Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19991027

Dossiers: 97-3125-IT-G; 98-153-IT-G

ENTRE :

CHARLES N. ERSKINE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement modifiés

Le juge Margeson, C.C.I.

[1] L'appelant a déposé des avis d'appel sous le numéro de dossier de la Cour 97-3125(IT)G pour les années d'imposition 1987, 1988, 1989, 1990, 1991 et 1992 et sous le numéro de dossier de la Cour 98-153(IT)G pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995.

[2] Initialement, un nombre considérable de points étaient contestés. Toutefois, après de longues et raisonnables discussions entre les avocats, tous les points, sauf un, ont été réglés par voie de consentement à jugement. Donc, pour ce qui est des points ainsi réglés, l'appel est admis et l'affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations selon le consentement à jugement déposé dans cette action.

[3] Le point restant se rapporte à la somme versée par l'appelant à son ex-épouse en exécution d'un accord de séparation, soit un montant de 259 758,20 $ US ou 296 488 $ CAN. Le ministre n'a pas admis des frais d'intérêts sur le montant du prêt que l'appelant a utilisé pour s'acquitter des obligations qu'il avait en vertu de l'accord de séparation.

[4] La Cour a abrégé l'exposé conjoint des faits de manière à indiquer uniquement les faits pertinents aux fins de la seule question restante. Les autres faits énoncés dans l'exposé conjoint des faits (modifié) ne sont pas indiqués dans les présents motifs vu le consentement à jugement sur les autres questions qui étaient en litige.

[5] Charles N. Erskine (le “ contribuable ”) s'était marié à Belmont (Californie) le 1er juin 1969. Il est citoyen américain. Lui et son épouse étaient devenus résidents du Canada en 1984 et étaient résidents du Canada durant les années en cause dans les appels.

[6] Dans les années en question, un des actifs du contribuable était un immeuble d'habitation situé en Californie, soit l'“ immeuble de la rue Samson ”. Le revenu provenant de la location de cet immeuble représentait une partie des revenus du contribuable durant les années en question. L'appelant a toujours été le seul propriétaire inscrit de l'immeuble de la rue Samson.

[7] Le contribuable et son épouse ont divorcé conformément à une ordonnance de la Cour suprême de Colombie-Britannique prononcée le 18 mai 1990.

[8] Vers le 15 mars 1991, l'appelant et son ex-épouse ont conclu un accord en vertu duquel, entre autres choses, l'appelant a consenti à verser à son ex-épouse 300 000 $, et l'ex-épouse a consenti en échange à renoncer à tout droit, titre et intérêt à l'égard des actifs de l'appelant, y compris, entre autres, l'immeuble de la rue Samson.

[9] En 1991, l'appelant a refinancé la dette relative à l'hypothèque enregistrée sur l'immeuble de la rue Samson, empruntant 600 000 $ US (687 480 $ CAN) (le “ produit du prêt ”). En 1991, le taux de change était de 1,1458 $ CAN pour 1 $ US.

[10] L'appelant a utilisé une partie du produit du prêt pour verser à son ex-épouse la somme qu'il lui devait en vertu de l'accord de séparation, soit 259 758,20 $ US ou 296 128 $ CAN.

[11] L'appelant a payé des frais de financement de 11 935,60 $ US ou 13 675 $ CAN à l'égard de ces emprunts.

[12] Revenu Canada a considéré une partie de ces frais d'intérêts comme n'étant pas déductibles.

[13] L'appelant a obtenu une évaluation de l'immeuble de la rue Samson estimant à 1 550 000 $ la juste valeur marchande de ce bien au 1er février 1991.

[14] L'appelant et son ex-épouse ont obtenu une évaluation du mobilier du 9205, chemin Jura et du 2747, chemin Grosvenor, au 30 novembre 1998, et le mobilier de l'immeuble du chemin Jura a été évalué à 8 739,50 $.

[15] L'appelant a obtenu une évaluation du 9205, chemin Jura estimant à 203 000 $ la juste valeur marchande de ce bien au 1er mars 1989.

[16] Il a été satisfait à toutes les conditions de l'accord du 15 mars 1991.

[17] Le contribuable a reçu une renonciation de son ex-épouse à l'égard de l'immeuble de la rue Samson.

Argumentation de l'appelant

[18] L'appelant arguait que le montant refusé était déductible en vertu des paragraphes 20(1) et (3) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ Loi ”) et compte tenu de l'article 43 de la loi de la province de Colombie-Britannique intitulée Family Relations Act, R.S. 1979, ch. 121. L'article 43 du Family Relations Act traite du fait que, s'il y a rupture du mariage, les deux conjoints ont un droit égal aux actifs familiaux. Il n'y avait aucun point en litige à cet égard, et la Cour est convaincue que, à la rupture du mariage, l'appelant et sa conjointe avaient droit à la moitié chacun de l'intérêt détenu dans le bien de la rue Samson, soit un actif familial.

[19] L'avocat de l'appelant disait que l'affaire Robert F. Wilson v. M.N.R., 90 DTC 1744, correspondait exactement à la présente espèce. Il s'appuyait en outre sur les observations en matière de déductibilité formulées dans l'affaire The Queen v. Shell Canada Limited, 98 DTC 6177.

[20] D'après l'avocat de l'appelant, la seule différence entre la présente espèce et l'affaire Wilson, précitée, tenait au fait que, dans l'affaire Wilson, l'époux n'avait pas emprunté l'argent à une banque comme dans l'affaire Shell, précitée, pour verser à l'épouse la somme représentant l'intérêt auquel avait droit l'épouse. Dans la présente espèce, l'épouse de l'appelant détenait un intérêt de 50 p. 100 dans tous les actifs de l'appelant, y compris l'immeuble de la rue Samson, la maison du chemin Jura (gain net de 85 000 $), le bateau de l'appelant et d'autres actifs. Comme il désirait contrôler le bien productif de revenu, l'appelant a conclu l'accord avec sa conjointe et a obtenu d'être seul propriétaire de ce bien.

[21] Quand on examine l'ensemble des faits, on voit que l'importance de l'immeuble de la rue Samson est le facteur qui a motivé la décision de l'appelant de signer l'accord et d'obtenir une renonciation à l'immeuble. Pour l'essentiel, les faits de l'espèce sont les mêmes que dans l'affaire Wilson, précitée.

[22] Le véritable but de l'opération a été l'acquisition de l'actif générateur de revenu, soit l'intérêt de la conjointe de l'appelant dans l'immeuble de la rue Samson, même si des biens autres qu'un intérêt ont également été transférés. L'avocat a en outre fait référence à un bulletin d'interprétation technique en date du 28 juin 1993, qui dit pour l'essentiel que, lorsque des fonds sont empruntés et utilisés en partie pour acquérir un actif générateur de revenu et en partie pour acquérir un actif autre, on peut déduire une fraction des frais d'intérêts basée sur une fraction de la dette. En l'espèce, il est possible d'effectuer ce calcul, et la Cour devrait le faire.

[23] L'avocat disait que les autres actifs transférés par l'appelant à l'épouse avaient très peu de valeur et que, de toute façon, ils étaient tous compensés par ce que l'épouse cédait à l'appelant dans l'accord. Le seul actif d'une valeur appréciable était un intérêt de 42 500 $ dans le bien du chemin Jura.

[24] Pour l'essentiel, l'avocat de l'appelant demandait que la Cour admette l'appel relativement au montant total, sinon qu'elle refuse seulement les frais d'intérêts correspondant aux 42 500 $.

[25] En résumé, dans la présente espèce, l'argent a été emprunté en vue d'une utilisation admissible, car les fonds visaient directement l'obtention de l'actif générateur de revenu, soit un intérêt de 50 p. 100 dans l'immeuble de la rue Samson.

[26] L'avocat distinguait la présente espèce de l'affaire Mark Resources Inc. v. The Queen, 93 DTC 1004, dans laquelle on se préoccupait du véritable but de l'opération, qui était d'éviter l'impôt. Cette situation n'existe pas dans la présente espèce.

Argumentation de l'intimée

[27] L'avocate de l'intimée établissait une distinction entre l'affaire Wilson, précitée, et la présente espèce en ce que l'affaire Wilson a été tranchée en vertu du sous-alinéa 20(1)c)(ii) et non du sous-alinéa (i), car l'argent n'avait pas été emprunté, alors qu'il l'a été dans la présente espèce.

[28] Normalement, effectuer un emprunt pour régler une créance d'ordre matrimoniale est une affaire personnelle, et les frais d'intérêts ne sont pas déductibles. L'avocate de l'intimée invoquait le jugement Bronfman Trust v. The Queen, 87 DTC 5059, à l'appui de sa thèse selon laquelle il faut que les fonds soient couramment et directement utilisés à une fin admissible pour que les frais soient déductibles. Dans la présente espèce, comme l'indique l'accord de règlement, les 300 000 $ ont été versés pour que l'épouse renonce à toute réclamation contre tous les actifs dans lesquels l'époux avait un intérêt et non pas simplement contre le bien productif de revenu. Dans l'affaire Wilson, précitée, la plupart des actifs énumérés dans l'annexe de l'accord étaient des actifs de la Taja Investments Limited, qui représentait elle-même un important actif générateur de revenu. Dans cette affaire, la dépense était plus particulièrement liée à l'achat de l'actif générateur de revenu. Dans la présente espèce, l'avocate de l'intimée a répété que l'appelant ne saurait avoir gain de cause, car son dossier entre dans le cadre du sous-alinéa (i) et non du sous-alinéa (ii) comme dans l'affaire Wilson, précitée.

[29] Dans la présente espèce, il n'y a aucun élément de preuve précis quant à la valeur des actifs de l'époux, sauf pour ce qui est de l'immeuble de la rue Samson.

[30] Il n'était pas question de sommes égales qui s'annulaient, et il s'agissait donc vraiment du règlement d'affaires familiales et non d'un paiement visant à ce que l'épouse renonce à son intérêt dans un actif générateur de revenu.

[31] Toutefois, si la Cour acceptait l'argument selon lequel certains des frais d'intérêts étaient déductibles, l'appelant ne serait en droit de déduire qu'une partie des frais d'intérêts, et la valeur des actifs de l'époux autres que l'actif générateur de revenu devrait être soustraite du montant avant que ne soit calculée la déduction de frais d'intérêts.

[32] L'avocate a dit en outre que, si l'appelant a le droit de déduire quoi que ce soit, elle n'est pas sûre de ce que devrait être ce montant. La charge de la preuve incombe à l'appelant et, comme il ne s'en est pas acquitté, la Cour ne devrait pas l'autoriser à déduire une part quelconque des frais.

[33] L'avocate soutenait que l'appel devrait être rejeté relativement à ce point contesté.

Contre-preuve

[34] L'avocat de l'appelant a argué que le paiement de frais d'intérêts est déductible en vertu du sous-alinéa 20(1)c)(i), car ce sous-alinéa traite d'argent emprunté en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien, et le fait que l'appelant avait emprunté l'argent plutôt que de le verser de sa poche n'est pas une raison pour ne pas arriver au même résultat que dans l'affaire Wilson, précitée, puisque l'important, c'est la fin à laquelle l'argent a été utilisé et non la manière dont l'appelant s'est arrangé pour obtenir l'argent.

[35] L'avocat de l'appelant faisait valoir que, dans l'affaire Wilson, précitée, la Taja Investments Limited était propriétaire de l'immeuble d'habitation et d'autres actifs. Dans la présente espèce, M. Erskine a présenté des éléments de preuve clairs quant à la valeur du bateau. Pour ce qui est de l'immeuble de la rue Samson, il faut également tenir compte de l'obligation fiscale découlant de la réalisation des gains en capital. L'appelant a eu des conseils comptables et juridiques, et cette question doit donc avoir été prise en considération. Cela peut en partie expliquer pourquoi le montant du règlement représentait non pas la moitié de la valeur estimative de l'immeuble de la rue Samson, mais un peu moins. La valeur réelle du mobilier est indiquée dans l'exposé conjoint des faits.

[36] L'avocat de l'appelant a argué que, conformément à la décision rendue dans l'affaire Shell, précitée, il faut prendre du recul et examiner l'ensemble des faits. Dans la présente espèce, le principal actif était l'immeuble de la rue Samson. Donc, les fonds ont été empruntés en vue de tirer un revenu de ce bien, et la déduction devrait être admise intégralement.

Analyse et décision

[37] La Cour est convaincue que, pour que l'appelant ait gain de cause dans cet appel sur le seul point encore contesté, il doit prouver que son dossier entre dans le cadre des dispositions du paragraphe 20(1) de la Loi. Le seul fondement possible de la demande de déduction de frais d'intérêts est le sous-alinéa 20(1)c)(i). Cette disposition permet de déduire des intérêts versés sur de l'argent emprunté et utilisé en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien (autre que l'argent emprunté et utilisé pour acquérir un bien dont le revenu serait exonéré d'impôt ou pour prendre une police d'assurance-vie). Il est clair que, vu les faits de l'espèce, le dossier de l'appelant ne saurait entrer dans le cadre des dispositions du sous-alinéa 20(1)c)(ii) comme dans l'affaire Wilson, précitée.

[38] L'avocate de l'intimée soutenait que l'affaire Wilson, précitée, n'aide nullement l'appelant, car elle a été tranchée en vertu du sous-alinéa 20(1)c)(ii), qui ne correspond pas à la situation dans laquelle était l'appelant durant l'année en cause. La Cour est toutefois convaincue que le fait que l'affaire Wilson a été tranchée en vertu de ce sous-alinéa ne signifie pas qu'elle ne s'applique pas aux faits ou à la situation se rapportant à la présente espèce. Les faits de l'affaire Wilson sont fort semblables à ceux de la présente espèce, au point que la somme d'argent en cause est essentiellement la même. L'affaire Wilson impliquait l'interprétation d'un accord de règlement de divorce et avait trait à une obligation légale de payer des frais d'intérêts; l'époux avait accepté l'accord pour acquérir l'intérêt de l'épouse dans le régime de pension de l'époux et dans certaines actions de la compagnie de l'époux. La Cour a conclu que les frais d'intérêts avaient été versés sur “ une somme payable pour un bien acquis en vue d'en tirer un revenu ” et elle a admis la déduction.

[39] Il est vrai que dans cette affaire-là l'entité productive de revenu, la Taja Investments Limited, détenait la grande majorité des biens énumérés à l'annexe “ A ”, soit les actifs de l'époux, y compris son régime de pension, qui était également un actif générateur de revenu. L'annexe “ B ” indiquait les actifs de l'épouse, soit une tenance conjointe dans l'immeuble de Vancouver, des bijoux, 250 actions de Rural Stores Limited et d'autres actifs.

[40] Le juge Christie a conclu que l'époux avait acquis l'intérêt de l'épouse dans les actions de Taja dans le contexte d'un accord destiné à régler leurs différends sur un certain nombre de questions découlant de la rupture du mariage. Les 300 000 $ étaient directement liés à l'obtention de l'intérêt de l'épouse dans les actions de Taja et le fonds de pension. L'appelant avait expressément reconnu que son épouse avait droit à un intérêt dans les actions et dans le fonds de pension. Son but en payant les frais d'intérêts et en finissant par payer le montant du principal, soit 300 000 $, était d'obtenir l'intérêt de son épouse dans les actions de Taja et dans le fonds de pension en vue d'en tirer un revenu pour lui-même. Dans cette mesure, les faits peuvent être distingués de ceux de la présente espèce. Le fait que l'on a conclu dans l'affaire The Queen v. Shell Canada, précitée, que le sous-alinéa (ii) s'appliquait et non le sous-alinéa (i) ne signifie pas que les conclusions rendues dans cette affaire-là ne sont pas applicables à la présente espèce. Au contraire, la Cour conclut que ce jugement est applicable en l'espèce et qu'il est en fait utile.

[41] Comme l'arguait l'avocat de l'appelant, l'important, c'est non pas le processus par lequel l'argent a été obtenu, mais la fin à laquelle l'argent a été utilisé. La disposition législative pertinente permet une déduction, que l'argent ait été emprunté à un établissement de prêt ou obtenu par quelque autre moyen. En l'espèce, les frais d'intérêts ne sont pas moins déductibles du fait qu'ils ont été payés sur de l'argent que l'époux a emprunté au lieu de le verser de sa poche à l'épouse en vertu de l'accord.

[42] Le jugement Wilson, précité, ne contraste pas avec les jugements auxquels l'appelant a fait référence et qui ont été mentionnés précédemment. Dans l'affaire Bronfman Trust, précitée, la Cour a reconnu que la jurisprudence récente en matière fiscale encourage les tribunaux à laisser de côté les critères fondés sur la forme des opérations en faveur de critères fondés sur une “ appréciation saine de toutes les caractéristiques directrices ” des événements en question. La Cour suprême du Canada a donc nuancé l'exigence voulant que de l'argent emprunté doive être utilisé directement pour gagner un revenu : dans des circonstances exceptionnelles, il peut être approprié, compte tenu d'une véritable appréciation de l'opération du contribuable, de permettre au contribuable de déduire les frais d'intérêts sur l'argent emprunté à une fin par ailleurs inadmissible s'il y a un effet indirect sur la capacité du contribuable de gagner un revenu et que le contribuable entendait réellement utiliser l'argent emprunté pour gagner un revenu. En outre, une conclusion autorisant la déduction de frais d'intérêts dans des circonstances comme celles de l'affaire Wilson, précitée, ou sur la foi des faits de la présente espèce ne serait pas contraire à la conclusion rendue par le juge Bowman dans l'affaire Mark Resources, précitée. Cette affaire peut être distinguée de la présente espèce, dans laquelle notre cour ne se demande pas si le contribuable cherchait à faire ce que le juge Bowman estimait que le contribuable cherchait à faire dans Mark Resources.

[43] Dans l'affaire Robitaille v. The Queen, 97 DTC 1286, le juge Dussault a dit, en interprétant l'arrêt Bronfman, précité : “ Deuxièmement, aux fins de la déduction prévue à l'alinéa 20(1)c) de la Loi, il a aussi été établi dans cette décision qu'il faut examiner non pas le but de l'emprunt lui-même mais plutôt celui de l'utilisation des fonds empruntés. ”

[44] Dans la présente espèce, la Cour n'a aucun doute quant au fait qu'au moins une partie de l'argent emprunté répond à ces critères et qu'une partie des frais d'intérêts payés devrait être déductible.

[45] Cependant, la seconde question revêt une certaine importance, à savoir quelle proportion des frais d'intérêts devrait pouvoir être déduite, car il est clair qu'une partie des fonds a été utilisée en l'espèce pour obtenir des biens non productifs de revenu, et je prends bonne note de l'argument de l'avocate de l'intimée à cet égard.

[46] Sur la foi de l'accord de séparation conclu entre les parties le 15 mars 1991, il est clair que l'épouse, en contrepartie des 300 000 $, a renoncé à un intérêt non seulement dans l'actif générateur de revenu, soit l'immeuble de la rue Samson, mais aussi dans les actifs suivants : 1) une berline Volkswagen de 1966; 2) du mobilier de l'immeuble du chemin Jura; 3) une remorque d'utilité générale Santa Cruz; 4) une remorque d'utilité générale Odette; 5) un bateau à voiles Nor-Sea de 1977; 6) divers REER et placements enregistrés au nom de l'époux; 7) un intérêt dans la Peninsula Firewood Ltd. et certains comptes bancaires.

[47] Il est vrai, comme le soutenait l'avocat de l'appelant, que certains des actifs appartenant à l'appelant ont été échangés contre certains actifs appartenant à l'épouse. Cependant, il n'y avait aucun élément de preuve clair quant à l'évaluation d'un certain nombre de ces actifs, et aucune tentative n'avait été faite non plus pour en indiquer la valeur dans l'accord de séparation. C'était une lacune de l'accord, et cela peut indiquer que la déductibilité des frais d'intérêts n'avait pas été prise en compte par les rédacteurs de l'accord de séparation et que l'importance de cette question n'est apparue qu'après l'entrée en vigueur de l'accord.

[48] En se fondant sur l'accord, on ne saurait douter du fait que ce que l'appelant obtenait en échange du paiement de 300 000 $ était manifestement plus que le droit d'obtenir l'intérêt de 50 p. 100 de sa conjointe dans les actifs générateurs de revenu. Conclure autrement serait faire complètement fi non seulement de l'accord de séparation, mais aussi de l'exposé conjoint des faits consigné en preuve dans la présente espèce.

[49] La Cour est convaincue que l'appelant ne peut échapper aux résultats de l'omission de fournir une évaluation exacte de tous les actifs non générateurs de revenu et qu'il n'est pas suffisant d'arguer que certains étaient simplement compensés par des actifs de l'épouse ou que les actifs autres que l'immeuble de la rue Samson avaient peu de valeur. Dans le cas de certains des actifs, la valeur était assez élevée, et l'appelant aurait dû établir par voie de preuve une valeur raisonnable à l'égard de tous ces actifs ou au moins s'entendre sur une valeur avec l'avocate de l'intimée.

[50] Ainsi, l'avocate de l'intimée argue que, comme l'appelant ne s'est pas acquitté de la charge qui lui incombait de fournir une évaluation exacte des actifs non générateurs de revenu, on ne devrait lui permettre de déduire aucuns des frais d'intérêts. La Cour conclut toutefois que ce ne serait pas raisonnable et que ce serait en fait dur et injuste.

[51] La Cour a été saisie de certains éléments de preuve quant à la valeur de certains de ces actifs et conclut ce qui suit : 1) le bateau à voiles Nor-Sea de 1977 n'était pas un bien productif de revenu, et le paiement de frais d'intérêts en question se rapporte en partie à l'acquisition de ce bien.

[52] La juste valeur de ce bien, en l'absence de preuve plus précise quant à une valeur différente, est estimée à 34 000 $, l'intérêt détenu par l'appelant dans ce bien étant donc de 17 000 $. Bien que la preuve n'était pas claire à ce sujet, la Cour conclut que la grange située sur la propriété du chemin Jura et construite à un coût d'environ 34 000 $ d'après l'appelant était incluse dans l'évaluation de cette propriété et que l'appelant a acquis un intérêt dans ce bien de 42 500 $. Il ne s'agissait pas d'un bien productif de revenu, et une partie des frais d'intérêts en cause se rapporte à l'acquisition de ce bien.

[53] La différence entre la valeur du mobilier de la propriété du chemin Jura, qui appartenait à l'appelant, et la valeur du mobilier de l'immeuble du chemin Grosvenor, qui appartenait à sa conjointe, était de 42 037 $. Donc, l'appelant acquérait des biens d'une valeur nette de 21 018,50 $. Une partie des frais d'intérêts en question était manifestement attribuable à cette acquisition et n'est pas déductible.

[54] La Cour est convaincue que la berline Volkswagen de 1966 avait seulement une valeur à titre de voiture ancienne et elle n'y attribue aucune valeur aux fins de l'espèce.

[55] De même, l'intérêt détenu dans la Peninsula Firewood Ltd. n'a probablement guère de valeur, et la Cour n'y attribue aucune valeur aux fins de l'espèce.

[56] Concernant les remorques d'utilité générale Santa Cruz et Odette, les divers REER et placements enregistrés au nom de l'appelant et l'intérêt détenu dans certains comptes bancaires, la Cour considère que ces actifs sont compensés par les actifs de l'épouse à l'égard desquels l'appelant a renoncé à toute réclamation, soit la Subaru de 1988 et certains comptes bancaires. Au bout du compte, la Cour conclut que l'appelant n'a versé aucuns des frais d'intérêts en question relativement à l'acquisition de ces biens.

[57] En conséquence, l'appel relatif au point qui était encore contesté est admis et la question est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, compte tenu du fait que l'appelant est en droit de déduire une partie des frais d'intérêts payés aux fins du règlement financier prévu dans l'accord de séparation, selon la formule suivante : montant total des fonds empruntés qui ont été utilisés pour acquérir un bien productif de revenu, soit 215 869,50 $, sur montant total de l'emprunt, soit 269 488 $, multiplié par les frais d'intérêts payés par l'appelant sur le montant de 259 758,20 $, pour chacune des années allant de 1991 à 1995 inclusivement.

[58] L'avocate de l'intimée faisait remarquer que l'épouse avait obtenu dans le règlement un peu moins que la moitié de la valeur de l'immeuble de la rue Samson selon l'évaluation, mais la Cour est convaincue que cela n'influe pas sur la détermination de la formule indiquée ci-devant, car il peut très bien y avoir eu de nombreuses raisons pour lesquelles l'épouse a accepté le montant qu'elle a accepté, et tel n'est pas l'objet du litige.

[59] L'appelant aura droit à ses frais dans cette action, soit des frais devant être taxés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour d'octobre 1999.

“ T. E. Margeson ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 28e jour de juillet 2000.

Mario Lagacé, réviseur

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