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Dossiers : 2012-4907(IT)G

2013-1522(IT)G

 

ENTRE :

PLAINS MIDSTREAM CANADA ULC,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu les 20, 21 et 22 juin 2017, à Calgary (Alberta)

Devant : L'honorable juge Robert J. Hogan

Comparutions :

 

Avocats de l'appelante :

Me Gerald Grenon

Me Al Meghji

Me Edward Rowe

Avocates de l'intimée :

Me Carla Lamash

Me Mary Softley

 

JUGEMENT

  L'appel de l'appelante à l'égard des années d'imposition 1995 et 1996 est rejeté conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

  Les parties devront s'entendre sur les dépens au plus tard le 20 octobre 2017, faute de quoi elles déposeront des observations écrites d'au plus cinq pages au plus tard le 25 octobre 2017.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour d'octobre 2017.

« Robert J. Hogan »

Le juge Hogan


Référence : 2017 CCI 207

Date : 20171006

Dossiers : 2012-4907(IT)G

2013-1522(IT)G

 

ENTRE :

PLAINS MIDSTREAM CANADA ULC,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Hogan

I. EXPOSÉ DES FAITS

[1]  Dome Petroleum Limited (Dome Petroleum) s'est retrouvée dans une situation financière difficile après l'échec d'un programme de forage en Arctique. Au milieu des années 1980, il était clair que les réserves découvertes ne pouvaient être exploitées commercialement. En 1987, il était évident que Dome Petroleum et ses filiales avaient besoin d'un allègement de leur dette, faute de quoi elles ne pourraient pas survivre.

[2]  Amoco Canada Petroleum Company Ltd. (Amoco), prédécesseure de Plains Midstream Canada ULC (l'appelante), avait des biens‑fonds miniers semblables à ceux qu'avait Dome Petroleum. Amoco croyait que le moment était bon pour acquérir Dome Petroleum, à condition que cette dernière puisse régler ses dettes existantes selon des modalités favorables.

[3]  Amoco a cerné une dette précise qui posait particulièrement problème. Dome Petroleum et Dome Canada Limited (Dome Canada), une société ouverte dans laquelle Dome Petroleum avait un intérêt substantiel, avaient conclu une entente avec la société Arctic Petroleum Corporation of Japan (APCJ) en vue de l'exploration et du développement dans la mer de Beaufort (le « contrat officiel »). L'une des composantes essentielles du contrat officiel était un prêt à l'exploration de 400 millions de dollars accordé en 1981 à Dome Petroleum et à Dome Canada et remboursable en 2030. Les deux sociétés Dome étaient solidairement responsables du remboursement du prêt à l'exploration de 400 millions de dollars ainsi que de l'exécution de toutes les obligations découlant du contrat officiel.

[4]  Après avoir conclu une entente avec APCJ, Dome Petroleum et Dome Canada ont conclu entre elles une entente de coentreprise qui stipulait que Dome Petroleum était responsable d'une part de 175 millions de dollars du prêt à l'exploration, tandis que Dome Canada était responsable de 225 millions de dollars. À la suite de plusieurs opérations décrites à l'exposé partiel conjoint des faits (EPCF), qui est reproduit intégralement à l'annexe A, Dome Canada est devenue entièrement indépendante de Dome Petroleum, à l'exception de ses obligations solidaires découlant du contrat officiel. À la suite de ces opérations, Dome Canada a changé sa dénomination à Encor Energy Corporation (Encor).

[5]  Amoco percevait certains éléments du contrat officiel comme des obstacles importants à l'acquisition réussie de Dome Petroleum. Une fois ces opérations conclues, Dome Petroleum et Encor seraient des entités indépendantes. Cependant, si on ne résolvait pas la situation avec APCJ, elles resteraient solidairement responsables en vertu du contrat officiel. Dans ce cas, si l'une ou l'autre devenait insolvable, le prêt à l'exploration deviendrait entièrement remboursable : APCJ pourrait exiger le remboursement du prêt de l'une ou l'autre des parties. Le risque de défaut s'étendait également aux autres prêts de Dome Petroleum. La preuve démontre qu'Amoco ne souhaitait pas acquérir Dome Petroleum sans l'adoption d'un plan à plusieurs étapes (le « plan ») pour d'abord atténuer, puis éliminer les risques de défaut réciproque en vertu des modalités du contrat officiel et des autres prêts de Dome Petroleum.

[6]  Le plan a été exécuté en étapes au cours d'une période s'étirant de 1988 à 1992. Les premières étapes du plan nécessitaient d'Amoco qu'elle accepte de prendre en charge les obligations d'Encor en vertu du contrat officiel, y compris l'obligation qu'avait Encor, envers Dome Petroleum, de rembourser à APCJ 225 millions de dollars du prêt à l'exploration de 400 millions de dollars au plus tard en 2030. Encor a versé 17,5 millions de dollars à Amoco afin que celle‑ci prenne en charge ses obligations découlant du contrat officiel, et a également versé une contrepartie supplémentaire. Une condition de cette opération était qu'Encor vote en faveur de l'entente de Dome Petroleum. Le consentement d'Encor à certaines transactions principales (que j'examinerai plus loin) était essentiel à la souscription ou à l'acquisition d'actions de Dome Petroleum par l'appelante. Par exemple, en plus d'accepter de voter en faveur de l'entente, Encor acceptait de coopérer avec Amoco pour renégocier les modalités du contrat officiel avec APCJ, notamment lors des longues négociations qui ont enfin permis de libérer Encor de sa responsabilité solidaire en vertu du contrat officiel [1] . Ce n'est qu'en 1992 que le risque de défaut réciproque a été éliminé, lorsqu'APCJ a libéré Encor de sa responsabilité solidaire en vertu du contrat officiel.

[7]  Le règlement, l'entente de subrogation et d'indemnisation d'Encor, le compromis et l'exonération, ainsi que les obligations des parties en vertu du contrat officiel, seront ci‑après nommés collectivement les « transactions principales » ou les « ententes principales » [2] . Sauf indication contraire, toutes les autres expressions ont la définition précisée dans l'EPCF.

[8]  Initialement, dans ses déclarations de revenus, l'appelante a tenté de déduire comme intérêts selon la méthode linéaire, sur une période de 43 ans, la différence entre le montant qu'elle devait en vertu du prêt à l'exploration (225 millions de dollars) et le montant qu'elle estimait être la contrepartie reçue d'Encor (17,5 millions de dollars) [3] .

[9]  L'appelante avait une perte pour les années d'imposition 1995 et 1996, qui sont visées par le présent appel. Par conséquent, pour que le ministre doive se prononcer sur la validité de la déduction des intérêts, l'appelante lui a demandé de déterminer le montant de la perte.

[10]  Lorsqu'il a déterminé les pertes pour chacune de ces années, le ministre a refusé la déduction des intérêts réclamée par l'appelante.

[11]  Bien que l'appelante ait initialement demandé la déduction des intérêts selon la méthode linéaire, elle a réduit sa déduction à 1 043 700 $ peu avant l'audience. Ce montant a été calculé en appliquant un taux d'intérêt simple de 5,964 % au montant de 17,5 millions de dollars qu'Amoco avait reçu d'Encor.

[12]  La question au cœur du présent appel est de savoir si l'appelante est en droit de déduire le montant maintenant réclamé en raison de l'effet conjoint du paragraphe 16(1) et de l'alinéa 20(1)c) de la Loi de l'impôt sur le revenu [4] (la « LIR »).

[13]  Pour les motifs qui suivent, je suis d'avis que les montants que l'appelante voulait déduire au titre des intérêts pour les années d'imposition 1995 et 1996 en raison des transactions principales ne sont pas déductibles en vertu des articles invoqués.

II. LES THÈSES DES PARTIES

A. La thèse de l'appelante

[14]  L'appelante soutient qu'elle est en droit de déduire la différence entre les 17,5 millions de dollars reçus et sa dette de 225 millions de dollars découlant du prêt à l'exploration (la « différence »), car ce montant représente la valeur temporelle de l'argent et que l'alinéa 16(1)a) de la LIR permet de redéfinir les transactions principales selon leur réalité économique. Pour ce qui est de la réalité économique, je suppose que l'appelante renvoie à l'objet, à l'effet et aux conséquences économiques des transactions principales plutôt qu'à leur forme et à leur qualification juridique.

[15]  L'appelante reconnaît qu'elle ne peut déduire qu'un montant qui peut être raisonnablement considéré comme des intérêts simples payés au cours des années en cause. En vertu de l'alinéa 20(1)d) de la LIR, les intérêts composés ne pourraient être déduits que lorsqu'ils seraient versés, en 2030.

[16]  L'appelante soutient que les parties au règlement ont convenu que la valeur nette actuelle de 225 millions de dollars était équivalente aux 17,5 millions de dollars reçus d'Encor. L'appelante soutient que ses états financiers indiquaient 17,5 millions de dollars comme sa dette initiale en vertu du contrat officiel, compte tenu de la réalité économique des transactions principales.

[17]  L'appelante affirme que la jurisprudence confirme qu'elle peut appliquer le paragraphe 16(1) de la LIR en ne tenant compte que de l'incidence des transactions de son point de vue. En d'autres termes, les transactions peuvent générer un montant considéré comme des intérêts pour l'appelante, tout en étant considéré comme un remboursement de capital à APCJ. En résumé, le paragraphe 16(1) de la LIR n'exige pas un traitement symétrique de l'auteur du paiement et du bénéficiaire. Selon l'appelante, une fois qu'un montant est réputé être des intérêts en vertu du paragraphe 16(1) de la LIR, il devient déductible en vertu de l'alinéa 20(1)c) de la LIR, à condition de satisfaire aux exigences de cette disposition.

[18]  L'appelante a présenté un argument subsidiaire dans ses observations. Elle faisait d'abord valoir qu'en raison du concept juridique des intérêts, le montant déduit à titre d'intérêts l'était uniquement en vertu du paragraphe 20(1)c) de la LIR. Dès le début de l'audience, cependant, l'appelante a reconnu que, pour qu'elle ait gain de cause, le montant devait être visé par le paragraphe 16(1) de la LIR avant que l'alinéa 20(1)c) ne s'applique.

B. La thèse de l'intimée

[19]  Bien entendu, l'intimée avance un point de vue à l'opposé de celui de l'appelante. L'intimée soutient que l'interprétation que fait l'appelante du paragraphe 16(1) de la LIR est trop vaste et que cette disposition ne peut être utilisée pour redéfinir des transactions uniquement selon leur réalité économique abstraite. Selon l'intimée, l'interprétation du paragraphe 16(1) de la LIR par l'appelante ne correspond pas au texte, au contexte ou à l'objet de cette disposition, qui seront décrits ci‑après. Il faut tenir compte de tous les faits et les circonstances pertinents des ententes qui donnent naissance aux prétendus paiements de revenu et de capital réunis.

[20]  L'intimée soutient que le paragraphe 16(1) de la LIR prévoit un traitement fiscal symétrique de l'auteur du paiement et du bénéficiaire. Si ce paragraphe s'applique, le montant est réputé être des intérêts pour les deux parties à la transaction. Le libellé de la disposition et l'économie de la LIR mènent à cette conclusion. L'intimée soutient que tous les faits et les circonstances pertinents démontrent que l'appelante n'a pas fait de paiements de revenu et de capital réunis à APCJ. De plus, l'appelante n'est pas tenue d'effectuer des paiements de revenu et de capital réunis à Encor.

[21]  Enfin, même si les dispositions du paragraphe 16(1) de la LIR s'appliquent, l'intimée soutient que le montant considéré comme des intérêts en vertu de ce paragraphe n'est pas déductible en vertu de l'alinéa 20(1)c) de la LIR, car les conditions énoncées à cet alinéa ne sont pas satisfaites.

III. LE CONTEXTE ET LES PRINCIPALES CONCLUSIONS DE FAIT

[22]  À la fin des années 1970, Dome Petroleum s'est lancée à la recherche de partenaires stratégiques pour financer ses activités d'exploration et de développement pétroliers dans la mer de Beaufort et pour partager les risques et les bénéfices de celles‑ci. Au cours de cette même période, le gouvernement japonais cherchait à participer à des activités d'exploration et de développement pétroliers afin d'assurer une source d'approvisionnement à long terme pour le Japon. Il a accepté de prêter 400 millions de dollars, sous réserve des obligations et des tâches qui incombaient à Dome Canada et à Dome Petroleum en vertu du contrat officiel. Ce prêt à l'exploration n'était qu'un des éléments du contrat officiel.

[23]  Le prêt à l'exploration devait servir à un programme d'exploration de cinq ans dans la mer de Beaufort, qui débuta en 1980 et coûta de 1 à 1,5 milliard de dollars. Le contrat officiel imposait des obligations importantes à Dome Petroleum et à Dome Canada quant à leurs activités de forage, de développement et de production pétroliers dans cette région. Le prêt à l'exploration devait être remboursé au plus tard le 31 décembre 2030, et pouvait être soumis à des conditions de remboursement anticipé. Les intérêts devaient être versés selon la production pétrolière, qui a été nulle jusqu'à ce jour.

[24]  La preuve démontre que Dome Petroleum a dû mettre sur pied une structure sociale particulière afin de mener ses activités d'exploration et de développement pétroliers dans la mer de Beaufort en raison des contraintes réglementaires imposées par le Programme énergétique national mal conçu. Afin de satisfaire aux restrictions quant à la propriété étrangère, Dome Canada devint une société ouverte canadienne. La participation de Dome Petroleum dans celle‑ci ne pouvait dépasser 47 %. Les activités de forage et de développement seraient menées par les deux sociétés afin de s'assurer de respecter la loi. APCJ ne s'opposait pas à ceci, car elle avait exigé que Dome Petroleum et Dome Canada soient solidairement responsables en vertu du contrat officiel. Je suppose que Dome Petroleum considérait le risque de crédit solidaire comme acceptable, car elle avait la maîtrise de fait des activités de Dome Canada.

[25]  Comme je l'ai indiqué précédemment, ce risque de crédit n'était pas acceptable pour Amoco, car Dome Petroleum prévoyait vendre sa participation dans Encor afin de satisfaire aux demandes de ses créanciers touchés par l'entente. Dome Canada deviendrait alors une société indépendante menant ses propres activités sans l'influence de Dome Petroleum. Le risque de défaut réciproque était tout aussi inacceptable pour Encor, pour les mêmes raisons [5] .

[26]  Encor était créancière de Dome Petroleum. Encor devait consentir à l'entente. Dome Petroleum était en défaut en vertu du contrat officiel; elle devait obtenir d'APCJ qu'elle la libère de ses manquements antérieurs. Plus important encore, l'appelante devait obtenir le consentement d'APCJ en vertu de l'entente. Elle avait besoin de la coopération d'Encor afin de présenter à APCJ une transaction qu'APCJ trouverait acceptable et à laquelle elle consentirait.

[27]  C'est ainsi que Dome Petroleum a accepté de prendre en charge les obligations d'Encor en vertu du contrat officiel et de l'indemniser de tout préjudice découlant d'un manquement à une obligation en vertu du contrat. Cela s'est effectué par l'entremise de la signature du règlement et de l'entente de subrogation et d'indemnisation d'Encor.

[28]  Amoco, Dome Petroleum et Encor sont parvenues à un accord avec APCJ, qui les libérait des manquements en vertu du contrat officiel survenus avant la signature de l'entente. Cela apparaît dans le compromis. Lors de la signature du compromis, Amoco est devenue solidairement responsable des obligations et des responsabilités en vertu du contrat officiel.

[29]  Bien que l'effet combiné de ces ententes ait été d'atténuer le risque de défaut réciproque pour Amoco, Encor et Dome Petroleum, elles ne l'éliminaient pas entièrement. Si l'une ou l'autre partie devenait insolvable, le prêt à l'exploration était remboursable par anticipation. Cela pouvait nuire aux autres prêts des parties et augmenter les frais liés au financement. Le risque de défaut réciproque n'a été entièrement éliminé qu'en 1992, lorsqu'APCJ a accepté de libérer Encor. À ce moment, le règlement et l'entente de subrogation et d'indemnisation d'Encor ont été résiliés, car ils avaient atteint leurs objectifs.

[30]  À l'audience, l'appelante a présenté ce qu'on peut décrire comme une observation de désespoir. Elle a soutenu que les montants en cause sont déductibles à titre de dépenses de revenu en vertu de l'article 9 de la LIR. Mes questions à l'avocat de l'appelante au cours de ses observations semblent l'avoir mené à revoir sa position. Environ deux semaines après la fin de l'audience, l'avocat de l'appelante a informé la Cour qu'il retirait cet argument de mon examen. Néanmoins, je crois qu'il est judicieux de faire quelques observations à ce sujet.

[31]  La preuve démontre hors de tout doute que le règlement, l'entente de subrogation et d'indemnisation d'Encor ainsi que l'exonération ont été conclus au titre du capital. Les parties, dans l'EPCF, s'entendent pour dire que l'objectif ultime d'Amoco en concluant ces transactions était de compléter l'entente. En d'autres termes, l'objectif de ces transactions était de permettre à Amoco de compléter l'acquisition de toutes les actions émises et en circulation de Dome Petroleum, qui sont sans aucun doute des immobilisations pour Amoco [6] . Par conséquent, les dépenses engagées par Amoco lors de la mise en œuvre et l'exécution de ces ententes n'étaient pas des dépenses courantes. C'est particulièrement vrai relativement à l'engagement de l'appelante envers Encor de rembourser, plutôt qu'Encor, les 225 millions de dollars à APCJ pour le prêt à l'exploration [7] .

[32]  Les extraits de la transcription de l'interrogatoire préalable déposés au procès confirment la thèse de l'intimée. L'appelante jouait à cache‑cache, une stratégie coûteuse en temps, en réponse aux questions posées relativement au traitement comptable pour tenir compte des transactions principales aux états financiers. L'appelante a clairement cherché à brouiller les pistes en refusant de répondre à la plupart des questions en remettant en doute leur pertinence. Les réponses, lorsqu'elles étaient finalement données, étaient parfaitement obscures.

[33]  L'appelante soutient que les effets ou les incidences économiques des transactions principales, dans leur ensemble, s'apparentaient à ceux produits par une « transaction de désendettement ». Dans les milieux financiers, il est bien connu qu'il existe deux types de transactions de désendettement : les désendettements juridiques et les désendettements « de fait ». Le désendettement juridique est une série d'opérations qui peuvent libérer un débiteur de son obligation de rembourser une dette. Les modalités de la série d'opérations devant être entreprises sont énoncées dans l'acte de fiducie régissant la créance. Habituellement, le débiteur remet des obligations de l'État de première qualité de façon irrévocable à une fiducie constituée à cette fin. La fiducie reçoit les titres en contrepartie de sa prise en charge de la créance. Si l'opération est effectuée conformément aux modalités du titre de créance, le débiteur est libéré de sa dette [8] .

[34]  Un débiteur peut souhaiter faire une transaction de désendettement lorsque les taux d'intérêt ont augmenté de façon considérable [9] . Le débiteur peut acquérir des titres négociables qui généreront plus d'intérêts que ceux payés sur la dette. Puisque la dette est réglée à un montant inférieur à sa valeur nominale, le débiteur peut enregistrer un gain dans son bilan. Souvent, un débiteur va entreprendre ce type de transaction pour améliorer son ratio emprunts/capitaux propres.

[35]  Une transaction de désendettement « de fait » est une opération effectuée de façon semblable à un désendettement juridique. La principale distinction est que le débiteur n'est pas libéré de son obligation de rembourser la dette, car les étapes de la transaction et ses effets juridiques ne sont pas prévus par le titre de créance. De façon générale, en vertu des principes comptables applicables à la période visée par le présent appel, un désendettement « de fait » pourrait recevoir un traitement comptable semblable à un désendettement juridique, car la conséquence économique pour le débiteur pourrait être perçue comme étant la même. Le fait de remettre des titres négociables de façon irrévocable à une fiducie constituée à cette fin offre un degré élevé de certitude au débiteur d'origine qu'il ne sera pas appelé à rembourser la dette. La fiducie n'a d'autres activités que le remboursement de la dette. Les encaissements tirés des titres négociables sont réservés au remboursement de la dette prise en charge par la fiducie [10] .

[36]  Compte tenu de ce qui précède, je me permets de spéculer qu'Encor cherchait à inscrire un gain comptable pour les transactions, bien que, tel que nous pouvons le constater de ce qui suit, la conséquence ou l'effet économique des transactions était bien différent de celui d'un désendettement juridique ou « de fait ». Je rajoute qu'Amoco aurait pu donner aux transactions le traitement comptable qu'elle prétend leur avoir donné pour aider Encor à atteindre les résultats fiscaux et comptables visés.

[37]  Or, l'appelante n'a produit aucun élément de preuve digne de foi établissant la façon dont les transactions principales ont été inscrites à ses états financiers et démontrant que le prétendu traitement comptable respectait les principes comptables généralement reconnus (PCGR). Le directeur financier ou le contrôleur de l'appelante n'a pas été appelé à expliquer la façon dont les transactions ont été inscrites aux états financiers. La maigre preuve documentaire présentée par l'appelante n'était pas fiable. L'appelante n'a présenté aucun témoin expert afin de justifier le traitement comptable qu'elle prétend avoir effectué. Par conséquent, je tire une conclusion défavorable quant à l'exactitude du traitement comptable que l'appelante prétend avoir effectué pour tenir compte de sa prise en charge des responsabilités et des obligations d'Encor en vertu du contrat officiel [11] .

[38]  Les 17,5 millions de dollars ont joué un rôle dans la décision d'Amoco de participer au règlement et à l'entente de subrogation et d'indemnisation d'Encor, mais la preuve démontre qu'Amoco a reçu une contrepartie supplémentaire d'Encor. Encor était une créancière de Dome Petroleum touchée par l'entente. En participant au règlement et à l'entente de subrogation et d'indemnisation d'Encor, Amoco obtenait d'Encor qu'elle approuve l'entente. Encor a également accepté de coopérer aux négociations qui ont mené à la signature du compromis selon des modalités que l'appelante pouvait accepter. L'appelante n'a présenté aucune explication quant à l'incidence de la valeur de cette approbation sur le traitement comptable présumé des transactions principales.

[39]  L'appelante a également reçu, indirectement, une contrepartie additionnelle. Dome Petroleum a vendu les actions d'Encor afin d'obtenir des fonds pour payer ses créanciers. Les actions ont été vendues le 8 décembre 1987 pour un montant d'environ 398 millions de dollars. Amoco et Encor ont conclu le règlement le 28 novembre 1987. Je suppose que les acheteurs des actions d'Encor étaient bien conscients des incidences du règlement et de l'entente de subrogation et d'indemnisation d'Encor lorsqu'ils ont conclu la transaction.

[40]  Dans une note du 3 septembre 1987 [12] , N.J. Rubash, premier vice‑président (international) d'Amoco Production Company, chargé de la supervision des négociations et de la mise en oeuvre des transactions principales, a écrit :

[TRADUCTION]

[...] Le plan d'acquisition de Dome par Amoco supposait la vente des actions d'Encor pour obtenir les fonds nécessaires et rembourser une partie des dettes découlant de l'acquisition. Il était prévu qu'avant leur vente, la valeur des actions d'Encor augmenterait de quelques dollars l'action à l'issue d'une négociation qui permettrait de la libérer de son obligation solidaire à l'égard de la part de 175 millions de dollars canadiens de la dette de Dome quant au prêt pour l'Arctique. Le prix des actions serait rehaussé si Encor pouvait être exonérée de son obligation de rembourser sa propre part de 225 millions de dollars canadiens du capital en vertu de l'entente de prêt pour l'Arctique [...]

[41]  Bien que les actions d'Encor aient été vendues avant l'exécution de l'entente, je crois qu'il est raisonnable de conclure que les ententes précitées ont eu une incidence favorable sur le prix négocié par Dome Petroleum pour les actions d'Encor. Je crois qu'Amoco était à l'aise avec cette transaction. Par conséquent, Amoco avait probablement à prendre en charge moins de dette pour financer l'acquisition de Dome Petroleum. L'affirmation de l'appelante voulant que la réalité économique des transactions principales était un désendettement ne tient pas compte de tout ce qui précède. L'incidence et la réalité économiques des transactions principales ne ressemblent en rien aux caractéristiques et conséquences d'une transaction de désendettement.

[42]  De plus, comme je l'ai souligné précédemment, les risques de défaut réciproque ont également pesé lourd dans l'appréciation d'Amoco des raisons de participer aux transactions principales et dans la façon de les structurer. La signature et l'entrée en vigueur du règlement, de l'entente de subrogation et d'indemnisation d'Encor et du compromis ont été bien orchestrées en vertu de l'entente de façon à se produire tout juste avant l'exécution réussie de l'entente, tout en dépendant d'elle. La signature du règlement et de l'entente de subrogation et d'indemnisation d'Encor a permis la signature du compromis en libérant les parties de tous les manquements antérieurs en vertu du contrat officiel et a mené à l'adoption de modalités plus favorables. Tous ces éléments ont protégé la valeur de l'investissement d'Amoco dans Dome Petroleum et ont pavé la voie à la signature de l'exonération, qui éliminait tous les risques de défaut réciproque.

[43]  Je déduis de la preuve que l'élimination du risque de défaut réciproque était de la plus haute importance, car elle permettait de financer les activités de l'appelante et de Dome Petroleum à moindre coût. Sans doute, cela représentait une valeur ou la contrepartie réelle pour l'appelante.

[44]  Le contrat officiel stipulait que le prêt à l'exploration de 400 millions de dollars devait être remboursé au plus tard le 31 décembre 2030, sous réserve de toute modalité sur le remboursement par anticipation en cas de production de pétrole. Il est clair qu'à ce jour, il n'y a eu aucune production pétrolière commerciale dans la mer de Beaufort. Par conséquent, les modalités du prêt qui dépendaient de la production (soit le remboursement anticipé et la rémunération) ne sont jamais entrées en vigueur.

[45]  Outre le remboursement du prêt à l'exploration, le contrat officiel stipulait les obligations quant à l'exploration continue à la recherche de pétrole dans la mer de Beaufort. En acceptant de prendre en charge les obligations d'Encor découlant du contrat officiel, l'appelante devenait responsable de l'exécution de toutes les responsabilités et les obligations stipulées à celui‑ci. En résumé, elle a accepté de faire bien plus que simplement rembourser 225 millions de dollars en 2030. La preuve démontre également qu'elle a reçu d'Encor une contrepartie valant bien plus que 17,5 millions de dollars en échange de sa prise en charge de toutes les responsabilités et les obligations d'Encor en vertu du contrat officiel.

[46]  La preuve établit clairement qu'APCJ avait prêté 400 millions de dollars et que ses débiteurs solidaires devaient rembourser cette somme en 2030. Les 400 millions de dollars constituent le capital ou le « principal » dû à APCJ selon la définition du terme « principal » dans la LIR. L'appelante ne conteste pas cette conclusion de fait. Comme indiqué précédemment, l'appelante soutient que le paragraphe 16(1) de la LIR permet à un montant d'être traité comme des intérêts pour le débiteur et comme le « principal » ou le capital pour le créancier.

III. LES POINTS EN LITIGE

[47]  Le montant déclaré par l'appelante à l'égard des transactions principales est‑il considéré comme des intérêts aux termes du paragraphe 16(1) de la LIR? Si oui, le montant est‑il déductible à titre d'intérêts en vertu de l'alinéa 20(1)c) de la LIR?

[48]  En l'espèce, il s'agit de savoir si l'alinéa 16(1)a) de la LIR peut s'appliquer de façon asymétrique, de sorte qu'un montant puisse être des intérêts pour le débiteur et un montant en capital pour le créancier.

IV. ANALYSE

A. L'application de l'article 16 de la LIR

[49]  À l'audience, les parties ont fait valoir des interprétations opposées quant à l'application du paragraphe 16(1) de la LIR. Afin de faciliter la lecture, je reproduis les parties pertinentes du paragraphe 16(1) de la LIR :

(1) Les règles suivantes s'appliquent dans le cas où, selon un contrat ou un autre arrangement, il est raisonnable de considérer un montant en partie comme des intérêts ou comme un autre montant ayant un caractère de revenu et en partie comme un montant ayant un caractère de capital :

a) la partie du montant qu'il est raisonnable de considérer comme des intérêts est, quels que soient la date, la forme ou les effets juridiques du contrat ou de l'arrangement, considérée comme des intérêts sur un titre de créance détenu par la personne à qui le montant est payé ou payable;

[50]  Je vais maintenant exposer mon avis sur l'application juste du paragraphe 16(1) de la LIR. Cependant, je crois qu'il serait judicieux de résumer d'abord les principes de l'interprétation des lois que j'utiliserai pour déterminer le sens de l'alinéa 16(1)a) de la LIR.

[51]  La Cour suprême, dans l'arrêt Hypothèques Trustco Canada c. Canada, décrit l'approche moderne à l'interprétation des lois, qui comprend une analyse textuelle, contextuelle et téléologique ou, plus précisément, une démarche visant à examiner le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur. La Cour suprême, unanime, a présenté un aperçu des approches historiques à l'interprétation des lois, puis a ajouté que la LIR doit être interprétée de manière à assurer l'uniformité, la prévisibilité et l'équité [13] .

[52]  Dans Hypothèques Trustco Canada, la Cour suprême a aussi déclaré que, lorsque le libellé d'une disposition est non équivoque, le sens ordinaire des mots joue un rôle primordial, mais lorsque les mots utilisés peuvent avoir plus d'un sens raisonnable, leur sens ordinaire joue un rôle moins important et les tribunaux chercheront à interpréter la LIR comme formant un tout harmonieux [14] .

(1) Le libellé du paragraphe 16(1) de la LIR

[53]  Le libellé du paragraphe 16(1) de la LIR révèle l'objet visé par celui-ci.

[54]  Le paragraphe 16(1) de la LIR précise qu'il s'applique « dans le cas où, selon un contrat ou un autre arrangement [...] ». Ce libellé fait que la Cour doive cerner et examiner le « contrat ou un autre arrangement » qui prévoit ce qu'il est raisonnable de considérer comme un paiement de revenu et capital réunis.

[55]  L'expression « il est raisonnable de considérer » fait que la Cour doive tenir compte de toutes les circonstances pertinentes, y compris, en l'espèce, les modalités des transactions principales.

[56]  L'expression « quels que soient la date, la forme ou les effets juridiques du contrat ou de l'arrangement » fait que la Cour doive tenir compte de l'effet et des conséquences économiques de tout ce qui précède. L'appelante se fonde sur ce dernier facteur lorsqu'elle soutient que la réalité économique de l'entente était qu'elle reçoive 17,5 millions de dollars en contrepartie de son engagement de verser 225 millions de dollars à APCJ en 2030. La différence représente la contrepartie pour l'utilisation des 17,5 millions de dollars pendant cette période, ou, en d'autres termes, la contrepartie pour la valeur temporelle de l'argent, la raison principale pour le versement d'intérêts.

[57]  Bien que je convienne avec l'appelante qu'il faut tenir compte de la réalité économique des transactions principales, il faut également tenir compte des autres circonstances et facteurs pertinents. La juste pondération à accorder à chacun des facteurs varie dans chaque cas. En résumé, la réalité économique des transactions principales ne peut être examinée dans l'abstrait.

[58]  Plus important encore, pour les motifs qui suivent, je suis de l'avis qu'il faut tenir compte des deux points de vue, celui du créancier et celui du débiteur, contrairement à la position soutenue par l'appelante. Le texte du paragraphe 16(1) de la LIR indique que la somme est « considérée comme des intérêts sur un titre de créance détenu par la personne à qui le montant est payé ou payable », ce qui met en lumière l'intention du législateur que les deux parties reçoivent un traitement symétrique. En d'autres termes, le montant est considéré comme des intérêts pour les deux parties.

[59]  Finalement, l'expression « il est raisonnable de considérer » signifie simplement que le fait de considérer le montant comme des intérêts et du capital doit être raisonnable eu égard à toutes les circonstances pertinentes qui doivent être considérées pour parvenir à cette conclusion.

[60]  L'interprétation textuelle du paragraphe 16(1) de la LIR, qui prévoit un traitement symétrique, n'étaye pas la thèse de l'appelante, car aucun montant que l'appelante doit payer à APCJ en vertu des modalités du prêt à l'exploration ne peut raisonnablement être considéré comme des intérêts. D'ailleurs, l'appelante n'était pas tenue d'effectuer des paiements de revenu et capital réunis à Encor en vertu du règlement ou de l'entente de subrogation et d'indemnisation d'Encor.

(2) L'analyse contextuelle

[61]  L'analyse contextuelle du paragraphe 16(1) de la LIR fait qu'on doive examiner l'historique du paragraphe, ce qu'on a affirmé être son objet, et l'effet réciproque du paragraphe et des autres dispositions de la LIR. La recherche d'un « tout harmonieux » comprend un examen de l'économie de la LIR, puisque l'interprétation d'une disposition déterminative doit s'intégrer logiquement avec le reste de la Loi. Je me livrerai maintenant à cette analyse.

  (i)  Le contexte du paragraphe 16(1) de la LIR

[62]  Le paragraphe 16(1) se trouve dans la partie I de la LIR. Lorsque l'alinéa 16(1)a) de la LIR s'applique, la partie du revenu et capital réunis qu'il est raisonnable de considérer comme des intérêts est incluse dans le calcul du revenu imposable du créancier en vertu de l'alinéa 12(1)c) de la LIR, et le débiteur peut déduire cette partie en vertu de l'alinéa 20(1)c) de la LIR, à condition qu'il soit satisfait aux autres conditions énoncées à cet alinéa [15] .

[63]  Le paragraphe 214(2) de la LIR dispose que, lorsqu'un paiement devrait être inclus dans le calcul du revenu à titre d'intérêts réputés si la partie I de la LIR s'appliquait à une personne non‑résidente, ce montant est considéré comme payé à la personne non‑résidente ou portée à son crédit. Ceci étaye le point de vue voulant que le législateur souhaitait un traitement symétrique du montant à titre d'intérêts.

[64]  Les autres dispositions de la partie I de la LIR viennent appuyer ce point de vue. Par exemple, le paragraphe 12(9) de la LIR prévoit expressément un traitement asymétrique en disposant que les montants déterminés à l'égard d'une « créance visée par règlement » sont réputés courir en faveur du détenteur à titre d'intérêts pendant cette année d'imposition. Le paragraphe 12(9) de la LIR s'applique au détenteur de l'intérêt sur la créance; il n'a aucune incidence sur la qualification du paiement pour le débiteur.

[65]  Cette disposition porte sur les créances émises au rabais et sur les coupons d'intérêts et les créances achetés au rabais. Par exemple, cela peut se produire lorsque les coupons d'intérêts sont détachés et vendus séparément du titre par un intermédiaire financier. Si le paragraphe 16(1) de la LIR pouvait s'appliquer de façon différente selon le point de vue du créancier ou du débiteur, comme l'a affirmé l'appelante, le paragraphe 12(9) de la LIR serait en grande partie inutile. Je souligne également que les résultats ne sont peut‑être pas les mêmes en application des deux dispositions. Le paragraphe 16(1) de la LIR dispose qu'un montant raisonnable est considéré comme des intérêts. Le paragraphe 12(9) de la LIR ordonne l'inclusion des intérêts visés par règlement.

[66]  L'interprétation plus large proposée par l'appelante entrerait également en conflit avec d'autres dispositions de la LIR. Par exemple, les paiements de location en vertu d'un contrat de location‑acquisition pourraient être considérés comme des versements d'intérêts et de capital selon la thèse de l'appelante, au motif que, du point de vue de l'effet économique, la transaction pourrait être vue comme une vente d'équipement pour le solde du prix. Dans ce cas, les paiements de location pourraient être qualifiés de paiements de revenu et capital réunis.

[67]  Comparons maintenant ce résultat au traitement fiscal facultatif prévu par l'article 16.1 de la LIR, une disposition plus précise permettant de qualifier les paiements de location comme des paiements de principal et d'intérêts réunis pour le preneur uniquement. Si l'on fait le choix prévu par cet article, le preneur ne peut plus déduire les paiements. Le preneur a plutôt le droit de réclamer la déduction pour amortissement relativement au bien loué, qui est réputé avoir été acquis à un coût égal à sa juste valeur marchande au début du bail. Les paiements de location sont réputés être des paiements de principal et d'intérêts réunis selon le taux prescrit. Du point de vue du preneur, le droit de faire ce choix ou non serait sans pertinence si l'alinéa 16(1)a) de la LIR s'appliquait automatiquement pour faire de ses paiements de location des paiements de revenu et capital réunis. Le preneur serait‑il en mesure d'utiliser un « taux raisonnable » pour calculer le montant des intérêts, ou serait‑il tenu d'utiliser le taux prescrit si les parties s'entendaient pour effectuer ce choix? Si le preneur pouvait utiliser un « taux raisonnable », cela pourrait en soi être une raison de ne pas faire le choix. Pour finir, je souligne que le paragraphe 16(1) de la LIR n'indique pas comment déterminer le coût d'un bien que le débiteur acquiert en contrepartie de la prise en charge d'une obligation par l'acheteur. Le coût devrait‑il être limité à la valeur nette actuelle du bien acquis, en supposant que l'obligation ne porte pas intérêts ou qu'il y ait des intérêts éventuels?

[68]  Enfin, comme je l'ai déjà souligné, il est impensable que le législateur ait voulu permettre le traitement asymétrique avancé par l'appelante, car cela ouvrirait la porte à des transactions où l'une des parties reçoit un avantage fiscal et l'autre reçoit un paiement non imposable, ce qui entraînerait une dépense fiscale unilatérale. Dans ce cas, on se serait attendu à un libellé explicite, comme c'est le cas au paragraphe 12(9) et à l'article 16.1 de la LIR.

  (ii)  Le contexte historique du paragraphe 16(1) de la LIR

[69]  Lors de l'interprétation des lois, il faut examiner l'historique de la loi en question afin de déterminer l'intention du législateur.

[70]  L'article 7 était auparavant le paragraphe 3(2) de la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu, ajouté en 1942, et se lisait comme suit :

3(2) Lorsque, d'après les termes de tout contrat ou arrangement en vigueur ou futur pour le paiement de deniers, le ministre est d'avis que

ales paiements du principal et des intérêts sont confondus, ou que

ble paiement est effectué en conformité d'un plan qui comporte une allocation d'intérêts,

qu'il existe ou non une stipulation pour le paiement d'un intérêt à un taux nominal ou pas du tout, le ministre possède le pouvoir de déterminer quelle partie dudit paiement constitue des intérêts et la partie ainsi déterminée comme étant des intérêts est censée être un revenu pour les fins de la présente loi.

[71]  On voit donc que cette disposition se voulait une disposition anti‑évitement ciblant les situations où les contribuables redéfinissaient des paiements d'intérêts comme des paiements en capital afin d'éviter de payer l'impôt. Plus précisément, on affirme dans le discours du budget de 1942 (à la page 17) :

Nous adopterons des mesures législatives en vue d'empêcher la fraude fiscale dans certains domaines. Ainsi nous comptons faire en sorte que le revenu provenant des puits de pétrole ou de gaz exploités d'après ce qu'on appelle le régime des redevances soit considéré comme revenu provenant de la personne ou des personnes qui exploitent effectivement les puits de pétrole ou de gaz au nom des titulaires de redevances et soit taxé à cette source. De même, lorsqu'une propriété est vendue à tempérament, les paiements sur le capital seront réputés comprendre l'intérêt à un taux raisonnable dans les cas où il n'a pas été prévu d'intérêt ou dans les cas où l'intérêt prévu est exagérément modique.

[72]  La raison d'être de cette disposition a été expliquée davantage au cours des débats parlementaires de 1942 à son sujet [16]  :

L'hon. M. GIBSON : L'article a pour objet de parer aux tentatives d'échapper à l'impôt dans les cas où l'on conviendrait de versements sur le capital sans qu'il soit aucunement question d'intérêts. Il s'est présenté de tels cas et il s'agit d'établir que des intérêts équitables soient censés être compris dans de tels paiements, afin qu'un particulier ne puisse pas acquérir une propriété et en solder le prix au moyen de versements sur le capital échelonnés sur dix, quinze ou vingt ans sans intérêt.

L'hon. M. HANSON : Dans le cas d'une entente de famille ou d'affaires, par exemple?

L'hon. M. GIBSON : Dans le cas où l'acheteur d'une propriété pourrait peut‑être l'acheter à meilleur compte, au moyen de versements à capital seulement, du fait que le vendeur n'aurait pas à payer l'impôt sur le revenu provenant des intérêts que porterait l'hypothèque. Le vendeur pourrait consentir la vente à un prix légèrement inférieur afin d'éviter l'impôt sur le revenu.

[...]

M. BENCE : Le ministre entend‑il par là qu'il fixera arbitrairement un montant d'intérêts censé être inclus dans les versements à capital, même si on n'en a pas établi le montant?

L'hon. M. GIBSON : Oui.

[73]  La lecture des débats parlementaires et du discours du budget ne laisse aucun doute : dès l'adoption de la disposition, il s'agissait d'une disposition anti‑évitement afin d'empêcher les bénéficiaires de revenus d'intérêts de redéfinir ces paiements comme des versements de capital afin d'éviter de payer l'impôt (les gains en capital n'étaient pas imposables à l'époque). Cette interprétation semble être plus restreinte que celle que propose l'appelante.

[74]  Cette disposition a été modifiée en 1948 pour se lire comme suit :

Article 7 de la Loi de l'impôt sur le revenu (1948)

7. Lorsqu'un paiement effectué en vertu d'un contrat ou autre entente peut raisonnablement être considéré en partie comme un paiement d'intérêt ou autre paiement à titre de revenu et en partie comme un paiement à titre de capital, la fraction du paiement qui peut raisonnablement être considérée comme paiement d'intérêt ou autre paiement à titre de revenu, est incluse dans le calcul du revenu du bénéficiaire, sans égard à la date où le contrat ou l'entente a été conclu, à sa forme ou à son effet juridique.

[75]  La disposition, telle qu'elle était alors rédigée, portait sur les conséquences fiscales pour le bénéficiaire du paiement. Elle demeurait muette quant aux conséquences pour l'auteur du paiement. Je souligne qu'une fois ce changement adopté, les contribuables pouvaient déduire le montant ajouté au revenu en vertu de l'article 7, en raison de l'alinéa 11(1)d), adopté en 1951 [17]  :

Déductions permises

[...]

d) la partie d'un paiement

(i) en remboursement d'un montant d'argent emprunté et utilisé pour gagner un revenu provenant d'une entreprise ou de biens (autres que des biens dont le revenu serait exempt), ou

(ii) pour des biens acquis aux fins d'en gagner ou produire un revenu ou aux fins de gagner ou produire un revenu provenant d'une entreprise (autres que des biens dont le revenu serait exempt),

qu'a versée le contribuable pendant l'année, qui, selon l'article 7, doit être incluse dans le calcul du revenu du bénéficiaire pour une année d'imposition;

Cette disposition permettait à l'auteur du paiement de déduire le montant réputé être un revenu en vertu de l'article 7, si le paiement avait été fait afin de tirer un revenu (puisqu'à l'époque, tout ce qui était à titre de capital n'était habituellement pas imposable). L'intention lors de l'édiction de cette nouvelle disposition a fait l'objet des débats parlementaires cette année‑là [18]  :

M. Johnston : Je désire poser une question au sujet de l'article 3, page 2, concernant le remboursement d'un prêt d'argent. Il me semble que la seule déduction permise à même l'impôt sur le revenu devrait être à l'égard de l'intérêt sur ce prêt.

L'hon. M. Abbott : Il s'agit d'un article remédiateur. La loi contenait une certaine lacune. Dans certains genres de contrats, il existe une clause relative à l'intérêt inclus dans le prêt et l'on exige que cet intérêt soit compris comme revenu par celui qui le touche.

M. Johnston : La disposition vise le montant de l'intérêt inclus dans le principal.

L'hon. M. Abbott : Parfaitement. Prenant l'inverse, si, à titre de prêteur je suis, dans les mêmes circonstances, obligé d'inclure ce montant dans mon revenu, celui qui me le verse peut aussi l'inclure dans ses dépenses. Tel est l'effet de l'article. C'est un adoucissement. Il semblait logique d'adopter cette disposition.

[76]  On constate donc une intention d'imposer un traitement fiscal symétrique au montant réputé reçu à titre de revenu et au paiement effectué par le débiteur afin de tirer un revenu.

[77]  L'article 7, dans une version légèrement modifiée, devint en 1971 le paragraphe 16(1) de la LIR, qui a été remplacé en 1983 par la version suivante du paragraphe 16(1) :

Revenu et capital réunis

16(1) Lorsqu'un paiement visé par un contrat ou tout autre arrangement peut raisonnablement être considéré, en partie comme un paiement d'intérêts ou comme tout autre paiement ayant un caractère de revenu et en partie comme un paiement ayant un caractère de capital, la fraction du paiement qui peut raisonnablement être considérée comme un paiement d'intérêts ou comme tout autre paiement ayant un caractère de revenu doit, quelle que soit la date de la conclusion, la forme ou les effets juridiques du contrat ou de l'arrangement, être incluse dans le calcul du revenu du bénéficiaire, [tiré de biens], [pour l'année d'imposition dans laquelle elle a été reçue dans la mesure où elle n'a pas été par ailleurs incluse dans le calcul du revenu du bénéficiaire].

[78]  Le changement principal se situe dans la dernière partie de la disposition, qui prévoit que l'inclusion au revenu tiré de biens n'a lieu que si le paiement n'a pas été par ailleurs inclus dans le calcul du revenu. Les notes explicatives de 1982 donnent l'exemple des paragraphes 12(3) et (4) de la LIR : le revenu d'intérêt couru sur une créance qui est inclus dans le revenu aux termes de ces paragraphes n'a pas à être inclus également en vertu du paragraphe 16(1) lorsque l'intérêt est effectivement versé. Cette disposition est également muette quant à l'incidence sur l'auteur du paiement.

[79]  Le traitement fiscal de l'auteur du paiement était plutôt décrit à l'alinéa 20(1)k), qui correspondait à l'époque à l'ancien alinéa 11(1)d). L'alinéa 20(1)k) était semblable à son prédécesseur; il disposait que la partie du paiement de revenu et capital réunis incluse au revenu du bénéficiaire tiré d'un bien conformément au paragraphe 16(1) de la LIR pouvait être déduite lors du calcul du revenu du payeur tiré d'une entreprise ou d'un bien si le paiement était effectué à l'égard d'un emprunt utilisé en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien ou à l'égard de biens acquis pour la même raison.

[80]  Cette version du paragraphe 16(1) de la LIR a ensuite été remplacée en 1988 par ce qui est essentiellement identique à la version actuelle; la principale modification est qu'on précise que la partie du paiement de revenu et capital réunis est considérée comme des intérêts sur un titre de créance plutôt qu'un revenu tiré d'un bien. Il semble, à la lecture des notes explicatives du ministère des Finances [19] , que la cause de la modification était qu'on souhaitait que les revenus tirés d'un bien visés par l'article 16 de la LIR soient considérés comme des intérêts pour les deux parties.

[81]  Les notes explicatives de 1988 du ministère des Finances donnent l'exemple du paragraphe 12(3) de la LIR, qui oblige les sociétés, les sociétés de personnes et certaines fiducies à inclure les intérêts courus dans leurs revenus; on affirme qu'il en est de même pour la partie d'un paiement mixte qu'il est raisonnable de considérer comme des intérêts. Puisque la qualification d'un revenu comme des intérêts déclenche l'application de toutes les dispositions de la LIR relatives aux intérêts (à moins qu'elles ne soient explicitement exclues) et qu'il s'agit d'un choix conscient du législateur, il s'agit d'une indication forte que l'objet visé par le déclenchement de ces dispositions était de faire en sorte que le même montant d'un paiement de revenu et capital réunis soit réputé être des intérêts pour les deux parties. L'alinéa 20(1)k) a été abrogé en 1988 lors de la modification du paragraphe 16(1) de la LIR. Comme le souligne l'appelante, les notes explicatives quant à l'abrogation de l'alinéa 20(1)k) soutenaient :

L'alinéa 20(1)k) est abrogé en raison de la modification du paragraphe 16(1). En raison de cette modification, le paragraphe 16(1) stipule que la partie d'intérêts d'un paiement mixte est réputée être un intérêt sur un titre d'endettement. Aussi les règles générales applicables à la déduction des intérêts s'appliqueront-elles à cette partie du paiement, ce qui rend l'alinéa 20(1)k) inutile [20] .

[Je souligne.]

[82]  L'alinéa 20(1)k) a été abrogé car la nouvelle règle assurait que le paiement était qualifié de façon symétrique pour les deux parties. Si le paiement est effectué dans les circonstances prévues à l'alinéa 20(1)c), le débiteur peut le déduire de son revenu. En contrepartie, le créancier doit, sauf exonération fiscale, ajouter les intérêts réputés à son revenu.

[83]  Il semble illogique, considérant la nature symétrique inhérente des intérêts et l'objet de la disposition, de faire valoir que le paragraphe 16(1) permet à une seule des deux parties de tenir compte des intérêts. En l'absence d'indication explicite du législateur qu'il souhaitait s'éloigner de la symétrie, l'interprétation du paragraphe 16(1) que propose l'appelante va à l'encontre de l'affirmation du juge Rothstein selon laquelle « il faut privilégier une interprétation qui favorise la symétrie et l'équité assurée par un régime d'imposition harmonieux à une interprétation qui ne prône aucune de ces valeurs » [21] . L'examen historique du paragraphe 16(1) et de l'alinéa 20(1)k) qui précède n'indique nullement que le législateur souhaitait s'éloigner de la symétrie, comme le soutient l'appelante.

(3) L'objet du paragraphe 16(1) de la LIR

[84]  En résumé, en tenant compte de tout ce qui précède, le paragraphe 16(1) de la LIR est une disposition anti‑évitement qui s'applique lorsque le contrat ou l'arrangement ne précise pas qu'un montant précis est les intérêts qu'une personne doit verser à une autre et qu'il est raisonnable de considérer, en tenant compte de l'ensemble des circonstances pertinentes, que le montant constitue des intérêts pour les deux parties. L'exemple classique de l'application de cette disposition serait celui de l'achat‑vente d'un immeuble financé avec un solde payable au vendeur en montants égaux pendant la durée de l'entente, sans mention explicite du capital et des intérêts.

(4) L'examen de la jurisprudence invoquée par les parties

[85]  Les deux parties, dans leurs observations orales et écrites, m'ont renvoyé à la décision Lehigh Cement Limited de la Cour canadienne de l'impôt [22] . Sans surprise, les parties en tirent des conclusions opposées.

[86]  Les faits de cette affaire sont relativement simples. Lehigh Cement Limited (Lehigh), une société canadienne, a emprunté des fonds d'un consortium de banques canadiennes pour financer ses activités. À la suite de plusieurs transactions, le prêt a été acquis par une société liée non résidente. En conséquence, les intérêts payés ou crédités au prêt déclenchaient pour le bénéficiaire des intérêts ayant un lien de dépendance l'obligation de payer l'impôt de la partie XIII.

[87]  En vue d'avoir droit à l'exemption de la retenue à la source prévue à l'époque au sous‑alinéa 212(1)b)(vii) de la LIR, les modalités du prêt ont été modifiées et des coupons d'intérêt d'une valeur approximative de 49,5 millions de dollars ont été vendus à une banque étrangère (la « banque étrangère ») pour environ 42,7 millions de dollars.

[88]  Le ministre, pour les années visées, s'est fondé sur le paragraphe 16(1) de la LIR pour refuser pratiquement toutes les déductions d'intérêt de Lehigh, affirmant que le paiement de 42,7 millions de dollars était en fait un versement de capital à la banque étrangère. De façon incohérente, le ministre avait également établi une cotisation à l'encontre de Lehigh, car celle‑ci n'avait pas retenu l'impôt de la partie XIII sur le montant intégral versé à la banque étrangère, y compris la partie du paiement que le ministre considérait être du capital en vertu de la partie I de la LIR.

[89]  Le ministre a établi une cotisation pour l'impôt de la partie XIII en supposant que le législateur voulait que l'exemption de l'obligation de faire une retenue à la source s'applique uniquement lorsque le capital du prêt était également versé à un préteur non‑résident sans lien de dépendance.

[90]  La Cour canadienne de l'impôt (la CCI) a accueilli l'appel à l'égard de la première question, tranchant que le paragraphe 16(1) de la LIR ne s'appliquait pas de façon à permettre que tout ou partie des paiements effectués par Lehigh à la banque étrangère soient qualifiés de paiements en capital non déductibles. La CCI a tranché contre l'appelante sur la deuxième question, en concluant que la DGAÉ s'appliquait pour refuser à la banque étrangère les bénéfices de l'exemption prévue au sous‑alinéa 212(1)b)(vii) de la LIR.

[91]  L'appelante a interjeté appel de la décision de la CCI quant à la DGAÉ. La CAF a accueilli l'appel, concluant que l'exemption s'appliquait au montant intégral des paiements reçus par la banque étrangère. En conséquence, Lehigh ne pouvait être soumise à une pénalité de 10 % de la retenue qu'elle devait effectuer, selon le ministre, sur les intérêts payés ou crédités à la banque étrangère.

[92]  Dans ses observations écrites, l'appelante tire les conclusions suivantes de la décision de la CCI dans Lehigh Cement :

[TRADUCTION]

32.  La Cour a rejeté l'argument de la Couronne quant à l'alinéa 16(1)a), parce que « dans l'esprit de [Lehigh], la totalité de chaque paiement trimestriel [...] était constituée d'intérêts » [23] et non de capital. La Cour a expliqué ce qui suit :

[le ministre] considérait les 20 paiements trimestriels selon la perspective de BBL. Le ministre a choisi la mauvaise perspective parce que BBL n'est pas devant la Cour. Seule [Lehigh] conteste les nouvelles cotisations, et elle considère les paiements trimestriels comme des intérêts exclusivement [24] .

33.  Il est clair de la lecture de Lehigh Cement que, pour décider si l'alinéa 16(1)a) s'applique ou non à un contribuable, la détermination des montants qui peuvent être raisonnablement considérés comme des intérêts et comme du capital doit être effectuée du point de vue du contribuable visé et non de celui de l'autre partie à la dette.

34.  Il est aussi clair que, si BBL avait été une partie à l'instance, la Cour aurait tranché que l'article 16 s'appliquait, de sorte que les paiements que BBL recevait étaient en partie des intérêts et en partie du capital lors du calcul de l'impôt que BBL devait payer [25] .

35.  Le point de vue employé est important, car le résultat aurait été différent si BBL avait été partie à l'instance. Le point de vue n'aurait eu aucune importance si la nature du montant visé par l'article 16 avait été fixée dans le contrat d'origine de la dette et s'appliquait aux nouvelles parties à la dette peu importe si les montants qu'elles avaient versés ou reçus pour devenir partie à la créance tenaient compte de la valeur temporelle de l'argent. Cependant, comme le démontre cette décision, la nature d'un montant n'est pas forcément la même pour les contribuables qui deviennent ultérieurement partie au contrat. BBL était devenue partie à la dette à la suite d'une cession; le résultat de son point de vue n'aurait pas été le même que celui de Lehigh.

[Je souligne.]

[93]  Je suis respectueusement en désaccord avec l'analyse de l'appelante de Lehigh Cement, particulièrement lorsqu'elle suppose ce qu'aurait été le résultat [26] si la banque étrangère avait été partie à l'instance.

[94]  Comme c'est souvent le cas lorsqu'il s'agit de la partie XIII de la LIR, le ministre a établi une cotisation à l'égard de Lehigh, le payeur des intérêts, car elle n'avait pas retenu l'impôt de la partie XIII, plutôt qu'à l'égard du bénéficiaire des intérêts, soit la banque étrangère, pour l'impôt de la partie XIII qu'elle devait en vertu de l'alinéa 212(1)b) de la LIR. Les payeurs d'intérêts sont soumis à des pénalités en vertu de la partie XIII seulement s'ils omettent de retenir l'impôt que doit le bénéficiaire non‑résident du paiement d'intérêt. En résumé, l'impôt de la partie XIII ne s'applique que si le paiement est des intérêts ou des intérêts réputés pour le bénéficiaire. L'article 215 de la LIR est limpide à ce sujet. Les parties pertinentes de cet article se lisent comme suit :

215(1) La personne qui verse, crédite ou fournit une somme sur laquelle un impôt sur le revenu est exigible en vertu de la présente partie, ou le serait s'il n'était pas tenu compte du sous‑alinéa 94(3)a)(viii) ni du paragraphe 216.1(1), ou qui est réputée avoir versé, crédité ou fourni une telle somme, doit, malgré toute disposition contraire d'une convention ou d'une loi, en déduire ou en retenir l'impôt applicable et le remettre sans délai au receveur général au nom de la personne non‑résidente, à valoir sur l'impôt, et l'accompagner d'un état selon le formulaire prescrit.

[...]

(6) Lorsqu'une personne a omis de déduire ou de retenir, comme l'exige le présent article, une somme sur un montant payé à une personne non‑résidente ou porté à son crédit ou réputé avoir été payé à une personne non‑résidente ou porté à son crédit, cette personne est tenue de verser à titre d'impôt sous le régime de la présente partie, au nom de la personne non‑résidente, la totalité de la somme qui aurait dû être déduite ou retenue, et elle a le droit de déduire ou de retenir sur tout montant payé par elle à la personne non‑résidente ou portée à son crédit, ou par ailleurs de recouvrer de cette personne non‑résidente toute somme qu'elle a versée pour le compte de cette dernière à titre d'impôt sous le régime de la présente partie [27] .

[Je souligne.]

[95]  L'alinéa 212(1)b) de la LIR oblige clairement le bénéficiaire non‑résident des paiements d'intérêts à payer l'impôt de la partie XIII. Les parties pertinentes de cette disposition se lisent comme suit :

212(1) Toute personne non‑résidente doit payer un impôt sur le revenu de 25 % sur toute somme qu'une personne résidant au Canada lui paie ou porte à son crédit, ou est réputée en vertu de la partie I lui payer ou porter à son crédit, au titre ou en paiement intégral ou partiel :

[...]

b) d'intérêts [...]

[Je souligne.]

[96]  La prétention de l'appelante selon laquelle le résultat dans Lehigh Cement aurait été différent si la banque étrangère avait été partie à l'instance est inexacte. Il découle implicitement de la décision de la CCI que le montant complet versé à la banque étrangère était constitué d'intérêts. Dans le cas contraire, sa conclusion quant à l'application de l'article 215 de la LIR au montant complet du paiement effectué par Lehigh aurait été erronée. Si l'on souscrit à la thèse de l'appelante, Lehigh n'aurait été redevable en vertu du paragraphe 215(6) de la LIR que d'un montant fondé sur des intérêts de 5,8 millions de dollars, au plus, si la Cour avait conclu à juste titre que la DGAÉ s'appliquait.

[97]  La conclusion de l'appelante va également à l'encontre de la décision de la CAF. Dans Lehigh Cement, la CAF a conclu que la CCI avait eu tort d'appliquer la DGAÉ et que tous les paiements reçus par la banque étrangère étaient des intérêts exemptés de l'impôt de la partie XIII en raison du sous‑alinéa 212(1)b)(vii) de la LIR. En résumé, la CCI et la CAF ont conclu que le paragraphe 16(1) de la LIR ne venait pas redéfinir les paiements reçus par la banque étrangère comme des paiements de revenu et capital réunis [28] . Les paiements étaient des intérêts pour les deux parties.

[98]  Finalement, je signale que l'analyse de l'appelante de Lehigh Cement imposerait un fardeau injuste sur les contribuables canadiens résidents en vertu de l'article 215 de la Loi. Selon cet article, les contribuables canadiens sont autorisés à retenir l'impôt de la partie XIII des paiements d'intérêts versés ou crédités aux non‑résidents, en l'absence d'exemption. Comment un contribuable canadien parviendrait‑il à déterminer exactement l'impôt de la partie XIII que doit payer un bénéficiaire non‑résident lorsque celui‑ci a acheté des coupons d'intérêt d'un prêteur non‑résident? Seules les parties à l'achat des coupons d'intérêt connaîtraient avec certitude les conséquences de celui‑ci. À mon sens, cela ne vient que confirmer davantage que le législateur prévoyait une application symétrique de la disposition déterminative au paragraphe 16(1) de la LIR.

[99]  J'ai examiné attentivement toutes les autres décisions auxquelles les deux parties ont renvoyé. Les conclusions dans ces décisions dépendent grandement des faits propres, comme c'est souvent le cas. Ces décisions ne sont pas particulièrement pertinentes en l'espèce.

B. L'examen des circonstances et des facteurs pertinents

[100]  Comme je l'ai souligné précédemment, l'appelante soutient que les conséquences pour elle sont semblables à celles de ce qu'on appelle une transaction de désendettement. En résumé, elle aurait reçu 17,5 millions de dollars en contrepartie du remboursement en 2030 d'un montant beaucoup plus élevé. La différence entre les deux montants représente la valeur temporelle pour l'appelante de l'usage des 17,5 millions de dollars reçus d'Encor. Je ne souscris pas à l'interprétation de l'appelante quant à l'incidence ou aux conséquences économiques des transactions principales. Les faits de l'affaire démontrent que l'incidence et la réalité économiques des transactions principales ressemblent fort peu aux caractéristiques et aux conséquences d'une transaction de désendettement.

[101]  D'abord, l'appelante a obtenu d'Encor qu'elle accepte l'entente, ce qui était nécessaire pour que l'appelante puisse terminer son acquisition de Dome Petroleum selon des modalités qu'elle considérait favorables.

[102]  Deuxièmement, le règlement permettait à l'appelante d'atténuer le risque de défaut réciproque qui, le cas échéant, pourrait mener au paiement anticipé de toutes les obligations émises par celle‑ci ou par Dome Petroleum en raison de l'entente. La coopération d'Encor, obtenue grâce au règlement, a ouvert la voie à la tenue de négociations fructueuses entre l'appelante et Encor d'une part et APCJ d'autre part. À l'issue de ces négociations continues, APCJ a accepté de libérer Encor de toutes ses obligations en vertu du contrat officiel. Cela avait une valeur considérable pour l'appelante, car ainsi elle éliminait le risque de défaut réciproque. La coopération d'Encor dans les négociations avec APCJ a également permis à l'appelante d'obtenir d'APCJ qu'elle renonce à invoquer les manquements antérieurs de Dome Petroleum à l'égard du contrat officiel et d'obtenir des modalités plus favorables à long terme. La preuve démontre que tout cela était nécessaire pour obtenir l'approbation d'APCJ à l'entente. La preuve indique également que l'appelante n'aurait pas procédé à l'opération si elle n'avait pas été assurée qu'APCJ consentirait à l'entente.

[103]  Le règlement n'oblige pas l'appelante à faire des versements à Encor. Il n'y a aucun paiement de revenu et capital réunis à examiner en vertu de cette entente. L'appelante s'est simplement engagée à s'acquitter des obligations d'Encor en vertu du contrat officiel et d'indemniser Encor de tout préjudice subi si l'appelante ne s'acquittait pas de ces obligations

[104]  L'entente de subrogation et d'indemnisation d'Encor ne fait que préciser les conséquences du manquement de l'appelante à ses obligations prévues dans le contrat officiel. En devenant partie au contrat officiel, l'appelante a accepté de faire davantage que rembourser à APCJ le montant exigible en vertu de l'entente d'exploration. Le compromis fait de l'appelante une partie au contrat officiel ayant des obligations solidaires en vertu de celui‑ci.

[105]  Finalement, lorsque l'appelante est devenue une partie au contrat officiel, elle est devenue solidairement responsable du paiement de 400 millions de dollars à APCJ en 2030. Il s'agit d'une obligation immédiate, dans le sens que l'appelante doit ce montant dès la signature du compromis. Il n'y a aucune incertitude quant à ce paiement. L'appelante bénéficie simplement d'un délai pour le paiement. Le montant ne devient pas exigible en raison de l'écoulement du temps. APCJ a avancé les 400 millions de dollars et, sauf déclenchement d'une condition causant l'anticipation du remboursement ou une entente entre les parties, APCJ récupérera en 2030 le capital de 400 millions de dollars qu'elle a avancé. Aucune partie du paiement ne peut être considérée comme une contrepartie pour l'usage de l'argent. Le montant complet équivaut au paiement en capital dû à APCJ.

[106]  Tout ceci démontre que l'appelante a reçu bien plus que 17,5 millions de dollars d'Encor et a accepté de faire bien plus que rembourser 225 millions de dollars en 2030.

[107]  En résumé, la démarche de l'appelante donne une importance démesurée à l'interprétation de la réalité économique présumée du règlement. L'interprétation vaste de la portée du paragraphe 16(1) de la LIR proposée par l'appelante n'est pas compatible avec une interprétation textuelle, contextuelle et téléologique de ce paragraphe.

[108]  En conclusion, je souligne que l'appelante défend une thèse qui semble cohérente avec la façon dont il faut définir les transactions principales en vertu des principes comptables généralement reconnus, selon elle. Comme je l'ai noté précédemment, la preuve comptable produite à l'audience était insuffisante et peu fiable. Quoi qu'il en soit, il est bien reconnu que les PCGR ont des objets différents de ceux du législateur lorsqu'il adopte des dispositions de la LIR. Les principes comptables servent à s'assurer que les sociétés déclarent leurs revenus d'une façon cohérente et fiable afin que les investisseurs puissent prendre des décisions bien éclairées lorsqu'ils choisissent d'effectuer des placements dans des sociétés d'un même secteur économique. Par contraste, la LIR comprend un ensemble détaillé de règles qui sert à définir comment le fardeau fiscal fédéral doit être réparti parmi les contribuables. Ces règles changent continuellement afin de tenir compte, notamment, du point de vue du législateur quant à l'équité et à la progressivité et au besoin de stimuler certains secteurs économiques et des activités sociales bien vues.

[109]  L'appelante soutient que si je rejette son appel, cela reviendrait à dire que le paiement de la différence est ce qu'on appelle une « non‑valeur ». Cet argument est souvent présenté par les contribuables qui souhaitent obtenir la sympathie de la Cour, mais, comme dans l'espèce, ce n'est que rarement une juste évaluation de la situation.

[110]  Incidemment, je souligne que l'appelante pourrait ultérieurement, dans les bonnes circonstances, soutenir que la différence est une dépense en capital engagée pour et en raison de son acquisition des actions de Dome Petroleum [29] . Puisque la créance existait déjà (quoiqu'elle n'était pas exigible immédiatement), on pourrait soutenir que la responsabilité prise en charge fait partie du prix payé par l'appelante pour les actions de Dome Petroleum de la même façon, par exemple, que les honoraires juridiques engagés, mais non versés lors de la signature d'une convention d'achat d'actions font partie du coût des actions [30] . Le paragraphe 16(1) de la LIR ne s'applique pas à l'espèce, et je ne connais aucune disposition de la LIR qui oblige un contribuable à actualiser l'obligation de payer ultérieurement un montant en capital lorsque le contribuable est intégralement responsable.

[111]  Ainsi, l'appelante peut certainement soutenir que le montant complet de la différence fait partie du coût d'achat des actions de Dome Petroleum [31] . Je peux facilement comprendre, cependant, pourquoi l'appelante a préféré éviter cette voie, car le traitement fiscal qu'elle a réclamé, et que le ministre a refusé, lui était beaucoup plus favorable.

[112]  Pour les motifs qui précèdent, l'appel est rejeté. Les parties devront s'entendre sur les dépens au plus tard le 20 octobre 2017, faute de quoi elles déposeront des observations écrites d'au plus cinq pages au plus tard le 25 octobre 2017.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour d'octobre 2017.

« Robert J. Hogan »

Le juge Hogan

 


ANNEXE A

[TRADUCTION]

2012-4907(IT)G

2013-1522(IT)G

 

COUR CANADIENNE DE L'IMPÔT

 

ENTRE :

 

Plains Midstream Canada ULC (successeure DE BP Canada Energy Company à la suite d'une fusion)

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée.

Exposé partiel conjoint des faits

 

Pour les besoins du présent procès, l'appelante et l'intimée (les « parties ») reconnaissent les faits suivants; elles conviennent que cela signifie que ces faits auront le même poids que s'ils avaient été officiellement établis et acceptés par la Cour comme étant véridiques, avec les réserves suivantes :

1.  Si une partie a reconnu un fait en réponse à une demande d'aveux que lui a signifiée la partie adverse, la partie adverse a le droit de se fonder sur le fait reconnu en réponse à la demande d'aveux. Les parties estiment qu'il n'y a pas d'incohérence entre les faits figurant à l'énoncé partiel conjoint des faits et ceux reconnus en réponse aux demandes d'aveux. Elles conviennent que les faits énoncés dans l'exposé partiel conjoint des faits et ceux reconnus en réponse à des demandes d'aveux devraient être traités comme avérés. S'il y a une incohérence entre une réponse à une demande d'aveux et le présent exposé des faits, la partie qui a signifié la demande d'aveux a le droit d'exiger que la réponse à la demande d'aveux prévale.

2.  Les parties reconnaissent que certains faits dans le présent énoncé des faits sont des résumés des modalités d'ententes contractuelles. Les parties reconnaissent que ces faits sont plus précisément des résumés des interprétations contractuelles. Les parties ne prétendent pas se substituer à la Cour quant aux questions de droit et aux questions mixtes de fait et de droit. Les parties ont présenté ces faits au bénéfice de la Cour. Les parties reconnaissent que la Cour n'est pas liée par l'interprétation des parties des contrats, car la Cour doit tirer ses propres conclusions juridiques quant à l'interprétation des contrats.

Les parties se réservent le droit d'ajouter des éléments de preuve supplémentaires pertinents et probants quant à toute question soumise à la Cour qui n'est pas incompatible avec les faits admis dans les présentes.

Les parties sont d'accord que, si la partie adverse a fait une déclaration quant à son point de vue lors de l'interrogatoire préalable, l'autre partie peut y renvoyer la Cour dans ses observations orales sans qu'il soit nécessaire de déposer formellement la transcription.

Les définitions suivantes s'appliquent aux présentes :

« Amoco » Amoco Canada Petroleum Company Ltd. et ses successeures Amoco Canada Petroleum Ltd. et Amoco Canada Petroleum Company, individuellement ou collectivement, selon le contexte.

« APCJ » Arctic Petroleum Corporation of Japan.

« Dome Canada » Dome Canada Limited.

« Dome Petroleum » Dome Petroleum Limited.

« Encor » Encor Energy Corporation Inc.

De 1980 à 1982

1.  À la fin des années 1970 et au début des années 1980, Dome Petroleum et le gouvernement japonais partageaient le désir d'explorer la mer de Beaufort et d'y découvrir et d'y extraire du pétrole. Les Japonais cherchaient à obtenir un approvisionnement à long terme en pétrole en provenance de marchés stables. À la même époque, Dome Petroleum avait des intérêts dans la mer de Beaufort et cherchait des capitaux pour soutenir ses activités d'exploration pétrolière dans cette région.

2.  La Japan National Oil Corporation (« JNOC ») et Dome Petroleum ont signé une lettre d'intention le 22 août 1980 (la « lettre d'intention ») quant à l'exploration et la mise en valeur pétrolières dans la mer de Beaufort. La lettre d'intention est le document 1 du recueil conjoint des documents.

3.  La lettre d'intention a été modifiée par la lettre d'avenant du 23 décembre 1980 entre JNOC et Dome Petroleum, lettre qui est le document 2 du recueil conjoint des documents.

4.  En octobre 1980, le gouvernement canadien a lancé le Programme énergétique national (le « PEN »).

5.  Dome Petroleum s'est rendu compte qu'en raison du PEN, elle devait augmenter la participation canadienne afin d'être admissible aux mesures incitatives gouvernementales offertes en vertu du PEN et d'en bénéficier, et d'obtenir des permis de production à l'avenir.

6.  Dome Petroleum a conclu que Dome Canada pouvait servir à bénéficier des avantages du PEN, car celle‑ci était une société admissible en vertu du PEN et pouvait mener les programmes d'exploration dans la mer de Beaufort.

7.  En décembre 1980 ou vers cette époque, Dome Petroleum a proposé à JNOC que Dome Canada devienne une partie au contrat officiel en cours de négociation, ce que JNOC a accepté.

8.  APCJ a été mise sur pied pour assurer l'administration du contrat officiel auquel la lettre d'intention devait mener.

9.  APCJ était une société japonaise constituée en vertu des lois japonaises. JNOC et ses filiales détenaient une participation de 80 % dans APCJ et plusieurs sociétés du secteur privé japonais détenaient les 20 % restants.

10.  Le contrat officiel auquel la lettre d'intention devait mener a été conclu le 16 février 1981 entre APCJ, Dome Petroleum et Dome Canada (le « contrat officiel »). Le contrat officiel est le document 3 du recueil conjoint des documents.

11.  Le contrat officiel énonçait les droits et les obligations des parties, soit APCJ, Dome Petroleum et Dome Canada, lors de l'exploration et la mise en valeur dans la mer de Beaufort.

12.  Le contrat officiel stipulait notamment qu'APCJ avancerait 400 000 000 $, que Dome Petroleum et Dome Canada utiliseraient pour financer les activités d'exploration de pétrole dans la mer de Beaufort (le « montant de 400 000 000 $ »). Le montant de 400 000 000 $ est également nommé le « prêt à l'exploration » dans le contrat officiel.

13.  APCJ a avancé le montant de 400 000 000 $ à Dome Petroleum et à Dome Canada conformément à l'annexe à l'article 4.01 du contrat officiel.

14.  Le contrat officiel stipulait notamment ce qui suit :

a.  Dome Petroleum et Dome Canada étaient solidairement responsables des affirmations, garanties et obligations envers APCJ découlant du contrat officiel.

b.  Dome Petroleum et Dome Canada étaient solidairement responsables des obligations envers APCJ à l'égard du montant de 400 000 000 $.

c.  APCJ pouvait se tourner en premier lieu vers Dome Petroleum pour obtenir l'exécution des modalités stipulées au contrat officiel.

d.  APCJ pouvait exiger le paiement du montant de 400 000 000 $ de Dome Petroleum.

15.  En vertu du contrat officiel, Dome Canada et Dome Petroleum devaient rembourser le montant de 400 000 000 $ au plus tard le 31 décembre 2030. Le contrat officiel prévoyait le remboursement anticipé des 400 000 000 $ s'il y avait un début de production commerciale, telle que définie dans le contrat officiel (le « début de production »), dans la mer de Beaufort ou s'il y avait un manquement tel que défini au contrat officiel.

16.  S'il y avait un début de production, Dome Petroleum et Dome Canada seraient tenues de rembourser le montant de 400 000 000 $ à même 20 % des produits nets tirés de la production des champs d'exploration, expression définie dans le contrat officiel.

17.  À défaut de début de production et à défaut d'un manquement en vertu du contrat officiel, le montant de 400 000 000 $ devait être remboursé le 30 décembre 2030.

18.  Conformément au contrat officiel, en contrepartie du prêt à l'exploration, APCJ avait droit à la rémunération prévue au contrat officiel (la « rémunération »), s'il y avait un début de production dans la mer de Beaufort.

19.  La rémunération ne serait versée que s'il y avait début de production dans la mer de Beaufort.

20.  La déduction que l'appelante cherche à obtenir en l'espèce n'est nullement liée à un montant à verser à titre de rémunération en vertu du contrat officiel.

21.  Aucune rémunération ne serait versée en l'absence d'un début de production.

22.  Il n'y a eu aucun début de production dans la mer de Beaufort.

23.  Dome Petroleum, Dome Canada et APCJ ont signé une lettre d'entente le 16 février 1981, qui est le document 4 du recueil conjoint des documents. Dans cette lettre, APCJ confirmait qu'un manquement défini à l'alinéa 29.01d) du contrat officiel devait porter sur une obligation importante prévue au contrat officiel ou avoir une incidence défavorable importante sur les droits d'APCJ pour constituer un manquement au contrat.

24.  Dome Petroleum et Dome Canada ont conclu une entente, l'entente de coentreprise, le 2 mars 1981, en vertu de laquelle elles acceptaient de partager le montant de 400 000 000 $ aux fins de l'exploration comme suit : 225 000 000 $ à Dome Canada et 175 000 000 $ à Dome Petroleum. L'entente de coentreprise est le document 12 du recueil conjoint des documents.

25.  APCJ n'était pas partie à l'entente de coentreprise conclue entre Dome Petroleum et Dome Canada.

1987 et 1988

26.  Tout juste avant le 8 décembre 1987, Dome Petroleum détenait un intérêt de 42,1 % dans Dome Canada.

27.  À la suite de changements de raison sociale en 1986 et en 1987, Dome Canada est devenue Encor.

28.  Amoco Corporation était la société‑mère américaine d'Amoco.

29.  En avril 1987 ou vers cette époque, Amoco Corporation a annoncé qu'elle avait l'intention que sa filiale canadienne, Amoco, acquière Dome Petroleum.

30.  Amoco avait ses propres intérêts dans la mer de Beaufort et voyait de fortes possibilités d'exploitation d'hydrocarbures dans la mer de Beaufort. Elle souhaitait tirer parti des actifs de Dome Petroleum dans la mer de Beaufort et devenir un joueur important dans la mise en valeur future de cette région.

31.  Amoco a décidé d'acquérir Dome Petroleum en suivant un arrangement conformément à la Loi canadienne sur les sociétés par actions.

32.  Le 12 mai 1987, Amoco et Dome Petroleum ont conclu une convention d'arrangement pour l'achat de Dome Petroleum par voie d'arrangement. La convention d'arrangement est le document 13 du recueil conjoint des documents.

33.  Selon la convention d'arrangement, certains créanciers de Dome Petroleum devaient approuver l'arrangement prévu par celle‑ci. (L'arrangement prévu par la convention d'arrangement est ci-après nommé l'« arrangement ».)

34.  L'arrangement aurait pu ne pas être exécuté sans l'accord d'APCJ.

35.  Amoco croyait que le contrat officiel devait être modifié pour rehausser la viabilité commerciale des projets futurs dans la mer de Beaufort. L'arrangement disposait qu'Amoco devait s'entendre avec APCJ afin de modifier le contrat officiel.

36.  Amoco devait négocier avec APCJ afin d'obtenir son approbation de l'arrangement.

37.  Amoco n'aurait peut‑être pas acquis Dome Petroleum n'eût été cette entente avec APCJ.

38.  Amoco a entrepris les négociations avec APCJ en juillet 1987 afin d'obtenir son approbation à l'arrangement.

39.  APCJ hésitait à modifier le contrat officiel. Elle voulait s'en tenir aux modalités initiales autant que possible, sans nécessiter d'intervention ou d'action politique japonaise. APCJ exigeait qu'on conserve les modalités d'origine du prêt à l'exploration.

40.  APCJ n'acceptait pas de conclure une nouvelle entente avec Amoco.

41.  En 1988, APCJ refusait également de libérer Encor de ses obligations en vertu du contrat officiel.

42.  Dome Petroleum a envoyé un document intitulé « Avis de réunion spéciale, avis de demande et circulaire de sollicitation de procurations relativement à une entente entre Dome Petroleum et Amoco » le 26 avril 1988. Les pages 56 et 57 de ce document figurent au document 14 du recueil conjoint des documents.

43.  Les déclarations de Dome Petroleum figurant au document 14 du recueil conjoint des documents sont véridiques et exactes. (Sous réserve du caractère sommaire et incomplet du document; lorsqu'il énonce les modalités d'ententes contractuelles, le libellé des ententes devrait l'emporter.)

44.  Encor était également un créancier de Dome Petroleum en vertu de la facilité de crédit d'Encor.

45.  L'entente disposait qu'Encor devait également l'approuver.

46.  Encor a joué un rôle prépondérant dans différents volets de l'acquisition par Amoco de Dome Petroleum, et Amoco souhaitait négocier avec Encor sur de nombreuses questions. Amoco souhaitait conclure un accord avec Encor afin d'atteindre plusieurs de ses objectifs lors de l'acquisition de Dome Petroleum.

47.  Encor était solidairement responsable avec Dome Petroleum et avait également fait un prêt distinct à Dome Petroleum; par conséquent, Encor devait approuver l'entente. Dome Petroleum était également actionnaire d'Encor.

48.  Encor cherchait également à se retirer de ses activités d'exploration dans la mer de Beaufort pour se concentrer sur ses activités dans l'Ouest du Canada. Encor souhaitait vendre ses intérêts dans la mer de Beaufort et Amoco souhaitait les acquérir.

49.  Amoco et Encor ont conclu un accord entre Amoco Canada et Encor le 28 novembre 1987 (le « règlement »), qui est le document 15 du recueil conjoint des documents.

50.  Le règlement disposait notamment ce qui suit :

1.  Amoco prenait en charge toutes les obligations d'Encor découlant du contrat officiel et indemnisait Encor à cet égard.

2.  Encor devait :

a.  céder certains biens immeubles à Amoco (ou à la personne qu'elle choisit) en échange d'un paiement de 1 400 000 $ de celle‑ci;

b.  verser 17 500 000 $ à Amoco en échange de la prise en charge figurant au paragraphe 50(1) qui précède (le « paiement de 17,5 millions de dollars »).

3.  Les obligations décrites aux paragraphes 50(1) et 50(2) qui précèdent dépendaient l'une de l'autre et devaient être satisfaites lors de la conclusion de l'entente et faire partie de celle‑ci.

4.  L'exécution des obligations décrites au paragraphe 50(2) devait se produire après l'échange de la créance de Dome Petroleum à Encor en vertu de sa facilité de crédit contre des espèces et des obligations de second rang d'Amoco.

51.  Le règlement a été conclu par Amoco à titre d'étape nécessaire pour conclure un compromis avec APCJ et obtenir son approbation de l'entente.

52.  L'objectif ultime d'Amoco en concluant le règlement était de compléter l'entente.

53.  Les obligations figurant aux paragraphes 50(1) et 50(2) qui précèdent dépendaient l'une de l'autre car Amoco ne pouvait atteindre ses objectifs de parvenir à un compromis avec APCJ et d'obtenir son approbation à l'entente afin que celle‑ci soit conclue sans l'exécution de ces deux obligations.

54.  Encor a accepté de vendre tous ses intérêts dans la mer de Beaufort, car elle souhaitait éloigner son entreprise de cette région et se concentrer sur ses activités dans l'Ouest canadien. Encor, Dome Petroleum et Amoco avaient des intérêts qui se chevauchaient dans des biens immeubles dans l'Ouest canadien. Ainsi, la rationalisation et l'échange de certains de ces biens aidaient Encor et Amoco à atteindre leurs objectifs respectifs. Encor souhaitait se départir de ses intérêts, car elle ne voulait plus être active dans la mer de Beaufort. Amoco souhaitait acquérir ces intérêts, mais l'achat‑vente des biens d'Encor faisaient également partie d'un plus grand plan de rationalisation des biens.

55.  Le règlement faisait partie d'une entente plus exhaustive d'Amoco visant à acquérir Dome Petroleum. (Encor s'intéressait également à cette acquisition.) Par conséquent, Amoco et Encor se sont entendues que le règlement doive être conclu avant l'acquisition de Dome Petroleum par Amoco, qui a finalement eu lieu conformément à l'entente. Le règlement dépendait de l'acquisition de Dome Petroleum par Amoco.

56.  Le règlement dépendait de l'achat de Dome Petroleum grâce à la conclusion de l'entente pour qu'il soit sensé qu'Amoco accepte des obligations dont elle ne tirerait aucun bénéfice en l'absence de l'acquisition de Dome Petroleum. Amoco était une entreprise pétrolière à la recherche d'hydrocarbures, et non une entreprise de prêts cherchant à faire le refinancement de prêts.

57.  Amoco et Encor sont parvenues au paiement de 17,5 millions de dollars comme somme négociée entre un acheteur et un vendeur fondée sur ce qui pourrait être considéré comme la juste valeur marchande.

58.  Du point de vue d'Amoco, le paiement de 17,5 millions de dollars équivalait au montant qu'il fallait pour couvrir les frais du désendettement des 225 000 000 $.

59.  Le 8 décembre 1987, Dome Petroleum a vendu ses actions ordinaires dans Encor à TransCanada Pipelines Ltd. ou à TCPL Energy Limited pour environ 398 000 000 $.

60.  Amoco et Encor ont conclu une convention accessoire le 31 décembre 1987, qui est le document 16 du recueil conjoint des documents. Les parties ont conclu cette convention accessoire afin de confirmer et d'expliquer l'entente des parties relativement à leurs positions respectives à l'égard de l'impôt sur le revenu canadien découlant du règlement et à l'égard des obligations de déclaration.

61.  Après 13 mois de négociation, Amoco a obtenu d'APCJ qu'elle approuve l'entente en août 1988.

62.  Dome Petroleum, Encor, APCJ, Provo et Amoco ont conclu une entente le 29 août 1988 qui portait sur le compromis qu'Amoco avait conclu avec APCJ afin que celle‑ci consente à l'entente (le « compromis »). Le compromis est le document 17 du recueil conjoint des documents.

63.  L'entente exigeait qu'un compromis soit conclu avec APCJ, et APCJ exigeait qu'Amoco devienne solidairement responsable avec Dome Petroleum et Encor en vertu du contrat officiel.

64.  Les parties ont conclu le compromis en tenant compte de l'entente et du fait qu'il était nécessaire de le faire pour qu'Amoco puisse conclure un compromis avec APCJ, comme l'exigeait l'entente.

65.  Le compromis disposait notamment ce qui suit :

1.  Amoco devenait partie au contrat officiel et devenait solidairement responsable des obligations de Dome Petroleum et de Dome Canada (Encor) en vertu de celui‑ci.

2.  Amoco et Dome Petroleum acceptaient de mener solidairement des activités d'exploration et de développement dans les terres de la mer de Beaufort, selon la définition au contrat officiel.

3.  Les parties confirmaient que Dome Petroleum ferait l'acquisition des intérêts d'Encor dans ces terres (les « terres d'Encor »).

4.  Dome Petroleum mènerait les activités d'exploration et de développement aux terres d'Encor et les obligations du contrat officiel s'appliqueraient toujours à l'égard de ces terres.

5.  Les parties reconnaissaient que le compromis ne libérait pas Encor de ses obligations envers APCJ en vertu du contrat officiel, ni ne modifiait ces obligations.

6.  La rémunération prévue au contrat officiel était modifiée à une redevance dérogatoire de 5 % des recettes de production brutes tirées des terrains de la mer de Beaufort, mais seulement lors du début de la production.

7.  Pour ce qui était du prêt à l'exploration, le compromis n'avait pas l'effet d'un nouveau prêt, d'un remboursement et d'un nouveau prêt, ou du règlement du prêt; l'obligation de rembourser le prêt à l'exploration demeurait en vigueur, sans modification, selon les modalités du contrat officiel.

8.  Si l'entente n'était pas exécutée, le compromis serait annulé.

66.  Amoco, Dome Petroleum et Encor ont conclu un « accord modificateur » le 29 août 1988, qui est le document 18 du recueil conjoint des documents. Cet accord modificateur venait changer la date et l'heure auxquelles le compromis entrait en vigueur. La nouvelle heure découlait de la série d'événements visée par l'entente. Le compromis prévoyait qu'il entrerait en vigueur à 8 h, mais cette heure ne concordait pas avec les démarches à effectuer en vertu de l'entente, de sorte que l'heure a été modifiée à 10 h 55.

67.  Amoco et APCJ ont signé une lettre d'entente le 29 août 1998, laquelle est le document 19 du recueil conjoint des documents. La lettre d'entente décrivait plus en détail les activités d'exploration qu'Amoco aurait à mener pour satisfaire aux obligations stipulées à l'article 3.01 du compromis.

68.  Amoco et Dome Petroleum ont conclu une convention d'indemnisation le 31 août 1988 (la « convention d'indemnisation de Dome »), laquelle est le document 20 du recueil conjoint des documents.

69.  Amoco et Dome Petroleum ont conclu la convention d'indemnisation de Dome car, ou notamment car, pour le compromis, APCJ exigeait qu'Amoco soit solidairement responsable avec Dome Petroleum et Encor en vertu du contrat officiel.

70.  En vertu de la convention d'indemnisation de Dome, pour ce qui est de Dome Petroleum et Amoco, Dome Petroleum était responsable de toutes les obligations de payer le capital, la rémunération et les autres montants en vertu du contrat officiel pour lesquels Dome Petroleum était le principal responsable. La convention d'indemnisation de Dome prévoyait également que si Amoco devait verser l'un de ces montants à APCJ, Dome Petroleum serait tenue de l'indemniser.

71.  La convention d'indemnisation de Dome devait entrer en vigueur au même moment que le compromis et serait annulée si le compromis était annulé.

72.  La convention d'indemnisation de Dome et le compromis sont entrés en vigueur à 10 h 55 le 1er septembre 1988.

73.  La Cour du Banc de la Reine de l'Alberta a approuvé l'entente, qui est entrée en vigueur le 1er septembre 1988. L'entente est le document 21 du recueil conjoint des documents.

74.  En vertu de l'entente, Amoco a fait l'acquisition de Dome Petroleum pour 5,2 milliards de dollars canadiens.

75.  Les étapes suivantes ont notamment eu lieu conformément à l'entente :

a.  en vertu de l'article 4.10 de l'entente, à 10 h 30, conformément au règlement, Encor a versé 17,5 millions de dollars à Amoco;

b.  en vertu de l'article 4.15, à 10 h 55, un certain nombre de sociétés ont fusionné; la société issue de la fusion était Dome Petroleum;

c.  en vertu de l'article 4.20, à 11 h 15, conformément au règlement, Amoco a versé 1,4 million de dollars à Encor et les biens‑fonds d'Encor ont été cédés à Dome Petroleum par un acte de cession du 1er septembre 1988. L'acte de cession est le document 22 du recueil conjoint des documents.

76.  Dome Petroleum, à la suite de l'acquisition, est devenue une filiale en propriété exclusive d'Amoco.

77.  Amoco et Dome Petroleum ont conclu une entente de remboursement à 11 h 15 à la date d'entrée en vigueur de l'entente, soit le 1er septembre 1988 (l'« entente de remboursement »). L'entente de remboursement est le document 23 du recueil conjoint des documents.

78.  Selon l'entente de remboursement, Dome Petroleum devait rembourser à Amoco la somme de 1,4 million de dollars payée par celle‑ci pour les intérêts d'Encor dans la mer de Beaufort (comme le prévoyait le sous‑article 4.20(ii) de l'entente), mais Amoco a demandé qu'Encor transfère les intérêts à Dome Petroleum.

79.  Amoco et Encor ont conclu une entente (l'« entente de subrogation et d'indemnisation d'Encor ») à la date d'entrée en vigueur de l'entente, soit le 1er septembre 1988. L'entente de subrogation et d'indemnisation d'Encor est le document 24 du recueil conjoint des documents.

80.  L'entente de subrogation et d'indemnisation d'Encor stipulait qu'Amoco et Encor concluaient l'entente notamment dans les buts suivants, en raison de l'entente :

a.  la prise en charge par Amoco des obligations d'Encor en vertu des documents d'APCJ (selon la définition dans le document);

b.  l'indemnisation d'Encor par Amoco quant aux obligations conformément aux documents d'APCJ;

c.  la subrogation d'Amoco aux droits d'Encor en vertu des documents d'APCJ.

81.  En contrepartie de l'entente de subrogation et d'indemnisation, Encor a versé 17,5 millions de dollars à Amoco.

82.  Amoco et Encor ont convenu, dans l'entente de subrogation et d'indemnisation d'Encor, que l'entente s'éteindrait au moment de la libération d'Encor des documents d'APCJ.

83.  Dans ses déclarations de revenus, Amoco a traité les 17,5 millions de dollars reçus d'Encor comme une entrée de capital non imposable.

84.  En 1989, Dome Petroleum a fusionné avec une autre société pour former Amoco Canada Resources (« ACR »). ACR était une filiale en propriété exclusive d'Amoco.

Les ententes de 1992

85.  Amoco, ACR (en qualité de successeure de Dome Petroleum), Encor et APCJ ont conclu un accord modificateur le 28 février 1992, dont l'entrée en vigueur était antidatée au 1er septembre 1988 (l'« accord modificateur de 1992 »), qui est le document 25 du recueil conjoint des documents. L'accord modificateur de 1992 a été conclu car le compromis du 29 août 1988 était un accord accessoire entre les parties visant à modifier le contrat officiel initial. L'accord modificateur de 1992 visait à énoncer les modifications apportées au contrat officiel en raison du compromis et à préciser l'objet du compromis à l'égard du contrat officiel.

86.  Amoco, ACR, Encor et APCJ ont conclu une exonération le 28 février 1992 (l'« exonération »), qui est le document 26 du recueil conjoint des documents.

87.  L'exonération stipulait qu'Encor cessait d'être une partie aux contrats d'APCJ, selon la définition dans le document, qu'APCJ libérait Encor de ses obligations en vertu des contrats d'APCJ et qu'Encor reconnaissait qu'APCJ n'avait aucune obligation envers elle.

88.  Amoco, ACR et Encor ont également conclu un accord intitulé « résiliation de l'indemnisation d'Amoco » le 28 février 1992, qui est le document 27 du recueil conjoint des documents.

89.  En vertu de la résiliation de l'indemnisation d'Amoco, les parties convenaient notamment de ce qui suit :

1.  l'entente de subrogation et d'indemnisation d'Encor était résiliée;

2.  Amoco et Encor s'exonéraient réciproquement de leurs obligations en vertu de cette entente;

3.  Amoco et ACR exonéraient Encor de toute réclamation ou obligation découlant des contrats d'APCJ.

Autres faits

90.  Ni l'une ni l'autre des parties ne savent où se trouvent les personnes ayant participé directement aux négociations en 1980 et en 1981 au sujet du contrat officiel, à la signature du contrat officiel, à l'acquisition de Dome Petroleum par Amoco, à la négociation et à la signature des accords de 1987 et 1988 mentionnés dans le présent énoncé partiel conjoint des faits, et à la négociation et à la signature des ententes entre APCJ, Amoco, Encor et la successeure de Dome Petroleum en 1992.

Les événements subséquents

91.  À ce jour, il n'y a eu aucune production commerciale dans la mer de Beaufort selon le contrat officiel.

92.  L'appelante et ses prédécesseures n'ont versé aucun montant à APCJ à titre de rémunération ou d'intérêts ou pour rembourser le montant de 400 000 000 $ avancé en vertu du contrat officiel.

93.  Aucune partie au contrat officiel ou au compromis n'a versé une partie du montant de 400 000 000 $ ou une rémunération à APCJ, selon la définition au contrat officiel ou au compromis, et aucun intérêt n'a été versé à APCJ par l'une ou l'autre de ces parties.

Les traitements fiscaux d'Amoco et du ministre

94.  Dans ses déclarations de revenus pour les années d'imposition 1995 et 1996, Amoco a déduit chaque année 4 788 456 $, montant calculé comme suit :

a.  coût jusqu'à l'échéance = 207 500 000 $ (225 000 000 $ - 17 500 000 $);

b.  nombre d'années jusqu'à l'échéance = 43,33 (du 1er septembre 1988 au 31 décembre 2030);

c.  nombre de mois jusqu'à l'échéance = 520 (43,33 années × 12 mois/année);

d.  dépense par mois = 399 038 $ (207 500 000 $ ÷ 520);

e.  dépense par année = 4 788 456 $ (399 038 $ × 12).

95.  Le ministre n'a autorisé aucune déduction pour le montant réclamé par Amoco.

96.  BP Canada Group ULC, au nom de l'appelante, a déposé des avis d'opposition aux déterminations des pertes pour les années 1995 et 1996, avis qui sont les documents 28 et 29 du recueil conjoint des documents.

ACCEPTÉ quant au fond et à la forme le ____ juin 2017

 

ACCEPTÉ quant au fond et à la forme le ____ juin 2017

 

 

 

OSLER, HOSKIN & HARCOURT S.E.N.C.R.L./s.r.l.

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

par :

 

 

par :

 

Avocats de Plains Midstream (successeure de BP Canada Energy Company)

 

Avocat de Sa Majesté la Reine

 


RÉFÉRENCE :

2017 CCI 207

NUMÉROS DES DOSSIERS DE LA COUR :

2012-4907(IT)G

2013-1522(IT)G

INTITULÉ :

PLAINS MIDSTREAM CANADA ULC c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :

Calgary (Alberta)

DATES DE L'AUDIENCE :

Les 20, 21 et 22 juin 2017

MOTIFS DU JUGEMENT :

L'honorable juge Robert J. Hogan

DATE DU JUGEMENT :

Le 6 octobre 2017

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l'appelante :

Me Gerald Grenon

Me Al Meghji

Me Edward Rowe

Avocates de l'intimée :

Me Carla Lamash

Me Mary Softley

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

Noms :

Me Gerald Grenon

Me Al Meghji

Me Edward Rowe

 

Cabinet :

Osler, Hoskin & Harcourt S.E.N.C.R.L./s.r.l.

 

Pour l'intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 



[1]   Au paragraphe 34 de l'EPCF, les parties soulignent que l'entente n'aurait peut‑être pas été conclue n'eût été l'autorisation d'APCJ. Les parties ont également présenté d'autres documents faisant état de ce résultat possible. Les parties soulignent qu'Encor devait approuver l'entente aux paragraphes 44 et 45 de l'EPCF.

[2]   L'utilisation de cette expression ne signifie pas que je diminue l'importance des autres transactions effectuées par Amoco et Dome Petroleum relativement à l'acquisition.

[3]   La différence est de 207,5 millions de dollars.

[4]   Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.), paragraphe 152(1.1).

[5]   Encor a rapidement été en position d'imposer une pression considérable sur Dome Petroleum. L'appelante était bien consciente du fait que dès qu'Encor serait une société séparée (la vente étant imminente), celle‑ci serait en bonne position pour dicter des modalités, puisqu'elle devait approuver l'entente. Je déduis également que les créanciers de Dome Petroleum souhaitaient augmenter au maximum le cours des actions d'Encor. Dome Petroleum a utilisé le produit de la vente des actions d'Encor pour rembourser une part de ses créances.

[6]   Voir, par exemple, le paragraphe 51 de l'EPCF.

[7]   Cette dette était prise en charge au titre du capital afin d'obtenir l'approbation de l'entente selon des modalités que l'appelante acceptait.

[8]   Il est essentiel au bon fonctionnement de cette transaction que les revenus de placement de la fiducie soient exemptés d'impôt, faute de quoi il y aura une insuffisance de trésorerie. Habituellement, l'acte de fiducie prévoit soit que les revenus tirés des obligations pourront payer les impôts et rembourser la créance, soit que la fiducie est constituée de façon à ne pas payer d'impôt, ce que confirmera un avis juridique. Au Canada, les planificateurs fiscaux se fondent souvent sur les effets du paragraphe 75(2) de la LIR. Si le constituant de la fiducie (le débiteur d'origine) a un petit intérêt réversif dans la fiducie, les planificateurs fiscaux croient que les revenus nets de la fiducie doivent être attribués au constituant, sous réserve des autres dispositions de la LIR. Le constituant peut alors recourir à ses propres déductions fiscales pour compenser le revenu qui lui est attribué, économisant ainsi de l'impôt. Je suppose que les fiscalistes utilisent cette technique parce qu'ils ne sont pas convaincus que le paragraphe 16(1) de la LIR permettrait de transformer en intérêt réputé ce qui serait par ailleurs le capital de la dette.

[9]   Cette transaction est d'autant plus intéressante si le débiteur dispose d'un excédent de trésorerie non nécessaire à l'entreprise.

[10]   Les mêmes préoccupations fiscales que celles figurant à la note de bas de page 8 s'appliquent dans un tel cas.

[11]   L'acquisition par l'appelante de Dome Petroleum a été effectuée par une série complexe de transactions. Dome Petroleum a bénéficié d'une exonération de créance. Il semble que les opérations étaient effectuées afin de réduire, pour l'impôt, le revenu réputé découlant d'une remise de dette. Je suppose que l'appelante devait recourir aux principes de comptabilité selon le prix d'achat pour tenir compte de l'acquisition. L'appelante avait le loisir de présenter cet élément de preuve à la Cour. Elle a choisi de ne pas le faire. Elle a plutôt cherché à s'appuyer sur une lettre de l'ARC rédigée au début du processus, alors qu'elle n'invoquait pas l'article 9 de la LIR. La lettre ne fait qu'énoncer le traitement comptable que l'appelante prétend avoir donné à la prise en charge des créances d'Encor. Il est faux de croire que le ministre acceptait le traitement comptable présumé de l'appelante à ce moment, puisque cette dernière n'invoquait pas l'article 9 de la LIR à ce moment.

[12]   Pièce A‑1, recueil conjoint des documents, onglet 37, paragraphe 2.

[13]   Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601.

[14]   Ibid.

[15]   Dans de nombreux cas, les intérêts réputés ne seront pas déductibles. C'est notamment le cas si les intérêts réputés découlent de l'achat d'une résidence principale. Ce qu'il faut souligner, c'est que le législateur avait l'intention que le même montant soit considéré comme des intérêts pour les deux parties.

[16]   Journaux de la Chambre des communes, 19e Parlement, 3e session, vol. 5 (21 juillet 1942), page 4608.

[17]   L.C. 1950‑1951, ch. 51, paragraphe 3(1).

[18]   Débats de la Chambre des communes, 21e législature, 4e session, vol. 5 (13 juin 1951), page 4159.

[19]   Les notes explicatives de 1988 se lisent notamment comme suit : « Le paragraphe 16(1) est modifié de manière à stipuler que la partie d'un paiement mixte qu'il est raisonnable de considérer comme des intérêts doit être considérée comme des intérêts sur un titre de créance au lieu d'être tout simplement incluse dans le revenu tiré de biens. Grâce à cette modification, il devient clair que d'autres règles — comme celle que prévoit le paragraphe 12(3) de la Loi, qui oblige les corporations, les sociétés et certaines fiducies à inclure les intérêts courus dans leurs revenus — s'appliquent à la partie d'intérêts d'un paiement mixte. »

[20]   Notes explicatives du ministère des Finances relativement à l'abrogation de l'alinéa 20(1)k), 1988.

[21]   Daishowa‑Marubeni International Ltd. c. Canada, 2013 CSC 29, [2013] 2 R.C.S. 336, au paragraphe 43.

[22]   Lehigh Cement Limited c. La Reine, 2009 CCI 237 (Lehigh Cement). Cette décision a été portée en appel à la Cour d'appel fédérale (la CAF) : 2010 CAF 124, [2011] 4 R.C.F. 66. La CAF ne s'est pas penchée sur la question de l'application du paragraphe 16(1) de la LIR en vertu de la partie I de la LIR. L'appel a uniquement porté sur la conclusion de la Cour de l'impôt voulant que la DGAÉ s'applique, de sorte qu'on a refusé l'application d'une exemption de la retenue à la source relativement aux intérêts payés par Lehigh à une banque étrangère.

[23]   Lehigh Cement (CCI), au paragraphe 17.

[24]   Lehigh Cement (CCI), au paragraphe 21.

[25]   Bien que BBL ne fût pas partie à l'instance portant sur l'application de l'alinéa 16(1)a) de la LIR, elle était indirectement partie quant à la question de l'application de l'impôt de la partie XIII aux paiements effectués ou crédités à BBL par Lehigh. J'approfondirai mon point de vue sur cette question aux paragraphes 93 à 97.

[26]   Voir le paragraphe 34 des observations écrites de l'appelante, précité.

[27]   Le payeur est en droit de recouvrer du bénéficiaire non‑résident l'impôt de la partie XIII payé en son nom en vertu du paragraphe 215(6) de la LIR. Cela signifie que le paiement doit constituer des intérêts pour le bénéficiaire pour que le payeur soit redevable en cas de défaut de retenir l'impôt et pour qu'il ait le droit de recouvrer l'impôt du bénéficiaire non‑résident.

[28]   Si la thèse de l'appelante était exacte, cela signifierait que la CCI aurait erré dans sa décision quant à l'impôt de la partie XIII pour deux raisons. D'abord, Lehigh aurait pu faire l'objet d'une cotisation en vertu de l'article 215 de la LIR quant à une petite partie seulement des paiements effectués à la banque étrangère. Deuxièmement, et comme l'a tranché la CAF, ce petit montant ne serait pas soumis à l'impôt de la partie XIII en raison de l'exemption prévue au sous‑alinéa 212(1)b)(vii) de la LIR. La décision de la CAF précise clairement que c'est le bénéficiaire des intérêts qui doit payer l'impôt de la partie XIII. Dans cette affaire, l'impôt de la partie XIII n'était pas exigible, car le montant complet payé ou crédité à BBL était formé d'intérêts exemptés des retenues en raison du sous‑alinéa 212(1)b)(vii) de la LIR. Le paragraphe 16(1) n'a pas eu pour effet de redéfinir les paiements reçus par BBL.

[29]   Par exemple, cette question pourrait se poser si l'appelante venait à disposer de ses actions de Dome Petroleum ou si l'appelante devenait l'objet d'une acquisition du contrôle et que les actions valaient alors moins que leur prix de base rajusté (PBR).

[30]   L'appelante a conclu le règlement et l'entente de subrogation et d'indemnisation d'Encor car elle devait le faire pour acquérir Dome Petroleum à des modalités qui lui étaient acceptables. Dans un tel cas, l'obligation était prise en charge pour et en raison d'une opération en capital. La responsabilité prise en charge est liée de façon intrinsèque à l'acquisition des actions de Dome Petroleum. Voir Daishowa‑Marubeni International Ltd., précité (note 21), au paragraphe 26.

[31]   Je souligne que l'article 80 de la LIR s'appliquerait correctement si l'appelante réussissait ultérieurement à réduire le montant de 225 millions de dollars qu'elle doit et réussissait à établir qu'il faut ajouter la différence au PBR des actions de Dome Petroleum. Sous réserve de l'ordre de priorité prévu à l'article 80, cette augmentation du PBR des actions de Dome Petroleum permettrait à l'appelante de compenser le « montant remis » du PBR des actions, si elles existaient toujours.

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