition 1990 et 1991, l'appelant a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire ou a commis quelque fraude en produisant les déclarations ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la Loi de l'impôt sur le revenu;

k) l'appelant ayant fait sciemment ou dans des circonstances qui justifient l'imposition d'une faute lourde, de faux énoncés dans ses déclarations d'impôt pour ses années d'imposition 1990, 1991 et 1992 en ne déclarant pas des revenus respectifs de 25 545 $, 38 785 $ et 32 301 $, des pénalités ont été imposées en conformité avec le paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[3] En cotisant l'appelante Attaches Remorques du Québec Inc., le Ministre s'est appuyé sur les faits énoncés aux alinéas a) à l) du paragraphe 7 de la Réponse à l'avis d'appel. Ces alinéas se lisent:

a) l'appelante a été constituée le 28 février 1983 sous la partie 1A de la Loi sur les compagnies du Québec;

b) M. Michel Lépine était le principal actionnaire de l'appelante durant les années en litige;

c) l'appelante exploitait durant les années en litige, une entreprise de fabrication, d'installation et de réparation d'attaches de remorques dans la région de Québec;

d) l'appelante opère toute l'année, mais sa plus forte période d'activités se situe entre les mois de mai à septembre;

e) suite à la vérification effectuée par le ministre, il a été établi que des revenus au montant de 19 276 $, 24 677 $ et 27 439 $ n'avaient pas été déclarés par l'appelante respectivement pour ses années d'imposition se terminant les 31 janvier 1991, 1992 et 1993;

f) ces montants ont été établis suite à une analyse des comptes de banque de l'actionnaire principal de l'appelante et de sa conjointe, qui a permis de découvrir des dépôts non-justifiés pour chacune des années d'imposition en litige;

g) le paiement d'une facture au montant de 4 100 $ par un client de l'appelante a été transféré du compte de banque du client à celui de l'actionnaire principal sans être déclaré par l'appelante à titre de revenu pour son année d'imposition se terminant le 31 janvier 1992;

h) le montant de 4 100 $ déposé au compte de banque de l'actionnaire principal de l'appelante, a servi à acheter de l'équipement de camping qui a été utilisé par le même actionnaire;

i) des montants respectifs de 7 652 $, 8 697 $ et 3 583 $, pour les années d'imposition se terminant les 31 janvier 1991, 1992 et 1993 ont été refusés par le ministre à titre de dépenses pour l'appelante, car il s'agissait de dépenses personnelles de l'actionnaire principal de l'appelante, M. Michel Lépine, qui étaient défrayées par l'appelante;

j) ces dépenses refusées étaient principalement composées de frais de repas pris à la cantine au garage de l'entreprise par M. Lépine et sa conjointe et de frais pour des billets de hockey;

k) l'appelante ayant fait sciemment dans des circonstances qui justifient l'imposition d'une faute lourde, de faux énoncés dans ses déclarations d'impôt pour ses années d'imposition se terminant les 31 janvier 1991, 1992 et 1993 en ne déclarant pas des revenus respectifs de 19 276 $, 28 777 $, et 27 439 $ en réclamant des dépenses de 7 652 $, 8 697 $ et 3 583 $ et 19 903 $ pour des dépenses personnelles d'un actionnaire, des pénalités ont été imposées en conformité avec le paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu;

l) lors de la production de sa déclaration d'impôt sur le revenu pour l'exercice clos le 31 janvier 1991, l'appelant a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[4] Voilà pour les éléments techniques et essentiels des réponses aux avis d'appel.

[5] Dans le cas de monsieur Michel Lépine, l'ajout à son revenu des dépenses auxquelles il est fait référence aux alinéas e), f), g) et i) du paragraphe 6 de la Réponse à l'avis d'appel, à titre de dépenses personnelles, n'est plus contesté.

[6] En ce qui concerne le cas d'Attaches Remorques du Québec Inc., le refus du Ministre d'accorder la déduction des dépenses auxquelles il est fait référence aux alinéas i) et j) du paragraphe 7 de la Réponse à l'avis d'appel n'est plus contesté, non plus que l'ajout aux revenus de l'appelante du montant de 4 100 $ auquel il est fait référence aux alinéas g) et h) du paragraphe 7 de la Réponse à l'avis d'appel.

[7] Les montants contestés par l'appelant sont donc les montants suivants, ajoutés à son revenu comme appropriation de fonds de la société: pour 1990, la somme de 18 276 $, pour 1991, la somme de 23 636 $ et pour 1992, la somme de 28 780 $.

[8] En ce qui concerne la société, vu l'année d'imposition se terminant le 31 janvier de chaque année, les sommes contestées et incluses dans son revenu, à titre de revenus non déclarés, sont les suivantes: pour l'année terminée le 31 janvier 1991, 19 276 $, pour l'année terminée le 31 janvier 1992, 24 677 $ et enfin, pour l'année terminée le 31 janvier 1993, 27 439 $.

[9] La position de l'intimée repose pour l'essentiel sur le fait que les montants cotisés comme revenus non déclarés tant par l'appelante que par l'appelant, sont des revenus de l'entreprise, exploitée par celle-ci et que l'appelant se serait approprié à titre personnel.

[10] Cette position est fondée sur la prétention que l'appelant Michel Lépine n'a pu justifier adéquatement, aux yeux des autorités fiscales, des dépôts totalisant les sommes contestées dans des comptes bancaires personnels conjoints avec son épouse. La presque totalité des sommes en question ont été déposées dans un compte, à la Banque Nationale du Canada, et dont les détails sont exposés à la pièce I-2, onglet 9. En réalité, une seule autre somme de 3 000 $ aurait été déposée à la Caisse populaire Giffard, le 31 novembre 1991.

[11] Le vérificateur de Revenu Canada, monsieur Michel Audet, en a déduit que les dépôts non justifiés provenaient de ventes comptant, non facturées et non déclarées par la société et dont l'appelant se serait approprié le produit. Environ 40 p. cent des ventes de l'entreprise ou de la société se font au comptant et l'appelant est la personne qui contrôle tous les aspects financiers de l'entreprise.

[12] Pour sa part, monsieur Lépine soutient que la société Attaches Remorques du Québec Inc. a déclaré tous les revenus tirés de l'exploitation de son entreprise, que lui-même a déclaré tous ses revenus en provenance de la société et donc qu'il ne s'est aucunement approprié les sommes cotisées. Sa position est fondée sur la prétention que les dépôts dans ses comptes bancaires personnels proviennent, en réalité, du produit d'emprunts qu'il aurait contractés auprès de connaissances ou d'amis, ainsi que du remboursement du montant d'un prêt et du remboursement d'une autre dette contractée par son frère, Jacques Lépine.

[13] Ainsi, monsieur Lépine aurait contracté les emprunts suivants:

1) le 8 avril 1990, la somme de 5 000 $ de Marcel Lalancette;

2) le 6 mai 1990, la somme de 5 000 $ de Robert Hamel;

3) le 12 janvier 1991, la somme de 5 000 $ de Origène Guénette;

4) le 10 avril 1991, la somme de 5 000 $ de Marcel Lalancette;

5) le 5 mai 1991, la somme de 5 000 $ de Robert Hamel;

6) le 12 janvier 1992, la somme de 5 000 $ de Origène Guénette;

7) le 6 juin 1992, la somme de 2 500 $ de Marcel Lavallée;

8) le 4 juillet 1992, la somme de 2 500 $ de Richard Amyot, et

9) le 10 octobre 1992, la somme de 3 000 $ de Origène Guénette.

[14] Donc, neuf emprunts pour un total de 38 000 $. Selon l'appelant, tous ces emprunts auraient été remboursés en 1994, 1995 et 1996.

[15] Quant à un prêt fait à son frère, Jacques Lépine, pour une somme de 7 500 $ en 1986, l'appelant affirme avoir été remboursé en 1990. Le prêt aurait servi à monsieur Jacques Lépine pour donner le comptant requis pour l'achat d'un immeuble. Un autre montant de 7 500 $ aurait été dû depuis 1987 par monsieur Jacques Lépine en rapport avec une entreprise conjointe qui devait être débutée avec l'appelant et dont il se serait retiré à la dernière minute. Cette somme aurait été remboursée en 1991. Les deux montants de 7 500 $ remboursés l'un en 1990 et l'autre en 1991 l'auraient été en plusieurs versements.

[16] Tous les emprunts et les prêts ci-dessus, ainsi que leur remboursement, auraient été sous forme d'argent comptant ou en espèces. Selon l'appelant, toutes les transactions étaient au départ constatées par un document qui a été, dans chaque cas, détruit lors du remboursement de la dette. Aucune comptabilité n'a été fournie à l'égard d'une quelconque transaction. Toutefois, l'appelant Michel Lépine, suite aux pressions de Revenu Canada pour obtenir les pièces justificatives ou déclarations assermentées au soutien de ses prétentions, a, en 1996, contacté les personnes ci-haut mentionnées pour signer des documents qui attesteraient des transactions réalisées. Les documents soumis en preuve à cet égard sont la pièce A-1, onglets 20 à 31. Tous les documents ont été rédigés et signés en 1996. L'appelant affirme se souvenir de la date exacte de chaque transaction et, ainsi, chaque document porte cette date et les parties attestent l'avoir signé à cette même date originale.

[17] À titre d'exemple, je reproduis le document de l'onglet 21 qui se lit:

Le 6 mai 1990.

RECONNAISSANCE DE PRÊT

Moi, Michel Lépine, reconnais devoir à Monsieur Robert Hamel la somme de cinq milles dollars (5,000.00$).

Ce prêt sera remboursable à demande et ne portera pas intérêt.

En foi de quoi, nous avons signé à Québec, le 6 mai 1990.

[signature]

Michel Lépine

[signature]

Robert Hamel

[18] J'ajouterai que lorsque ces documents ont été soumis à Revenu Canada aucune mention n'a été faite qu'ils avaient été rédigés et signés en 1996 seulement. Au début de la vérification en 1994, monsieur Lépine avait déclaré que les documents n'existaient plus ayant été détruits suite aux remboursements.

[19] La vérification de la société appelante par monsieur Michel Audet de Revenu Canada a débuté en août 1994 et monsieur Lépine aurait été informé des projets de cotisation pour lui-même et la société en février 1995. Les cotisations ont finalement été émises à compter du 1er septembre 1995.[1] Alors que l'appelant avait déclaré, suite à la vérification, que les dépôts à ses comptes bancaires s'expliquaient par des emprunts auprès d'amis et que son avocat, selon monsieur Audet, aurait fait part de quelques noms de prêteurs, après mars 1995, jamais monsieur Audet n'a-t-il reçu, avant de fermer le dossier — et avant que les nouvelles cotisations ne soient émises — jamais n'a-t-il reçu, dis-je, quelque document que ce soit en rapport avec les prétendues transactions. Or, d'après l'appelant Michel Lépine les emprunts qu'il aurait contractés en 1990, 1991 et 1992 n'auraient été remboursés qu'en 1994, 1995 et 1996. Si, comme il le dit, les documents originaux n'auraient été détruits que lors du remboursement des emprunts, on se demande comment il se fait, puisqu'au moins une partie des emprunts n'était pas encore remboursée à la fin de 1994, durant l'année 1995 ou même durant l'année 1996, qu'aucun document original n'ait pu être produit puisqu'ils n'auraient alors pas encore été détruits. À mon avis, la réponse est évidente. Ces documents n'ont jamais existé car, selon toute vraisemblance, les emprunts n'ont jamais existé non plus. Ce n'est pas une certitude à mes yeux, mais il m'apparaît que c'est là où nous mène la preuve, selon la prépondérance des probabilités.

[20] L'avocat de l'intimée a admis que les témoignages de messieurs Hamel, Guénette, Lavallée et Amyot, s'ils avaient témoigné, seraient dans le même sens que celui de l'appelant. Bien que disponibles, ces personnes n'ont pas témoigné, vu cette admission. L'intimée n'admet cependant pas la véracité du témoignage que ces personnes auraient pu rendre. L'avocat des appelants y voit cependant une corroboration du témoignage de monsieur Michel Lépine, concernant tant les emprunts que les remboursements. Soit. On peut corroborer soit la vérité, soit le mensonge. Dans la mesure où j'estime que le témoignage de monsieur Lépine est non crédible, cela n'avance en rien la cause des appelants. Les documents rédigés et signés en 1996 sont faux à leur face même et cela a été admis par l'appelant. Ils n'ont jamais été rédigés et signés à la date qu'ils portent mais plusieurs années plus tard. C'est ce qu'on désigne communément comme de la fabrication de preuve. Que monsieur Lépine n'ait pas cru opportun de dévoiler ce fait lorsque les documents ont été soumis pour la première fois au représentant de Revenu Canada en 1996 n'ajoute qu'un élément additionnel, à mon avis, à la tentative d'induire les représentants de Revenu Canada en erreur.

[21] Quant aux dettes de monsieur Jacques Lépine envers l'appelant, je signale également que les documents ont aussi été fabriqués en 1996. Si monsieur Jacques Lépine et l'appelant ont témoigné dans le même sens pour le prêt qui aurait été consenti en 1986, leurs témoignages ne concordent pas tout à fait concernant le prêt ou la dette de 1987. Prêt ou reconnaissance de dette, chacun a sa version. Qui plus est, aucun détail concernant les dates ou les montants n'a été fourni concernant les remboursements effectués en 1990 et en 1991, toujours selon les documents rédigés et signés en 1996. À cet égard, on peut se référer à la pièce A-1, onglets 20, 23 et 27. Je conclurai ici simplement en disant - et c'est un euphémisme - qu'il est assez difficile de croire que personne n'a jamais tenu une comptabilité quelconque, même sous la forme de papiers domestiques ou autres de ses transactions avec l'appelant, ne serait-ce que pour indiquer les dates de remboursement des emprunts. Voilà pour la prétendue provenance ou source des fonds. Il importe cependant de pousser plus loin et examiner les dépôts bancaires de l'appelant en relation avec ce qu'il prétend en être la source.

[22] D'abord, aucune tentative de conciliation n'a été faite entre les montants déposés aux comptes personnels de l'appelant et ceux qu'il prétend en être la source. Le montant total des emprunts qu'il aurait faits se chiffre à 38 000 $. À cette somme, il faut rajouter 15 000 $ qui proviendraient des remboursements par son frère, Jacques Lépine, pour un total de 53 000 $. Les montants cotisés comme revenus additionnels de l'appelant pour les années en litige et qui sont contestés s'élèvent à la somme totale de 70 692 $, soit une différence de 17 692 $ à l'égard de laquelle aucune explication, de quelque nature que ce soit, n'a été fournie. Il s'agit là d'un indice important que ces fonds proviennent, selon toute vraisemblance, des activités de la société à l'égard de transactions non enregistrées, payées en espèces. Selon la preuve soumise, il ne pourrait exister aucune autre source plausible.

[23] L'appelant affirme avoir fait les emprunts auprès de ses amis ou connaissances à cause de ses difficultés financières personnelles, lesquelles résultent principalement de celles rencontrées par la société Attaches Remorques du Québec Inc., en rapport, elles, avec celles d'une autre société exploitant une entreprise différente dans le domaine de l'antirouille. Faisant état des difficultés rencontrées, de l'endettement de la société Attaches Remorques du Québec Inc. et de son endettement personnel auprès des institutions financières, principalement la Banque Fédérale de Développement et la Banque Nationale du Canada, l'appelant a affirmé, d'une part, qu'il lui était devenu impossible de contracter de nouveaux emprunts auprès de ces institutions et, d'autre part, qu'il ne pouvait plus rencontrer ses obligations personnelles à cet égard d'où la nécessité de s'adresser à ses amis et connaissances.

[24] Malgré ces difficultés et la menace de faillite, la preuve révèle que l'appelant aurait, malgré tout, continué à emprunter de la Banque Nationale à chaque année, pour contribuer à son RÉER. En avril ou mai 1991, un emprunt additionnel au nom de la société appelante aurait été fait à une succursale différente de la Banque Nationale, pour un montant de 30 000 $ afin de financer l'achat d'une roulotte qui a été revendue en mai 1992. Malgré les difficultés évoquées, on constate également que le revenu de l'appelant augmente de façon importante en 1991, par le versement de près de 23 000 $ en dividendes, en plus d'un salaire de 29 000 $. Les explications fournies par l'appelant concernant ces faits ne me convainquent pas que sa situation financière était aussi désastreuse qu'il l'a décrite et qu'il était sous le coup de la menace constante et immédiate de la banque pour se faire rembourser les crédits consentis. Aucune preuve d'une action réelle quelconque de la banque en ce sens n'a été établie bien que monsieur Lépine ait fait état d'une menace en ce sens à une occasion s'il transférait ses RÉER dans une autre institution, soit une compagnie d'assurances, de façon à les protéger de toute saisie.

[25] L'appelant affirme qu'il a déposé intégralement à son compte de banque personnel à la Banque Nationale les sommes empruntées de ses amis et connaissances, de même que les sommes reçues de son frère Jacques de façon à s'acquitter de ses obligations périodiques. Cependant, de façon à s'assurer d'une part que la banque ne soit pas au courant de ses emprunts personnels et, d'autre part, qu'elle ne profite pas d'un dépôt d'un montant important pour se rembourser de certains prêts, l'appelant affirme avoir déposé le produit des différents emprunts en espèces, par petites sommes à la fois, au fur et à mesure des besoins et des paiements mensuels qu'il devait faire. Effectivement, il est impossible à l'examen de la liste des dépôts non justifiés selon Revenu Canada de retracer un montant qui correspondrait au montant total d'un emprunt qui aurait été contracté par l'appelant. Il est même impossible d'établir une corrélation quelque peu significative entre la date des prétendus emprunts et les dates des dépôts. Il va de soi qu'il en est de même pour les montants. Les explications fournies par l'appelant sont ici encore, à mon avis, peu crédibles. D'abord, il est difficile de croire qu'une personne qui vient de se voir remettre par exemple une somme de 5 000 $ comptant, ira la déposer intégralement, petit à petit, par montants de 100 $, de 200 $ ou de 300 $ à la fois, sans en utiliser une partie comptant pour payer des dépenses courantes. Par ailleurs, dans la liste des dépôts inexpliqués, on retrouve un certain nombre d'anomalies au regard des explications ou du peu d'explications fournies par l'appelant. Ainsi, pourquoi des dépôts aussi précis que 210 $, 310 $, 344 $ ou 1 036 $, ou, mieux encore, que 1 219,51 $ ou 1 340,50 $? Pour quelqu'un qui gère une entreprise dont le chiffre d'affaires variait de 527 000 $ à 668 000 $ annuellement, au cours des années en litige, cette précision micrométrique, chirurgicale dirait-on, dans la façon de prévoir rencontrer ses obligations par des dépôts très nombreux de sommes minimes (on dirait presque au compte-gouttes), qui varient souvent entre 50 $ et 200 $, apparaît suspecte. Elle l'est encore plus au regard des explications fournies sur la provenance des fonds lorsqu'il ne s'agit pas de dépôts en nombres entiers, mais avec des cents.

[26] Pourquoi des dépôts aussi importants — en termes relatifs, évidemment — que 2 300 $ ou 2 700 $ ou encore, à la fois aussi précis et importants — toujours en termes relatifs — que 1 763,55 $ ou encore que 1 557,06 $.

[27] Enfin, comment expliquer que le 10 octobre 1992, l'appelant aurait eu besoin d'argent et aurait contracté un emprunt de 3 000 $, alors que cinq jours plus tôt, le 5 octobre 1992, il dépose une somme de 2 700 $ dont la provenance demeure inconnue.

[28] Somme toute, j'en arrive à la conclusion qu'il est plus probable que les dépôts aux comptes bancaires personnels de l'appelant proviennent de transactions au comptant non facturées et non enregistrées dans les livres de l'appelante, plutôt que des prétendus emprunts et prêts par l'appelant. Même si j'avais accepté intégralement les prétentions de l'appelant concernant ces emprunts et ces prêts, je serais toujours dans l'obligation de constater qu'il n'a pas été démontré, selon la prépondérance des probabilités, que les dépôts aux comptes bancaires personnels de l'appelant et qui ne sont pas autrement justifiés proviendraient des emprunts et des prêts mentionnés. Évidemment, l'écart important entre les dépôts et ce qu'on prétend être le produit des emprunts et de prêts est un élément important. Les caractéristiques particulières des dépôts que je viens de signaler constituent un autre élément très important.

[29] Compte tenu de la preuve présentée, j'estime de plus que la vérification effectuée par monsieur Audet l'a été correctement, avec honnêteté et sans bavure. La nature de l'entreprise de l'appelante, le grand nombre de petites transactions réalisées au comptant, la multitude des pièces en stock, exigeaient qu'il explore certains champs de vérification plus que d'autres, ce qu'il a fait.

[30] Ce n'est pas dans les livres et documents de l'entreprise qu'il a découvert les revenus non déclarés puisqu'ils n'y étaient forcément pas retraçables. C'est dans la comptabilité bancaire personnelle de l'appelant qu'il a fait cette découverte.

[31] La preuve présentée ne me convainc pas, selon la prépondérance des probabilités, que ses conclusions et les cotisations qui ont suivi sont erronées en quelque point que ce soit.

[32] Quant aux pénalités, je les estime justifiées dans les circonstances, compte tenu de la nature des revenus additionnels cotisés ainsi que de la position et du rôle de l'appelant Michel Lépine dans les affaires de l'appelante Attaches Remorques du Québec Inc.

[33] Les appels sont donc rejetés, le tout avec dépens en faveur de l'intimée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour d'octobre 1998.

« P.R. Dussault »

J.C.C.I.



[1]           L'avis de cotisation porte la date du 1er septembre 1995 en ce qui concerne Attaches Remorques du Québec Inc. et la date du 23 octobre 1995 en ce qui concerne Michel Lépine.

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