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Date: 19980211

Dossier: 97-357-UI

ENTRE :

GROUPE-CONSEIL TREMDEL INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Charron, C.C.I.

[1] Cet appel a été entendu à Montréal (Québec), le 8 janvier 1998, dans le but de déterminer si Chantal Aylwin (la travailleuse) a exercé un emploi assurable du 11 septembre 1995 au 31 mai 1996, au sens de la Loi sur l'assurance-chômage, (la « Loi » ) lorsqu'elle était au service de l'appelante.

[2] Par lettre du 29 novembre 1996, l'intimé informa l'appelante que cet emploi était assurable pour le motif qu'il existait une relation employeur-employé entre elle et la travailleuse, d'une part, et que la rémunération assurable totalisait 20 250 $ d'autre part.

Exposé des faits

[3] Les faits sur lesquels s'est basé l'intimé pour rendre sa décision sont énoncés au paragraphe 5 de la Réponse à l'avis d'appel comme suit :

« a) L'appelante, constituée en 1992, est une entreprise offrant des services de génie conseil (faire des plans et devis). (admis)

b) Les actionnaires à part égales de l'entreprise de l'appelante sont : M. Roger Denicourt et M. Louis Tremblay. (admis)

c) Durant la période en litige, les actionnaires et la travailleuse étaient les seuls travailleurs de l'appelante. (nié tel que rédigé)

d) À la fin de l'été 1995, l'appelante obtenait un contrat de surveillance de travaux de réfection de rues de la municipalité de Sainte-Agathe-Sud. (admis)

e) Comme les deux actionnaires de l'appelante étaient engagés sur d'autres mandats, l'appelante embaucha la travailleuse, une ingénieure temporairement sans travail, pour s'occuper de ce contrat de surveillance. (nié tel que rédigé)

f) Au cours de la période en litige, la travailleuse travailla sur les trois contrats suivants : (admis)

- Municipalité de Sainte-Agathe-Sud (reconstruction de routes).

- Institut de recherche de pâtes et papiers (usine).

- Municipalité de Saint-Bruno (reconstruction de routes).

g) Dans le cadre de son travail, la travailleuse effectuait les tâches suivantes : elle devait suivre le progrès des travaux, faire les rapports de chantiers, s'occuper des certificats de paiement avec les entreprises et répondre aux questions des clients. (admis)

h) La travailleuse effectuait la majorité de son travail sur les chantiers et en partie chez elle. (admis)

i) La travailleuse travaillait selon un horaire variable qui s'échelonnait sur 4 à 6 jours par semaine. (admis)

j) La travailleuse se rendait au bureau de l'appelante à chaque semaine pour rencontrer l'un des actionnaires, consulter des plans et remettre ses rapports de surveillance de chantier. (admis)

k) Durant l'automne 1995, le travail de la travailleuse était supervisé par M. Roger Denicourt et par la suite, il était supervisé par M. Louis Tremblay. (nié tel que rédigé)

l) Durant les six dernières semaines de la période en litige, la travailleuse a travaillé dans les bureaux de l'appelante à faire différentes tâches pour les deux actionnaires (offres de service, cédules de projets et dessins de projets). (ignoré)

m) L'appelante était responsable auprès de ses clients des tâches effectuées par la travailleuse. (admis)

n) La travailleuse recevait une rémunération hebdomadaire fixe, incluant les frais d'utilisation de son automobile, établie au début de chaque contrat obtenu par l'appelante. (nié)

o) Au cours de la période en litige, la travailleuse a obtenu de l'appelante 11 chèques de paie totalisant 20 250 $. (nié tel que rédigé)

p) Au cours de la période en litige, il existait un véritable contrat de louage de services, d'apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal entre l'appelante et la travailleuse. (nié) »

[4] L'appelante a reconnu la véracité de tous les alinéas du paragraphe 5 de la Réponse à l'avis d'appel, sauf ceux qu'elle a niés ou déclaré ignorer, ainsi qu'il est indiqué entre parenthèses à la fin de chacun.

Témoignage de Louis Tremblay :

[5] Président de l'appelante et consultant privé, Tremblay affirme avoir engagé Chantal Aylwin, ingénieure, à sous-contrat pour effectuer certains travaux de sa compétence sur les projets suivants : 1) réfection du chemin Brunet à Sainte-Agathe-Sud; 2) étude des effluents de l'Institut de Recherche sur les pâtes et papiers (Paprican); 3) réfection du boulevard de Boucherville à Saint-Bruno-de-Montarville.

[6] Le premier contrat avait pour but d'assurer la surveillance des travaux pour un montant forfaitaire de 700 $ par semaine, incluant les dépenses (pièce A-1).

[7] Le second contrat incluait les activités suivantes : cueillette de données, examens des plans, identification des points de rejets, vérification et validation sur place, évaluation théorique des débits, élaboration d'un bilan sommaire, estimation des coûts et préparation d'un rapport et présentation au client, le tout pour un montant forfaitaire de 7 000 $ incluant dépenses (pièce A-2).

[8] Le dernier contrat requérait la préparation du devis et de l'estimation des coûts, pour un montant forfaitaire de 4 750 $ incluant les dépenses (pièce A-3).

[9] Jamais l'appelante n'a à dire à la travailleuse ce qu'elle a à faire, vu ses connaissances et son expérience.

[10] L'appelante ne conteste pas la décision de l'intimé relative à la période du 8 avril au 31 mai 1996. Par contre, jamais l'appelante n'a voulu embaucher la travailleuse en vertu d'un contrat de louage de services, parce qu'elle n'avait pas un volume suffisant de travail. L'appelante utilisait les services, au besoin, d'une secrétaire de Plante et Associés, un bureau voisin. La travailleuse pouvait également effectuer son travail chez-elle ou au bureau, selon son gré, comme il lui était loisible d'utiliser son ordinateur ou celui du bureau, ou encore les instruments d'arpentage de Plante et Associés. Le bureau de l'appelante était situé dans les locaux que Plante et Associés mettaient gratuitement à sa disposition.

Témoignage de Chantal Aylwin

[11] La travailleuse est ingénieure de sa profession et corrobore le témoignage de Louis Tremblay. Elle ajoute qu'elle était payée par chèque aux 2-3 semaines, mais ne faisait aucune facture. Tremblay lui faisait confiance et ne lui imposait aucune surveillance. Pour sa part, elle tenait l'appelante au courant du progrès des contrats qu'elle surveillait. Elle n'était pas payée pendant les congés de Noël et du Jour de l'An, n'avait pas de cartes d'affaires, utilisait les instruments de Plante et Associés, son ordinateur personnel et considérait l'appelante comme sa cliente.

Analyse des faits en regard du droit

[12] Il y a lieu maintenant de déterminer si l'activité de la travailleuse est incluse dans la notion d'emploi assurable, c'est-à-dire s'il existe un contrat de louage de services visé par l'alinéa 3(1)a) de la Loi sur l'assurance-chômage.

[13] La jurisprudence a énoncé quatre critères indispensables pour reconnaître un contrat de louage de services. La cause déterminante en cette matière est celle de City of Montreal c. Montreal Locomotive Works Ltd. [1947] 1 D.L.R. 161. Ces critères sont les suivants : 1) le contrôle; 2) la propriété des instruments de travail; 3) la possibilité de profit et le risque de perte; 4) la Cour d'appel fédérale y a ajouté le degré d'intégration dans l'arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., mais cette énumération n'est pas exhaustive.

[14] Or, ce qu’il reste de la preuve a démontré que le travail exécuté par la travailleuse l'était sous la direction de l'appelante, mais il n'existait aucun lien de subordination entre eux. La propriété des instruments n'est pas pertinente. Elle reçoit une rémunération forfaitaire qui lui est payée par versements. Enfin, la travailleuse, n'est pas intégrée dans l'entreprise qui retient ses services. J'en conclus donc qu'elle est une personne autonome qui remplit un contrat d'entreprise du 11 septembre 1995 au 8 avril 1996.

[15] En conséquence, l'appel est admis pour la période du 11 septembre 1995 au 8 avril 1996 et la décision rendue par le Ministre est modifiée en conséquence.

Signé à Ottawa (Canada), ce 11e jour de février 1998.

« G. CHARRON »

J.S.C.C.I.

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