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Date: 19980116

Dossier: 95-1730-GST-G

ENTRE :

ADELE SCHAFER,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Mogan, C.C.I.

[1] Les dispositions législatives relatives à la taxe sur les produits et services (TPS) sont prévues à la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise (la “ Loi ”). Dans les présents motifs du jugement, tout renvoi à une disposition législative sera, à moins d'indication contraire, un renvoi aux dispositions pertinentes de la Loi se rapportant à la TPS. Une cotisation a été établie à l'égard de l'appelante en tant que cessionnaire en application de l'article 325, qui se lit comme suit :

325(1) La personne qui transfère un bien, directement ou indirectement, par le biais d'une fiducie ou par tout autre moyen, à son conjoint, ou à un particulier qui l'est devenu depuis, à un particulier de moins de 18 ans ou à une personne avec laquelle elle a un lien de dépendance, est solidairement tenue, avec le cessionnaire, de payer en application de la présente partie le moins élevé des montants suivants :

a) le résultat du calcul suivant :

A - B

A représente l'excédent éventuel de la juste valeur marchande du bien au moment du transfert sur la juste valeur marchande, à ce moment, de la contrepartie payée par le cessionnaire pour le transfert du bien,

B l'excédent éventuel du montant de la cotisation établie à l'égard du cessionnaire en application du paragraphe 160(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu relativement au bien sur la somme payée par le cédant relativement à ce montant;

b) le total des montants représentant chacun :

(i) le montant dont le cédant est redevable en vertu de la présente partie pour sa période de déclaration qui comprend le moment du transfert ou pour ses périodes de déclaration antérieures,

(ii) les intérêts ou les pénalités dont le cédant est redevable à ce moment.

Toutefois, le présent paragraphe ne limite en rien la responsabilité du cédant découlant d'une autre disposition de la présente partie.

325(2) Le ministre peut établir une cotisation à l'égard d'un cessionnaire pour un montant payable en application du présent article. Dès lors, les articles 296 à 311 s'appliquent, compte tenu des adaptations de circonstances.

[2] L'article 325 est semblable à l'article 160 de la Loi de l'impôt sur le revenu. La personne à l'égard de laquelle une cotisation est établie en tant que cessionnaire en application de l'article 325 n'est pas tenue principalement de payer le montant de la cotisation, mais elle le devient (sous réserve d'une opposition ou d'un appel) du fait seulement qu'elle bénéficie, sans contrepartie, d'un transfert de bien effectué par une personne avec laquelle elle a un lien de dépendance et qui était tenue de payer le montant au moment du transfert. La responsabilité du cessionnaire procède de celle du cédant. Les cotisations établies en vertu de l'article 325 sont parfois qualifiées de dérivées. Toutes les cotisations en l’espèce sont des cotisations établies à titre dérivé en vertu de l'article 325 et il est nécessaire d'expliquer la façon dont la responsabilité est passée à l'appelante par l'intermédiaire d'un ou de plusieurs autres contribuables.

[3] L'appelante et l'intimée ont admis certains faits dans leurs actes de procédure et elles ont convenu de certains autres faits à l'ouverture de l'audience. Ces faits convenus sont notamment les suivants :

Pendant toutes les périodes pertinentes, l'appelante était l'épouse de Reginald Schafer.

Pendant toutes les périodes pertinentes, Reginald Schafer était un administrateur de Willows Golf Corporation (“ Willows ”) et de Willows Golf Course Inc. (“ Golf Inc. ”).

Pendant toutes les périodes pertinentes, Reginald Schafer contrôlait Willows et Golf Inc.

[4] La définition de “ lien de dépendance ” est énoncée à l'article 126 qui incorpore par renvoi l'article 251 de la Loi de l'impôt sur le revenu. Compte tenu de la définition combinée de “ lien de dépendance ”, j'ai conclu que l'appelante avait un lien de dépendance avec Reginald Schafer ou Willows ou Golf Inc. Voir la Loi de l'impôt sur le revenu : article 251, alinéas (6)b) et (2)a), sous-alinéas (2)b)(i) et (iii), et alinéa (1) a).

[5] Une série de cotisations de TPS ont été établies à l'égard de Willows et produites sous les cotes A-1 à A-6 inclusivement. Les renseignements pertinents sur ces cotisations sont les suivants :

Pièce

Date

No de la cotisation

Période

Montant

A-3

18 juin 1992

1992-094S-452

1er au 31 janvier 1991

347,85 $

A-2

27 juillet 1992

1992-09FS-561

1er au 31 janvier 1992

250,27 $

A-1

27 juillet 1992

1992-09FS-562

1er février au 30 avril 1992

250,27 $

A-4

3 sept. 1992

94S3175

1er janvier 1991 au 31 juillet 1992

60 352,02 $

A-5

25 nov. 1992

9FS6074

1er août 1992 au 31 octobre 1992

45 000,00 $

A-6

22 avr. 1993

DSS469

2 novembre 1992 au 31 janvier 1993

25 467,67 $

Dans la liste de cotisations qui précède, seules les pièces A-4 et A-5 sont désignées comme étant des avis de nouvelle cotisation. Willows n'a payé aucun des montants des cotisations produites sous les cotes A-1 à A-6. Le 23 juillet 1993, un avis de cotisation de 116 033,30 $ a été établi à l'égard de Reginald Schafer en qualité d'administrateur de Willows en vertu du paragraphe 323(1), qui prescrit :

323(1) Les administrateurs de la personne morale au moment où elle était tenue de verser une taxe nette comme l'exige le paragraphe 228(2), sont, en cas de défaut par la personne morale, solidairement tenus, avec cette dernière, de payer cette taxe ainsi que les intérêts et pénalités y afférents.

L'avis de cotisation établi à l'égard de Reginald Schafer qui a été produit sous la cote A-7 énonce ceci en partie :

[TRADUCTION]

Le présent avis de cotisation est établi relativement à la responsabilité prévue au paragraphe 323(1) de la Loi sur la taxe d'accise de payer le montant de 116 033,30 $, qui représente la taxe, les intérêts et les pénalités impayés et payables par Willows Golf Corporation relativement aux avis de cotisation décrits à l'annexe “ A ” ci-jointe.

À l'annexe “ A ” jointe à l'avis de cotisation produite sous la cote A-7, on trouve une liste des six avis de cotisation établis à l'égard de Willows, qui sont les pièces A-1 à A-6 déjà mentionnées. Il n'y a aucun élément de preuve selon lequel une cotisation a été établie à l'égard de Reginald Schafer à titre d'administrateur de Willows en vertu de l'article 323, à l'exception de la pièce A-7. Aucune des cotisations dont font foi les avis produits sous les cotes A-1 à A-7 inclusivement n'ont fait l'objet d'un appel. Willows n'a pas interjeté appel relativement aux pièces A-1 à A-6 et Reginald Schafer n'a pas interjeté appel relativement à la pièce A-7. Par conséquent, la responsabilité de ce dernier en tant qu'administrateur de Willows semble être d’au plus 116 033,30 $.

[6] Je me pencherai maintenant sur les avis de cotisation qui ont été établis à l'égard de l'appelante en vertu de l'article 325 à titre de cessionnaire. Du mois d'août 1993 au mois de janvier 1995, six avis de cotisation ont été établis à l'égard de l'appelante. Tous ont été produits en preuve en l'espèce et les renseignements pertinents à leur égard sont les suivants :

Pièce

Date

No de la cotisation

Période

Montant

A-8 a)

24 août 1993

15936

5 avril 1993

2 854,49 $

A-9 a)

24 août 1993

15937

21 janvier 1991 au 6 mai 1993

80 147,19 $

A-35

2 sept. 1993

15938

1er janv. 1991 au

6 mai 1993

33 031,62 $

A-10 a)

21 juin 1994

16406

9 mars 1992

20 000,00 $

A-11 a)

22 août 1994

15993

11 septembre 1992 au 30 novembre 1992

4 935,51 $

A-9 c)

27 janv. 1995

26549

21 janvier 1991 au 6 mai 1993

55 211,68 $

[7] Il faut souligner trois faits importants en ce qui concerne les six cotisations susmentionnées. D'une part, pour une raison quelconque, l'appelante ne s'est pas opposée à la cotisation 15938 datée du 2 septembre 1993 (pièce A-35), ni n'a interjeté appel de celle-ci. L'appelante reconnaît qu'elle est tenue de payer 33 031,30 $ aux termes de la cotisation 15938. D'autre part, la cotisation 26549 datée du 27 janvier 1995 a été établie en tant qu'avis de nouvelle cotisation pour remplacer la cotisation 15937 datée du 24 août 1993. En d'autres termes, du fait de la cotisation 26549, le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) a réduit la responsabilité de l'appelante de 24 935,51 $, en la faisant passer de 80 147,19 $ à 55 211,68 $. Enfin, les quatre cotisations qui sont les seules à être visées par les appels sont les suivantes : 15936, datée du 24 août 1993, 16406, datée du 21 juin 1994, 15993, datée du 22 août 1994, et 26549, datée du 27 janvier 1995.

[8] Sur chaque avis de cotisation, il y a une déclaration où l'on indique la source du transfert de bien effectué en faveur de l'appelante, soit son époux, Reginald Schafer, soit Willows. Les déclarations sur la source, qui ont été dactylographiées sur les six avis de cotisation respectifs, sont reproduites dans l'ordre dans lequel elles figurent dans le tableau dressé au paragraphe 6 précédemment.

[TRADUCTION]

Cotisation 15936, 24 août 1993, pièce A-8 a)

Cet avis de cotisation est établi relativement à la responsabilité prévue au paragraphe 325(1) de la Loi sur la taxe d'accise de payer le montant de 2 854,49 $, relativement à un transfert d'argent effectué par Willows Golf Corporation en faveur d'Adele Schafer le 5 avril 1993 ou vers cette date.

Cotisation 15937, 24 août 1993, pièce A-9 a)

Cet avis de cotisation est établi relativement à la responsabilité prévue au paragraphe 325(1) de la Loi sur la taxe d'accise de payer le montant de 80 147,19 $ relativement à des transferts d'argent effectués par Reginald Schafer en faveur d'Adele Schafer au cours de la période allant du 21 janvier 1991 au 6 mai 1993.

Cotisation 15938, 2 septembre 1993, pièce A-35

Cet avis de cotisation est établi relativement à la responsabilité prévue au paragraphe 325(1) de la Loi sur la taxe d'accise de payer le montant de 33 031,62 $ relativement à des transferts d'argent effectués par Reginald Schafer en faveur d'Adele Schafer au cours de la période allant du 1er janvier 1991 au 6 mai 1993.

Cotisation 16406, 21 juin 1994, pièce A-10 a)

Cet avis de cotisation est établi relativement à la responsabilité prévue au paragraphe 325(1) de la Loi sur la taxe d'accise de payer le montant de 20 000 $ relativement à un transfert d'argent effectué par Willows Golf Corporation en faveur d'Adele Schafer le 9 mars 1992 ou vers cette date.

Cotisation 15993, 22 août 1994, pièce A-11 a)

Cet avis de cotisation est établi relativement à la responsabilité prévue au paragraphe 325(1) de la Loi sur la taxe d'accise de payer le montant de 4 935,51 $ relativement à un transfert d'argent effectué par Willows Golf Corporation en faveur d'Adele Schafer au cours de la période allant du 11 septembre au 30 novembre 1992.

Cotisation 26549, 27 janvier 1995, pièce A-9 c)

Cet avis de cotisation est établi relativement à la responsabilité prévue au paragraphe 325(1) de la Loi sur la taxe d'accise de payer le montant de 55 211,68 $ relativement à des transferts de biens effectués par Reginald Schafer en faveur d'Adele Schafer au cours de la période allant du 21 janvier 1991 au 6 mai 1993.

[9] Dans l'appel en l'instance, les deux avocats se sont fondés sur l'hypothèse selon laquelle l'appelante ne pouvait faire l'objet d'une cotisation de plus de 116 033,30 $ en tant que cessionnaire parce que c'est le seul montant pour lequel une cotisation a été établie à l'égard de son époux en tant qu'administrateur de Willows en application de l'article 323. Voir le renvoi à la pièce A-7 au paragraphe 5 des présents motifs du jugement. Les six avis de cotisation établis à l'égard de l'appelante en tant que cessionnaire indiquent que Revenu Canada a également tenu pour acquis qu'il ne pouvait réclamer à cette dernière plus de 116 033,30 $. Ainsi, les trois premières cotisations 15936, 15937 et 15938 établies le 24 août et le 2 septembre 1993 s'élèvent au total à 116 033,30 $ exactement. Puis, par la suite, dans les cotisations 16406 et 15993 établies le 21 juin et le 22 août 1994, le ministre a exigé le paiement d'un autre montant de 24 935,51 $; mais, le 27 janvier 1995, dans la cotisation 26549, le ministre a réduit la responsabilité de l'appelante établie dans la cotisation 15937 de 24 935,51 $ exactement, c'est-à-dire de 80 147,19 $ à 55 211,68 $. Il s'ensuit que les quatre cotisations visées par les appels (15936, 16404, 15993 et 26549) s'élèvent au total à 83 001,68 $, et que la cotisation 15938, dont il n'a pas été interjeté appel, est de 33 031,62 $. Le total des cotisations qui figurent dans le tableau qui suit montre l'hypothèse de Revenu Canada selon laquelle les cotisations établies à l'égard de l'appelante ne pouvaient dépasser 116 033,30 $.

Cotisation 15936 (en appel)    2 854,49 $

Cotisation 16406 (en appel)    20 000,00

Cotisation 15993 (en appel) 4 935,51

Cotisation 26549 (en appel)    55 211,68

   83 001,68

Cotisation 15938 (pas en appel) 33 031,62

116 033,30 $

[10] L'avocat de l'appelante a fait valoir que les cotisations 16406 et 15993 établies le 21 juin et le 22 août 1994 respectivement sont nulles ou annulables pour le motif que le montant total (24 935,51 $) de ces deux cotisations dépasse la limite maximale de 116 033,30 $, montant qui avait déjà été réclamé dans les cotisations 15936, 15937 et 15938. Si l'appelante soutient à juste titre que les cotisations 16406 et 15993 sont nulles, les seules cotisations valides dont il est interjeté appel seraient donc 15936 et 26549. Subsidiairement, si les cotisations 16406 et 15993 ne sont annulables que parce que les montants qui y sont réclamés dépassent la limite maximale hypothétique de 116 033,30 $, ces cotisations auraient pu devenir valides le 27 janvier 1995, date à laquelle le ministre a établi la nouvelle cotisation 26549 pour remplacer la cotisation antérieure 15937 et réduire la responsabilité de l'appelante établie dans la cotisation antérieure de 24 935,51 $, en la faisant passer de 80 147,19 $ à 55 211,68 $.

[11] Je ne puis accepter l'argument de l'appelante relatif aux cotisations nulles ou annulables. Le paragraphe 325(1) vise deux fins : il énonce, dans sa partie liminaire, les conditions aux termes desquelles le cessionnaire et le cédant peuvent être solidairement responsables, et il impose, aux alinéas a) et b), une limite à la responsabilité du cessionnaire. La validité des cotisations visées par l'appel dépend des transferts de bien et de la responsabilité des cédants au moment du transfert. Elle ne dépend pas d'un quelconque montant maximum hypothétique qu'une cotisation établie à l'égard de l'appelante ne peut dépasser. En d'autres termes, chaque cotisation doit être examinée pour déterminer si elle satisfait aux conditions énoncées à l'article 325, dont la principale est l'existence d'un transfert de bien avec lien de dépendance. À mon avis, le ministre pourrait, en vertu de l'article 325, établir une douzaine de cotisations s'élevant au total à 1 000 000 $, et elles pourraient toutes être valides s'il y avait eu des transferts de bien appropriés et qu'il était satisfait aux autres conditions énoncées dans la partie liminaire du paragraphe 325(1). Si l'on examine toutes les cotisations dans leur ensemble, cependant, et que le total des montants que l'appelante pourrait par ailleurs être tenue de payer en vertu de nombreuses cotisations dépasse le montant maximum à l'égard duquel un ou plusieurs cédants étaient responsables au sens de l'alinéa 325(1)b), alors certaines cotisations devraient être déférées au ministre afin de réduire les montants des cotisations établies à l'égard de l'appelante pour que la responsabilité maximale de cette dernière aux termes de toutes les cotisations ne dépasse pas la responsabilité maximale d'un ou de plusieurs cédants. Toutes les cotisations visées par les appels sont valides si elles satisfont aux conditions énoncées à l'article 325. Si elles sont toutes valides, la responsabilité totale de l'appelante relativement à toutes les cotisations pourrait devoir être réduite pour équivaloir à la responsabilité totale d'un ou de plusieurs cédants ou à un montant moindre, selon les circonstances. À mon avis, l'argument de l'appelante sur les cotisations nulles ou annulables est mal conçu et il n'a aucune incidence sur l'issue des appels en l'instance.

[12] Même si l'argument de l'appelante relatif aux cotisations nulles ou annulables était fondé, je conclus qu'il n'y avait pas de montant maximum de 116 033,30 $ relativement auquel l'appelante pouvait faire l'objet d'une cotisation. Revenu Canada et les deux avocats paraissent avoir été obnubilés par l'unique cotisation (pièce A-7) qui a été établie à l'égard de Reginald Schafer à titre d'administrateur de Willows. Cette cotisation s'élevait à 116 033,30 $. Si seul Reginald Schafer avait transféré des biens à l'appelante, la responsabilité de cette dernière en tant que cessionnaire en application de l'article 325 aurait alors eu une limite maximale de 116 033,30 $. Si l'on se reporte à la preuve, toutefois, des transferts de biens ont été effectués directement par Willows en faveur de l'appelante. À mon avis, pendant toutes les périodes pertinentes, cette dernière avait un lien de dépendance avec Willows. Par conséquent, un transfert de bien effectué directement par Willows en faveur de l'appelante pouvait, en application de l'article 325, entraîner à l'égard de l'appelante une responsabilité établie en fonction du montant que Willows (et non Reginald Schafer) était tenue de payer sous le régime de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise.

[13] La question de savoir quand une société et un particulier sont des “ personnes liées ” est réglée à l'alinéa 251(2)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Plus particulièrement, aux termes du sous-alinéa (i), Reginald Schafer et Willows sont des personnes liées parce que Reginald Schafer contrôlait Willows. Aux termes du sous-alinéa (iii), l'appelante est liée à Willows parce qu'elle est liée à Reginald, son époux, en vertu de l'alinéa 251(6)b). Par conséquent, Adele Schafer est liée à Willows, elle a un lien de dépendance avec Willows, et elle peut être tenue responsable, en vertu de l'article 325, par suite de tout transfert de bien effectué directement par Willows en sa faveur. Dans les quatre cotisations visées par les appels et la cotisation 15938 (dont il n'a pas été interjeté appel), les cédants sont mentionnés sur les avis de cotisation respectifs :

No de la cotisation Cédant Montant

15936 Willows 2 854,49 $

16406 Willows 20 000

15993 Willows 4 935,51

26549 Reginald Schafer 55 211,68

15938 Reginald Schafer 33 031,62

[14] Les six cotisations de TPS établies à l'égard de Willows dont il n'a pas été interjeté appel sont énumérées au paragraphe 5 ci-dessus. D'après ces cotisations, la responsabilité totale de Willows s'élève à 131 668,08 $. Par conséquent, la responsabilité maximale de Reginald Schafer à titre d'administrateur de Willows était de 131 668,08 $, bien qu'il ait fait l'objet d'une cotisation de 116 033,30 $ seulement à titre d'administrateur (pièce A-7). De même, la responsabilité maximale de l'appelante en tant que cessionnaire dans le cadre d'un transfert de bien avec lien de dépendance effectué par Reginald Schafer et Willows était de 131 668,08 $, bien qu'elle ait fait l'objet d'une cotisation de 116 033,30 $ seulement. Il semble y avoir un montant supplémentaire de 15 634,78 $ relativement auquel l'appelante aurait pu faire l'objet d'une cotisation à titre de cessionnaire dans le cadre du transfert effectué par Reginald Schafer ou par Willows s'il y avait eu des transferts de bien acceptables et si les cotisations établies à l'égard de Willows (pièces A-1 à A-6) n'avaient pas été payées et qu'elles sont cumulatives, ainsi que les parties concernées en l'espèce l'ont présumé.

[15] Deux des cotisations établies à l'égard de Willows se rapportaient à des montants estimatifs de taxe, établis en fonction du revenu brut de Willows, sans égard aux crédits de taxe sur les intrants possibles. La pièce A-5 est une cotisation de 45 000 $ établie pour la période du 1er août au 31 octobre 1992. La pièce A-6 est une cotisation de 25 000 $ (sauf les intérêts et les pénalités) établie pour la période du 2 novembre 1992 au 31 janvier 1993. L'avocat de l'appelante a tenté de prouver que les montants réclamés dans les pièces A-5 et A-6 étaient excessifs étant donné l'entreprise de Willows. Je me demande si une personne qui a fait l'objet d'une cotisation en tant que cessionnaire en application de l'article 325 de la législation portant sur la TPS (ou de l'article 160 de la Loi de l'impôt sur le revenu) peut contester les cotisations sous-jacentes établies à l'égard du cédant si ces cotisations sous-jacentes n'ont pas été contestées par le cédant lui-même.

[16] Dans l'affaire Thorsteinson v. M.N.R., 80 DTC 1369, on a tenu pour acquis, sans discussion de la part du président d'audience de la Commission de révision de l'impôt, que le bénéficiaire d'un transfert (en vertu de l'article 160 de la Loi de l'impôt sur le revenu) pouvait contester la cotisation sous-jacente établie à l'égard de l'auteur du transfert. Dans Ramey v. The Queen, 93 DTC 791, un contribuable a été l'objet d'une cotisation relativement à des transferts effectués par son père en sa faveur. Mon collègue le juge Bowman a admis l'appel en partie parce que les cotisations établies à l'égard du père faisaient l’objet d’un appel, et que Revenu Canada avait admis que les cotisations établies à l'égard du père devraient être réduites. Dans Sarraf v. The Queen, 94 DTC 1506, le juge Bowman a rejeté l'appel, mais il a dit ceci : “ Le bénéficiaire du transfert peut évidemment contester l'exactitude de la cotisation imposée à l'auteur du transfert, même si ce dernier ne l'a pas fait [...] ”. Dans Acton v. The Queen, 95 DTC 107, il était question d'un transfert de bien effectué par un homme en faveur de son épouse. Celle-ci a interjeté appel et elle s'est fait représenter en cour par son époux, qui a également témoigné sur les difficultés qu'il avait eues précédemment avec Revenu Canada. Le juge Bowman a admis l'appel après avoir accepté le témoignage de l'époux relativement à sa propre responsabilité (ou absence de responsabilité) à l'égard de l'impôt sur le revenu. La décision rendue dans l'affaire Acton a été prononcée oralement sous le régime de la procédure informelle. Dans d'autres affaires, le juge Bell dans Route Canada Real Estate v. The Queen, 95 DTC 502, et le juge Sobier dans Kraychy v. The Queen, 96 DTC 1479, ont statué que le bénéficiaire du transfert avait le droit de contester la cotisation sous-jacente établie à l'égard de l'auteur du transfert.

[17] Pour ma part, j'aurais cru que le cessionnaire ne peut attaquer la cotisation sous-jacente établie à l'égard du cédant si celui-ci ne s'y est pas opposé ou n'a pas interjeté appel. L'article 299 relatif à la TPS se lit comme suit :

299(3) Sous réserve d'une nouvelle cotisation et d'une annulation prononcée par suite d'une opposition ou d'un appel fait selon la présente partie, une cotisation est réputée valide et exécutoire.

299(4) Sous réserve d'une nouvelle cotisation et d'une annulation prononcée lors d'une opposition ou d'un appel fait selon la présente partie, une cotisation est réputée valide et exécutoire malgré les erreurs, vices de forme ou omissions dans la cotisation ou dans une procédure y afférent en vertu de la présente partie.

Voir aussi le paragraphe 152(8) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Si la personne qui transfère un bien ne s'est pas opposée à sa propre cotisation ni n'a interjeté appel, celle-ci est “ réputée valide et exécutoire ”. Sur quoi le cessionnaire peut-il se fonder pour attaquer une cotisation valide et exécutoire établie à l'égard du cédant? À première vue, on pourrait penser que le cessionnaire, qui n'est pas principalement responsable, doit avoir un certain droit en equity de contester la responsabilité du cédant. À mon avis, cependant, le transfert de bien sans contrepartie et le lien de dépendance entre le cédant et le cessionnaire (ces deux conditions sont requises par la loi) diminuent le droit en equity qui pourrait par ailleurs jouer en faveur du cessionnaire.

[18] Permettre au cessionnaire de contester la responsabilité du cédant suscite d'autres difficultés. Je tiendrai les faits suivants pour acquis : a) l'époux, cédant, n'interjette pas appel de sa propre cotisation; b) l'épouse, cessionnaire, interjette appel de la cotisation établie à son égard et convainc le juge de la Cour que le montant réclamé à son époux, le cédant, devrait être réduit; c) Revenu Canada ne peut percevoir tout le montant ainsi réduit auprès de l'épouse cessionnaire; et d) l'époux cédant gagne un important montant d'argent à la loterie tout de suite après le jugement de la Cour qui accueille en partie l'appel de l'épouse cessionnaire. En vertu de l'article 325, l'époux est encore solidairement responsable. Combien Revenu Canada peut-il tenter de percevoir auprès de l'époux? Si la cotisation établie à l'égard de l'époux n'a fait l'objet d'aucun appel et qu'elle est donc valide et exécutoire, Revenu Canada peut-il percevoir le plein montant réclamé à l'époux dans la cotisation? L'époux peut-il se défendre contre toute action en recouvrement de Revenu Canada en soutenant que sa responsabilité a été réduite par suite du jugement rendu dans l'appel de son épouse? Si le cessionnaire peut attaquer la cotisation sous-jacente établie à l'égard du cédant, la réduction de la responsabilité du cédant qui en résulte ne bénéficie-t-elle qu'au cessionnaire? Si un contribuable n'a pas interjeté appel de sa propre cotisation, devrait-il être encouragé à ne pas payer l'impôt et à transférer tous ses biens à son épouse de façon que celle-ci puisse attaquer la cotisation établie à l'égard de son époux dans le cadre de son appel en tant que cessionnaire?

[19] En dépit de l'opinion de mes collègues dans les affaires citées, je conclus que, dans le cadre d'un appel interjeté à l'encontre d'une cotisation établie en vertu de l'article 325, le cessionnaire ne peut contester la cotisation établie à l'égard du cédant. Il est dommage que la Cour n'ait pas l'avantage d'une décision rendue par un tribunal d'instance supérieure sur cette question. Comme ma conclusion pourrait être erronée, je me propose de revoir brièvement la preuve sur laquelle l'appelante s'est fondée pour contester les deux cotisations “ estimatives ” (pièces A-5 et A-6) établies à l'égard de Willows.

[20] Willows exploitait un nouveau club de golf qui avait été aménagé au cours de la période allant de 1989 à 1991. Il a ouvert ses portes officiellement le 1er juillet 1991. Pendant les périodes pertinentes, Willows était contrôlée par Reginald Schafer (l'époux de l'appelante), et les seuls administrateurs de Willows étaient Reginald Schafer et Sandra Zapshala. Dans une ordonnance de la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan datée du 2 novembre 1992 (pièce A-29), Coopers & Lybrand Limited a été nommée séquestre pour administrer les loyers et les profits revenant à Willows. L'ordonnance judiciaire a été obtenue sur demande de certains créanciers. Dans une autre ordonnance de la même Cour datée du 6 mai 1993 (pièce A-30), Jeffrey Pinder & Associates Inc. a été nommée “ séquestre intérimaire ” dans la faillite de Willows. M. Pinder a témoigné à l'audition des appels interjetés en l'instance par Adele Schafer à l'encontre des quatre cotisations de TPS établies à son égard.

[21] M. Pinder était un témoin très crédible. Il a déclaré qu'il avait eu pour mandat d'exploiter le Club de golf Willows à compter du 6 mai 1993, jusqu'à ce qu'il puisse être vendu. Le Club a en fait été vendu au printemps de 1994. Il a déclaré que le Club de golf Willows n'avait à peu près aucun registre financier pour la période antérieure au 2 novembre 1992, date à laquelle Coopers & Lybrand Limited a été nommée séquestre des créanciers. M. Pinder a conclu que Reginald Schafer avait géré le Club de golf au cours de la période précédant sa nomination à titre de séquestre intérimaire. Cette conclusion est appuyée par certaines affirmations du juge Wedge de la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan, division de la faillite (17 juin 1994), dans une demande de Coopers & Lybrand Limited en recouvrement de tous ses honoraires facturés. Ces honoraires ont été réduits en partie parce que le juge Wedge a conclu que Reginald Schafer était autorisé à continuer à gérer le Club de golf après la nomination de Coopers & Lybrand Limited le 2 novembre 1992. Voir 122 S.R., page 75. En appel, l'ordonnance du juge Wedge a été modifiée, mais elle a été confirmée en substance. Voir [1995] 9 W.W.R. 1.

[22] La véritable question formulée par l'avocat de l'appelante est de savoir si les montants estimatifs de 45 000 $ (pièce A-5) et de 25 000 $ (pièce A-6) peuvent être maintenus. La TPS de 45 000 $ se rapporte à la période de trois mois allant du 1er août au 31 octobre 1992. Wade Hudyma (un témoin appelé par l'appelante) a été directeur de golf au Club de golf Willows à compter de la date de l'ouverture de celui-ci le 1er juillet 1991, jusqu'à l'audition des appels en l'instance. Il était chargé de toutes les activités se rapportant au golf à Willows, y compris de l'entretien et de la gestion des deux parcours de 18 trous, du champ d'exercice et de la boutique du pro. Il n'assumait aucune fonction relative à la comptabilité ou à la tenue de livres pour Willows, mais la boutique du pro était chargée de percevoir les frais d'entrée. D'après M. Hudyma, en 1991 et en 1992, seulement 100 membres environ auraient payé des frais annuels d'inscription de 1 200 $. Les frais d'entrée de 32 $ en 1992 incluaient l'utilisation d'une voiturette mais, en 1993, il y avait deux taux : 24 $ pour le golfeur qui marchait et 32 $ pour le golfeur qui utilisait une voiturette. Les parties de golf ont connu une augmentation en 1993 par rapport à 1991 et 1992.

[23] Ronald Gilewicz, un employé de Revenu Canada, a été appelé par l'appelante à témoigner. M. Gilewicz connaissait bien les dossiers de l'appelante, de son époux et de Willows. De plus, M. Gilewicz était un administrateur du Saskatoon Golf and Country Club en 1988, 1989 et 1990 et il connaissait bien la nouvelle entreprise de Willows. Il a déclaré que Reginald Schafer lui avait dit qu'environ 70 000 parties de golf avaient été jouées sur les deux parcours de 18 trous de Willows en 1992. M. Gilewicz a déclaré que, d'après l'expérience vécue à son propre club, ce chiffre n'était pas déraisonnable puisque les cinq meilleurs mois de golf (mai à septembre) comptaient 150 jours. Dans le cas d'un parcours de 18 trous sur lequel, en moyenne, 200 parties par jour peuvent être jouées, 30 000 parties pourraient être jouées au cours de ces cinq mois seulement. Par conséquent, le chiffre de 35 000 parties serait raisonnable pour une saison entière et celui de 70 000 parties pour deux parcours de 18 trous serait également raisonnable. À un prix moyen de 30 $ par partie, 70 000 parties engendreraient des frais d'entrée bruts de 2 100 000 $. Même si le total des frais d'entrée pour 1992 équivalait à la moitié de ce montant seulement (c'est-à-dire à 1 050 000 $), la TPS à payer serait de 73 500 $, soit 7 p. 100 du montant en question.

[24] Les calculs approximatifs effectués dans le paragraphe précédent ne prennent pas en compte les ventes effectuées par la boutique du pro ou le restaurant. Je ne puis conclure que la cotisation estimative de 45 000 $ pour la période du 1er août au 31 octobre 1992 (pièce A-5) était erronée ou déraisonnable. Il en est de même de la cotisation estimative de 25 000 $ pour la période du 2 novembre 1992 au 31 janvier 1993 (pièce A-6). On pourrait raisonnablement inférer qu'aucune partie de golf n'a été jouée à Saskatoon aux mois de novembre, de décembre et de janvier, mais la preuve a montré que le restaurant était ouvert pendant tout l'hiver. L'avocat de l'appelante a souligné que pour que la TPS à payer s'élève à 25 000 $, il faudrait des transactions d'une valeur de 350 000 $. C'est tout à fait vrai si l'on s'en remet au bon sens, mais, en ce qui concerne la preuve, je n'ai aucune indication de ce qui s'est effectivement produit à Willows du 2 novembre 1992 au 31 janvier 1993.

[25] M. Gilewicz a déclaré que Willows n'avait produit de déclarations de TPS que pour les trois périodes se terminant le 1er janvier, le 30 avril et le 31 juillet 1991. Dans ces déclarations, Willows n'a déclaré aucune taxe, mais elle a demandé des crédits de taxe sur les intrants. Aucune déclaration n'a été produite pour quelque partie que ce soit de l'année 1992 ou pour les trois premiers mois de l'année 1993. L'omission de l'appelante d'appeler Reginald Schafer à témoigner invalide à mon avis la contestation par l'appelante des cotisations estimatives (pièces A-5 et A-6). L'avocat de l'appelante a reconnu en plaidoirie que M. Schafer était présent à la Cour avec son épouse (l'appelante), et cela depuis l'ouverture de l'audience.

[26] M. Pinder a cru comprendre que M. Schafer gérait le Club de golf Willows au cours de la période qui a précédé immédiatement sa nomination (de Pinder) à titre de séquestre le 6 mai 1993. M. Pinder a aussi conclu qu'un montant important de frais d’adhésion payés après la nomination de Coopers & Lybrand Limited comme séquestre le 2 novembre 1992, mais avant sa propre nomination le 6 mai 1993, avait été en fait perçu et conservé par M. Schafer, et qu'il n'avait pas été inscrit dans les livres et les registres de Willows. L'avocat de l'appelante veut que je conclue que les cotisations estimatives de 45 000 $ et de 25 000 $ ne sont pas raisonnables et qu'elles doivent être infirmées ou réduites, mais il n'offre à l'appui de cette conclusion que des insinuations et des inférences de MM. Pinder et Hudyma alors que M. Schafer, l'homme qui a géré le Club de golf Willows au cours des périodes visées par les cotisations estimatives (août 1992 à janvier 1993), se trouvait dans la salle d'audience sans qu’il ne soit appelé à témoigner.

[27] Il existe une règle bien établie selon laquelle l'omission d'une partie ou d'un témoin de témoigner alors qu'il est en mesure de le faire et grâce à qui les faits auraient pu être élucidés autorise un tribunal à inférer que le témoignage de la partie ou du témoin en question aurait été défavorable à la partie à qui l'on attribue l'omission. Voir : Murray v. Saskatoon, [1952] 2 D.L.R. 499, pages 505 et 506; et “ The Law of Evidence in Civil Cases ” page 535, par Sopinka et Lederman, Butterworths, 1974. J'attribue à l'appelante l'omission d'appeler son époux à témoigner et j'infère de cette omission que son témoignage aurait été défavorable à l'appelante relativement à la TPS que Willows devait véritablement payer pour la période du mois d'août 1992 au mois de janvier 1993.

[28] En résumé, la preuve sur laquelle se fonde l'appelante pour contester les deux cotisations estimatives ne me persuade pas du tout de modifier ces cotisations. Je répète ma conclusion fondamentale, cependant, que, lorsqu'il interjette appel d'une cotisation établie en vertu de l'article 325, le cessionnaire ne peut contester la cotisation sous-jacente établie à l'égard du cédant.

[29] Mis à part les arguments concernant les cotisations annulables et la responsabilité sous-jacente de Willows, l'appelante a contesté un certain nombre de montants précis qui lui ont été réclamés dans des cotisations établies à son égard. La cotisation 16406 établie le 21 juin 1994 pour un montant de 20 000 $ est fondée sur un transfert effectué par Willows en faveur de l'appelante le 9 mars 1992 ou vers cette date. La pièce 34 e) est une copie d'un chèque de 20 000 $ émis le 9 mars 1992 par Willows (signé par Reginald Schafer) à l'ordre de l'appelante. La deuxième page de la pièce 34 e) montre que l'appelante a déposé le chèque de 20 000 $ dans son propre compte bancaire le 9 mars 1992.

[30] L'appelante a déclaré qu'avant l'ouverture du Club de golf Willows, lorsqu'il y avait insuffisance de fonds, il lui est arrivé d'acheter des meubles et des fournitures à même son compte pour utilisation par le Club de golf ou par la boutique du pro. La pièce A-36 est une copie d'une carte de crédit qui fait état de certains achats effectués à Scottsdale, en Arizona, en mai 1991. L'appelante a déclaré qu'elle-même et une autre personne s'étaient rendues à Scottsdale pour effectuer des achats pour le Club de golf et que le chèque de 20 000 $ du 9 mars 1992 visait à la rembourser. Le montant de 15 000 $ était un remboursement de ses frais remboursables et le solde de 5 000 $ représentait des honoraires pour ses services. Elle a admis qu'elle n'avait pas déclaré ces honoraires en 1992 aux fins de l'impôt sur le revenu.

[31] Il n'y a en preuve aucune facture qui appuie les prétendus achats de 15 000 $. Il n'y a eu aucune preuve sur la façon dont les achats effectués en Arizona étaient importés au Canada. Il n'y a eu aucune preuve sur la raison pour laquelle l'appelante achetait des fournitures en Arizona alors que le dollar américain valait 16 p. 100 de plus (voir la pièce A-36) et sur la question de savoir si ces fournitures étaient destinées à la revente en dollars canadiens dans la boutique du pro. Il n'y a eu aucune preuve sur la question de savoir si l'appelante ou Willows avaient effectué une analyse des prix pour déterminer s'il était préférable d'acheter certains produits au Canada ou aux États-Unis. Il n'y a eu aucune preuve sur les instructions que l'appelante a reçues de Willows (c'est-à-dire de son époux) lorsqu'elle a entrepris ce magasinage ou sur la façon dont ses prétendus honoraires de 5 000 $ ont été établis.

[32] J'estime que le témoignage de l'appelante sur ce montant de 20 000 $ est tout simplement non crédible. Je ne crois pas qu'elle ait acheté à même son propre compte des meubles ou fournitures pour Willows, qu'il y ait jamais eu de factures ou qu'elle ait attendu 10 mois (du mois de mai 1991 au mois de mars 1992) pour se faire rembourser. J'estime que l'appelante n'a rien donné en retour du montant de 20 000 $ et qu'il s'agissait d'un transfert de fonds à titre gratuit par Willows en faveur de l'appelante. Cette dernière ne s'est pas acquittée de la charge de la preuve relativement au montant de 20 000 $. Son époux n'a pas témoigné sur cette question.

[33] L'appelante soutient que certains paiements effectués à la Banque Royale du Canada par Reginald Schafer ou une société qu'il contrôlait étaient destinés à acquitter les obligations solidaires de Reginald Schafer et de l'appelante envers la Banque Royale, comme en témoigne le billet à ordre produit sous la cote A-23. En 1981, l'appelante et Reginald Schafer étaient les propriétaires inscrits de la maison située au 118, Lakeshore Terrace à Saskatoon. À cette époque, deux hypothèques de 150 000 $ en tout grevaient la maison en faveur de la Banque de Nouvelle-Écosse. En décembre 1981, l'appelante et son époux ont emprunté 250 000 $ à la Banque Royale du Canada et remis à celle-ci un billet à ordre (pièce A-23) comme preuve de leur dette. Ils ont utilisé le produit du prêt consenti par la Banque Royale pour acquitter les hypothèques (150 000 $) détenues par la Banque de Nouvelle-Écosse, pour payer certains coûts de construction (50 000 $) sur leur maison, et pour rembourser une dette d'environ 50 000 $ relativement à l'exploitation agricole de Reginald Schafer. L'appelante et son époux ont consenti à la Banque Royale une hypothèque (pièce A-24) sur leur maison du 118, Lakeshore Terrace en garantie du prêt de 250 000 $. Pendant toutes les périodes pertinentes postérieures au mois de décembre 1981, l'appelante et Reginald Schafer sont demeurés solidairement responsables envers la Banque Royale relativement au montant dû sur le billet à ordre.

[34] Au mois de mai 1994, la résidence familiale des Schafer a été enregistrée au nom de l'appelante seule; Reginald Schafer a cessé d’être copropriétaire. Voir les pièces A-28 et A-27. La Banque Royale a continué de détenir une hypothèque sur la maison en garantie du billet à ordre (pièce A-23) à l'égard duquel l'appelante et Reginald Schafer ont continué d'être solidairement responsables. Dix chèques de 2 854,49 $ chacun, tous faits à l'ordre de la Banque Royale, ont été produits en preuve. Voir les pièces A-34 f), g), i), q), r), t), v), x), y) et bb). Chaque chèque a été émis par Reginald Schafer sur le compte d'une compagnie qu'il contrôlait, et représentait un paiement mensuel sur le billet à ordre.

[35] L'appelante soutient qu'elle et son époux sont tous deux des débiteurs principaux pour ce qui est du billet à ordre. Reginald Schafer est demeuré un débiteur principal concernant ce billet même après que la résidence familiale eut été transférée à l'appelante seule au mois de mai 1984. Par conséquent, tout paiement fait par Reginald Schafer (ou l'une de ses compagnies) à la Banque Royale relativement au billet à ordre était un paiement fait par lui à titre de débiteur principal et n'était pas un transfert de bien en faveur de l'appelante. L'hypothèque grevant la résidence familiale ne constitue une garantie que pour la dette dont fait état le billet à ordre.

[36] Il est vrai que Reginald Schafer est demeuré débiteur principal à l'égard du billet à ordre tant qu'une partie de la dette dont ce billet faisait état est demeurée impayée. D'après la preuve, le seul bien détenu par la Banque Royale en garantie de la dette était l'hypothèque grevant la résidence familiale des Schafer; après le mois de mai 1984, l'appelante était l'unique propriétaire de cette résidence. Par conséquent, la propriété de l'appelante sise au 118, Lakeshore Terrace, était grevée de l'hypothèque consentie à la Banque Royale, et la valeur nette de cette propriété était réduite du montant dû sur la dette dont faisait foi le billet à ordre. Inversement, tous les paiements faits à la Banque Royale relativement au billet à ordre ont réduit la dette d'autant et accru la valeur nette de la propriété de l'appelante.

[37] Je ne puis accepter l'argument de l'appelante selon lequel tout paiement fait à la Banque Royale par Reginald Schafer ou l'une de ses compagnies était un paiement à titre de débiteur principal et non un transfert de bien. Seule la propriété de l'appelante était à risque si la dette n'était pas remboursée. La valeur nette de la propriété sise au 118, Lakeshore Terrace, augmentait chaque fois qu'un paiement était fait à la Banque Royale. Le paragraphe 325(1) décrit une personne qui “ transfère un bien, directement ou indirectement, par le biais d'une fiducie ou par tout autre moyen [...] ”. Ces termes ont une très large portée. À mon avis, lorsqu'une contribuable hypothèque sa propriété pour garantir la dette de son époux et que seule sa propriété est à risque, un paiement par l'époux sur sa propre dette peut être considéré comme un transfert de bien au sens du paragraphe 325(1).

[38] Je me suis penché sur un cas semblable dans l'affaire Doris White v. The Queen, 95 DTC 877, où une femme et son époux maintenaient un compte bancaire conjoint. Le passage pertinent de la décision que j'ai rendue dans l'affaire White figure à la page 880 :

[...] Lors de l'ouverture de la banque, le 5 mars 1984, le solde du compte conjoint n'était que de 7 500 $. Cette journée-là, M. Howard White a déposé un chèque de 126 000 $ fait à son ordre et l'appelante a immédiatement émis un chèque de 126 037,74 $ afin de rembourser l'hypothèque grevant la maison dont elle était l'unique propriétaire. Dans l'affaire Fasken Estate v. M.N.R., 49 DTC 491, le président Thorson a dit à la page 497 :

Le mot “transfert” n'est pas un terme de l'art et n'a pas un sens technique. Il n'est pas nécessaire qu'un transfert de biens par un mari en faveur de son épouse soit fait sous une forme particulière ni qu'il le soit directement. Il suffit que le mari agisse de façon à se départir des biens et les remettre à son épouse, c'est-à-dire transporter les biens de l'un à l'autre. Les moyens d'arriver à cette fin, qu'ils soient directs ou non, peuvent être à juste titre appelés un transfert.

Si l'on applique la décision rendue dans l'affaire Fasken aux faits de l'espèce, M. Howard White s'est départi de 126 000 $ et ce montant a été remis à l'appelante (son épouse) à titre de propriétaire unique de la maison sise au 61, boulevard Shallmar. De plus, le paragraphe 160(1) est formulé de façon très large en ce qui concerne le transfert de biens “directement ou indirectement, au moyen d'une fiducie ou de toute autre façon”. Selon moi, et compte tenu des circonstances de l'opération, il y a eu transfert d'un bien (c.-à-d. du montant de 126 000 $) de M. Howard White à l'appelante en 1984 au sens du paragraphe 160(1).

[39] Les faits dans l'affaire White sont manifestement différents mais, par analogie, tout paiement effectué par Reginald Schafer (ou l'une de ses compagnies) à la Banque Royale était un transfert d'argent à la Banque qui augmentait directement la valeur nette de la propriété de l'appelante.

[40] La pièce A-34 x) est un chèque émis par Willows à la Banque Royale. Il est à la base de la cotisation 15936 (pièce A-9 c)). Si ma conclusion à l'égard des autres chèques émis à l'ordre de la Banque Royale était erronée, la cotisation 15936 serait tout de même maintenue parce que (i) Willows n'était pas un débiteur principal relativement au billet à ordre, (ii) l'appelante était un débiteur principal relativement au billet à ordre, et (iii) elle avait un lien de dépendance avec Willows.

[41] L'appelante soutient que trois montants précis inclus dans sa cotisation n'étaient pas des transferts effectués par Reginald Schafer ou Willows. La pièce A-34 l) est le bordereau d'un dépôt effectué dans le compte de l'appelante à la Banque Toronto-Dominion, indiquant que, le 3 août 1992, elle a déposé 7 900 $ en argent. Ce montant a été inclus dans la cotisation 26549 (pièce A-9 c)) à titre de transfert effectué par Reginald Schafer. Selon le témoignage non contredit de l'appelante, elle a gagné le montant de 7 900 $ à l'hippodrome Marquis Downs à Saskatoon; elle détenait un billet de “ pari tiercé ” sur un cheval nommé “ Joshua’s Hero ”. Son témoignage a été appuyé par M. Dwayne Yuzik, le directeur des paris mutuels à Marquis Downs, qui a déclaré qu'il était à l'hippodrome ce jour-là; il savait qu'il régnait une grande excitation parce qu'un parieur détenait le billet de pari tiercé gagnant; il savait que M. et Mme Schafer étaient des clients réguliers, et il croyait comprendre que le billet gagnant était détenu par M. et Mme Schafer. J'admets le témoignage de l'appelante et je réduirai la cotisation 26549 de 7 900 $.

[42] La pièce A-34 n) est un bordereau de dépôt qui montre que l'appelante a déposé 715 $ dans son compte de la Banque Toronto-Dominion le 15 octobre 1992. J'accepte le témoignage de l'appelante selon lequel une partie de ce montant était un cadeau de sa mère parce que le dépôt a été effectué vers la date de son anniversaire de mariage. Je réduirai la cotisation 26549 d'un autre 200 $.

[43] La cotisation 15993 de 4 935,51 $ établie le 22 août 1994 (pièce A-11 a)) était basée sur certains crédits du commerçant imputés par Willows à des cartes de crédit personnelles. L'appelante admet qu'entre le 1er août et le 31 octobre 1992, Willows a transféré 1 200 $ à sa carte de crédit personnelle. Elle conteste le solde de 3 735,51 $ parce qu'il représente des transferts effectués par Willows à des cartes de crédit qu'elle détenait conjointement avec Reginald Schafer, et elle soutient que ces cartes étaient utilisées presque exclusivement par ce dernier. Selon la preuve, l'appelante et Reginald Schafer étaient solidairement responsables des montants dus sur ces cartes de crédit. De même, M. Gilewicz a déclaré que, lorsqu'il a établi une cotisation à l'égard de l'appelante relativement à différents transferts par Willows de crédits de commerçant à des cartes de crédit détenues solidairement par l'appelante et son époux, Revenu Canada n'a utilisé que 50 p. 100 des crédits de commerçant imputés par Willows. À mon avis, l'appelante ne s'est pas acquittée de la charge de la preuve. Je ne modifierai pas la cotisation 15993.

[44] Le dernier argument se rapporte à la question de savoir si certains montants inclus dans la cotisation 26549 de 55 211,68 $ établie le 27 janvier 1995 avaient déjà été inclus dans la cotisation 15938 de 33 031,62 $ (dont il n'a pas été interjeté appel) établie le 2 septembre 1993. La pièce A-45 est une analyse des dépôts effectués dans le compte bancaire de l'appelante par son époux, par des compagnies que ce dernier contrôlait ou par des personnes agissant pour son compte. Ces dépôts s'élèvent à 55 211,68 $ et sont à la base de la cotisation 26549. Avant l'audience, l'intimée n'avait pas fourni la liste des transferts sur laquelle Revenu Canada s'était fondé pour établir la cotisation 15938, alors qu'elle s'était engagée à le faire. À l'audition, M. Gilewicz a produit la pièce R-17, qui se présente comme étant une liste des montants sur lesquels Revenu Canada s'est fondé pour établir la cotisation 15938. M. Gilewicz a déclaré que la pièce R-17 prouve que Revenu Canada aurait pu établir une cotisation de plus de 33 031,62 $ le 2 septembre 1993, n'eût été la soi-disant limite de 116 033,30 $. En contre-interrogatoire, cependant, M. Gilewicz a admis que les montants suivants, qui figurent à la pièce R-17, se trouvent également à la pièce A-45 :

15 avril 1992 dépôt en argent 1 500 $

12 septembre 1992 dépôt en argent 1 200 $

15 octobre 1992 dépôt en argent 650 $

TOTAL 3 350 $

Je réduirai la cotisation 26549 du montant de 3 350 $.

[45] En résumé, les appels des cotisations 15936, 16406 et 15993 sont rejetés. L'appel de la cotisation 26549 est accueilli, de sorte que le montant de la cotisation sera réduit de 7 900 $ (gagné aux courses) et de 3 350 $, inclus à deux reprises. Je remarque que le montant de 650 $ du 15 octobre 1992, inclus à deux reprises, englobe le cadeau d'anniversaire de mariage de 200 $ admis pour d'autres raisons.

[46] J'accorderais normalement les frais à l'intimée parce que les cotisations sont maintenues en substance. Je remarque toutefois que, lors de l'interrogatoire préalable, l'intimée s'est engagée à indiquer les transferts sur lesquels elle s'est appuyée pour établir la cotisation 15938 (dont il n'a pas été interjeté appel), mais qu'elle a omis de le faire jusqu'à ce que la preuve soit presque terminée. La communication de cette information avant l'audience aurait peut-être abrégé le procès. Par conséquent, j'accorderai à l'intimée la moitié seulement de ses frais entre parties.

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de janvier 1998.

“ M. A. Mogan ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 25e jour de février 1998.

Benoît Charron, réviseur

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