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Date: 19980820

Dossier: 96-433-GST-G

ENTRE :

BOMBAY JEWELLERS LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Margeson, C.C.I.

[1] Cet appel est interjeté à l'encontre d'une cotisation établie par le ministre du Revenu national (le « ministre » ) en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise (la « Loi » ) pour la période allant du 1er janvier 1991 au 31 décembre 1992, soit une cotisation dont l'avis est daté du 20 avril 1993 et qui porte le numéro 11BU0200374.

[2] Par cette cotisation, le ministre a fixé à l'appelante 141 363,22 $ de taxe, 10 194,73 $ d'intérêts et 8 926,52 $ de pénalités relativement aux déclarations de taxe sur les produits et services (la « TPS » ) de l'appelante pour la période en question.

Preuve

[3] Salok Bhatti a déclaré dans son témoignage qu'il détenait toutes les actions en circulation de la compagnie appelante et qu'il était l'administrateur et le dirigeant de l'appelante. Il était bijoutier. Le magasin était exploité par l'appelante, qui vendait surtout des bijoux en or 22 carats. La plupart étaient faits sur commande.

[4] M. Bhatti a également dit que la compagnie vendait à des clients de l'or 24 carats, qu'elle achetait à des marchands de Vancouver oeuvrant dans le commerce de l'or, des pièces de monnaie et des timbres. Cet or était pur à 99 p. 100. M. Bhatti coupait les barres en morceaux, qu'il moulait parfois et qu'il vendait ensuite. Les barres étaient coupées pour des clients selon le poids désiré et vendues au prix courant. Il s'agissait de barres de forme rectangulaire. La longueur était utilisée pour mesurer la quantité désirée. Ce mesurage était très difficile, et il fallait parfois couper la barre davantage avec un ciseau ou un autre outil. Si le morceau résultant de cette opération était trop léger, on rajoutait par fusion des quantités supplémentaires au produit devant être vendu, de manière à l'amener au poids désiré. Aucune TPS n'était perçue sur l'or ainsi vendu.

[5] La deuxième méthode utilisée consistait à couper des morceaux des barres d'or, à en réduire l'épaisseur, puis à les étirer à l'aide d'un laminoir. L'épaisseur allait d'un demi-millimètre à un millimètre. Sous cette forme, c'était plus facile à couper. Le produit laminé était ensuite coupé dans le sens de la longueur, puis vendu aux clients. Aucune TPS n'était perçue à cet égard.

[6] La troisième méthode consistait à prendre de plus petits morceaux d'or et à les couler dans un moule pour en faire un autre morceau rectangulaire. Ces morceaux rectangulaires étaient tous purs à 99,9 p. 100. Le moule était préalablement nettoyé à fond, de sorte que le produit final avait un tel degré de pureté. Aucune TPS n'était perçue à cet égard.

[7] La forme la plus fréquente était la forme coupée. M. Bhatti a admis que les clients ne pourraient vendre de l'or sous cette forme à des banques ou en disposer facilement d'une autre manière. Il apposait parfois une marque sur le produit, si le client le désirait.

[8] En contre-interrogatoire, il a admis que, lorsque de petites quantités étaient rajoutées par fusion à certains morceaux, la forme qui en résultait n'était pas toujours parfaitement lisse, mais il a dit qu'elle était tout de même assez lisse. Le produit était chauffé « au rouge » avant d'être fusionné.

[9] L'appelante procédait de la sorte pour gagner de l'argent : les barres qu'elle achetait coûtaient moins cher que les morceaux qu'elle vendait, et elle appliquait une majoration au produit devant être vendu au client.

[10] La pièce R-1, admise par consentement, montrait les diverses formes de barres d'or monnayées par Johnson Matthey Limited et Gold Refiners & Bars Worldwide, du Crédit Suisse.

[11] D'après le témoin, c'était ce type de barres d'or que l'appelante achetait. On ne savait pas nécessairement pourquoi le client achetait de l'or chez l'appelante. Le témoin a admis que, si l'or se présentait sous la forme indiquée dans la pièce R-1, il pouvait se vendre facilement.

[12] La pièce R-2, déposée par consentement, renfermait deux photographies : l'une montrait une barre complète d'un demi-kilogramme, tandis que l'autre montrait une barre d'un demi-kilogramme dont on avait retranché une once. Le témoin a dit que les comptables de sa compagnie avaient déclaré que, si la compagnie vendait de l'or sous la forme de lingots, de barres ou de plaquettes, il n'y aurait pas de TPS à percevoir à cet égard. Les quantités vendues ne portaient aucune indication du degré de pureté, mais elles portaient une indication du poids.

[13] La compagnie de M. Bhatti faisait fondre des morceaux d'or et achetait aussi des bijoux à des clients, puis les remettait à la fonte. La plupart des personnes qui achetaient de l'or à la compagnie en faisaient faire des bijoux. De la TPS était alors perçue sur les frais de main-d'oeuvre seulement. La compagnie vendait surtout de l'or en gros morceaux; elle en vendait très peu sous forme laminée, et seuls les « restes » étaient fondus. Il était plus facile de faire des pièces rectangulaires à partir des petits morceaux si ceux-ci étaient d'abord fondus.

[14] La pièce R-3, soit une brochure admise en preuve par consentement, montrait le type d'or utilisé. Si l'appelante ne pouvait acheter une barre complète, elle en achetait la moitié d'une. Le témoin a admis que, si un client rapportait la pièce qui lui avait été vendue, il était impossible de la reconnaître.

[15] Le témoin a reconnu certains documents de la pièce R-4, y compris la cotisation, l'avis d'appel, la formule d'inscription de l'appelante aux fins de la TPS, certains états financiers, une lettre de Revenu Canada et les documents relatifs aux ventes mensuelles. Il a dit que sa compagnie ne vendait jamais d'or tel quel et que, si un client ne voulait plus de la pièce qui avait été coupée pour lui, la compagnie la lui rachetait et en faisait un bijou.

[16] On a renvoyé le témoin à son interrogatoire préalable, qui semblait contredire la déclaration selon laquelle la compagnie appelante ne vendait jamais d'or tel quel. Il a alors expliqué qu'il voulait dire que l'or vendu à des clients était de l'or dont on avait fait un bijou et que de la TPS était perçue sur le produit fini.

[17] Au cours du réinterrogatoire principal, le témoin a dit qu'une personne aurait pu apporter de l'or au magasin de l'appelante sous la même forme et que l'appelante aurait pu utiliser cet or de la même manière. L'appelante réalisait un profit d'environ 3 $ à 5 $ l'once sur la revente de l'or, qui coûte à peu près 500 $ l'once.

[18] L'intimée a appelé Alastair McIntyre, et l'avocat de l'appelante a contesté la recevabilité du témoignage de cette personne. L'avocat de l'appelante soutenait que le témoignage de cette personne n'ajoutait rien à la preuve, puisque sa déposition quant au sens des termes anglais « bar » (barre), « ingot » (lingot) et « wafer » (plaquette) n'était pas pertinente, ces termes étant des mots anglais courants. Donc, il n'était pas nécessaire d'utiliser une définition technique de ces termes, comme dans l'affaire Daniel Oligny v. The Queen, 96 DTC 1744 (C.C.I.).

[19] En outre, il était argué que la question de savoir si les quantités d'or en cause étaient assimilables à des métaux précieux en vertu des dispositions de la Loi sur la taxe d'accise concernant la TPS ne relevait pas d'un témoignage d'expert et qu'il appartenait à la Cour d'en décider.

[20] L'avocate de l'intimée soutenait que le témoignage proposé, c'est-à-dire la déposition de ce témoin, ajoutait bel et bien à l'ensemble de la preuve quant à la signification des termes « bar » (barre), « ingot » (lingot) et « wafer » (plaquette), car ces termes ont une signification technique dans l'industrie, tandis que, dans l'affaire citée, les termes n'avaient pas un sens technique, et l'appelant dans cette affaire n'avait pas suivi les règles.

[21] De plus, l'avocate disait que la présente espèce était la première affaire portant sur cette question, qu'elle était très importante par rapport aux articles de la loi qui sont en cause et que la Cour avait besoin de ce type de preuve pour rendre une décision rationnelle.

[22] Après avoir entendu les arguments présentés pour les deux parties, la Cour a accepté qu'Alastair McIntyre témoigne comme expert, mais elle a limité son témoignage à la question de savoir s'il y avait un sens technique aux termes « bar » (barre), « ingot » (lingot) et « wafer » (plaquette) utilisés dans la définition de « precious metal » (métal précieux) figurant au paragraphe 123(1) de la Loi sur la taxe d'accise.

[23] Alastair McIntyre a déclaré dans son témoignage qu'il était administrateur de métaux précieux pour la Banque de Nouvelle-Écosse et qu'il habitait Toronto (Ontario). Sa banque fournissait des services de gestion de risque à des clients. Il jouait également un rôle dans l'achat et la vente d'or. Il avait déjà été gestionnaire à la Monnaie royale canadienne, à Ottawa. Il avait déjà occupé un poste de géologue à la Coxheath Gold Holdings, à Halifax, travaillant dans le domaine de la géologie de subsurface. En 1985 et en 1986, il exerçait un emploi pour la Seabright Resources Ltd., à Halifax. Il détenait un baccalauréat en sciences (géologie) ainsi qu'un baccalauréat dans le domaine du commerce et des valeurs mobilières. Il s'occupait de vente et de gestion, et son activité était centrée sur l'or. Il était l'auteur d'un livre intitulé Gold Resources and Refining et était chroniqueur pour les médias. Ses opinions se fondaient sur des ouvrages spécialisés qu'il avait consultés de même que sur l'expérience qu'il avait acquise à la Monnaie royale canadienne et sur l'expérience en matière de vente qu'il avait acquise à la Banque de Nouvelle-Écosse.

[24] Du point de vue de ce témoin, les barres, pièces et plaquettes visées au paragraphe 123(1) de la Loi sont produites ou coulées dans un établissement approuvé (hôtel des monnaies ou fonderie) et sont estampées par un essayeur de métaux précieux. Le poinçon de l'affineur, l'estampe, le poids et l'aloi apparaissent clairement sur chaque produit. Ces articles en métal précieux, soit des articles reconnus et facilement identifiables, sont produits suivant des normes internationales. L'établissement approuvé (hôtel des monnaies ou fonderie) et l'essayeur de métaux précieux doivent adhérer à un strict code de normes pour être agréés et pour conserver leur statut. Ce témoin a dit de façon générale qu'une barre est un effet financier commercialisable et que le poids, le degré de pureté et le nom du fabricant sont inscrits sur un tel produit. D'après lui, le mot anglais « ingot » vient du français « lingot » , qui désigne une barre.

[25] La norme de 99,5 p. 100 est la norme internationale, bien que la norme canadienne soit plus élevée, c'est-à-dire de 99,9 p. 100. Une plaquette est habituellement pure à 99,9 p. 100. Des barres sont produites par des affineries reconnues adhérant à de strictes exigences. Il y a 58 affineries accréditées dans le monde. Si le produit a été trafiqué ou modifié de quelque manière, il n'est pas considéré comme un effet commercialisable. Si un des éléments requis manque, le produit n'est pas acceptable aux fins du commerce. L'or granulaire et le fil d'or ne sont pas des produits exonérés de la TPS. Les inscriptions apposées sur les articles indiquent quelle affinerie les a produits, ce qui en atteste l'authenticité, et elles permettent à un acheteur d'être certain qu'il reçoit ce qu'il a négocié. Tout article répondant à ces normes pourrait commander des prix différents à diverses époques mais pourrait être vendu n'importe quand sous sa forme existante.

[26] Ce témoin a dit que, si l'on avait décidé d'appliquer la TPS à l'or considéré comme « métal précieux » en vertu de la définition figurant dans la Loi, le marché de l'or au Canada se serait effondré. Il était donc important que le législateur exonère les produits entrant dans la définition de « métal précieux » qui figure dans la Loi. Même les pièces n'ayant pas le degré de pureté requis ne sont pas considérées comme exonérées de la TPS. En outre, la TPS s'applique aux fils d'or et à l'or granulaire, car ces produits ne répondent pas à toutes les exigences de la définition.

[27] On a renvoyé ce témoin à la pièce R-2, laquelle montrait une barre ou plaquette qui avait été coupée. Il a dit qu'on ne pouvait en déterminer le prix. Ce n'était pas une « barre » ou « plaquette » , et ce produit ne revêtait pas une forme commercialisable.

Arguments de l'appelante

[28] L'avocat de l'appelante a dit que l'or que l'appelante achète à un marchand a un degré de pureté de 99,5 % et que les actions de l'appelante n'influent pas sur ce degré de pureté. Ainsi, il est satisfait aux exigences en matière de pureté qui sont énoncées dans la définition.

[29] En outre, l'appelante doit démontrer que les articles étaient des « barres » , des « lingots » ou des « plaquettes » . La thèse de l'avocat de l'appelante était que la preuve révélait que les objets en or vendus par l'appelante correspondaient à la définition ordinaire des termes anglais « bar » (barre), « ingot » (lingot) et « wafer » (plaquette). Le législateur n'entendait pas que s'applique une définition propre à l'industrie et n'entendait pas non plus que, pour que l'objet entre dans la définition de ces termes, il y ait certaines inscriptions sur l'objet et que celui-ci soit commercialisable sur un marché international.

[30] L'avocat de l'appelante a renvoyé aux diverses définitions que les dictionnaires anglais donnent des termes « bar » (barre), « ingot » (lingot) et « wafer » (plaquette). Dans le Merriam-Webster's Collegiate Dictionary, dixième édition, le mot « bar » est décrit comme suit :

[TRADUCTION]

a) pièce droite (de bois ou de métal, par exemple) qui est plus longue que large et qui a divers usages (qui sert par exemple de levier, d'appui, de barrière ou de moyen de fixation); b) masse solide qui est habituellement beaucoup plus longue que large (barre d'or).

Le Webster’s New Twentieth Century Dictionary of the English Language, deuxième édition, définit ce terme comme suit :

[TRADUCTION]

terme qui vient du vieux français « barre » et du latin « barra » et qui désigne une barre. Bloc ou morceau d'or ou d'argent brut qui est coulé dans un moule et qui n'est pas ouvré.

Pour ce qui est du Oxford English Dictionary, deuxième édition, il définit le mot « bar » comme suit :

[TRADUCTION]

Bloc étroit à quatre côtés fait de métal ou autre produit manufacturé, par exemple une barre de fer, une barre de savon, une barre de chocolat, etc.; lingot de métal précieux.

[31] Le Merriam-Webster’s Collegiate Dictionary, dixième édition, dit que le mot « wafer » désigne un gâteau, une friandise ou un biscuit peu épais et croustillant. Le Webster’s New Twentieth Century Dictionary of the English Language, Unabridged, deuxième édition, dit que ce terme désigne toutes sortes de choses ressemblant à une gaufrette. Le Oxford English Dictionary, deuxième édition, volume 1, définit le mot « wafer » comme suit :

[TRADUCTION]

Pâtisserie très légère, peu épaisse et croustillante cuite entre deux plaques métalliques; était autrefois souvent accompagnée de vin et se consomme aujourd'hui principalement avec de la crème glacée; dans ce dernier cas, est parfois roulée et sert parfois à accueillir un macaron.

[32] Le Merriam-Webster’s Collegiate Dictionary, dixième édition, définit comme suit le mot « ingot » :

[TRADUCTION]

masse de métal coulée dans un moule pour lui donner une forme se prêtant à l'entreposage ou au transport et devant être ultérieurement traitée.

Le Webster’s New Twentieth Century Dictionary of the English Language, Unabridged, deuxième édition, dit que ce terme désigne ce qui est versé dans un moule à métal fondu. Le Oxford English Dictionary, deuxième édition, volume 1, définit le mot « ingot » comme suit :

[TRADUCTION]

Masse (habituellement oblongue ou en forme de brique) de métal fondu, notamment d'or, d'argent et (dans l'usage moderne) d'acier; dans ce dernier cas, les formes varient.

[33] D'après l'avocat de l'appelante, ce n'est généralement rien de plus que des pièces rectangulaires de métal. M. Bhatti a dit que, en général, les pièces qu'il utilisait étaient de forme rectangulaire. C'était des barres, au sens ordinaire de ce terme. Pour ce qui est du mot « wafer » (plaquette), l'avocat de l'appelante soutenait qu'une plaquette est quelque chose de très mince. M. Bhatti a dit que celles qu'il laminait n'avaient qu'un millimètre d'épaisseur. Il conviendrait d'attribuer à ce mot son sens ordinaire, et la Cour devrait conclure qu'il s'agissait de plaquettes.

[34] Pour ce qui est du mot anglais « ingot » (lingot), il faut garder à l'esprit que la définition de dictionnaire du mot « ingot » ne dit pas qu'il doit s'agir d'une barre, pourvu que le produit soit fabriqué à partir de métal fondu. M. Bhatti a déclaré qu'il versait les pièces de métal dans des moules. Les produits en question correspondaient à la définition du mot « ingot » , au sens ordinaire de ce terme.

[35] Il soutenait en outre que le législateur n'entendait pas que des définitions propres à l'industrie s'appliquent concernant cet article. S'il avait voulu que tel soit le cas, pourquoi aurait-il utilisé un mot qui n'est pas employé dans l'industrie? D'après M. McIntyre, le mot anglais « ingot » vient du français « lingot » , qui désigne une barre. Toutefois, ce qu'on entend par le mot anglais « ingot » est différent de ce qu'on désigne par le mot anglais « bar » . Le législateur devait vouloir que la signification ordinaire qu'en donnent les dictionnaires soit utilisée.

[36] Il a également renvoyé à l'article 160 de la Loi, qui se rapporte à des appareils automatiques (actionnés à l'aide de « pièces » ). Il a dit que, à la lumière de cet article, pour que la Cour conclue que le législateur entendait que la signification donnée dans l'industrie s'applique, il lui faudrait présumer que le législateur entendait utiliser deux définitions différentes.

[37] Toutefois, l'avocat soutenait que, même si les définitions présentées par l'intimée sont acceptées dans l'industrie, la Cour ne devrait pas les appliquer dans la présente espèce. Il a renvoyé à l'affaire Unwin v. Hanson, (1891) 2 B.R. 115 (Eng. C.A.), à l'appui de son argument selon lequel la Cour devrait appliquer non pas le sens technique mais le sens ordinaire lorsque la Loi vise des questions touchant tout le monde en général. Toutefois, si la Loi vise une opération ou un commerce ou négoce particulier, quiconque connaît bien cette opération ou ce commerce ou négoce sait et comprend que les termes ont une signification particulière, et le sens technique doit alors être appliqué, bien qu'il diffère du sens ordinaire.

[38] L'argument de l'avocat de l'appelante était que la Loi sur la taxe d'accise touche tout le monde en général, a une vaste application et ne s'applique pas simplement à des services financiers ou à des industries. N'importe qui peut acheter les produits en cause. Même si les termes ont un sens technique, le sens ordinaire devrait être appliqué en l'espèce, vu la vaste application de la Loi.

[39] Il soutenait en outre que l'estampage et le poinçonnage des produits n'est pas exigé par la « Loi » . Le législateur n'a jamais eu l'intention que ce soit exigé. Lorsque telle est son intention, comme à l'annexe II (article 23) — Taux applicables aux produits du tabac —, il l'indique expressément. Dans cette annexe, il dit expressément que les paquets de cigarettes doivent porter une marque ou une estampille. De plus, il y a toute une loi qui traite des métaux précieux, soit la Loi sur le poinçonnage des métaux précieux, L.R.C. 1985, ch. P-9. Il n'y a aucun renvoi à cette loi dans la mesure législative concernant la TPS.

[40] En outre, la Loi ne mentionne aucune exigence selon laquelle les produits doivent être transférables sur le marché libre pour entrer dans le cadre de la définition des termes « plaquette » , « lingot » ou « barre » .

[41] Il disait que l'intimée soutenait que, pour que le produit représente une fourniture exonérée, il doit s'agir d'un « effet financier » en vertu de l'article 123 de la Loi. Toutefois, on constate à l'examen de cette définition que tous les effets qui y sont mentionnés ne sont pas facilement commercialisables et qu'un métal précieux est quand même inclus dans la liste. Donc, la Cour doit prendre connaissance d'office de ce que certains de ces « effets financiers » ne sont pas commercialisables. Si le législateur avait voulu que le produit doive être commercialisable pour répondre aux exigences de la définition, il l'aurait indiqué expressément par la mention d'un marché ou le renvoi à un marché.

[42] En bref, l'appelante a démontré que les produits qu'elle vendait étaient des « barres » , « lingots » ou « plaquettes » d'un degré de pureté correspondant à ce qui est exigé. Les termes choisis indiquent que le législateur entendait que s'applique le sens ordinaire et non un sens technique.

[43] L'absence de termes exprès exigeant qu'il s'agisse d'un produit commercialisable estampé ou poinçonné pour que le produit réponde aux exigences de la définition est révélatrice à la lumière des autres articles de la Loi, qui imposent des exigences précises. Cela montre que le législateur n'entendait pas que la définition technique s'applique à des faits comme ceux de l'espèce pour que le produit soit exonéré.

[44] L'appel devrait être accueilli, avec dépens.

Arguments de l'intimée

[45] L'avocate de l'intimée faisait valoir que la véritable question soumise à la Cour était de savoir si la Bombay Jewellers Ltd. fournissait ou non un service financier en coupant un morceau d'une « plaquette » , d'un « lingot » ou d'une « barre » et en le revendant. Elle faisait valoir que tel n'était pas le cas. La partie VII de l'annexe V de la Loi traite de fournitures exonérées. L'article 1 parle de la « fourniture de services financiers qui ne figurent pas à la partie IX de l'annexe VI » . Ce n'est pas le cas de la fourniture en cause dans la présente espèce.

[46] Le paragraphe 123(1) renferme les définitions suivantes :

« service financier »

[...]

d) l'émission, l'octroi, l'attribution, l'acceptation, l'endossement, le renouvellement, le traitement, la modification, le transfert de propriété ou le remboursement d'un effet financier;

e) l'offre, la modification, la remise ou la réception d'une garantie, d'une acceptation ou d'une indemnité visant un effet financier;

« effet financier »

[...]

e) métal précieux;

« métal précieux » Barre, lingot, pièce ou plaquette composée d'or, d'argent ou de platine dont la pureté est d'au moins :

a) 99,5 %, dans le cas de l'or et du platine;

b) 99,9 %, dans le cas de l'argent.

[47] L'avocate arguait que les autres effets mentionnés dans la définition, par exemple le titre de créance prévu à l'alinéa a), le titre de participation prévu à l'alinéa b) et la police d'assurance prévue à l'alinéa c), ont tous le caractère d'un effet financier. En examinant simplement ces types d'effets, on peut déterminer de quoi il s'agit. On peut en déterminer la valeur commercialisable. La plupart de ces produits correspondent à des services financiers exonérés.

[48] Concernant le produit que l'appelante en l'espèce achetait sous sa forme originale, il s'agissait d'un effet financier exonéré, mais, une fois coupé par la compagnie appelante, le produit n'était plus admissible comme effet financier. L'énumération de ces types de documents dans la définition d' « effet financier » indique clairement l'intention du législateur quant à savoir ce que comprend cette expression. Pour qu'un produit entre dans le cadre de la définition d'un effet financier en tant que métal précieux, il doit répondre à toutes les exigences relatives à un effet financier, c'est-à-dire que, par exemple, il doit s'agir d'un produit qui est facilement identifiable et facilement transférable et dont la valeur peut être facilement déterminée.

[49] L'objet général de la Loi est de taxer tous les produits et services, à moins qu'ils ne soient expressément exonérés. Les dispositions de la Loi doivent être interprétées de façon très restrictive. Tous les produits qui font l'objet d'une exception sont des produits du même type, c'est-à-dire des produits facilement identifiables.

[50] Il ressortait clairement du témoignage de M. Alastair McIntyre que, si les « barres » , « lingots » , « pièces » ou « plaquettes » d'or répondant aux spécifications énoncées dans la définition devaient être taxés au Canada, l'industrie canadienne de l'or s'effondrerait. Donc, le législateur avait une intention à l'esprit en exonérant les métaux précieux entrant dans le cadre de la définition d' « effet financier » . L'avocate a renvoyé à l'affaire Perka et al. v. The Queen, (1984) 13 D.L.R. (4th) 1 (C.S.C.), à la page 26, à l'appui de sa thèse selon laquelle les termes et expressions techniques et scientifiques qui figurent dans une loi doivent se voir attribuer leur sens technique ou scientifique. Il est impossible d'utiliser les définitions ordinaires ou courantes des termes « bar » (barre), « ingot » (lingot) ou « wafer » (plaquette). Le législateur n'entendait pas que ces définitions s'appliquent.

[51] L'avocate a aussi renvoyé à l'affaire Unwin v. Hanson, précitée, aux pages 117 et 119, arguant que, dans la présente espèce, le sens technique devrait être utilisé plutôt que le sens général, car les dispositions législatives en cause concernent une opération ou un commerce ou négoce particulier. De plus, personne ne pourrait raisonnablement estimer que le législateur entendait se fonder sur le sens courant des termes en question, bien que la Loi s'applique à tout le monde. Les termes en question ont été employés dans un article précis concernant des effets financiers. On se reporte donc à cet article particulier de la Loi pour essayer de déterminer l'intention du législateur.

[52] Ces termes sont des termes techniques utilisés dans le secteur financier, et il ne convient pas de recourir à la signification générale de ces termes. Ce qui est visé, c'est de l'or de qualité représentant un placement; voilà tout ce qui était destiné à être exonéré, et non des produits en or du type de ceux qui étaient vendus en l'espèce.

[53] L'avocate a aussi renvoyé au Rapport sur le document technique relatif à la taxe sur les produits et services en date de novembre 1989 publié par le Comité permanent des finances. Ce document technique envisageait la détaxation de certaines formes de métaux précieux pour fins de placement, en conformité avec l'exonération de placements sous forme d'effets financiers. Il traitait des exigences en matière de « pureté » énoncées dans les définitions figurant à l'article 123. La Canadian Association of Numismatic Dealers (CAND) faisait des pressions pour que les définitions des termes « placement » , « qualité » et « métal précieux » soient modifiées de manière à inclure l' « or » et les « pièces d'argent » d'un degré de pureté de 90 p. 100, de façon que ces produits ne soient pas taxables. L'argument était que, sinon, ce traitement fiscal discriminatoire ferait sombrer dans l'illégalité une grande partie du marché des pièces pour fins de placement. Cela avait été rejeté. Il est clair que le législateur avait diverses exonérations à l'esprit en examinant la définition qui figure à l'article 123.

[54] La définition des termes anglais « financial instrument » (effet financier) figurant dans The Dictionary of Banking, de Charles J. Woelfel (Irwin Professional Publishing), appuie l'argument selon lequel le produit, pour être admissible en vertu de cette définition, doit être facilement commercialisable et doit représenter presque l'équivalent d'une somme d'argent. Du moins était-ce l'interprétation que l'avocate donnait de cette définition.

[55] L'argument de l'avocate était que, une fois la forme de la « barre » , du « lingot » ou de la « plaquette » modifiée par l'appelante, ce produit n'était plus un effet financier. Donc, une livraison du produit sous la forme alors existante n'était pas une opération financière. La valeur intrinsèque du produit avait changé et non pas simplement la propriété du produit, car personne n'accepterait comme effet financier le produit sous sa nouvelle forme. L'avocate ne soutenait pas que, pour que le produit entre dans le cadre de la définition prévue dans la Loi, il fallait qu'il soit commercialisable sur un marché international, mais elle faisait valoir qu'il fallait que ce soit quelque chose qui ait conservé son caractère commercialisable. Une fois la forme du produit modifiée, il ne s'agit plus d'un effet financier.

[56] L'avocate soutenait que l'objet de la mesure législative, ainsi que de l'exonération, était clairement de faciliter les flux de services et effets financiers, de sorte que notre économie puisse fonctionner sans les entraves aux marchés économiques que mettrait une taxe sur toutes les opérations. Cette exonération s'appliquait non seulement aux « barres » , « lingots » ou « plaquettes » d'or, mais aussi à tous les produits considérés comme des effets financiers en vertu de la définition. Le législateur a fait en sorte que l'or inclus comme effet financier se limite à l'or sous forme de « barre » , « lingot » , « pièce » ou « plaquette » dont la pureté est d'au moins 99,5 p. 100. Cette norme est la norme internationale dans les échanges sur le marché des métaux précieux, comme la preuve l'indiquait. Lorsque de l'or représente un placement financier et qu'il est ainsi utilisé, il est exonéré de la TPS. Même l'or acheté pour l'industrie, par exemple pour le secteur de la bijouterie, est exonéré de taxe à l'achat, mais, une fois retransformé et revendu, comme en l'espèce, de la TPS doit être perçue.

[57] L'avocate disait que le fait que l'appelante en l'espèce coupait des morceaux de la barre ou plaquette d'or pouvait se comparer au fait de retirer une page d'une police d'assurance tout en cherchant à utiliser cette police comme effet financier. Cela ne pourrait se faire. Il ne s'agirait pas d'un produit commercialisable ou vendable. Ce ne serait pas accepté à ce titre. De même, une fois la « barre » , « plaquette » ou « pièce » d'or coupée en morceaux, il ne s'agit plus d'un effet financier, et ce produit ne répond plus à l'exigence quant à la forme qui est prévue dans la mesure législative. Le fait que le degré de pureté reste le même ne répond pas aux exigences.

[58] L'avocate arguait que la communauté financière, notamment le marché des métaux précieux, a des définitions précises des termes « bar » (barre), « ingot » (lingot), « coin » (pièce) ou « wafer » (plaquette). Les définitions courantes ne sont pas utiles pour déterminer le sens exact d'un terme industriel spécialisé. En employant le terme anglais « wafer » , le législateur ne désignait pas une « pâtisserie très légère, peu épaisse et croustillante cuite entre deux plaques métalliques » au sens des dictionnaires ordinaires. Aucune des significations standard du mot « wafer » ne correspond, ne serait-ce que de loin, aux exigences énoncées dans la Loi sur la taxe d'accise.

[59] Si la forme exacte de l'or n'était pas importante, le législateur aurait pu simplement exonérer l'or d'un degré de pureté de 99,5 p. 100. Ce n'est pas ce qu'il a fait.

[60] Dans son témoignage, M. McIntyre a expliqué la définition qu'on donne dans l'industrie des termes « bar » (barre), « ingot » (lingot), « coin » (pièce) ou « wafer » (plaquette). Il a dit clairement qu'il s'agissait de termes techniques utilisés dans l'industrie. La Cour devrait accepter cela comme élément de preuve en déterminant la définition technique exacte.

[61] L'appelante ne s'est pas acquittée de la charge qui lui incombait de démontrer que l'or vendu était encore un métal précieux et qu'il s'agissait donc d'un effet financier correspondant à un service exonéré en tant que service financier. L'appel devrait être rejeté, avec frais.

Contre-preuve

[62] L'avocat de l'appelante arguait qu'il était hasardeux de renvoyer aux autres types d'effets financiers et d'établir un parallèle pour déterminer ce que désignent dans le contexte de l'espèce les termes « métal précieux » , « effet financier » et « service financier » . La différence entre l'or et les autres effets financiers mentionnés dans la Loi tient au fait que l'or peut être utilisé en soi comme matière première. Ce n'est pas le cas des autres produits.

[63] Il n'est pas important en l'espèce que l'or soit facilement vendable, qu'il ait une valeur facilement déterminable ou qu'il soit facilement négociable. La Cour ne devrait pas conclure que, parce que l'expression « métal précieux » a été incluse dans la liste, il faut qu'un tel produit ait les mêmes propriétés.

Analyse et décision

[64] Les dispositions de la Loi sur la taxe d'accise concernant la TPS exigent l'application de la taxe à tous les produits et services, à moins que ceux-ci ne soient exonérés. Les produits et services peuvent être exonérés s'ils sont expressément énumérés dans une disposition d'exonération de la Loi. S'ils ne sont pas expressément énumérés et qu'ils sont toutefois à ce point semblables aux produits ou services expressément énumérés qu'ils en sont l'équivalent, la Cour peut conclure que le législateur entendait que de tels produits et services soient également exonérés.

[65] La Cour est en outre convaincue que certains de ces articles de la Loi s'appliquent de façon générale à l'égard de tous les produits et services, tandis que d'autres articles de la Loi ont une portée limitée et s'appliquent à des produits et services précis ou à leur équivalent. Souvent, il faut considérer différents articles, sections et parties de la Loi pour déterminer si un produit ou service particulier est exonéré ou non. Il en va ainsi dans la présente espèce.

[66] Ce que l'appelante vendait était évidemment un produit ou service et était assujetti à la TPS, à moins que l'appelante ne puisse démontrer selon la prépondérance des probabilités que le produit ou service était exonéré. À la lumière des dispositions pertinentes, l'appelante doit démontrer que ce qu'elle fournissait était un service financier. Elle ne pouvait fournir un service financier que si l'or qu'elle vendait était un métal précieux au sens de la définition, car la Cour est convaincue que ce qui est exonéré, c'est non pas l'or lui-même, mais le service financier résultant de la vente de l'or.

[67] Des éléments de preuve ont été présentés par un témoin reconnu comme expert dans le monde financier, notamment sur le marché des métaux précieux. Ce témoin a déposé qu'il y a des définitions précises des termes « bar » (barre), « ingot » (lingot), « coin » (pièce) ou « wafer » (plaquette), que ces termes sont des termes techniques et que les morceaux d'or utilisés par l'appelante en l'espèce ne sont pas admissibles comme tels en vertu des définitions techniques utilisées sur de tels marchés.

[68] Le principal point en litige entre les deux parties tournait autour de la question de savoir si la Cour devrait appliquer le sens général ou courant que les dictionnaires donnent des termes « bar » (barre), « ingot » (lingot) et « wafer » (plaquette) ou si elle devrait appliquer un sens plus technique, comme celui qui est avancé par l'expert que l'intimée a appelé.

[69] Fait assez intéressant, les deux parties ont renvoyé à la même cause à l'appui de leur thèse respective. L'avocat de l'appelante arguait que la Cour devait appliquer le sens général ou ordinaire ou le sens que les dictionnaires donnent de ces termes, parce que les définitions de la Loi sur la taxe d'accise concernant la TPS s'appliquent à presque tous les produits et services en général (voir l'affaire Perka et al., précitée). Pour sa part, l'avocate de l'intimée, invoquant la même affaire, arguait que les conclusions rendues dans cette cause-là étayaient sa thèse selon laquelle le législateur entendait utiliser des termes dans un sens technique, et la Cour ne devrait pas y substituer un sens général.

[70] La Cour conclut que, jusqu'à un certain point, les deux parties peuvent avoir raison. La Cour est convaincue que certains articles de la Loi sur la taxe d'accise concernant la TPS s'appliquent de façon générale à tous les produits et services et qu'il serait raisonnable d'utiliser le sens général ou courant ou le sens que les dictionnaires donnent des termes en litige. De même, la Cour conclut qu'il y a des articles de la Loi concernant la TPS qui visent des produits et services plus précis et qu'il serait raisonnable d'appliquer aux termes en litige la signification technique ou scientifique.

[71] La Cour conclut que, en l'espèce, les termes en litige sont utilisés dans le contexte d'un article plus restrictif se rapportant à des effets financiers. Il est vrai que tous les produits correspondant aux termes utilisés dans la définition d' « effet financier » n'ont pas exactement les mêmes qualités, mais ils sont de nature très semblable. Il s'agit d'éléments qui sont en général facilement transférables, qui ont une valeur facilement déterminable, qui sont facilement identifiables et qui sont plus ou moins commercialisables. La Cour est convaincue que, en l'espèce, il serait plus raisonnable qu'elle utilise le sens technique pour arriver à sa conclusion quant à l'intention du législateur dans l'établissement de cette définition.

[72] Jusqu'à un certain point, l'examen du Rapport sur le document technique relatif à la taxe sur les produits et services, précité, aide la Cour dans sa décision. Il ressort clairement d'un examen de la forme finale de la Loi que le législateur entendait établir une définition plus restrictive que ne le dit l'avocat de l'appelante. En fait, le législateur a refusé que la définition de ce qu'est de l'or pour fins de placement soit modifiée de manière à inclure les pièces numismatiques, parce que leur degré de pureté ne répondait pas aux normes énoncées dans la définition de « métal précieux » . On peut raisonnablement présumer que tout autre produit n'ayant pas toutes les qualités d'une « barre » , d'un « lingot » ou d'une « plaquette » ne serait pas considéré comme exonéré en vertu de la définition. La Cour est convaincue que l'intention du législateur devait être d'inclure seulement l'or de qualité pour fins de placement dans la définition de « service financier » et dans la catégorie des produits et services exonérés.

[73] N'est pas sans fondement l'argument de l'avocate de l'intimée selon lequel un morceau d'une « barre » , d'un « lingot » , d'une « pièce » ou d'une « plaquette » , même s'il est de forme rectangulaire, n'entre plus dans le cadre de la définition d'un effet financier équivalant à une somme d'argent et n'est plus négociable sous la forme sous laquelle il est présenté. Il est évident qu'une banque, un marchand d'or ou un client n'accepterait pas les morceaux ainsi présentés sans les avoir fait examiner par un essayeur de métaux précieux et sans les avoir fait peser, sauf s'il se fiait essentiellement à l'information fournie par la personne avec laquelle il faisait affaire.

[74] La seule qualité d'une « barre » , d'un « lingot » ou d'une « plaquette » que conservaient les morceaux d'or vendus par l'appelante était la pureté, mais, dans chaque cas, l'acquéreur devait se fonder sur la déclaration de l'appelante quant à la pureté du produit vendu. Ce n'est pas ce qui se passerait sur le marché financier, et il serait difficile de conclure qu'il s'agissait en fait d'un effet financier.

[75] La Cour conclut que le législateur entendait que le sens technique s'applique dans la définition des termes « ingot » (lingot), « wafer » (plaquette) ou « bar » (barre) et elle est en outre convaincue que le fait d'accepter la définition de dictionnaire ou la définition courante ou générale de ces termes conduirait à un résultat absurde. La Cour aurait de la difficulté à conclure que, en employant le mot anglais « wafer » , le législateur voulait que soit inclus tout ce qui correspond, même de loin, à la définition générale que les dictionnaires donnent de ce terme, ou que, en utilisant les termes « ingot » (lingot) ou « bar » (barre), le législateur envisageait que cela puisse inclure de petits morceaux d'or retranchés d'un produit qui était par ailleurs facilement identifiable, commercialisable, reconnu et évaluable et qui était couramment utilisé comme effet financier sur le marché des métaux précieux.

[76] La Cour n'est pas convaincue que l'appelante se soit acquittée de la charge qui lui incombait de prouver que les produits en question entraient dans le cadre de la disposition d'exonération de la Loi. De la TPS aurait dû être perçue sur ces produits.

[77] On a déclaré en preuve que l'appelante avait reçu des avis avant de décider d'agir comme elle l'a fait et de ne pas percevoir de TPS sur les ventes. Cependant, sans une interprétation judiciaire des articles pertinents, sans un document technique du ministère indiquant que ce dernier pourrait interpréter cette définition de la même manière et sans une décision anticipée du ministère favorable à la thèse de l'appelante, il serait effectivement hasardeux de se fonder sur une interprétation aussi ténue.

[78] Dans sa décision, la Cour n'est pas influencée par la raison qu'avait l'appelante d'agir comme elle l'a fait, bien qu'il soit évident que l'appelante pouvait réaliser un bénéfice en achetant les barres à un prix inférieur et en appliquant une majoration lorsque les morceaux étaient vendus. Toutefois, lorsque l'appelante vendait les morceaux d'or sous la forme autre que la forme sous laquelle l'or avait été acheté, les morceaux en question n'étaient plus des effets financiers et n'étaient plus soustraits à l'application de la TPS.

[79] Le renvoi de l'avocat de l'appelante à l'article 160, qui traite d'appareils automatiques (actionnés à l'aide de « pièces » ), n'aide pas la Cour dans sa décision.

[80] L'appel est rejeté, et la cotisation du ministre est confirmée, avec adjudication de frais à l'intimée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour d'août 1998.

« T. E. Margeson »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 16e jour de février 1999.

Mario Lagacé, réviseur

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