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Date: 199712023

Dossiers: 96-3904-IT-I; 96-3905-IT-I

ENTRE:

CHARLES BAYNHAM, LINDA BAYNHAM,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Margeson, C.C.I.

[1] Les deux appelants ont interjeté appel devant cette cour contre une cotisation établie par le ministre du Revenu national (le “ministre”); les avis de cotisation étaient datés du 7 juillet 1995 et se rapportaient à l’année d’imposition 1992.

[2] En établissant les cotisations, le ministre a inclus dans le revenu des appelants une prime et un revenu en intérêts que ceux-ci avaient touchés en prêtant de l’argent.

[3] De plus, le ministre a imposé aux appelants une pénalité en vertu des dispositions du paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la “Loi”) ainsi que les arriérés d’intérêt pour l’année en question.

[4] Il a été convenu au départ que la preuve présentée dans un appel s’appliquerait également à l’autre, le cas échéant.

Les faits

[5] M. Leslie Allen Bjola était président-directeur général de 3840 Holdings Ltd. (l’“emprunteur”), une compagnie de développement. Il a rencontré les appelants en 1987; il a par la suite construit une maison pour ceux-ci et ils sont devenus de bons amis.

[6] En 1992, l’emprunteur avait des intérêts dans un projet d’habitations en rangée à Sooke (Colombie-Britannique) et il avait besoin d’argent. M. Bjola a communiqué avec les appelants pour leur demander d’injecter des capitaux dans l’entreprise. En fin de compte, les fonds ont été avancés à l’emprunteur qui de son côté a accordé une hypothèque de deuxième rang aux appelants sur certaines de ses propriétés et a signé en leur faveur un billet de 12 500 $ qui venait à échéance le 5 octobre 1992.

[7] Les appelants ont obtenu le prêt de 50 000 $ de la Banque Royale du Canada à l’aide de leur ligne de crédit. Ils ont de leur côté consenti une hypothèque à la banque à titre de garantie additionnelle.

[8] Le témoin a informé les appelants qu’ils ne risquaient pas de perdre le principal parce qu’il l’avait garanti. En outre, selon les dispositions qui avaient été prises, une prime et des intérêts devaient être versés aux appelants. Les intérêts devaient être payés mensuellement et la prime devait être payée même si l’hypothèque était conservée jusqu’à l’échéance.

[9] Les appelants devaient essentiellement recevoir des intérêts mensuellement et une somme de 25 000 $ lorsque le prêt serait remboursé ainsi que le principal.

[10] Le témoin a dit qu’il connaissait les diverses exigences qui s’appliquaient aux prêteurs commerciaux, en ce qui concerne par exemple les évaluations, les plans d’entreprise, les engagements relatifs à la location, les renseignements concernant le zonage, les recherches de titre et les provisions pour intérêt. Les appelants (les “prêteurs”) n’avaient besoin d’aucun de ces documents afin d’accorder le prêt à l’emprunteur.

[11] Les appelants devaient en outre obtenir des conseils juridiques indépendants.

[12] Le témoin a soutenu que les prêteurs ne considéraient pas l’entente de la même façon qu’un prêteur régulier le ferait.

[13] De toute évidence, le témoin croyait que la valeur nette des propriétés des emprunteurs était suffisante pour protéger les intérêts des prêteurs.

[14] L’emprunteur a fait l’objet d’une vérification par Revenu Canada et a par la suite envoyé une lettre au ministre le 8 mai 1995. Dans cette lettre, on informait le ministre des conditions du prêt consenti par les appelants, des intérêts et de la prime qui étaient payés ainsi que des dates de leur paiement.

[15] L’emprunteur considérait les 25 000 $ comme des frais d’intérêts aux fins de sa comptabilité et des déclarations.

[16] Le témoin a dit que les appelants payaient un taux d’intérêt de 9,25 p. 100 sur leur ligne de crédit. Il croyait que c’était le même taux que celui qu’ils obtiendraient de l’emprunteur à l’égard de l’hypothèque. Il a confirmé que les intérêts étaient payés tous les mois et que les appelants ont reçu les intérêts, la prime et le principal par suite du prêt.

[17] L’appelant Charles Baynham était directeur d’une installation de fabrication de matériaux de construction à Nanaimo (Colombie-Britannique). Il était titulaire d’un diplôme général en arts, mais il a déclaré qu’il n’avait pas d’expérience dans le domaine des “prêts hypothécaires”.

[18] Le témoin a corroboré le témoignage de M. Bjola en ce qui concerne la provenance des fonds et la garantie fournie à l’égard du prêt.

[19] L’appelant croyait qu’il ne courait un risque en ce qui concerne cette entreprise que s’il arrivait une catastrophe.

[20] Le témoin a confirmé que ni sa femme ni lui n’avaient pris les précautions qu’un prêteur prendrait normalement selon lui, comme celles dont M. Bjola avait fait mention dans son témoignage. En outre, il n’avait pas nanti le billet ou l’hypothèque, il ne les avait pas escomptés ou ne s’en était pas servi à titre de garantie. Il n’avait pas consacré de temps à la gestion de ce prêt et il l’a conservé jusqu’à l’échéance. Il n’a pas créé de personne morale pour détenir la garantie.

[21] Le témoin a produit une déclaration de revenu en 1992 mais dans sa déclaration il n’a pas déclaré les intérêts ou la prime. Voici ce qu’il a dit : “Je croyais que la question était réglée. Je croyais disposer d’une exonération des gains en capital de 100 000 $ cette année-là. Je n’ai pas déduit les intérêts que j’avais payés à l’égard de l’argent emprunté.”

[22] Après que Revenu Canada eut communiqué avec l’appelant, la femme de celui-ci a envoyé des documents se rapportant à cette opération. Le témoin a dit à son comptable qu’il n’avait pas déclaré les montants en cause parce qu’il croyait qu’il s’agissait d’un gain en capital. Après avoir parlé à Revenu Canada, il a demandé à son comptable de joindre un “rapport” à sa déclaration de 1993 ou de 1994, dans les trois ans de l’événement. Il croyait que cela suffirait. Il croyait qu’on s’en était occupé après que sa femme eut envoyé une liasse de documents à son comptable. Toutefois, le 10 mai 1995, il a reçu une lettre dans laquelle Revenu Canada exigeait le paiement. Son comptable n’avait rien produit d’autre auprès de Revenu Canada.

[23] Au moment où l’appelant et Revenu Canada ont communiqué entre eux pour la première fois, il n’a pas été question de la pénalité.

[24] En 1995, le comptable de l’appelant a quitté l’entreprise; il ne pouvait pas travailler et il faisait une dépression.

[25] Pendant le contre-interrogatoire, le témoin a convenu que sa compagnie était une grosse entreprise et qu’elle faisait des affaires dans la région depuis 1990.

[26] Le témoin a convenu que sa femme et lui devaient recevoir une prime de 12 500 $ à l’égard de l’hypothèque, et ce, que celle-ci soit remboursée prématurément ou non. Ils devaient également recevoir une prime de 12 500 $ à l’égard du billet.

[27] Le témoin a admis avoir reçu des intérêts au même taux que celui qu’il payait à l’égard de la ligne de crédit. Le paiement incitatif en ce qui concerne le prêt de 50 000 $ était le paiement additionnel de 25 000 $ que les appelants devaient recevoir.

[28] Le témoin a admis qu’ils avaient reçu 2 804,08 $ de l’emprunteur au titre des intérêts et qu’ils avaient payé des intérêts de 3 090,41 $ sur la ligne de crédit.

[29] Le témoin a confirmé que sa femme et lui avaient obtenu un rendement de 25 000 $ en environ deux mois, ce qui représentait un taux de rendement d’environ 85 p. 100 sur un an. Comme il l’a admis, il s’agissait d’un gros montant.

[30] L’appelant a identifié sa déclaration de revenu de 1992 qui a été admise sous la cote R-3. La déclaration indiquait un revenu de 66 000 $, mais le revenu tiré du prêt, que ce soit au moyen de la prime ou des intérêts, n’y figurait pas et aucun fait n’était divulgué au sujet de cette opération.

[31] Le témoin a alors admis qu’il avait demandé une déduction pour gains en capital en 1989 à la suite de la vente de certaines actions. Il a affirmé qu’il l’avait oublié. En outre, il avait déduit des intérêts dans chacune des années 1989, 1990 et 1991, mais non en 1992.

[32] L’appelante Linda Baynham a également témoigné qu’elle n’avait pas agi à titre de prêteur commercial au moment de la conclusion de cette opération. C’était la première fois qu’elle participait à pareille opération.

[33] L’appelante a dit qu’ils avaient tiré parti de la valeur nette de leur maison. Ils ne considéraient pas l’opération comme étant de nature spéculative. Ils faisaient confiance à M. Bjola.

[34] L’appelante a admis qu’elle n’avait pas communiqué de renseignements au sujet de cette opération dans sa déclaration de revenu de 1992. Elle croyait qu’il s’agissait d’un gain en capital.

[35] L’appelante ne savait pas qu’ils avaient déjà demandé une déduction pour gains en capital. Elle ne croyait pas qu’en omettant de déclarer cette opération dans sa déclaration de revenu de 1992, ils se soustrayaient à l’impôt et ne croyait pas qu’ils épargnaient des impôts en ne l’incluant pas.

[36] L’appelante a déclaré qu’elle avait passé énormément de temps dans la maison McDonald cette année-là parce que son enfant était malade.

[37] Après que Revenu Canada eut communiqué avec l’appelante, celle-ci a envoyé des documents mais elle ne savait pas pourquoi on les avait demandés. Elle avait également envoyé à son comptable des documents concernant l’hypothèque.

[38] L’appelante savait que les trois années tiraient à leur fin et que ce revenu devrait être déclaré, mais son comptable n’avait pas produit le formulaire nécessaire.

[39] Pendant le contre-interrogatoire, l’appelante a identifié sa déclaration T-1 pour 1992, qui indiquait un revenu d’emploi de 7 775 $ et de 7 739,01 $. Elle n’a pas déclaré de revenu en intérêts cette année-là. Elle a dit qu’ils n’avaient pas reçu de feuillet de M. Bjola à l’égard des intérêts.

[40] L’appelante n’a pas parlé de l’affaire à son comptable en 1992 lorsque sa déclaration a été produite ou avec Revenu Canada après que le ministère eut communiqué avec les appelants en 1995. Aucune déclaration modifiée T-1 n’a été produite.

[41] L’appelante a témoigné qu’elle n’avait pas demandé à son comptable de produire une déclaration modifiée et qu’elle avait laissé son mari s’occuper de l’affaire.

[42] L’appelante a admis que, dans ses déclarations de revenu pour les années 1989, 1990 et 1991, elle avait déclaré un revenu en intérêts.

[43] On a montré à l’appelante le billet (pièce A-1, onglet 2) qui portait ses initiales. Elle a déclaré avoir obtenu des conseils juridiques indépendants; après avoir examiné les documents à l’audience, elle croyait qu’ils avaient obtenu une hypothèque de deuxième rang de l’emprunteur. Elle a initialement donné l’impression qu’elle ne l’avait peut-être pas compris lorsque les documents avaient été signés, mais après qu’on les lui eut montrés, elle a dit : “Je suppose que c’est bien cela.”

Arguments des appelants

[44] L’avocat a soutenu qu’il était ici question en fait d’un gain en capital. Il ne s’agissait pas d’un projet comportant un risque de caractère commercial et le montant en cause n’était pas un revenu.

[45] En ce qui concerne la question de la pénalité imposée en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi, l’intimée ne s’est pas acquittée de l’obligation qui lui incombait d’établir les éléments requis en vertu de cette disposition parce que dès que les appelants s’étaient rendu compte qu’il fallait déclarer le gain, ils y avaient vu. À ce moment-là, les appelants ne faisaient pas l’objet d’une vérification.

[46] Dans ses arguments écrits, l’avocat s’est reporté aux jugements No. 632 v. The Minister of National Revenue, (1959) 59 DTC 289 et Harold Wood v. The Minister of National Revenue, 69 DTC 5073, à l’appui de la position selon laquelle une prime ou un escompte reçus à l’égard d’un placement hypothécaire constitue un accroissement du capital et non un revenu.

[47] Le contribuable ne s’occupait pas d’escompter ou de bonifier des hypothèques et le gain ne devrait donc pas être imposé à titre de revenu. Voir Racine et al. v. The Minister of National Revenue, 65 DTC 5098 (C. de l’É.).

[48] L’avocat a ensuite dit que l’examen des circonstances dans lesquelles le placement avait été fait montre qu’il n’y avait pas de projet comportant un risque de caractère commercial. Il a mentionné le Bulletin d’interprétation IT-114 dans lequel il est question des divers critères dont les tribunaux tiennent compte en concluant si une opération particulière constitue un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial.

[49] L’avocat a soutenu que si l’on examine les faits et les circonstances, tels que la preuve présentée à l’audience les a révélés, il faut conclure que cette opération ne constituait certainement pas un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial, et qu’en l’espèce les contribuables avaient simplement accru leur capital au moyen d’un placement.

[50] En ce qui concerne la question de la pénalité, le ministre doit établir plus qu’une simple omission de faire preuve de diligence raisonnable. Il doit établir l’existence d’un degré élevé de négligence équivalant à une intention de ne pas observer la Loi ou du moins à de l’indifférence à l’égard de l’observation de la Loi . L’avocat s’est fondé sur les jugements Barry J. McHugh, Barbara L. McHugh, Inland Development Company Limited and McHugh Minerals Limited v. Her Majesty the Queen, 95 DTC 778.

[51] L’avocat a soutenu qu’étant donné qu’il s’agissait d’une disposition de nature pénale, le ministre doit établir l’existence de la mens rea de la part des contribuables.

[52] L’avocat s’est reporté au jugement Richard Boileau v. The Minister of National Revenue, 89 DTC 247 (C.C.I.) à l’appui de cette thèse. En conclusion, il a soutenu qu’en l’espèce, les contribuables avaient omis d’inclure la prime dans leur déclaration en croyant honnêtement qu’il s’agissait d’un gain en capital et qu’ils avaient droit à une déduction pour gains en capital sans produire de déclaration.

[53] L’avocat a demandé que les appels soient admis avec dépens.

Arguments de l’intimée

[54] L’avocat de l’intimée a soutenu que le Bulletin d’interprétation IT-114 n’a rien à voir avec la présente affaire étant donné que le droit a changé depuis que ce bulletin a été rédigé. De même, les jugements cités par l’avocat des appelants ne sont pas pertinents, et ce, pour la même raison.

[55] L’avocat de l’intimée a soutenu que toute cette opération se rapportait à un bénéfice et qu’elle visait à permettre de réaliser un revenu. Il s’agissait d’un projet comportant un risque de caractère commercial. Le but était de consentir rapidement un prêt à une fin particulière. Il s’agissait d’une proposition fort lucrative visant à permettre aux contribuables de réaliser un bénéfice correspondant à environ 85 p. 100 en à peu près sept mois.

[56] De nombreux indices montraient que les contribuables avaient agi comme un prêteur ou un courtier normal l’aurait fait. Ils avaient emprunté à une banque l’argent qu’ils utilisaient, et avaient garanti le prêt en grevant leur maison d’une hypothèque. Ils avaient payé sur leur prêt des frais d’intérêts plus élevés que le montant d’intérêt reçu de M. Bjola, et ce, afin d’obtenir une prime de 25 000 $. Ils avaient conclu l’opération pour cette seule raison. Autrement, ils auraient perdu de l’argent.

[57] Les appelants n’avaient pas l’intention de conserver longtemps le prêt de façon à retirer des intérêts. Il s’agissait d’un marché dont ils voulaient sortir aussitôt qu’ils l’avaient conclu.

[58] La façon dont les appelants avaient effectué cette opération était compatible avec un projet comportant un risque de caractère commercial au sens qu’a cette expression dans la définition du mot “entreprise”, au paragraphe 248(1) de la Loi.

[59] L’avocat s’est fondé sur le jugement Western Union Insurance Company v. Her Majesty The Queen, 83 DTC 5388, à la page 5392 (C.F. 1re inst.) selon lequel une seule opération est suffisante à condition qu’elle soit du même genre que celle que conclurait un prêteur ordinaire et qu’elle soit effectuée de la même façon. Pareille opération peut être qualifiée de projet comportant un risque de caractère commercial.

[60] En l’espèce, les appelants disposaient d’une très bonne garantie à l’égard du prêt qu’ils avaient consentis. L’hypothèque qui servait de garantie couvrait beaucoup plus que le montant prêté et l’emprunteur leur avait en outre remis un billet. En l’espèce, les appelants touchaient des intérêts ainsi qu’une prime comme c’était le cas dans l’affaire Western Union, ci-dessus, et la somme forfaitaire ne constituait pas uniquement un paiement effectué en contrepartie de l’utilisation de l’argent.

[61] L’avocat s’est également fondé sur le jugement Aaron Kagna v. The Minister of National Revenue, 64 DTC 20, à la page 23, à l’appui de la position selon laquelle il ne s’agissait pas simplement d’un accroissement du capital. Dans ce jugement, il était question de la définition du mot “accroissement” et comme dans ce cas-ci, les contribuables n’étaient pas dédommagés du risque qu’ils prenaient. En l’espèce, les appelants n’ont pas reçu des sommes qui venaient s’ajouter aux fonds initiaux ou au bien initial, mais des bénéfices. Ils consentaient un prêt afin de recevoir un bénéfice. Il s’agissait d’un revenu.

[62] En l’espèce comme dans le jugement John Wharton Bird v. The Minister of National Revenue, 64 DTC 777, même s’ils ne s’occupaient peut-être pas de prêter de l’argent, les appelants utilisaient les mêmes méthodes que les prêteurs qui faisaient énormément de spéculation (bien qu’en l’espèce le risque eût été presque inexistant). Ils n’avaient pas l’intention de laisser l’argent investi, mais ils voulaient un rendement rapide à court terme. Il s’agissait d’un plan visant à leur permettre de réaliser rapidement un bénéfice.

[63] Quant à la question de la pénalité, l’avocat a soutenu qu’en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi, une omission peut constituer une “faute lourde”.

[64] Dans les déclarations des appelants, il n’est absolument pas fait mention de l’opération. Cela n’était pas raisonnable. Même s’il s’agissait d’un gain en capital, Revenu Canada ne pouvait aucunement juger si c’était le cas étant donné qu’aucun renseignement ne lui avait été fourni. Il ne serait pas raisonnable de croire qu’il n’est pas nécessaire d’inclure les renseignements dans la déclaration.

[65] Les appelants avaient déjà déclaré des gains en capital. Il s’agissait d’un gain très important par rapport à leurs autres revenus. Il ne s’agissait pas de quelque chose qu’on oublierait simplement.

[66] Les appelants ne peuvent pas blâmer leur comptable parce qu’ils ne l’ont pas informé de la chose qu’après que Revenu Canada eut communiqué avec eux.

[67] L’avocat a soutenu que la présente affaire est semblable à l’affaire Alan Holley v. The Minister of National Revenue, 89 DTC 366, dans laquelle le contribuable avait uniquement commencé à agir d’une façon responsable après que Revenu Canada eut communiqué avec lui. “L’aveuglement volontaire d’une personne capable d’agir de manière responsable n’est pas une question d’“ignorance de la loi” dans son sens jurisprudentiel - cela peut équivaloir, lorsque les circonstances sont appropriées, à une négligence flagrante”.

[68] En l’espèce, les appelants ont agi avec un tel manque de diligence que cela équivalait à une absence complète de diligence, que cela était suffisant pour équivaloir à une “faute lourde” et que cela équivaut de fait à une faute lourde.

[69] L’avocat s’est fondé sur le jugement George Sigouin v. The Minister of National Revenue, 93 DTC 210 à l’appui de la position selon laquelle il est nécessaire dans ce cas-ci d’imposer des pénalités. Les circonstances de cette affaire-là étaient fort semblables à celles de la présente espèce.

[70] Les appels devraient être rejetés.

[71] Si les appels sont admis, les dépens ne devraient pas être adjugés puisque les mesures prises par le ministre étaient raisonnables eu égard aux circonstances.

Contre-preuve

[72] En contre-preuve, l’avocat des appelants a dit que même si le montant réalisé était un bénéfice, cela n’établissait pas qu’il s’agissait d’un revenu.

[73] Dans les affaires citées par l’intimée, de grosses entreprises et des hommes d’affaires étaient en cause, mais en l’espèce les contribuables en cause sont simplement une infirmière et un représentant.

[74] En outre, les contribuables n’ont pas reçu de feuillets de renseignements de l’emprunteur à l’égard des intérêts payés et ils n’ont pas déduit les intérêts qu’ils avaient versés à l’égard des fonds empruntés.

Analyse et décision

[75] Il y a dans ce cas-ci deux questions distinctes à trancher. Les deux avocats les ont identifiées. Les faits ne sont pas réellement contestés et ils ne sont pas compliqués. Toutefois, l’application des faits aux questions en litige nous amène à tirer deux conclusions différentes selon l’avocat.

[76] La première question se rapporte à la façon dont il convient de considérer les montants que les appelants ont reçus du fait qu’ils avaient prêté de l’argent à l’“emprunteur”. Ni les montants qu’ils ont reçus ni la façon dont ils ont reçu ces montants ne sont en litige non plus que le fait que les intérêts et les primes qu’ils ont reçus n’ont pas été inclus dans leurs déclarations de revenu pour les années pertinentes.

[77] En outre, il est certain que l’omission de déclarer ces montants n’était aucunement attribuable aux actes du comptable des appelants ou d’une autre personne et que ce sont les appelants qui doivent assumer l’entière responsabilité de cette omission.

[78] On ne sait pas trop si les appelants ont pris des mesures ou du moins des mesures raisonnables après avoir été mis au courant de l’omission. L’avocat des appelants a soutenu que ses clients avaient pris des mesures et l’avocat de l’intimée a soutenu qu’ils n’en avaient pas pris. Quoi qu’il en soit, ils ont uniquement agi après que Revenu Canada les eut informés de l’omission et il était déjà trop tard.

[79] Sur ce point, la Cour est d’accord avec l’avocat de l’intimée et elle est convaincue que la question de savoir si les mesures prises par les appelants sont raisonnables doit être examinée au moment où ceux-ci ont produit leurs déclarations ou du moins avant que Revenu Canada leur eût clairement fait savoir que leurs déclarations faisaient l’objet d’un nouvel examen.

[80] La Cour n’est pas d’accord avec l’avocat des appelants pour dire que l’état du droit est tel que chaque fois qu’une prime ou un escompte est reçu à l’égard d’une hypothèque le montant en question constitue un accroissement du capital plutôt qu’un revenu.

[81] Le jugement Harold Wood, ci-dessus, n’étaye pas cette thèse. La Cour considère que dans ce jugement-là, la Cour suprême du Canada a statué que, compte tenu de la tendance qui se dégageait des activités du contribuable, elle était convaincue que l’appelant n’exploitait pas une entreprise, mais qu’il effectuait un placement personnel. Les faits n’étaient pas identiques à ceux de l’espèce, notamment le fait que l’appelant dans ce cas-là faisait un placement personnel à l’aide de ses propres économies. La Cour a conclu que le montant reçu constituait un accroissement du capital.

[82] En outre, la Cour n’est pas convaincue que le jugement No. 632 v. M.N.R., ci-dessus, étaye la proposition selon laquelle une prime ou un escompte reçu à l’égard d’un placement hypothécaire constitue toujours un accroissement du capital plutôt qu’un revenu, mais si c’est le cas, cette conclusion est incompatible avec l’interprétation que cette cour a donnée au jugement Harold Wood, ci-dessus, comme il en a ci-dessus été question.

[83] L’avocat des appelants s’est reporté aux bulletins d’interprétation IT-459 et IT-114, pour dire qu’ils énonçaient certains des facteurs dont le ministre tient compte lorsqu’il détermine si l’opération est un projet comportant un risque de caractère commercial, mais cette liste n’est pas exhaustive et pareilles considérations ne lient pas cette cour. Toutefois, en l’espèce, certains facteurs laissent entendre l’existence d’un projet comportant un risque de caractère commercial et, selon certains facteurs, il s’agirait d’un placement.

[84] Ce n’est qu’en examinant tous les facteurs à la lumière de la preuve et en tenant compte de la crédibilité accordée à la preuve qu’une décision finale peut être prise.

[85] En l’espèce, il est vrai que les appelants ne s’occupaient pas d’“escompter ou de bonifier des hypothèques” en ce sens qu’ils l’avaient déjà fait, mais une opération isolée peut être suffisante s’ils ont agi comme l’aurait fait un prêteur ordinaire.

[86] Dans ce cas-ci, les appelants avaient un grand nombre des attributs du prêteur normal. Ils ont emprunté de l’argent, ils n’ont pas utilisé leur propre argent, même s’ils se sont servi de la valeur nette de leur maison comme garantie pour l’argent qu’ils empruntaient.

[87] Il importe de remarquer que les appelants ont payé des frais en intérêts plus élevés sur l’argent qu’ils avaient emprunté que le montant d’intérêt qu’ils ont reçu, ce qui montre qu’ils ont principalement prêté l’argent à cause de la prime.

[88] En outre, la prime devait être touchée sur une période fort brève, et le taux d’intérêt était fort élevé; il ne s’agissait pas d’un placement qui croissait avec le temps.

[89] Ici encore, les appelants ont obtenu une garantie fort importante, ce qui réduisait de beaucoup leur risque. Ils ont touché une prime et des intérêts. Le montant reçu n’était pas simplement un paiement effectué en contrepartie de l’utilisation de leur argent, comme l’avocat de l’intimée l’a souligné lorsqu’il s’est reporté au jugement Western Union, ci-dessus.

[90] Cette cour est convaincue que les appelants ont effectué cette opération dans le cadre d’un projet comportant un risque de caractère commercial et que le montant qu’ils ont reçu n’était pas simplement un “accroissement du capital” au sens où ce terme est utilisé dans le jugement Kagna, ci-dessus.

[91] Quant à la première question, cette cour conclut que le montant reçu par les appelants était imputable au “revenu” et qu’il ne s’agissait pas d’un “gain en capital” comme l’ont soutenu les appelants.

[92] La seconde question qui se pose se rapporte à l’application du paragraphe 163(2) de la Loi. L’obligation, en ce qui concerne la pénalité imposée, incombe à l’intimée, qui doit démontrer que la conduite des appelants équivalait à une “faute lourde”. En l’espèce, cette faute lourde doit résulter de l’“omission” des appelants d’inclure dans leur revenu les intérêts et les primes qu’ils ont reçus dans l’année en question.

[93] La Cour conclut que, dans leur déclaration, les appelants n’ont pas indiqué qu’ils avaient reçu pareils montants. De fait, ils n’ont absolument rien fait, à quelque moment que ce soit, pour produire une déclaration modifiée ou pour faire de quelque façon savoir au ministre qu’ils avaient reçu des montants non déclarés tant que les agents du ministre n’ont pas communiqué avec eux. De fait, même alors les mesures qu’ils ont prises étaient peu importantes, ils se sont contentés de demander à leur comptable de produire une déclaration modifiée sans vérifier s’il l’avait fait et ils ont peut-être transmis des documents au ministre et à leur comptable. Ils ont fait trop peu et ils ont agi trop tard, même s’ils avaient pu prendre certaines mesures à ce moment-là pour justifier leur “omission”.

[94] Il est important de noter que les appelants avaient déjà déclaré des gains en capital, qu’ils avaient déjà déclaré un revenu en intérêts et qu’ils auraient donc raisonnablement dû savoir qu’il fallait les déclarer même s’ils croyaient honnêtement et raisonnablement que les montants plus importants étaient un “gain en capital” plutôt qu’un “revenu”.

[95] Les appelants ne peuvent pas simplement dire qu’ils n’avaient pas reçu un état du revenu en intérêts de l’emprunteur ou qu’ils n’avaient pas déduit les “frais d’intérêts” sur l’argent qu’ils avaient emprunté sur leur ligne de crédit.

[96] Comme l’a soutenu l’avocat de l’intimée, le montant reçu était fort important par rapport aux autres revenus des appelants et tout contribuable raisonnable se rendrait compte que pareils montants devaient du moins être déclarés.

[97] La Cour est convaincue que les appelants ont agi avec si peu de diligence que cela équivalait à une absence complète de diligence et que cela équivalait à une “faute lourde” compte tenu des faits de l’espèce.

[98] Le jugement Holley, ci-dessus, nous est utile à cet égard.

[99] Les faits de l’espèce ressemblent à ceux de l’affaire Sigouin, ci-dessus; en rendant jugement, voici ce que le juge Dussault, de cette cour, a dit :

[...] En effet, l’appelant prétend simplement qu’il ignorait l’obligation de déclarer un gain en capital puisque, dit-il, il avait droit à une déduction d’au moins 50 000 $. Cette explication est peu convaincante car il suffit de réfléchir un peu pour constater que le droit à une déduction cumulative limitée en termes de dollars doit pouvoir être vérifié par les autorités compétentes. De plus, le fait que l’appelant ait réalisé un gain en capital l’année précédente, qu’il l’ait déclaré et qu’il ait réclamé la déduction pour gain en capital renforce ma conviction de ne pouvoir accepter cette explication.

[100] La Cour tient en dernier lieu à souligner qu’elle a tenu compte du jugement Robin O.F.J. Maltais v. The Queen, 91 DTC 1385 (C.C.I.) dont l’avocat de l’intimée lui a apparemment fait parvenir une copie.

[101] Les appels sont rejetés et les cotisations établies par le ministre sont ratifiées.

“ T. E. Margeson ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 16e jour de janvier 1998.

Monique Pelletier, réviseure

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