Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 19980515

Dossier : 96-4072-IT-G

ENTRE :

A. & M. JOHNSON CONTRACTING LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Mogan, C.C.I.

[1] La seule question en litige dans le présent appel concerne l’interprétation et l’application du paragraphe 152(6) de la Loi de l’impôt sur le revenu. Les parties ont déposé un exposé conjoint des faits qui est entièrement reproduit ci-après :

[TRADUCTION]

L’appelante et l’intimée conviennent des faits suivants uniquement aux fins du présent procès et conviennent de plus qu’aucune partie ne peut offrir de preuve incompatible avec le présent exposé mais que l’une ou l’autre peut présenter une preuve supplémentaire et compatible avec le présent exposé :

1. L’adresse en Alberta de l’appelante, A.M. Johnson Contracting Ltd. est 1205,736 – 6e avenue S.O., Calgary (Alberta) T2P 3T7 et le numéro de compte de société de l’appelante pour l’année d’imposition se terminant le 8 novembre 1995 était 7980-3821.

2. L’appelante en appelle d’une cotisation établie le 12 avril 1996 à l’égard de son exercice se terminant le 8 novembre 1995 (la « cotisation » ). L’appelante a déposé un avis d’opposition à l’encontre de la cotisation auprès du chef des appels au centre fiscal de Surrey (C.-B.) le 18 juin 1996. La cotisation a par la suite été confirmée par courrier recommandé le 26 juillet 1996.

3. Le 11 novembre 1995, l’appelante a produit une déclaration de revenus pour son année d’imposition se terminant le 11 novembre 1995 dans laquelle elle déclare une perte fiscale de 20 515 178 $. L’appelante a également déposé le même jour une formule T2A – Demande de report rétrospectif de perte dans laquelle elle demande qu’une perte de 4 251 861 $ soit reportée à l’année d’imposition se terminant le 8 novembre 1995. Un tel report rétroactif a pour effet de ramener à zéro le revenu imposable de l’appelante pour l’année en question.

4. Le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) n’a pas établi de cotisation au regard de l’année d’imposition de l’appelante se terminant le 11 novembre 1995 pour indiquer si la perte déclarée par l’appelante pour l’année en question avait été refusée ou admise.

5. Les questions concernant la validité ou le montant de la perte déclarée par l’appelante dans sa déclaration de revenus déposée le 11 novembre 1995 ne font pas partie du présent appel et, par conséquent, ne sont pas en litige. Aucune des parties ne formule d'aveu relativement à ces questions.

Aucun témoin n’a été entendu, mais les parties ont déposé un cartable renfermant les six pièces convenues suivantes :

Pièce

Description

Date

1.

T2 Déclaration de revenus de l’appelante pour l’année d’imposition se terminant le 8 novembre 1995 montrant un revenu imposable de 4 251 861 $

8 novembre 1995

2.

T2 Déclaration de revenus de l’appelante pour l’année d’imposition se terminant le 11 novembre 1995 montrant une perte de 20 515 178 $

11 novembre 1995

3.

Demande de report rétrospectif de perte

11 novembre 1995

4.

Avis de cotisation pour l’année d’imposition se terminant le 8 novembre 1995

12 avril 1996

5.

Avis d’opposition

10 juin 1996

6.

Avis de confirmation

26 juillet 1996

[2] La « perte fiscale de 20 515 178 $ » mentionnée au paragraphe 3 de l’exposé conjoint des faits ( « ECF » ) était une « perte autre qu’une perte en capital » au sens de l’alinéa 111(8)b) de la Loi. Par conséquent, cette perte peut être reportée rétrospectivement de trois ans et prospectivement de sept ans en vertu de l’alinéa 111(1)a).

[3] L’appelante soutient que, aux termes du paragraphe 152(6), elle peut demander que sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition se terminant le 8 novembre 1995 fasse l’objet d’une nouvelle cotisation et que son revenu imposable pour cette année d’imposition devrait être réduit à zéro. Formulant cette demande en d’autres termes en ce qui a trait aux montants pertinents, l’appelante soutient que le ministre du Revenu national est tenu d’établir une nouvelle cotisation pour son année d’imposition se terminant le 8 novembre 1995 afin de reporter rétrospectivement une portion (4 251 861 $) de la perte autre qu’en capital (20 515 178 $) d’une année d’imposition subséquente de sorte que le revenu imposable de l’appelante pour son année d’imposition se terminant le 8 novembre 1995 sera zéro. L’intimée soutient que le paragraphe 152(6) n’impose pas une telle obligation au Ministre. Le paragraphe 152(6) est ainsi libellé :

152(6) Lorsqu’un contribuable a produit la déclaration de revenu exigée par l’article 150 pour une année d’imposition et que, par la suite, une somme est demandée pour l’année par lui ou pour son compte à titre de :

a) [...]

c) déduction, en application de l’article 118.1, relativement à un don fait au cours d’une année d’imposition ultérieure ou, en application de l’article 111, relativement à une perte subie pour une année d’imposition ultérieure;

h) [...]

en présentant au ministre, au plus tard le jour où le contribuable est tenu, ou le serait s’il était tenu de payer de l’impôt en vertu de la présente partie pour cette année d’imposition ultérieure, de produire en vertu de l’article 150 une déclaration de revenu pour cette année d’imposition ultérieure, un formulaire prescrit modifiant la déclaration, le ministre doit fixer de nouveau l’impôt du contribuable pour toute l’année d’imposition pertinente (autre qu’une année d’imposition antérieure à l’année donnée) afin de tenir compte de la déduction demandée.

[4] Selon le paragraphe 3 de l’ECF, la déclaration de revenus pour la période se terminant le 11 novembre 1995 et la formule prescrite T2A (demande de report rétrospectif de perte) ont été déposées le 11 novembre 1995. Autrement dit, ces documents ont été déposés dans les délais prescrits au paragraphe 152(6). De plus, en ce qui a trait à l’alinéa 152(6)c), l’appelante ne demande pas de déduction en vertu de l’article 118.1 mais seulement en vertu de l’article 111. Par conséquent, eu égard aux circonstances du présent appel, les termes pertinents du paragraphe 152(6) peuvent être énoncés comme suit :

152(6) Lorsqu’un contribuable a produit la déclaration de revenus exigée par l’article 150, pour une année d’imposition et que, par la suite, une somme est demandée pour l’année par lui [...] à titre de :

a) [...]

c) déduction, [...] en application de l’article 111, relativement à une perte subie pour une année d’imposition ultérieure;

h) [...]

en présentant au ministre, [...] un formulaire prescrit modifiant la déclaration, le ministre doit fixer de nouveau l’impôt du contribuable pour toute année d’imposition pertinente [...] afin de tenir compte de la déduction demandée.

[5] Le début du paragraphe 152(6) prévoit la situation où « par la suite, une somme est demandée » par un contribuable pour une année d’imposition particulière après que la déclaration de revenu pour l’année en question a été déposée. Chaque alinéa du paragraphe 152(6) comprend l’expression « année d’imposition ultérieure » et renvoie à une « déduction » spécifique en vertu d’une disposition particulière. La fin du paragraphe, après l’alinéa 152(6)h), exige que le Ministre fasse quelque chose si un « formulaire prescrit » a été produit dans un certain délai. Dans l’appel qui nous occupe, la formule prescrite a été déposée à temps. Le paragraphe 152(6) semble imposer une obligation au Ministre parce que la partie essentielle de la disposition commence ainsi : « le ministre doit fixer de nouveau l’impôt... » . Pour comprendre l’obligation imposée au Ministre, il faut lire les termes non seulement dans le contexte du paragraphe 152(6) mais également dans le contexte global de l’article 152. La partie essentielle du paragraphe 152(6) énonce :

... le ministre doit fixer de nouveau l’impôt du contribuable pour toute année d’imposition pertinente afin de tenir compte de la déduction demandée.

[6] Eu égard aux termes utilisés au début du paragraphe 152(6) qui prévoient une somme demandée « par la suite » pour une année particulière après la production de la déclaration de revenu, l’appelante soutient que le Ministre n’est pas tenu d’établir une cotisation pour l’année ultérieure (11 novembre 1995) ni d’examiner ou de vérifier l’année ultérieure. Le Ministre est seulement tenu de fixer de nouveau l’impôt pour l’année d’imposition antérieure (8 novembre 1995) afin de tenir compte de (c.-à-d. admettre) la déduction demandée. À mon avis, cet argument est trop simpliste et ne peut prévaloir pour un certain nombre de raisons. Tout d’abord, les décisions récentes concernant l’interprétation du paragraphe 152(6) contredisent les prétentions de l’appelante. En deuxième lieu, le paragraphe 152(7) précise que le Ministre n’est pas lié par les renseignements fournis par un contribuable. En troisième lieu, l’interprétation demandée par l’appelante donnerait lieu à un résultat déraisonnable et peut-être même absurde. Ces trois raisons sont expliquées de façon lucide par le juge Rothstein de la Cour fédérale, Section de première instance, dans l’affaire Greene v M.N.R., 95 DTC 5078.

[7] L’affaire Greene ressemble au présent appel parce que M. Greene a déclaré une perte importante en 1988 et il tentait de reporter rétrospectivement des portions de cette perte à 1985, 1986 et 1987. Bien que le Ministre ait établi une nouvelle cotisation en 1988 refusant le report des pertes, M. Greene a tenté d’obtenir de la Cour fédérale, Section de première instance, un certain nombre de déclarations visant à exiger que le Ministre établisse de nouvelles cotisations pour les années 1985, 1986 et 1987 afin de permettre le report rétrospectif des pertes tel que demandé. M. Greene se fondait plus particulièrement sur le paragraphe 152(6). Je fais mienne l’analyse suivante du juge Rothstein qui débute ainsi à la page 5081 :

De prime abord, il me semblait que les mots « doit fixer de nouveau l’impôt du contribuable pour toute année d’imposition pertinente... afin de tenir compte de la déduction réclamée » utilisés au paragraphe 152(6) voulaient dire que le Ministre doit admettre la déduction réclamée. Cependant, compte tenu de l’interprétation donnée aux mots « take into account » ( « tenir compte » ) dans la jurisprudence et de l’objet de l’article 152 et des nouvelles cotisations selon la Loi en général, je suis arrivé à la conclusion que les mots « take into account » ( « tenir compte » ) du paragraphe 152(6) veulent seulement dire que le Ministre doit prendre en considération la déduction réclamée et fixer de nouveau l’impôt en admettant les fractions de la déduction réclamée, s’il y a lieu, qu’il juge appropriées.

Je me tourne d’abord vers l’arrêt Finlay c. Canada (Ministre des Finances), [1990] 2 C.F. 790 (C.A.), dans lequel le juge MacGuigan traite de l’expression « takes into account » ( « tenir compte » ). À la page 811, il fait remarquer que les mots « takes into account » ( « tenir compte » ) peuvent avoir le sens de « consider » ( « prendre en considération » ) ou de « meet » ( « satisfaire » ). Il note que, lorsqu’une personne tient compte de quelque chose, cela pourrait bien vouloir signifier « to consider » ( « prendre en considération » ) par opposition à « to meet » ( « satisfaire » ) ou « to fulfill » ( « remplir » ) :

La locution verbale anglaise « takes into account » (tenir compte) mérite toutefois d’être précisée, car elle peut avoir le sens de « consider » ou « meet » .

...

Une personne peut certainement tenir compte de quelque chose sans l’adopter dans sa totalité. Appliquée à une personne, cette locution pourrait bien ne vouloir signifier que la prise en considération, sans plus.

Au paragraphe 152(6), c’est le Ministère qui doit fixer de nouveau l’impôt du contribuable afin de tenir compte de la déduction réclamée. Les mots « to take into account » ( « tenir compte » ) sont utilisés en corrélation avec la nouvelle cotisation que le Ministre établit. À la suite de la remarque incidente du juge MacGuigan dans l’arrêt Finlay, comme les mots s’appliquent à une personne, l’expression « to take into account » ( « tenir compte » ) utilisée au paragraphe 152(6) peut bien vouloir dire « to consider » ( « prendre en considération » ). Qu’elle ait ce sens ou celui de « to allow » ( « satisfaire » ), cela dépend naturellement du contexte et de l’objet de la Loi.

Je passe maintenant à l’article 152. Il traite des cotisations. De façon générale, le paragraphe 152(6) traite de nouvelles cotisations d’années antérieures découlant d’événements survenant dans une année subséquente. Le Ministre est obligé de fixer de nouveau l’impôt pour ces années antérieures.

Le paragraphe 152(7) prévoit :

152(7) Le Ministre n’est pas lié par les déclarations ou renseignements fournis par un contribuable ou de sa part et, lors de l’établissement d’une cotisation, il peut, nonobstant la déclaration ou les renseignements ainsi fournis ou l’absence de déclaration, fixer l’impôt à payer en vertu de la présente Partie.

Le document que le contribuable doit déposer aux termes du paragraphe 152(6) est une formule prescrite modifiant la déclaration de l’année antérieure. Le paragraphe 152(7) indique que, indépendamment du fait que le contribuable dépose une déclaration ou des renseignements, le Ministre n’est pas tenu d’accepter la déclaration ou les renseignements pour le cotiser. Il peut fixer l’impôt à payer qu’il estime approprié conformément à la Loi. Le document déposé conformément au paragraphe 152(6), qui réclame la déduction pour les années 1985, 1986 et 1987, est une déclaration ou des renseignements qui sont mentionnés au paragraphe 152(7). Il s’ensuit que le Ministre n’est pas obligé de fixer l’impôt de nouveau en admettant la déduction réclamée.

Toute autre interprétation, me semble-t-il, pourrait entraîner des conséquences illogiques. Si le requérant avait raison, le contribuable, aux termes du paragraphe 152(6), pourrait déposer la formule prescrite réclamant une déduction exagérée qui ne serait étayée par aucun renseignement pertinent et le Ministre serait obligé de fixer de nouveau l’impôt à payer en admettant la déduction réclamée. Ce ne peut pas être le but que visait le législateur fédéral en utilisant les mots « to take into account the deduction claimed » ( « tenir compte de la déduction réclamée » ) au paragraphe 152(6). En effet, le paragraphe 152(7) vient préciser que le Ministre n’est pas lié en ce sens.

En outre, je pense que l’objet de la nouvelle cotisation aux termes de la Loi favorise la position de l’intimé. De façon générale, aux termes de l’article 152, le Ministre n’est pas obligé d’admettre quelque déduction réclamée par un contribuable, mais, plutôt, il peut la prendre en considération et, s’il y a lieu, l’admettre ou la refuser. De plus, le Ministre peut fixer de nouveau l’impôt d’un contribuable à tout moment jusqu’à concurrence de trois ans après la délivrance d’un avis de cotisation. L’objet général de la Loi est de permettre au Ministre de procéder à une nouvelle cotisation à tout moment dans le délai de prescription pertinent. Dans ce laps de temps, il n’est pas lié par la déclaration ou les renseignements fournis par le contribuable. Il ne serait pas compatible avec l’objet de la nouvelle cotisation aux termes de la Loi d’interpréter le paragraphe 152(6) comme exigeant du Ministre qu’il admette toute déduction réclamée par un contribuable indépendamment de sa propre opinion quant à la pertinence de la déduction.

Puis, à la page 5082 :

Le seul élément qui peut étayer l’argument du requérant est que les mots « to take into account » ( « tenir compte » ) doivent avoir le sens de « to allow » ( « permettre » ). Comme je l’ai signalé, ce n’est pas la seule interprétation possible de ces mots, et compte tenu du contexte de l’article 152 de la Loi et à cause de l’objet de la nouvelle cotisation prévue par la Loi de façon générale, la façon la plus raisonnable d’interpréter les mots « to take into account » ( « tenir compte » ) serait de leur donner le sens de « to consider » ( « prendre en considération » ).

L’appel de M. Greene devant la Cour d’appel fédérale a été rejeté à l’unanimité, et les motifs du jugement exposés oralement ont été très brefs : 95 DTC 5684.

[8] L’avocat de l’appelante a tenté d’établir une distinction entre la présente affaire et l’affaire Greene en alléguant que le Ministre, dans Greene, avait établi une nouvelle cotisation pour l’année ultérieure (1988) pour refuser les pertes alors que, dans la présente affaire, le paragraphe 4 de l’ECF montre clairement que le Ministre n’a pas établi de nouvelle cotisation au regard de l’année d’imposition de l’appelante se terminant le 11 novembre 1995 (l’année ultérieure). Les pièces 4 et 6 sont l’avis de cotisation pour l’année antérieure (8 novembre 1995) et la confirmation de cette cotisation. Rien dans les pièces 4 ou 6 n’indique que le Ministre a tenu compte de la demande de report rétrospectif de perte de l’appelante (pièce 3). Le présent appel, toutefois, conteste la cotisation établie pour l’année antérieure (8 novembre 1995) et l’appelante aurait pu soutenir qu’elle pouvait, en vertu de l’alinéa 111(1)a), déduire une portion de la perte d’une année ultérieure en calculant son revenu imposable pour l’année précédente. Une telle demande aurait soulevé un litige sur la question de savoir s’il y avait une perte dans l’année ultérieure et le montant d’une telle perte.

[9] Quelle qu’en soit la raison, l’appelante n’a pas choisi de demander une déduction en vertu de l’alinéa 111(1)a). De fait, le paragraphe 5 de l’ECF énonce que la validité ou le montant de la perte déclarée dans l’année ultérieure « ne font pas partie du présent appel et, par conséquent, ne sont pas en litige » . L’appelante soutient plutôt que le Ministre est tenu d’établir une nouvelle cotisation pour les années antérieures pour permettre la déduction de la perte telle que demandée. À mon avis, l’appelante a fait un mauvais choix quant à ses droits éventuels au regard de tout appel interjeté en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année antérieure.

[10] Si l’appelante avait choisi de se prévaloir d’une déduction en vertu de l’alinéa 111(1)a), j’aurais pu déterminer s’il y avait eu ou non une perte dans l’année ultérieure, le montant d’une telle perte, et si une telle perte était suffisante pour réduire à zéro le revenu de l’année antérieure. Bref, j’aurais pu rendre un jugement accordant peut-être une mesure de redressement en vertu de l’alinéa 171(1)b) de la Loi. Un tel jugement relève clairement de la compétence de la présente cour.

[11] En réalité, l’appelante cherche à obtenir une ordonnance de mandamus pour forcer le Ministre à permettre la déduction du report rétrospectif demandé dans l’année antérieure sans que le Ministre ou la présente cour ne se soient prononcés sur la question de savoir s’il existe une perte dans l’année ultérieure. Il n'est pas du ressort de la présente cour d’accorder une ordonnance de mandamus. Même si je possédais une telle compétence, je ne suis pas certain qu’une ordonnance de mandamus pourrait être prononcée contre le Ministre dans les circonstances du présent appel. Dans l’arrêt Lipsey v. M.N.R. et al, 85 DTC 5080, le juge Strayer (tel était alors son titre) a formulé ce qui suit à la page 5083 :

... il me faut donc me demander si le redressement demandé au paragraphe 7 doit être accordé. Tout dépend de la décision de notre Cour quant à la signification d’un avis de cotisation valide pour l’année 1980. L’avocat n’a pas réussi à me citer de précédent établissant que notre Cour est tenue d’ordonner la délivrance d’un avis de cotisation. Il n’a pas réussi non plus à démontrer que la loi obligeait le Ministre à établir une cotisation qui soit exécutable par voie de mandamus. Je présume que cette obligation découle du paragraphe 152(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, qui porte que :

(1) Le Ministre doit, avec toute la diligence possible, examiner la déclaration de revenu d’un contribuable pour une année d’imposition, fixer l’impôt pour l’année, l’intérêt et les pénalités payables, s’il en est, ...

Le paragraphe 152(2) dispose que :

(2) Après examen d’une déclaration, le Ministre envoie un avis de cotisation à la personne qui a produit la déclaration.

Il est à supposer que la question de l’envoi de l’avis dont il est question au paragraphe (2) ne se pose qu’une fois que la cotisation a été établie conformément au paragraphe (1), ce qui, suivant ce paragraphe, doit être fait « avec toute la diligence possible » . Cette expression a été examinée par le juge Fournier dans le jugement Joseph Baptiste Wilfrid Jolicoeur c. Le Ministre du Revenu national [1961] R.C. de l’É. 85, à la page 98, dans lequel le juge précise que ces mots [TRADUCTION] « ont le même sens que l’expression ‘avec la plus grande célérité’ ou ‘dans un délai raisonnable’ » . Je suis d’accord avec cette interprétation. Pour lancer un bref de mandamus, la Cour doit être convaincue que toutes les conditions préalables à l’exercice de ce pouvoir ont été respectées et que, dans les circonstances de l’espèce, le fonctionnaire en question n’a pas le pouvoir discrétionnaire de retarder ou de refuser d’accomplir ce qu’on veut le forcer à faire par la requête en mandamus. Il semble douteux qu’un juge puisse jamais être dans cette situation face à la délivrance d’un avis de cotisation. Si cela était possible, le cas qui nous occupe n’en est pas un qui permette au tribunal d’être convaincu que le Ministre est tenu de façon inconditionnelle de délivrer un avis de cotisation pour 1980. Les mots « avec toute la diligence possible » font appel à un critère de raisonnabilité et la preuve n’établit pas, à mon sens, que le fait de retarder davantage la délivrance de cet avis de nouvelle cotisation soit entièrement déraisonnable.

[12] Le présent appel a été interjeté le 18 octobre 1996 et entendu à Calgary le 31 mars 1998. Même au moment où je me prononce sur cet appel en mai 1998, il ne s’est écoulé que deux ans et demi depuis que la déclaration de revenus pour l’année ultérieure a été produite. Il n’existe pas de preuve de délai déraisonnable de la part du Ministre. Tel que mentionné ci-dessus, l’appelante aurait pu choisir de faire porter son litige sur son droit, en vertu de l’alinéa 111(1)a), de déduire une perte d’une année ultérieure dans le calcul de son revenu imposable pour l’année précédente, et j’aurais pu trancher cette question peut-être en accordant une certaine mesure de redressement à l’appelante. L’appelante a plutôt choisi d’adopter une voie qui ne donne ouverture à aucun redressement. L’appel est rejeté avec frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de mai 1998.

« M.A. Mogan »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 12e jour de novembre 1998.

Mario Lagacé, réviseur

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.