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Date: 19991006

Dossier: 97-140-IT-G

ENTRE :

MAI TAI (MATTHEW) CHAN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Bonner, C.C.I.

[1] L'appel en l'instance porte sur une cotisation d'impôt sur le revenu établie à l'égard de l'appelant pour l'année d'imposition 1992. Il soulève des questions de fond et des questions de forme.

[2] L'appelant était le bénéficiaire d'une fiducie. Lorsqu'il a obtenu des éléments d'information préoccupants concernant la conduite d'un fiduciaire, il a intenté une action contre les fiduciaires en vue d'obtenir diverses réparations, dont un compte de gestion et le paiement de ce qui lui était dû. L'action a été réglée de la façon suivante : l'un des fiduciaires devait verser une somme d'argent à l'appelant (le « montant du règlement » ) et, en contrepartie, l'appelant s'engageait à libérer les fiduciaires de toute responsabilité à son égard aux termes de l'acte de déclaration de fiducie et à renoncer à son droit de bénéficiaire sur les biens de la fiducie. L'appelant a ensuite produit sa déclaration de revenus en tenant compte du fait qu'aux termes du règlement il avait disposé d'un bien en immobilisation qui avait été détenu en fiducie pour son compte et qu'il avait réalisé un gain en capital imposable lors de la disposition. Dans la déclaration de revenus, le bien en question est décrit comme étant 3 500 actions de Ng Cheong Tong Limited. Le ministre du Revenu national ( « ministre » ) a établi l'impôt à payer en grande partie sur le même fondement. Il a conclu que, du fait du règlement, l'appelant avait disposé du bien en immobilisation en question, mais il a supposé que le prix de base rajusté était inférieur à celui qui avait été indiqué et que le gain en capital imposable réalisé du fait de la disposition était par conséquent supérieur à celui qui avait été déclaré.

[3] La question de fond est celle de savoir si le règlement donne lieu à un gain dont le calcul doit être effectué conformément à l'alinéa 107(1)a) ou au paragraphe 107(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu ( « Loi » ). L'appelant soutient que le montant du règlement est un bien de la fiducie qui a été distribué par celle-ci à l'appelant « en règlement de [...] la participation de celui-ci au capital de la fiducie » au sens du paragraphe 107(2) de la Loi. Si tel est le cas, il y a roulement; l'appelant est réputé, aux termes de l'alinéa 107(2)c), avoir disposé de sa participation au capital en contrepartie d'un montant égal au coût auquel il est réputé, par l'alinéa 107(2)b), avoir acquis le bien de la fiducie. L'intimée soutient qu'il s'agit d'une simple disposition par l'appelant de sa participation au capital de la fiducie au sens des termes liminaires du paragraphe 107(1) de la Loi. Les questions de forme sont celles de savoir si l'intimée a le droit de défendre la cotisation d'impôt en cause en avançant des arguments qui, dans le menu détail, ne sont pas exactement identiques à ceux sur le fondement desquels la cotisation a été établie, et celle de savoir à qui la charge de la preuve incombe relativement à certains faits que le ministre du Revenu national ( « ministre » ) n'a ni constatés ni supposés lorsqu'il a établi la cotisation.

[4] Les parties ont déposé un exposé conjoint des faits qui se lit en partie comme suit :

[TRADUCTION]

L'appelant est né le 17 novembre 1950 et, jusqu'au mois de juin 1988, il était un résident de Hong Kong.

Au mois d'août 1992, l'appelant a appris qu'il était bénéficiaire d'une fiducie ( « fiducie » ) établie le 15 juin 1964 par son père, Chan Cham Por ( « père » ) et sa mère, Chan Leung Sam Mui ( « mère » ), et que le père et la mère en étaient les fiduciaires.

L'appelant a été informé que le bien principal de la fiducie consistait en 21 500 actions de Ng Cheong Tong Limited ( « NCTL » ), une société constituée à Hong Kong.

Au moyen d'un bref introductif d'instance délivré le 26 août 1992 par la Haute Cour de la Cour suprême de Hong Kong ( « action » ), l'appelant a intenté une action contre son père et sa mère [...]

Conformément à un règlement de l'action par ordonnance sur consentement de la Haute Cour de la Cour suprême de Hong Kong datée du 3 septembre 1992, l'appelant a reçu 12 138 000 $ HK (1 867 385 $) ( « montant du règlement » ).

Aux termes du règlement de l'action, l'appelant a disposé de la totalité de sa participation au capital de la fiducie en contrepartie du montant du règlement.

Pendant toutes les périodes pertinentes antérieures au règlement de l'action, l'appelant était un bénéficiaire de la fiducie.

En préparant la déclaration de revenus de l'appelant pour l'année 1992 [...] les conseillers comptables ont qualifié le montant du règlement de produit de la disposition par l'appelant de 3 500 actions de NCTL[1] et ils ont déclaré cette disposition de la façon suivante :

Produit de disposition 1 867 385 $

Prix de base rajusté ( « PBR » ) 1 680 000 $

Gain en capital total réalisé 187 385 $

Gain en capital imposable 140 539 $

Dans un avis de nouvelle cotisation daté du 24 août 1995 ( « nouvelle cotisation » ) [...] le ministre a établi une nouvelle cotisation à l'égard de l'appelant pour l'année d'imposition 1992, d'une part, en tenant compte du fait que l'appelant avait disposé de 3 500 actions de NCTL et, d'autre part, en ramenant à 1 180 000 $ le PBR en fonction duquel le gain en capital de l'appelant avait été calculé, ce qui a porté le gain en capital imposable à 515 539 $.

La nouvelle cotisation a été ratifiée dans un avis de ratification daté du 22 octobre 1996 [...]

[5] L'avis de ratification faisait suite à un avis d'opposition à la cotisation. Cette opposition avait été faite pour le motif que [TRADUCTION] « le contribuable estime que le prix de base rajusté en fonction duquel le gain en capital déclaré dans sa déclaration de revenus personnelle de 1992 a été calculé était raisonnable » . Il n'était pas indiqué dans l'opposition que le règlement constituait une distribution par la fiducie de biens de la fiducie.

[6] L'acte constitutif de fiducie stipule que 3 500 actions de NCTL ont été transférées au père et à la mère de l'appelant conjointement en qualité de fiduciaires pour le compte de l'appelant. Les obligations et les pouvoirs des fiduciaires sont énoncés aux paragraphes 1 et 2 de l'acte constitutif de fiducie dans les termes suivants :

[TRADUCTION]

EN CONSÉQUENCE, LE PRÉSENT ACTE ATTESTE ce qui suit :

Par les présentes, les fiduciaires se déclarent fiduciaires irrévocables des 21 500 actions pour le compte de Chan Fi Tak, Chan Chi Tak, Chan Kai Tak, Chan Wing Tak, Chan Po Tack, Chan Ma Tai [l'appelant] et Chan Sau Tak (ci-après appelés les bénéficiaires) quant à leurs actions respectives dont le nombre est indiqué ci-dessus, et détiennent les 21 500 actions en fiducie :

aux fins de payer, d'imputer et de traiter les 21 500 actions ainsi que tous les dividendes, primes et autres sommes d'argent auxquels leurs détenteurs peuvent subséquemment avoir droit relativement aux actions ou à l'une d'entre elles, ou d'en disposer, et aux fins d'exercer tous les droits de vote et autres pouvoirs et droits qui se rattachent ou qui se rattacheront subséquemment aux actions ou à l'une d'entre elles de la manière qu'ils estiment à tous égards être dans l'intérêt et à l'avantage des bénéficiaires;

sur demande de l'un des bénéficiaires, à la condition que celui-ci soit âgé de plus de 21 ans, les fiduciaires font le nécessaire pour que les actions auxquelles le bénéficiaire en question a droit soient inscrites au nom de ce bénéficiaire dans les livres de la compagnie, et les fiduciaires s'engagent à signer tous les documents et à faire toutes les démarches requises à cette fin.

Le pouvoir de nommer un nouveau fiduciaire ou de nouveaux fiduciaires de la fiducie est conféré aux fiduciaires.

[7] L'appelant et son père avaient peu de contacts entre eux. En juillet 1992, l'appelant a appris l'existence de la fiducie et il a été informé par son frère que NCTL s'était engagée à vendre l'immeuble qui constituait son principal élément d'actif et qu'elle projetait de distribuer le produit de la vente. L'appelant a consulté des procureurs, et NCTL a fait l'objet d'une enquête. Aucun élément de preuve fiable n'a été produit lors de l'audition de l'appel en l'instance sur la situation financière ou les éléments d'actif de NCTL.

[8] L'appelant a témoigné qu'il avait vu une résolution des administrateurs de NCTL déclarant un dividende provisoire de 1 000 $ (HK) par action et autorisant le paiement immédiat de celui-ci. Apparemment, le document faisait état de l'intention de déclarer un autre dividende sur réception du dernier versement du prix de vente prévu le 3 septembre 1992.

[9] Le bref introductif d'instance mentionné au paragraphe 4 de l'exposé conjoint des faits a été délivré le 26 août 1992 et l'action a été réglée dans un délai d'une semaine. L'ordonnance sur consentement reposait sur une entente conclue entre les parties en vue de régler le litige dans les termes suivants :

[TRADUCTION]

(1) Au plus tard le 9 septembre 1992 à 16 h, le premier défendeur [père] doit verser les sommes de 3 500 000 $ HK et de 8 638 000 $ HK au demandeur par l'entremise des procureurs de ce dernier, en argent comptant ou par traite bancaire (tirée ou émise par une banque autorisée de Hong Kong).

(2) Le demandeur doit remettre au premier et au deuxième défendeurs, sur paiement effectué par le premier défendeur aux termes du paragraphe (1), un acte de libération et renonciation dûment signé par le demandeur dans la même forme que l'annexe A des présentes.

L'acte de libération et renonciation indiquait au début que l'appelant [TRADUCTION] « était et est encore la personne ayant la propriété effective de 3 500 actions de la compagnie » .

Le document prévoyait ce qui suit :

[TRADUCTION]

En retour du paiement par M. Chan [père] au soussigné des montants de 3 500 000 $ HK et de 8 638 000 $ HK et conformément à l'ordonnance sur consentement rendue par le juge suppléant Burrell en son cabinet le 3 septembre 1992, le soussigné libère par les présentes M. et Mme Chan de toutes leurs obligations (conjointes ou solidaires) aux termes de l'acte constitutif de fiducie.

2. En outre, également en retour du paiement des montants de 3 500 000 $ HK et de 8 638 000 $ HK, de même qu'en conformité avec l'ordonnance sur consentement mentionnée au paragraphe 1, le soussigné renonce par les présentes à tous ses droits et droits de bénéficiaire découlant des 3 500 actions de la compagnie ou s'y rapportant.

[10] Les paragraphes 107(1) et (2) de la Loi sont à la base du litige en l'espèce. Ils sont libellés en partie comme suit :

107.(1) Lorsqu'un contribuable a disposé de la totalité ou d'une partie de sa participation au capital d'une fiducie,

pour calculer son gain en capital imposable provenant de la disposition de tout ou partie de la participation, s'il s'agit d'une participation dans une fiducie personnelle ou une fiducie visée par règlement, le prix de base rajusté de la participation, pour lui, immédiatement avant la disposition est réputé égal au plus élevé de son prix de base rajusté, pour lui, déterminé par ailleurs immédiatement avant ce moment et de son coût indiqué, pour lui, immédiatement avant ce moment,

[...]

sauf que lorsque la participation était une participation dans une fiducie non testamentaire ne résidant pas au Canada, qui a été achetée par le contribuable, l'alinéa a) ne s'applique pas à la disposition de la totalité ou d'une partie de cette participation sauf lorsque le paragraphe (2) s'applique dans le cas d'une attribution de biens faite par la fiducie en sa faveur, en acquittement de cette participation ou de cette partie de cette dernière, selon le cas.

(2) Les règles suivantes s'appliquent dans le cas où, à une date donnée, une fiducie personnelle ou une fiducie visée par règlement distribue des biens à un contribuable bénéficiaire, en règlement de tout ou partie de la participation de celui-ci au capital de la fiducie:

la fiducie est réputée avoir disposé de ces biens et en avoir tiré un produit égal au coût indiqué de ces biens, pour la fiducie, immédiatement avant cette date;

le contribuable est réputé avoir acquis ces biens à un coût égal au total de leur coût indiqué, pour la fiducie, immédiatement avant cette date, et de la fraction, si fraction il y a,

du prix de base rajusté de sa participation au capital ou de la partie de cette dernière, selon le cas, immédiatement avant cette date, déterminé aux fins de l'alinéa (1)b)

qui est en sus

du coût indiqué, pour lui, de la participation au capital ou de la partie de cette dernière, selon le cas, immédiatement avant cette date;

le contribuable est réputé avoir disposé de la totalité ou d'une partie, selon le cas, de sa participation au capital et en avoir tiré un produit égal au coût auquel il est réputé, en vertu de l'alinéa b), avoir acquis les biens, moins le montant de toute dette dont s'est chargé le contribuable ou de toute somme qu'il s'est engagé légalement à payer, si ces biens lui ont été attribués à la condition qu'il se charge de la dette ou assume l'obligation;

[11] Ainsi qu'il ressort clairement de l'exposé conjoint des faits, l'appelant et l'intimée conviennent maintenant que le règlement a donné lieu à une disposition par l'appelant de la totalité de sa participation au capital de la fiducie. La question clé est celle de savoir si l'argent versé à l'appelant était un bien de la fiducie qui a été « distribué » par la fiducie en règlement de la participation de l'appelant. L'appelant soutient que c'est le cas puisque, ainsi que l'avocat le fait valoir, le fiduciaire a utilisé des fonds de la fiducie dont la source était les dividendes payés par NCTL sur les 3 500 actions détenues en fiducie pour l'appelant.

[12] S'il semble clair que le montant versé est égal aux dividendes payés par NCTL sur les 3 500 actions aux mois d'août et de septembre 1992, il n'a pas été établi que le paiement effectué par le père de l'appelant était une « distribution » par la fiducie au sens du paragraphe 107(2). Le législateur a adopté les paragraphes 107(1) et (2) dans le but de traiter différemment, du point de vue fiscal, deux opérations fondamentalement différentes dont la conséquence est la disposition d'une participation d'un contribuable au capital d'une fiducie. Le paragraphe 107(1) concerne les dispositions ordinaires, par vente ou par donation, de la participation d'un contribuable dans la fiducie. Le paragraphe 107(2) vise les cas où une fiducie « distribue » le bien d'une fiducie à un bénéficiaire et réduit ou élimine ainsi le droit de bénéficiaire de ce dernier. Un roulement est prévu dans le cas des opérations visées au paragraphe 107(2) car il n'y a en réalité aucune disposition pouvant donner lieu à un gain. Dans un tel cas, une fois l'opération conclue, le bénéficiaire détient un titre absolu sur le bien dont il avait antérieurement la propriété effective. Le principe est énoncé dans les termes suivants dans un ouvrage canadien clé sur le droit des fiducies :

[TRADUCTION]

[...] L'illustration peut-être la plus importante de cette reconnaissance du bénéficiaire est la disposition de la loi selon laquelle, dans la plupart des cas où des fiduciaires distribuent un bien en immobilisation à un bénéficiaire du capital en conformité avec les termes de la fiducie, le transfert, bien qu'il s'agisse d'une disposition en nature, n'entraîne aucun gain en capital devant être imposable entre les mains de la fiducie. En d'autres termes, il y a ce qu'on appelle un roulement en faveur du bénéficiaire. Le gain en capital ne devient imposable que lorsque le bénéficiaire lui-même dispose par la suite du bien ou des biens en question. Très clairement, ce roulement reflète l'intérêt que le bénéficiaire, quel qu'il soit, avait dans le bien en question au moment où les fiduciaires en détenaient le titre[2].

[13] En l'espèce, le paiement fait à l'appelant n'était pas une « distribution » d'un bien de la fiducie à l'appelant car il ne s'agissait pas d'un acte accompli par le fiduciaire conformément aux obligations qui lui incombaient aux termes de la fiducie. Le terme « distribuer » dans le contexte du paragraphe 107(2) renvoie à une attribution des biens de la fiducie à un bénéficiaire en fonction de la part qui lui revient. Cette distribution, qui est un acte que le fiduciaire accomplit conformément à son devoir de fiduciaire, ne peut donner lieu à une contrepartie, sauf en conformité avec une disposition de l'acte constitutif de fiducie. En l'espèce, l'acte de libération et renonciation ne correspond aucunement à une distribution des biens de la fiducie en argent comptant à l'appelant en tant que bénéficiaire. Le père de l'appelant a exigé et obtenu une contrepartie qui a revêtu la forme d'un acte de libération et renonciation. L'acte a eu pour effet de transférer au père et à la mère la propriété effective des 3 500 actions qu'ils avaient auparavant détenues en fiducie. L'opération était, tout simplement, une vente. La renonciation de l'appelant à son droit de bénéficiaire sur les actions ne peut être considérée comme un geste gratuit. Elle faisait partie de la contrepartie du paiement effectué à l'appelant. Le paragraphe 107(2) de la Loi ne s'applique donc pas.

[14] L'appel soulève deux questions de forme. Premièrement, l'appelant soutient que la cotisation visée par l'appel a été établie le 24 août 1995 en tenant compte du fait qu'il avait réalisé un gain en capital imposable lors de la disposition de 3 500 actions de NCTL. Comme la cotisation initiale a été établie à son égard pour l'année d'imposition 1992 le 16 août 1993, en vertu du paragraphe 152(4) de la Loi, le délai normal dans lequel une nouvelle cotisation pouvait être établie à son égard pour l'année d'imposition 1992 a expiré le 15 août 1996. D'après l'appelant, lorsque l'intimée a déposé la réponse à l'avis d'appel le 20 mars 1997, elle ne pouvait plus affirmer que l'appelant était assujetti à l'impôt en avançant un argument (disposition de sa participation dans la fiducie en faveur de son père) différent de celui sur lequel reposait la nouvelle cotisation du 24 août 1995 (disposition des actions de NCTL). L'appelant soutient que l'intimée ne peut faire valoir un nouvel argument à l'appui de la nouvelle cotisation après l'expiration du délai applicable et, à cet égard, il invoque la décision de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Her Majesty the Queen v. Continental Bank of Canada[3].

[15] La deuxième question de forme concerne la charge de la preuve. L'appelant soutient que c'est à l'intimée qu'incombe la charge de la preuve en ce qui a trait à la nature du montant du règlement. L'avocat fait valoir que, parce que le ministre a établi une cotisation à l'égard de l'appelant en tenant compte du fait que ce dernier avait disposé d'actions de NCTL, c'est à l'intimée qu'incombe la charge relativement à ce que l'avocat décrit comme [TRADUCTION] « [...] un nouvel argument, à l'appui de la cotisation, complètement différent de l'argument sur le fondement duquel la nouvelle cotisation a été établie et ratifiée » .

[16] La réponse à la première question de forme se trouve dans la loi qui a été adoptée pour infirmer ce qu'a déclaré sur ce point la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Continental Bank. Les paragraphes 63.1(2) et (3), L.C. 1999, ch. 22, sont libellés dans les termes suivants :

(2)L'article 152 de la même loi est modifié par adjonction, après le paragraphe (8), de ce qui suit :

(9) Le ministre peut avancer un nouvel argument à l'appui d'une cotisation après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation, sauf si, sur appel interjeté en vertu de la présente loi :

d'une part, il existe des éléments de preuve que le contribuable n'est plus en mesure de produire sans l'autorisation du tribunal;

d'autre part, il ne convient pas que le tribunal ordonne la production des éléments de preuve dans les circonstances.

(3) Les paragraphes (1) et (2) s'appliquent aux appels réglés après la date de sanction.

La Loi a été sanctionnée le 17 juin 1999.

[17] L'avocat de l'appelant soutient que l'appel a été « réglé » au sens du paragraphe 63.1(3) lorsque le jugement a été pris en délibéré à l'issue de l'audience, soit avant le 17 juin 1999 et que, en conséquence, le nouveau paragraphe 152(9) ne s'applique pas. Je ne partage pas ce point de vue. L'objet manifeste de la loi était de permettre que de nouveaux arguments soient avancés dans tous les litiges sauf lorsqu'un jugement définitif avait été rendu avant l'entrée en vigueur de la modification. Un litige n'est « réglé » que lorsqu'il trouve son aboutissement dans un jugement.

[18] L'avocat soutient subsidiairement que, si le paragraphe 152(9) s'applique effectivement, il ne permet pas au ministre d'avancer, à l'appui d'une nouvelle cotisation, des faits différents de ceux qu'il a tenus pour acquis pour établir la cotisation initiale (dans ce cas-ci la disposition de 3 500 actions de NCTL). L'avocat fait valoir que la loi modificatrice permet qu'un nouvel argument soit avancé uniquement si celui-ci peut être appuyé par les faits que le ministre a tenus pour acquis pour établir la cotisation initiale. Suivant cette théorie, il est interdit de se fonder sur une perception différente des faits. Encore une fois, je ne suis pas d'accord. Je ne vois rien, que ce soit dans le libellé ou dans l'objet de la loi, qui justifie la restriction que l'appelant tente d'imposer au texte du paragraphe 152(9) : « le ministre peut avancer un nouvel argument à l'appui d'une cotisation après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation [...] » . On peut difficilement imaginer une raison d'introduire, par interprétation, une telle restriction dans le paragraphe. Le fait de permettre au ministre de plaider et de démontrer que la cotisation d'impôt qu'il a établie est défendable compte tenu du droit et des faits dont il ne connaissait pas l'existence lorsqu'il a établi la cotisation ne revient pas, comme l'avocat le suggère, à permettre au ministre de porter en appel sa propre cotisation. Manifestement, la Loi ne permet pas au ministre de porter en appel sa propre cotisation, mais cela ne décrit pas avec justesse ce que le ministre tente de faire aujourd'hui. Il ne prétend pas que sa cotisation était erronée. Il prétend plutôt que la cotisation est juste, mais pour des motifs dont il n'était pas au courant antérieurement. L'argument de l'appelant confond les motifs qui appuient une cotisation et la cotisation elle-même. Ce que l'on établit n'est pas un motif, mais plutôt « l'impôt [à payer] pour l'année » . Je me reporte au paragraphe 152(1) de la Loi. La modification de l'article 152 fait ressortir la distinction entre la cotisation et les arguments qui peuvent appuyer celle-ci, et elle établit clairement que l'on peut dire que le ministre tente de porter en appel sa cotisation uniquement lorsqu'il cherche à augmenter le montant de l'impôt établi[4]. Il est donc loisible à l'intimée de faire valoir, comme, je ferai remarquer, l'appelant l'a lui-même fait, que le bien dont il a été disposé n'était pas des actions de NCTL.

[19] Enfin, je ferai remarquer qu'il n'est pas nécessaire d'avoir une discussion sur la charge de la preuve. Il ne saurait faire de doute, compte tenu de la preuve, que, du fait du règlement, l'appelant a disposé de sa participation au capital de la fiducie. Pour les motifs qui précèdent, l'appel sera rejeté avec frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour d'octobre 1999.

« Michael J. Bonner »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 30e jour de juin 2000.

Isabelle Chénard, réviseure



[1]           La déclaration de revenus a été préparée par des conseillers comptables, mais c'était la déclaration de l'appelant; ce dernier l'a signée et il a donc confirmé le terme utilisé par les comptables.

[2]           Waters, Law of Trusts in Canada, 2e éd., p. 466.

[3]           98 DTC 6501.

[4]           Comparer avec l'arrêt Vineland Quarries and Crushed Stone Limited v. M.N.R., 70 DTC 6043.

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