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Date :20000628

Dossier : 1999-3746-EI

ENTRE :

2747-7173 QUÉBEC INC. (AUSSI CONNU SOUS LE NOM DE CLIMAN TRANSPORTATION SERVICES REG’S),

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

RICHARD LAMONTAGNE,

intervenant.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Somers, C.C.I.

[1] L’appel en instance a été entendu à Montréal (Québec) le 20 avril 2000.

[2] L’appelante interjette appel d’une décision du ministre du Revenu national (le « ministre » ) selon laquelle l’emploi exercé par Richard Lamontagne (le « travailleur » ) pour 2747-7173 Québec Inc., le payeur, au cours de la période en litige, soit du 28 décembre 1997 au 5 juillet 1998, était un emploi assurable au sens de la Loi sur l’assurance-emploi, et la rémunération assurable pour ladite période s’élevait à 21 951,71 $.

[3] Il s’agit de déterminer si la rémunération assurable du travailleur pour la période pertinente était de 21 951,71 $ ou de 17 202,11 $ comme il est indiqué sur le T4 que le payeur a délivré au travailleur (pièce A-2). L’intimé s’est appuyé sur le paragraphe 2(1) du Règlement sur la rémunération assurable et la perception des cotisations (le « Règlement » ) pour rendre sa décision.

[4] Le paragraphe 2(1) du Règlement est libellé en partie comme suit :

2. (1) Pour l’application de la définition de « rémunération assurable » au paragraphe 2(1) de la Loi et pour l’application du présent règlement, le total de la rémunération d’un assuré provenant de tout emploi assurable correspond au montant total, entièrement ou partiellement en espèces, que l’assuré reçoit ou dont il bénéficie et qui lui est versé par l’employeur à l’égard de cet emploi.

[5] Le paragraphe 2(3) du Règlement est libellé en partie de la façon suivante :

(3) Pour l’application des paragraphes (1) et (2), sont exclus de la rémunération :

a) les avantages en nature, à l’exception du montant qui représente la valeur des frais supportés pour la pension et le logement dont une personne bénéficie relativement à son emploi au cours d’une période de paie, si une rétribution en espèces lui est versée par l’employeur pour cette période;

[...]

[6] Pour arriver à sa décision, le ministre s’est appuyé sur les allégations de fait suivantes, qui ont été admises ou niées.

[TRADUCTION]

a) L’appelante était constituée en société. (admise)

b) L’appelante faisait affaire sous la raison sociale Climan Transportation Services Reg's. (admise)

c) L’appelante employait le travailleur comme camionneur. (admise)

d) Le travailleur était principalement appelé à conduire des camions aux États-Unis d’Amérique. (admise)

e) L’appelante a délivré au travailleur un T4 pour l’année d’imposition 1998 sur lequel est indiqué le montant de 17 745,33 $ à titre de revenu d’emploi. (admise)

f) Les registres de paie de l’appelante pour l’année 1998 indiquent ce qui suit :

Revenu imposable : 17 202,11 $

Dépenses non imposables : 4 749,60 $

Revenu brut : 21 951,71 $ (admise)

g) Le montant de 4 749,60 $ versé au travailleur était une indemnité de déplacement au titre des frais de déplacement du travailleur, comme les frais de repas. (admise)

h) L’indemnité de déplacement a été versée en sus du salaire du travailleur sans que celui-ci ait à présenter de reçu. (niée)

i) L’indemnité de déplacement faisait partie de la rémunération assurable du travailleur pour la période pertinente. (niée)

[7] L’appelante faisait affaire sous la raison sociale Climan Transportation Services Reg's. Richard Lamontagne était employé comme camionneur au cours de la période en cause et ses tâches consistaient à conduire des camions aux États-Unis de manière continue et courante.

[8] Le travailleur avait droit à un montant quotidien de 33 $, qui s’ajoutait à son salaire fixe, au titre des dépenses telles que les repas, les douches, la buanderie, les appels téléphoniques. Cette indemnité était versée sans que le travailleur ait à fournir de pièces justificatives, qu’il ait engagé ou non des frais équivalents chaque jour. Les autres frais du travailleur étaient remboursés par l’appelante sur présentation des reçus appropriés.

[9] L’appelante a délivré au travailleur un feuillet T4 pour l’année d’imposition 1998 sur lequel il a indiqué que le revenu d’emploi s’élevait à 17 022,11 $. Les registres de paie de l’appelante pour l’année 1998 indiquent qu’un montant additionnel de 4 749,60 $ a été versé au travailleur au titre des frais engagés, soit l’indemnité quotidienne de 33 $ (pièce A-2) pour laquelle il n’avait pas à fournir de reçus.

[10] Il s’agit de déterminer si l’indemnité de déplacement faisait partie de la rémunération assurable du travailleur pour la période pertinente.

[11] L’intimé a invoqué le paragraphe 2(1) du Règlement pour inclure l’indemnité de déplacement de 4 749,60 $ dans la rémunération assurable pour la période en question.

[12] Le paragraphe 2(1) du Règlement a été modifié le 17 décembre 1997 pour inclure les pourboires dans la rémunération assurable. Cette modification ne change rien à l’objet de la définition de « rémunération assurable » dans le Règlement daté du 19 décembre 1996. Les pourboires ajoutés à la rémunération assurable font augmenter le montant servant au calcul des prestations d’assurance-chômage et permettent à l’employé de toucher des prestations d’assurance-chômage plus élevées s’il perd son emploi.

[13] Le paragraphe 2(1) du Règlement, tel qu'il est modifié, est ainsi libellé :

Pour l’application de la définition de « rémunération assurable » au paragraphe 2(1) de la Loi et pour l’application du présent règlement, le total de la rémunération d’un assuré provenant de tout emploi assurable correspond à l’ensemble des montants suivants :

a) le montant total, entièrement ou partiellement en espèces, que l’assuré reçoit ou dont il bénéficie et qui lui est versé par l’employeur à l’égard de cet emploi;

b) le montant de tout pourboire que l’assuré doit déclarer à l’employeur aux termes de la législation provinciale.

Cependant, l’alinéa 2(3)a) du Règlement s’applique toujours en l’espèce.

[14] Les avocats de l’appelante ont choisi de donner une définition générale de « rémunération assurable » . Ils ont invoqué la jurisprudence et plus particulièrement la Loi de l’impôt sur le revenu pour définir « rémunération assurable » .

[15] Essentiellement, ils font valoir que l’employeur verse un certain montant d’argent à l’employé en échange des services fournis, ce qui correspond à la définition généralement donnée dans des décisions antérieures portant sur la détermination de la rémunération ou de la rétribution. Si on applique l’interprétation générale de la rémunération assurable, il est raisonnable de conclure qu’une indemnité de déplacement de 33 $ par jour ne devrait pas être incluse dans la rémunération assurable.

[16] L’intimé fait valoir qu’une définition donnée dans une loi ou un règlement devrait être acceptée telle quelle si elle est claire et sans équivoque. Il n’y a pas lieu dans les circonstances d’invoquer une définition courante ou un autre texte législatif pour interpréter l’objet de la loi ou du règlement.

[17] Pour l’application des paragraphes 2(1) et 2(2), sont exclus de la rémunération :

2 (3) [...]

a) les avantages en nature, à l’exception du montant qui représente la valeur des frais supportés pour la pension et le logement dont une personne bénéficie relativement à son emploi au cours d’une période de paie, si une rétribution en espèces lui est versée par l’employeur pour cette période;

[18] Dans l’arrêt Canadien Pacifique Ltée c. P.G. (CAN.), [1986] 1 R.C.S. 678, le juge La Forest s’exprime en ces termes aux pages 687 et 688 :

Quoi qu’il en soit, la signification du mot rémunération n’est pas restreinte aux seules situations comprises dans le préambule du par. 3(1). Les alinéas de cette disposition énumèrent toute une série de bénéfices qui reviennent à l’employé en raison de son emploi. Ceux-ci servent à clarifier ou même à ajouter à ce qui est compris dans le préambule. Une jurisprudence constante appuie cette façon de voir. Un passage dans Maxwell on Interpretation of Statutes (12th ed. 1969) nous en donne un résumé à la page 270:

[TRADUCTION] Dans certains cas, on dit qu’un mot « signifie » ce que la définition dit qu’il signifie: dans ces cas, le mot a le sens restreint que lui donne la définition. Cependant, dans d’autres cas, on emploie l’expression « comprend » « afin d’étendre le sens des mots ou expressions contenus dans le corps du texte législatif; ces mots et expressions doivent alors être interprétés comme signifiant non seulement ce qu’ils signifient normalement, mais aussi ce que la disposition d’interprétation dit qu’ils comprennent » . Autrement dit le mot dont on dit qu’il « comprend » quelque chose conserve, outre le sens élargi que lui donne ainsi sa définition dans la loi, « son sens ordinaire, courant et naturel, chaque fois qu’il se déduit normalement du contexte » .

[19] Une définition donnée dans un texte législatif peut avoir un sens restreint ou un sens large.

[20] En l’espèce, l’alinéa 2(3)a) du Règlement revêt un sens large parce qu’il n’exclut pas l’indemnité de déplacement de la rémunération assurable.

[21] L’indemnité de déplacement de 33 $ par jour versée au travailleur sans qu’il ait à soumettre de reçus fait partie des conditions d’emploi. Elle est incluse chaque jour de paie au besoin dans la rémunération générale relative à l’emploi.

[22] Il n’y a pas lieu de citer d’autres lois ou des décisions antérieures lorsque le texte législatif est clair et sans équivoque, comme c’est le cas en espèce.

[23] Le travailleur occupait un emploi assurable au cours de la période en question et il est établi que la rémunération assurable s’élève à 21 951,71 $ au sens du Règlement.

[24] L’appel est rejeté.

Signé à Ottawa (Canada), ce 28e jour de juin 2000.

« J.F. Somers »

J.S.C.C.I.

Jurisprudence consultée

Farquharson c. La Reine, [1986] 1 R.C.S. 703.

M.R.N. c. Visan, [1983] 1 C.F. 820

Hutton v. Canada (Minister of National Revenue – M.N.R.) [1999] T.C.J. no 655

Université Laval c. Canada (ministre du Revenu national – M.R.N.) [2000] A.C.I. no 99

Guimond c. Canada (ministre du Revenu national – M.R.N.) [1986] A.C.I. no 143

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