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Date: 19980218

Dossier: 96-4454-IT-I

ENTRE :

JEAN-MARC GRETILLAT,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1] Il s’agit d’un appel, par voie de la procédure informelle, concernant des montants excédentaires versés en 1991 dans des régimes enregistrés d’épargne-études ou « REEE » , régimes prévus à l’article 146.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi » ).

[2] L’alinéa 146.1(2)k) de la Loi fixe le plafond des sommes pouvant être versées à un REEE à 1 500 $ par année. L’article 204.91 de la Partie X.4 de la Loi prévoit qu’un impôt égal à un pour cent de l’excédent est payable pour chaque mois où l’excédent n’est pas retiré.

[3] Les questions en litige sont de savoir : a) si la bonne foi de l’appelant en souscrivant des montants excédentaires au montant permis par la Loi peut être prise en considération pour réduire l’impôt payable en vertu de la Partie X.4 de la Loi; b) si cette Cour peut ordonner au ministre du Revenu national (le « Ministre » ) de renoncer aux intérêts en vertu du paragraphe 220(3.1) de la Loi; et c) si la cotisation du Ministre établie en vertu du paragraphe 152(7) de la Loi peut être annulée du fait qu’elle n’aurait présumément pas été établie avec la diligence raisonnable.

[4] Les paragraphes 2 à 6 de la Réponse à l’avis d’appel (la « Réponse » ) se lisent comme suit :

2. En mai 1991, l'appelant a contribué les montants suivants après les frais d'administration pour ses trois fils à un régime enregistré d'épargne-études (un « REEE » ) :

Montant Convention

Daniel Étienne 7 141,50 $ # 7383266

Marc André 7 579,80 $ # 7383231

Pierre Charles 7 464,00 $ # 7383258

3. Suite à la préparation de déclarations arbitraires T1E-OVP et par avis de nouvelles cotisations datés du 15 février 1995, le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) a imposé l'appelant pour les montants excédentaires dans son REEE mentionnés ci-dessus au paragraphe 2 et les pénalités pour les années d'imposition 1991 et 1992.

4. Suite à la préparation de déclarations arbitraires T1E-OVP et par avis de nouvelles cotisations datés du 8 septembre 1995, le Ministre a imposé l'appelant pour les montants excédentaires dans son REEE mentionnés ci-dessus au paragraphe 2 et les pénalités pour les années d'imposition 1993 et 1994.

5. Par avis de nouvelles cotisations datés du 13 novembre 1996, le Ministre a radié uniquement les pénalités mentionnées ci-dessus aux paragraphes 3 et 4 pour les années d'imposition 1991, 1992, 1993 et 1994.

6. Pour établir ces cotisations, le Ministre a tenu notamment pour acquis les faits suivants :

a) les montants que l'appelant a contribués étaient en excès de 1 500 $ pour chacun de ses fils tel que mentionné ci-dessus au paragraphe 2;

b) au 31 décembre 1994, l'appelant n'a toujours pas retiré l'excès de fonds dans ses REEE;

c) l'appelant, dans les 90 jours suivant la fin de l'année, n'avait pas présenté pour chacune des années d'imposition 1991, 1992, 1993 et 1994 ses déclarations sur les formulaires prescrits (T1E-0VP);

d) des déclarations arbitraires ont été préparées pour chacune des années d'imposition 1991 à 1994 inclusivement.

[5] Voici les points principaux soulevés par l’appelant dans son avis d’appel :

... En 1991 ma femme et moi pensions partir en Afrique comme missionnaires. Nous avons décidé d'investir une bonne partie de nos économies dans un REEE pour nous assurer que nos trois plus jeunes enfants pourraient faire des études universitaires. Comme nous pensions quitter le Canada, nous avons décidé d'investir en une seule fois un montant suffisant. ... Nous avons fait cet investissement de toute bonne foi pensant ainsi assurer un meilleur avenir à nos enfants.

En aucun temps la compagnie Fondation Héritage à laquelle nous avons versé les sommes (ou son représentant) ne nous a avisé des conséquences fiscales reliées à notre investissement, que ce soit oralement ou par écrit.

...

En octobre 1994 nous avons reçu une lettre de M. Daniel Tai de Revenu Canada nous avisant que nos contributions au REEE excédaient la limite permise. Comme je partais à ce moment pour un voyage missionnaire en Afrique, j'ai demandé à notre agent de la Fondation Héritage d'entrer en contact avec Revenu Canada pour nous. ....

Des avis de cotisation datés du 15 février 1995 nous ont donc été envoyés. ...

Il est évident qu'un montant excédentaire à la limite permise n'aurait pas été versé à Fondation Héritage si nous avions eu connaissance qu'une telle limite était prévue par la loi.

...

- les montants versés au REEE au cours de l'année 1991 en excédant de la limite permise l'ont été en toute bonne foi, et ce, sans aucune intention d'éluder le paiement de l'impôt sur les intérêts générés;

...

- du moment où les montants ont été versés et jusqu'à la réception d'une lettre d'un représentant de Revenu Canada en octobre 1994 nous n'avons pas été informés des conséquences fiscales reliées à notre investissement et des plafonds prévus à la loi, que ce soit par les représentants de Fondation Héritage ou par le ministère fédéral du Revenu;

- si nous avions eu connaissance des limites prévues à la loi quant aux cotisations versées à un REEE, nous aurions respecté cette limite et réinvesti l'excédent avec un impact fiscal minimal;

...

- une application mécanique de la loi à l'égard des montants excédentaires versés au REEE nous apparaît déraisonnable eu égard aux circonstances particulières énoncées précédemment;

subsidiairement;

...

- le long délai écoulé entre le moment où les montants ont été versés au REEE et l'émission des avis de cotisation causent un préjudice sérieux à l'opposant quant aux intérêts réclamés, ce délai ne lui étant pas imputable.

[6] L’appelant a témoigné pour lui-même. Monsieur Robert Levesque, agent du Ministre au niveau des appels, a témoigné à la demande de l’avocate de l’intimée.

[7] Les faits décrits à la Réponse ci-dessus, n’ont pas été contestés par l’appelant. Toutefois, par souci d’exactitude, il me faut dire que les documents décrits comme avis de nouvelles cotisations aux paragraphes 3 et 4 de la Réponse sont des avis de cotisations et non des avis de nouvelles cotisations. Comme nous le verrons plus loin, il s’agit en effet de cotisations établies par le Ministre de son propre chef, en vertu de la partie X.4 de la Loi et du paragraphe 152(7) de la Loi. Les avis de cotisations produits en liasse comme pièce I-1 ne disent pas autrement.

[8] L’appelant a répété lors de son témoignage ignorer qu’il y avait un montant maximal qu’un particulier pouvait souscrire à un REEE. Toutefois, en 1991, lors de la souscription à un REEE, l’appelant et son épouse avaient rencontré trois organismes qui avaient l’autorité de passer de tels contrats d'épargne-études. L’appelant dit qu’il ne peut jurer avec certitude que ces organismes ne lui ont pas fait part qu’il y avait un plafond relativement aux sommes que l’on pouvait verser dans un tel régime mais il dit que cet élément n’était pas un élément d’information qui s’était inscrit dans son esprit ni dans celui de son épouse.

[9] L’agent du Ministre au niveau des appels n’a pas pu expliquer à la Cour dans quelles circonstances ni à quel moment le Ministre avait été mis au courant des paiements excédentaires faits par l’appelant. Aucune question ne lui a été posée à cet égard par l’appelant. En fait, aucune preuve n’a été faite par l’appelant au sujet de la diligence du Ministre sauf sa seule référence aux dates des cotisations.

[10] L’agent du Ministre a déclaré, en ce qui concerne l’annulation des pénalités, tel que mentionné aux paragraphes 3, 4 et 5 de la Réponse, qu'elle s’est faite lors de la révision des cotisations au stade de l’avis d’opposition et non à la suite d’une demande visant à obtenir l’exercice de la discrétion du Ministre en vertu du paragraphe 220(3.1) de la Loi.

Arguments et conclusions

[11] L’appelant fait valoir trois arguments. Il soutient que vu sa bonne foi, il ne devrait pas être sujet à la pleine application de l’article 204.91 de la Loi. Il soutient également que sa bonne foi permet l’application du pouvoir discrétionnaire du Ministre en vertu du paragraphe 220(3.1) de la Loi. Il se réfère à cet égard à la Circulaire d’information 92-2 intitulée : « Lignes directrices concernant l’annulation des intérêts et des pénalités » et à la décision de la Cour fédérale de 1ère instance dans Bilida c. M.R.N., 97 DTC 5041. L’appelant fait aussi valoir que le temps pris par le Ministre pour l’informer qu’un impôt était payable sur les montants excédentaires qu’il avait souscrits fait montre d’un manque de diligence de la part du Ministre et que lui, le contribuable, ne devrait pas à avoir à supporter l’impôt chargé pour toutes ces années.

[12] L’avocate de l’intimée fait valoir que : a) l’article 204.91 de la partie X.4 de la Loi ne prévoit aucune réduction d’impôt pour quelques circonstances atténuantes qui peuvent exister; b) que les cotisations dont il y a appel ne résultent pas de l’application de l’article 220(3.1) de la Loi; et c) qu’il appartenait à l’appelant de se conformer aux prescriptions de l’article 204.92 de la Loi.

[13] L’article 204.91, la définition d’excédent au paragraphe 204.9(1), les articles 204.92 et 204.93 de la Partie X.4, ainsi que le paragraphe 152(7) de la Loi se lisent comme suit :

204.91 Impôt payable par le souscripteur — Chaque souscripteur d’un régime enregistré d’épargne-études doit payer, pour chaque mois, un impôt en vertu de la présente partie égal à 1 % de la part du souscripteur sur l’excédent pour une année à la fin de ce mois au titre d’un bénéficiaire ou d’un ancien bénéficiaire du régime, dans la mesure où le montant de cette part n’est pas retiré du régime avant la fin de ce mois.

204.9(1) Sous réserve du paragraphe (2), les définitions qui suivent s’appliquent à la présente partie.

« excédent » L’excédent éventuel, à un moment donné pour une année, du total des sommes versées après le 20 février 1990, au cours de l’année et avant ce moment à tous les régimes enregistrés d’épargne-études, par les souscripteurs, ou pour leur compte, au titre d’un bénéficiaire, sur le moins élevé des montants suivants :

a) 1 500 $;

b) l’excédent éventuel de 31 500 $ sur le total des sommes versées à des régimes enregistrés d’épargne-études par les souscripteurs, ou pour leur compte, au titre du bénéficiaire pour les années antérieures.

...

204.92 Déclaration et paiement de l’impôt — Chaque personne qui est redevable d’un impôt en vertu de la présente partie pour un mois d’une année est tenue, dans les 90 jours suivant la fin de l’année :

a) de présenter au Ministre, sans avis ni mise en demeure, une déclaration pour l’année en vertu de la présente partie, sur le formulaire prescrit contenant les renseignements prescrits;

b) d’estimer dans cette déclaration le montant d’impôt payable par elle en vertu de la présente partie pour chaque mois de l’année;

c) de verser ce montant au Receveur général.

204.93 Dispositions applicables — Les paragraphes 150(2) et (3), les articles 152, 158 et 159, les paragraphes 161(1) et (11), les articles 162 à 167 et la section J de la partie I s’appliquent à la présente partie, avec les adaptations nécessaires.

152(7) Cotisation indépendante de la déclaration ou des renseignements fournis — Le Ministre n’est pas lié par les déclarations ou renseignements fournis par un contribuable ou de sa part et, lors de l’établissement d’une cotisation, il peut, indépendamment de la déclaration ou des renseignements ainsi fournis ou de l’absence de déclaration, fixer l’impôt à payer en vertu de la présente partie.

[14] L’impôt payable en vertu de la Partie X.4 de la Loi, par le souscripteur d’un REEE, sur un excédent tel que défini à cette Partie X.4, est un impôt distinct de l’impôt payable en vertu de la Partie I de la Loi. Le souscripteur excédentaire est tenu dans les 90 jours suivant la fin de l’année, de présenter au Ministre, sans avis ni mise en demeure, une déclaration sur le formulaire prescrit contenant les renseignements prescrits. Il doit estimer l’impôt payable en vertu de cette Partie X.4 et verser le montant au Receveur général du Canada. L’appelant n’a pas fait ces déclarations et le Ministre en vertu du pouvoir qui lui est conféré par le paragraphe 152(7) de la Loi a établi ces déclarations. L’article 152 de la Partie I de la Loi est une disposition applicable à la Partie X.4 de la Loi en vertu de l’article 204.93 de cette Partie.

[15] Les articles de la Loi pertinents aux cotisations dont il y appel ne prévoient aucune réduction pour cause de bonne foi. Je ne ferai pas de commentaires sur l’existence ou non de cette bonne foi vu que cet élément n’entre pas en ligne de compte pour l’imposition selon la Partie X.4 de la Loi. Le seul élément qui entre en compte dans le calcul de l'impôt est celui de savoir s’il y a un excédent à la fin de chaque mois et il s’agit dans la présente affaire d’un fait qui n’a pas été contesté. En ce qui concerne les pénalités, les nouvelles cotisations n'en contiennent plus. Relativement aux intérêts, il y une jurisprudence constante de cette Cour qui veuille qu'elle n'ait aucun pouvoir pour les réduire vu l'absence de législation habilitante. Donc, à cet égard, ce motif d'appel ne peut réussir.

[16] En ce qui concerne le pouvoir discrétionnaire du Ministre, les paragraphes 220(3.1), 220(3.7) et 165(1.2) de la Loi se lisent comme suit :

220(3.1) Renonciation aux pénalités et aux intérêts — Le Ministre peut, à tout moment, renoncer à tout ou partie de quelque pénalité ou intérêt payable par ailleurs par un contribuable ou une société de personnes en application de la présente loi, ou l’annuler en tout ou en partie. Malgré les paragraphes 152(4) à (5), le Ministre établit les cotisations voulues concernant les intérêts et pénalités payables par le contribuable ou la société de personnes pour tenir compte de pareille annulation.

...

220(3.7) Idem — Les sections I et J de la partie I s’appliquent, avec les adaptations nécessaires, aux cotisations établies en application du présent article comme si elles avaient été établies en application de l’article 152.

165(1.2) Restriction — Malgré les paragraphes (1) et (1.1), aucune opposition ne peut être faite par un contribuable à une cotisation établie en application des paragraphes 118.1(11), 152(4.2), 169(3) ou 220(3.1). Il est entendu que cette interdiction vaut pour les oppositions relatives à une question pour laquelle le contribuable a renoncé par écrit à son droit d’opposition.

[17] En vertu du paragraphe 220(3.1) de la Loi, le Ministre peut renoncer à tout ou partie des pénalités ou intérêts payables et le Ministre peut établir les cotisations voulues pour tenir compte de pareille renonciation. Ces cotisations toutefois, vu le paragraphe 165(1.2) de la Loi, ne sont pas sujettes au processus d’appel devant notre Cour. Seule la Cour fédérale a la compétence de revoir l’exercice du pouvoir discrétionnaire du Ministre sous le paragraphe 220(3.1) de la Loi.

[18] Les cotisations qui sont en litige dans les présents appels ne sont pas des cotisations faites à la suite de l’exercice par le Ministre de son pouvoir qui lui est conféré par le paragraphe 220(3.1) de la Loi, car l’appelant n’a pas fait de telle demande en vertu de ce paragraphe. Il n’y a pas de forme spécifique prévue dans la Loi pour faire cette demande au Ministre, en vertu du paragraphe 220(3.1) de la Loi. La Circulaire d'information 92-2 à laquelle s'est référé l'appelant indique la démarche à suivre. Les pénalités annulées par les nouvelles cotisations n’ont pas été annulées en vertu du paragraphe 220(3.1) de la Loi mais l’ont été lors du processus de révision fait au niveau des appels à la suite d'un avis d'opposition. Donc, en ce qui concerne cet argument concernant la révision du pouvoir discrétionnaire du Ministre, il ne peut pas réussir pour les raisons ci-avant données.

[19] En ce qui a trait à la diligence du Ministre, le paragraphe 152(7) de la Loi ne prescrit pas de délai dans lequel l’action du Ministre doit avoir lieu. Ce paragraphe s'applique toutefois dans les délais prescrits au paragraphe 152(4) de la Loi. Ce dernier paragraphe ne prescrit pas de délai s'il s'agit d'une cotisation initiale. Dans ces cas, c'est le paragraphe 152(1) qui s'applique et qui demande que le Ministre agisse avec diligence à la suite d'une déclaration de revenu. La Loi ne dit rien pour la circonstance où il n'y a pas de déclaration de revenu. Dans la présente affaire, il n'y a pas eu de déclaration de revenu sous la Partie X.4 de la Loi. Même si la Loi ne prescrit pas de façon expresse que le Ministre doit établir ses cotisations avec diligence, cela ne signifie sûrement pas que le Ministre n’a pas à exercer son devoir d’application de la Loi avec diligence, selon les principes mêmes du droit administratif.

[20] Il faut se rappeler qu'il n’y a pas vraiment eu de la part de l'appelant de preuve du manque de diligence du Ministre sauf que l’appelant s'est référé à la date des cotisations, soit le 15 février 1995, alors que le paiement excédentaire a été fait en 1991. Même si une preuve de non diligence avait été faite, elle n’aurait pas eu pour effet de rendre nulles les cotisations du Ministre . En effet, la Cour d’appel fédérale s’est penchée sur la question de l'obligation de diligence que la Loi impose au Ministre par le paragraphe 152(1) de la Loi, dans l’affaire La Reine c. Ginsberg, 96 DTC 6372, aux pages 6374 et 6376 :

Le seul point litigieux concerne donc les conséquences juridiques du défaut du Ministre d'exercer l'obligation que la loi lui imposait de fixer l'impôt « avec toute la diligence possible » .

...

Si l'on se souvient cependant, comme le juge de la Cour de l'impôt l'a conclu, que le Ministre a établi la cotisation en retard, la seule question à laquelle je dois répondre est la nature de la sanction à infliger une fois qu'il y a défaut d'exercer un devoir prévu au paragraphe 152(1).

L'intimé soutient essentiellement qu'une fois que l'on constate qu'il a manqué au devoir que lui impose la loi, le Ministre perd le pouvoir d'établir une cotisation et que l'avis de cotisation doit être annulé. L'intimé n'est cependant pas prêt à accepter que, s'il est jugé bien fondé, l'inverse de son argument serait que, si un remboursement d'impôt était dû au contribuable, le Ministre perdrait également dans ce cas le pouvoir de déterminer le montant de ce remboursement.

Il n'y a selon moi aucune façon d'échapper au libellé clair du paragraphe 152(3) et plus particulièrement aux mots « Le fait [...] qu'aucune cotisation n'a été faite n'a pas d'effet sur les responsabilités du contribuable à l'égard de l'impôt prévu par la présente Partie » ( « Liability for the tax under this Part is not affected by [...] the fact that no assessment has been made » ).

Le paragraphe 152(8) dispose, pour sa part : « [...] une cotisation est réputée être valide et exécutoire malgré [...] tout vice de forme ou toute omission [...] dans toute procédure s'y rattachant en vertu de la présente loi » ( « An assessment shall [...] be deemed to be valid and binding notwithstanding any [...] defect or omission [...] in any proceeding under this Act relating thereto » ).

L'article 166, dispose, à l'appui de cette thèse, que « Une cotisation ne peut être annulée [...] uniquement par suite [...] d'omission [...] de la part de qui que ce soit dans l'observation d'une disposition simplement directrice de la présente loi » ( « An assessment shall not be vacated [...] by reason only of any [...] omission [...] on the part of any person in the observation of any directory provision of this Act » ).

Cette dernière disposition m'oblige à me demander si le paragraphe 152(1) a un caractère directif ou un caractère impératif.

...

La distinction entre une disposition « impérative » et une disposition « directive » n'est donc pas très utile. Si je devais appliquer la règle relative aux « inconvénients » , je dirais qu'il existe incontestablement des intérêts opposés entre la nécessité de prélever un impôt pour financer les dépenses de l'État et les dépenses publiques, la nécessité de faire partager le fardeau fiscal de façon aussi égale que possible entre les contribuables et la nécessité de protéger l'individu en lui permettant d'être fixé au sujet de sa situation financière le plus rapidement possible. Le législateur fédéral a tranché en faveur de l'État la question de l'opposition de ces intérêts en adoptant les paragraphes 152(3) et 152(8) et l'article 166.

Le Comité judiciaire du Conseil privé a, lui aussi, récemment affaibli l'importance de la distinction entre les dispositions directives et les dispositions impératives dans l'arrêt Wang v. Comr of Inland Revenue[1], une affaire fiscale provenant de Hong-Kong. Le Conseil privé a jugé que, lorsqu'une question de défaut présumé de respecter une disposition prévoyant un délai est en jeu, il est plus simple et préférable d'éviter les mots « impératif » et « directif » et de se poser les deux questions suivantes[2] :

[TRADUCTION]

[...] La première question à se poser est celle de savoir si le législateur voulait que la personne chargée de prendre la décision respecte la disposition prévoyant un délai, qu'il s'agisse d'un délai fixe ou d'un délai raisonnable. Si l'on répond par l'affirmative à cette première question, il y a alors lieu de se demander si le législateur voulait que le défaut de respecter cette disposition prévoyant un délai prive de son pouvoir la personne chargée de prendre la décision et qu'il rende nulle et de nul effet la décision qu'il a prétendu prendre.

Le Conseil privé a fait allusion au fait que le bref de mandamus pouvait constituer une réparation dans ces circonstances. Les tribunaux canadiens ont également été appelés à décider s'il y aurait ouverture au bref de mandamus en pareil cas.[3]

[21] Ma compréhension de cette décision est que la diligence du Ministre relativement à l’établissement d’une cotisation n’est pas un élément susceptible de rendre la cotisation nulle, vu l’existence des paragraphes 152(3) et 152(8) de la Loi appuyés par l’article 166 de la Loi. Le remède pertinent serait le bref de mandamus qui aurait pour but d’obtenir une décision rapide du Ministre. Il va sans dire que la décision Ginsberg ne concerne nullement ce qui est appelé la période normale de cotisation dont le délai est fixé par la Loi, par les paragraphes 152(4) et 152(3.1) de la Loi, ni les autres délais qui peuvent exister dans la Loi et qui sont fixés par celle-ci. Cet argument de non validité des cotisations en vertu de leur présumé retard ne peut donc pas réussir non plus.

[22] En conséquence, les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de février 1998.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.



[1]           [1995] 1 All E.R. 367 (C.P.), à la page 373.

[2]           Wang v. Comr of Inland Revenue, précité, à la page 377.

[3]           Lipsey c. M.R.N., 85 DTC 5080; Schatten c. Canada (ministre du Revenu national), 96 DTC 6102.

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