Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19980529

Dossier: 97-2099-IT-I

ENTRE :

ALFRED YEBOAH,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Hamlyn, C.C.I.

[1] L’appelant interjette appel à l'encontre des cotisations d’impôt établies par le Ministre du Revenu national (le “Ministre”) pour les années d’imposition 1993 et 1994, dont les avis sont datés du 19 août 1996, et en vertu desquels le Ministre : a rejeté la demande de déduction sur l'impôt exigible d’un crédit personnel pour personne mariée prévue à l’alinéa 118(1)a) de la Loi sur l’impôt sur le revenu, (la “Loi) pour l'année d'imposition 1993; a rejeté la demande de déduction sur l'impôt exigible d’un crédit personnel pour personne à charge prévue à l’alinéa 118(1)d) de la Loi pour l’année d’imposition 1993; a rejeté la demande de déduction des frais de garde d’enfant prévue à l’article 63 de la Loi, pour l’année d’imposition 1993; et a rejeté la demande de déduction de la prestation ou pension alimentaire prévue à l’article 60 de la Loi, pour l’année d’imposition 1994.

[2] L’appelant interjette également appel à l'égard du rejet de la demande de crédits d’impôt de l'Ontario pour les années d’imposition 1993 et 1994.

[3] Quant à ses autres demandes, l’appelant déclare que, pour le crédit personnel pour personne mariée, il avait eu une relation de conjoint de fait avec Anna Asantewaa pendant une période de 14 mois, période qui comprenait l’année d’imposition 1993, et qu’il a, par conséquent, droit au crédit. Quant au crédit personnel pour personne à charge, l’appelant prétend que son père vivait avec lui pendant l’année d’imposition 1993 et que celui-ci était donc une “personne à charge” au sens de la Loi. En ce qui concerne les frais de garde d’enfant, l’appelant prétend que le montant déclaré a été payé à Comfort Addai, gardienne de son enfant pendant l’année d’imposition 1993. L’appelant soutient enfin qu’il a payé une pension alimentaire à son épouse Geogina Yeboah lors la période de séparation, pendant l’année d’imposition 1994. L’appelant soutient avoir payé les sommes conformément à un accord de séparation conclu par les parties.

[4] Les arguments du Ministre sont résumés dans la réponse à l’avis d’appel, où le Ministre décrit les hypothèses de faits sur lesquelles il s’est fondé lors de la cotisation de l’appelant:

FRAIS DE GARDE D’ENFANT

(a) pendant l’année d’imposition 1993, l’enfant de l’appelant (Kwabena Appiah) vivait au Ghana;

(b) l’enfant de l’appelant était un non-résident en tout temps pertinent au présent litige;

(c) en tout temps pertinent au litige, l’appelant n’a pas encouru de frais de garde d’enfant en vue de fournir, au Canada, à l’enfant (Kwabena Appiah) des soins à un enfant admissible.

PENSION OU PRESTATION ALIMENTAIRE

(d) la pension ou prestation alimentaire n’a pas été payée en vertu d'un arrêt, d'une ordonnance ou d'un jugement rendus par un tribunal compétent ou en vertu d'un accord écrit à titre de pension alimentaire ou autre allocation payable périodiquement pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d'enfants issus du mariage ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants;

(e) l’appelant ne vivait pas séparé en vertu d'un divorce, d'une séparation judiciaire ou d'un accord écrit de séparation, du conjoint ou de l'ex-conjoint à qui il a fait les paiements, au moment où les paiements ont été effectués et durant le reste de l'année d'imposition 1994;

CRÉDIT ÉQUIVALENT POUR PERSONNE ENTIÈREMENT

À CHARGE

(f) pour l’année d’imposition 1993, l’appelant a réclamé un crédit équivalent pour personne entièrement à charge pour sa conjointe de fait, Anna Asantewaa;

(g) la conjointe de l’appelant vivait séparée de celui-ci à partir de la fin de l’année d’imposition 1993;

(h) en aucune période en 1993, l’appelant a-t-il cohabité avec une personne du sexe opposé dans une relation conjugale avec laquelle il avait ainsi cohabité pendant une période de 12 mois se terminant avant cette première période, ou cohabité avec une personne qui était la mère d’un enfant de qui l’appelant était le père;

MONTANT PERSONNEL SUPPLÉMENTAIRE

(i) l’appelant a réclamé pour l’année d’imposition 1993, un montant supplémentaire pour son père Yaw Kobi;

(j) pendant l’année d’imposition 1993, le père de l’appelant, (Yaw Kobi) vivait au Ghana;

(k) pendant toutes les périodes pertinentes au litige, le père de l’appelant était un non-résident;

(l) en aucun temps pendant d'imposition 1993 le père de l’appelant a-t-il été une personne à la charge de l’appelant;

LOYER

(m) l'appelant n'a engagé aucune dépense au titre du loyer.

CRÉDITS D’IMPÔT DE L'ONTARIO

[5] En ce qui concerne les crédits d’impôt de l'Ontario, le Ministre déclare également dans sa réponse à l’avis d’appel que cette Cour n’a pas la compétence requise pour accorder un redressement à l’appelant en ce qui a trait aux crédits d’impôt de l'Ontario. Ce recours n’a pas été poursuivi par l’appelant dans l’avis d’appel, et je suis d’accord qu’il est bien établi que cette Cour n’a pas la compétence requise pour entendre un appel portant sur une cotisation en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu de l'Ontario.

RESTANT DES POINTS EN LITIGE

[6] Les points en litige à résoudre sont les suivants:

- l’appelant a-t-il droit à un crédit personnel de personne mariée pour l’année d’imposition 1993;

- l’appelant a-t-il droit au crédit personnel pour personne à charge pour l’année d’imposition 1993;

- l’appelant a-t-il le droit de déduire les frais de garde d’enfant pour l’année d’imposition 1993;

- l’appelant a-t-il le droit de déduire les sommes versées à titre de pension ou de prestation alimentaire pour l’année d’imposition 1994?

ANALYSE ET CONCLUSION

[7] Comme dans toutes les affaires de cette nature, le fardeau de la preuve revient à l’appelant.

[8] Dans la présente affaire, une grande partie de la preuve était confuse et divergente.

LE CRÉDIT PERSONNEL ÉQUIVALENT À CELUI D'UNE PERSONNE MARIÉE

[9] L’appelant a demandé un crédit personnel relativement à sa conjointe de fait.

[10] Le mot “conjoint”, pour la période suivant 1992, est défini au paragraphe 252(4) et comprend une personne du sexe opposé qui vit avec le contribuable en union conjugale depuis 12 mois.

[11] Il ressort de la preuve directe apportée par l’appelant que la séparation d’avec son épouse a commencé le 10 mars 1992. Selon la preuve directe apportée par l’appelant, la cohabitation avec sa conjointe de fait a commencé en décembre 1992 et a duré jusqu’en février 1994.

[12] L’avocat du Ministre a présenté à l’appelant l'annexe 6 de sa déclaration de revenu de 1993 où l’appelant a répondu ainsi à la question suivante:

Si votre état civil a changé en 1993, donnez la date du changement.

Sa réponse était:

jour 02 mois 03

Je conclus par conséquent que l’appelant a déclaré que son état civil avait changé le 2 mars 1993 et que cette réponse contredit la preuve directe qu’il a apportée.

[13] La réponse telle qu’inscrite à l'annexe a pour effet de déplacer les faits allégués par l’appelant en dehors du créneau de douze mois prévu au paragraphe 252(4).

[14] Étant donné cette preuve peu convaincante, la demande de crédit équivalent pour personne entièrement à charge est rejetée.

CRÉDIT PERSONNEL POUR PERSONNE À CHARGE

[15] L’appelant prétend que son père vivait avec lui pendant l’année d’imposition 1993. L’appelant déclare que le père s’est présenté à sa porte avec le fils de l’appelant, arrivant supposément des États-Unis, et a vécu avec lui à partir du mois d’avril 1993 jusqu’en mai 1994. Selon l’appelant, son père serait par la suite retourné au Ghana avec son fils.

[16] Il a déjà été affirmé qu'il n'y a pas de rapport de dépendance du simple fait qu'il existe un lien parental, soit parent-enfant.[1]

[17] Il ressort toutefois de la preuve que le père était malade,[2] qu’il a cherché refuge chez l’appelant, qu’il est venu vivre chez l’appelant pendant un certain temps, bien que le père ait toujours eu un domicile au Ghana, et qu’il soit éventuellement retourné au Ghana.

[18] Somme toute, je suis d’avis que le père de l’appelant était bien une personne à la charge de l’appelant pour la période pendant laquelle il vivait au Canada.

FRAIS DE GARDE D’ENFANT

[19] L’enfant, qui est arrivé avec le grand-père, vivait avec l’appelant lorsque les prétendus frais de garde d’enfant ont été encourus. L'appelant a déclaré que les frais engagés lui permettaient de se libérer pour travailler. L’appelant a déclaré avoir dépensé 150 $ par semaine en frais de garde, et ce pendant 8 mois en 1993.

[20] Le problème qui mine la position de l’appelant est le même qu’ailleurs dans cette affaire, soit la preuve contradictoire. L’appelant a déclaré dans le cadre de son témoignage que la personne fournissant les services de frais de garde s’appelait Comfort Addai et un reçu a été signé par celle-ci (3 150,00 $) (pièce R-2).

[21] Or, lorsqu’on lui a montré sa déclaration de revenu de 1993 (pièce R-1), l’appelant a déclaré qu’une dénommée Mercy Oppong avait fourni les services de garde et que c’est Mercy Oppong qui a reçu la rémunération (3 050,00 $).

[22] Il est évident qu'il y a une divergence en ce qui concerne les prétendus frais, tout comme en ce qui concerne l’identité de la personne qui aurait fourni les services de garde. L’appelant ne s'est donc pas acquitté du fardeau de la preuve selon la prépondérance des probabilités et, sur ce point, la cotisation du Ministre est confirmée.

PAIEMENTS DE SOUTIEN

[23] L’appelant prétend qu’il était séparé de sa conjointe Geogina Yeboah pendant l’année d’imposition 1994 et qu’il payait une pension alimentaire conformément à une entente conclue par les deux parties. Malgré ses prétentions, l’appelant a, semble-t-il, repris la cohabitation avec sa conjointe et un fils leur est né. La période précise de cette cohabitation n’a pas été indiquée.

[24] Aucune preuve d’un accord écrit de séparation signé par l’appelant et sa conjointe n’a été présentée à la Cour.

[25] Étant donné l’absence de preuve d’un accord écrit de séparation signé par les deux parties, la Cour ne peut faire droit à l’appel fondé sur ce point.

DÉCISION

[26] L’appel interjeté à l'encontre de la cotisation pour l’année d’imposition 1993 est admis et la cotisation est renvoyée au Ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que le père de l’appelant était une personne à la charge de l’appelant pendant une période de neuf mois (d’avril à décembre) en 1993, conformément à la demande de crédits pour personne à charge (paragraphe 118(1)d) de la Loi).

[27] L’appel portant sur la cotisation de l’année d’imposition 1994 est rejeté.

[28] L’appelant n’a droit à aucune autre mesure de redressement.

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de mai 1998.

“D. Hamlyn”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 6e jour de novembre 1998.

Mario Lagacé, réviseur



[1]               Keyes v. M.N.R., 89 DTC 91 (C.C.I.).

[2]               La maladie a finalement entraîné sa mort.

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