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Date: 20000913

Dossiers: 1999-528-IT-G; 1999-46-IT-I

ENTRE :

JOHN FRANKLIN, KYLE MacDONALD,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

Motifs du jugement

Le juge Beaubier, C.C.I.

[1] Les présents appels ont été entendus à London (Ontario) le 5 septembre 2000. Les appelants sont mari et femme. Au début des audiences, la Cour a été informée par les avocats des parties que l'appel de Kyle MacDonald (1999-46(IT)I) doit être admis par consentement et il en est ainsi décidé. Sur ce, l'appel de John Franklin a commencé en vertu de la procédure générale. John Franklin et son comptable, Peter Kennedy, C.A., ont témoigné ainsi que la vérificatrice de l'intimée dans le dossier, Brenda White, CGA.

[2] À l'ouverture de l'audience concernant M. Franklin, les avocats des parties ont avisé la Cour que :

1. En ce qui concerne la cotisation de 1993, il est convenu que M. Franklin doit se voir refuser les frais d'automobile de 6 656,36 $ qu'il a déclarés et se voir accorder un montant de 795,64 $.

2. En ce qui concerne la cotisation de 1994, il est convenu que M. Franklin doit se voir refuser les frais d'automobile de 4 061,30 $ qu'il a déclarés et se voir accorder un montant de 2 108,70 $.

3. Les pénalités imposées à M. Franklin en ce qui concerne ces déclarations de dépenses pour 1993 et 1994 doivent être calculées de nouveau en conséquence.

Jugement est rendu en conséquence sur ces points.

[3] L'audience a porté sur l'unique question en litige entre les parties. Il s'agit d'une cotisation visant un avantage de 58 621 $ en vertu du paragraphe 15(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ Loi ”) qu'aurait reçu M. Franklin en 1992 de Homeguard Video Systems Ltd. (“ HVSL ”) relativement à une vente prétendue de la moitié d'un droit dans un condominium en Floride à M. Yates. Les parties ont déposé un exposé conjoint des faits qui est ainsi rédigé :

[TRADUCTION]

EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS

1. En mars 1991, Homeguard Video Systems Ltd. (“ HVSL ”), une compagnie dont l'appelant et sa conjointe sont propriétaires, a acheté une unité condominiale (l'“ unité ”) en Floride. Le titre de l'unité a été placé aux noms de l'appelant et de sa conjointe afin de respecter les règlements de l'association condominiale.

2. Toutes les sommes nécessaires à HVSL pour l'acquisition de l'unité ont été avancées par l'appelant à partir de ses ressources personnelles (dont une ligne de crédit personnelle accordée à l'appelant par Canada Trust). Toutes ces avances figuraient (à titre de dettes de HVSL sous “ dû à l'actionnaire ”) dans les états financiers de HVSL pour son exercice se terminant le 31 mars 1992.

3. Peu de temps après l'acquisition de l'unité, la moitié d'un intérêt indivis de cette unité était vendue à une relation d'affaire de l'appelant qui, au cours des deux années et demie suivantes a payé le montant global de 59 423,50 $CAN (y compris les intérêts) pour cette moitié d'intérêt.

4. De ce montant global de 59 423,50 $ :

a) un montant de 15 724 $ a été déposé dans un compte bancaire de HVSL;

b) un montant de 21 299,50 $ a été déposé dans le compte bancaire personnel de l'appelant;

c) un montant de 22 400 $ a été appliqué à la ligne de crédit personnelle de l'appelant.

5. Ladite vente de la moitié d'un intérêt indivis de l'unité n'a pas été inscrite dans les états financiers de HVSL, le compte de l'actionnaire de l'appelant n'a pas non plus été réduit afin de refléter la réception par l'appelant d'une partie du produit de la vente jusqu'à ce que cette erreur soit révélée par la vérification des déclarations de revenus de l'appelant et de HVSL effectuée par l'intimée.

[4] Les paragraphes 6a) à m) inclusivement des hypothèses de la réponse sont ainsi rédigés :

[TRADUCTION]

6. En établissant une nouvelle cotisation à l'égard de l'appelant, le ministre a formulé les hypothèses de fait suivantes :

a) les faits admis précédemment;

b) l'appelant et sa conjointe, Kyle MacDonald, sont les seuls actionnaires de HVSL;

c) HVSL possédait deux comptes bancaires, et l'appelant avait de nombreux comptes bancaires personnels ainsi qu'une ligne de crédit. Tous les comptes (commerciaux et personnels) étaient utilisés de façon interchangeable. Les comptes bancaires n'ont pas été rapprochés et aucun système de vérification interne n'était en place;

d) l'appelant est un homme d'affaires bien avisé possédant une maîtrise de gestion des affaires et qui a assumé la responsabilité de la tenue des livres et des registres de HVSL;

e) l'appelant et HVSL ne possédaient pas de méthode comptable officielle, et les registres étaient tellement incomplets que plusieurs dépenses déclarées qui avaient été calculées ne pouvaient être rapprochées;

f) les registres de HVSL contenaient beaucoup d'exemples de dépenses déclarées deux et parfois trois fois;

Le condominium en Floride

g) le 14 mars 1991 ou vers cette date, HVSL a acheté un condominium décrit comme l'unité 124, Vista Verde North, Pinellas County, Floride;

h) le coût d'achat complet du condominium a été indiqué dans les livres et les registres de HVSL;

i) le 26 mars 1991 ou vers cette date, Carl Yates de Sarnia a acheté de HVSL la moitié d'un intérêt dans le condominium en Floride et a versé un acompte de 10 480,25 $;

j) à l'exception des deux premiers paiements de 10 480,25 $ le 26 mars 1991 et de 1 000 $ le 1er avril 1991, qui étaient payables à HVSL, tous les paiements de M. Yates ont été faits par chèque et étaient payables à John Franklin personnellement;

k) les chèques reçus de M. Yates ont été déposés de la manière suivante :

Le compte 101-507242 de HVSL auprès de Canada Trust

15 724,00 $

Le compte personnel 101-501859 de John Franklin auprès de Canada Trust

21 299,50 $

Directement dans la ligne de crédit “ Powerline ” de John Franklin (Canada Trust)

22 400,00 $

59 423,50 $

l) la vente de la moitié d'un intérêt dans le condominium en Floride n'a pas été déclarée au comptable de HVSL par l'appelant et n'est pas apparue dans les livres et les registres de HVSL. Cela a fait en sorte que le solde créditeur du compte de l'actionnaire a été surévalué de 58 621 $;

m) en ne portant pas au débit du compte de prêt de l'actionnaire de l'appelant les paiements reçus par ce dernier de Carl Yates relatifs à la vente de la moitié d'un intérêt dans le condominium en Floride, HVSL a accordé un avantage à l'appelant en sa qualité d'actionnaire de HVSL;

Les paragraphes 6a) à k) inclusivement n'ont pas été réfutés par la preuve, sauf pour ajouter au paragraphe g) que la conclusion de la vente du condominium s'est produite au cours de l'exercice de 1992 de HVSL. La première phrase du paragraphe l) est correcte. La deuxième phrase du paragraphe l) et le paragraphe m) constituent l'objet du litige.

[5] Les parties ont reconnu que la vente de la moitié d'un intérêt à M. Yates est survenue en 1992 pour la moitié du prix auquel HVSL a acheté le condominium. Le condominium a été traité comme un bien en immobilisation de HVSL et n'a jamais été amorti. Par conséquent, la vente à M. Yates n'a pas entraîné de profit ni de perte pour HVSL. Le seul document écrit intervenu entre MM. Yates et Franklin déposé en preuve qui confirme la vente du condominium est une lettre cosignée datée du 20 août 1993 et rédigée par M. Yates (pièce R-3). Les profits et les pertes de la location du condominium ont été déclarés par HVSL, mais aucun n'a jamais été réparti à M. Yates. Au cours des dernières années, M. Yates a revendu sa moitié d'intérêt à HVSL.

[6] M. Franklin n'a jamais parlé à M. Kennedy de la vente faite à M. Yates. Les services de M. Kennedy, à titre de comptable de HVSL et de M. Franklin, n'ont été retenus que pour une “ mission de compilation ”. M. Franklin a rédigé à la main des ébauches des entrées et des sorties, et M. Kennedy faisait la mise en forme de ces feuilles pour les adapter à l'état financier et pour les besoins de l'impôt sur le revenu. Si quelque chose d'autre était nécessaire pour ces feuilles, M. Franklin en faisait part à M. Kennedy ou, si ce dernier trouvait une divergence, il se renseignait auprès de M. Franklin. Donc, aucune erreur ou négligence ni aucun geste involontaire de la part de M. Kennedy n'a provoqué le défaut de déclarer ayant donné lieu à la cotisation en litige.

[7] Au contraire, la faute en revenait uniquement à M. Franklin. Ce dernier semble être dans la cinquantaine. Il a obtenu son MBA de la University of Western Ontario et il détient également un baccalauréat en ingénierie. Son travail consistait à consulter d'autres sociétés de gestion sur les relations avec les banques et de les informer à ce sujet. Il a nié avoir beaucoup de connaissances en comptabilité, ce qu'a confirmé M. Kennedy. Toutefois, les feuilles manuscrites qu'il a préparées pour M. Kennedy déposées sous la cote R-1 reflètent sa capacité de reconnaître le revenu, le capital, la TPS, les intérêts, les frais d'exploitation et les exercices. Pour reconnaître la vente faite à M. Yates, M. Franklin n'avait qu'à faire la part entre ce qui lui appartenait et ce qui ne lui appartenait pas. Toutefois, les feuilles préparées par M. Franklin ne révélaient pas cela, même si les “ frais de condo ” étaient détaillés.

[8] Comme le comptable, M. Kennedy, n'a commis aucune erreur, la Cour est d'avis que le courant jurisprudentiel concernant le paragraphe 15(1) de la Loi et découlant des erreurs commises par des comptables ne s'applique pas. La Cour conclut que M. Franklin a délibérément fait défaut de signaler à son comptable et, à son tour, à l'intimée la vente faite à M. Yates et les paiements en litige reçus de ce dernier. Les montants étaient importants, ils constituaient un certain nombre de paiements, et des montants non déclarés étaient parfois payés périodiquement. En dépit du fait que M. Franklin a invoqué son innocence ou son ignorance, il était au courant de ces paiements et savait ce qu'ils représentaient. Il est également un homme d'affaires expérimenté et, dans certains domaines, spécialisé qui donne des avis à d'autres entreprises. Bien qu'il ait fait preuve de confusion relativement à un dépôt inscrit dans l'état financier de HVSL, la véritable confusion se trouvait dans les questions que posait l'avocat de l'intimée. La Cour conclut que M. Franklin a simplement saisi l'occasion présentée par l'avocat de l'intimée et a poursuivi dans cette veine. Ses réponses ne reflétaient pas sa compréhension du dépôt du montant, au contraire, elles reflétaient la mauvaise compréhension de l'avocat de l'intimée. À la suite de cette conclusion, la Cour doit encore déterminer si, en fait, M. Franklin a reçu un avantage de HVSL au titre des montants en litige en 1992.

[9] M. Franklin a indiqué dans son témoignage que toutes les sommes empruntées par HVSL l'étaient en réalité par lui au moyen de son compte “ Powerline ” chez Canada Trust parce que HVSL n'avait pas la capacité d'emprunter. La véracité de ce témoignage a été reconnue. Le compte Powerline était garanti par une hypothèque sur la maison de l'appelant. L'argent du compte Powerline a été utilisé pour payer une partie du prix d'achat du condominium et a également servi à l'achat de véhicules de HVSL. M. Franklin déposait les chèques que M. Yates avait libellés à l'ordre de HVSL dans le compte de ce dernier et les chèques libellés à son nom dans ses propres comptes.

[10] Mme White a indiqué dans son témoignage que la cotisation relativement à l'avantage de 59 412,50 $ a été établie pour 1992 parce que c'est à ce moment qu'est survenue la vente de la moitié du condominium à M. Yates. Cette vente aurait dû passer par le compte de prêt de l'actionnaire de HVSL pour M. Franklin de façon à réduire le solde en sa faveur de ce montant. Comme cela n'a pas été fait, M. Franklin se retrouvait avec un droit apparent de HVSL qui s'élevait à 59 423,50 $ de plus que ce qu'il aurait dû être, d'où l'avantage de M. Franklin. En 1992, le bilan de HVSL démontrait un prêt accordé par M. Franklin de 154 618 $, qui aurait été inférieur de 59 423,50 $ si l'opération Yates avait été correctement inscrite. Le montant d'argent que HVSL devait à M. Franklin n'était pas garanti, ne portait aucun intérêt et ne comportait pas de date d'échéance. Si HVSL ne pouvait emprunter, alors l'argent qu'elle devait à M. Franklin selon son bilan ne pouvait être utilisé par M. Franklin pour garantir un prêt accordé ailleurs parce que HVSL n'aurait pas été reconnue comme une source de paiement garantie par une institution financière.

[11] Mme White a déclaré que la cotisation établie relativement à l'avantage s'expliquait en partie par la méthode comptable adoptée par M. Franklin et HVSL pour cette dernière. Tous les reçus de HVSL ont été traités comme ceux de M. Franklin puis justifiés au nom de HVSL à la fin de son exercice. Le rajustement définitif s'est produit dans le prêt de l'actionnaire de M. Franklin. Il s'agit d'une description correcte des faits en l'espèce. Au cours de son examen des registres financiers de M. Franklin, Mme White a constaté que l'argent reçu de M. Yates par HVSL ou M. Franklin n'était pas immédiatement utilisé afin de rembourser le compte Powerline ou d'acheter des actifs de HVSL. Toutefois, le registre indique que cela s'est produit au cours d'un intervalle raisonnablement court. En réalité, lors de l'achat d'un véhicule, ce dernier était acheté plusieurs jours auparavant par M. Franklin, puis le dépôt du paiement de M. Yates était utilisé pour l'achat lorsqu'il était reçu par M. Franklin.

[12] Le prêt de l'actionnaire de M. Franklin accordé à HVSL était de 59 423,50 $ supérieur à ce qu'il aurait dû être. M. Franklin avait simplement déposé l'argent en question pour rembourser des dettes qu'il avait contractées en son propre nom pour lui-même ou pour HVSL. C'est ce qui a été présenté dans les états financiers de HVSL au cours de toutes les années faisant l'objet des cotisations. M. Franklin en avait connaissance et, en tout état de cause, il aurait certainement dû en avoir connaissance. M. Franklin n'a rien fait pour renverser cette situation et ce n'est que lors de la vérification de Revenu Canada que cela a été découvert par quelqu'un d'autre, à savoir Mme White, la vérificatrice. L'ensemble complet des événements est imputable aux actions de M. Franklin, notamment à sa façon de tenir ses registres et de s'occuper des activités de HVSL en son propre nom.

[13] Toutefois, si la vente à M. Yates avait été correctement inscrite par HVSL, la valeur de ses actifs aurait diminué d'un montant correspondant à la moitié de la valeur du condominium, tout comme l'aurait fait le prêt de l'actionnaire accordé par M. Franklin. Par conséquent, l'intérêt total que détient M. Franklin dans ses actions et son prêt accordé à HVSL n'auraient pas changé. En outre, la position correcte relative aux prêts nets de M. Franklin au sein de HVSL n'a jamais connu de déficit au cours des années en litige. En conséquence, ce qui s'est produit est une série d'erreurs de tenue de livres dans les états de HVSL qui ont été provoquées par M. Franklin, qu'elles aient été volontaires ou non. Toutefois, aucune d'entre elles ne lui a procuré un avantage selon la preuve. Il n'a pas retiré de montant d'argent de HVSL dépassant son solde de prêt correct au cours des années en litige. Il n'y a pas été prouvé non plus qu'il a utilisé les états financiers incorrects afin d'obtenir un avantage ailleurs pour lui-même. M. Franklin n'a reçu aucun avantage.

[14] Pour ces motifs, l'appel est admis et les frais entre parties sont accordés à l'appelant.

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour de septembre 2000.

“ D. W. Beaubier ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 28e jour de février 2001.

Mario Lagacé, réviseur

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