Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19971017

Dossiers: 96-1054-UI; 96-1055-UI

ENTRE :

MONIQUE LACASSE, CHARLES LACASSE,

appelants,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Léger, C.C.I.

[1] Du consentement des parties, ces appels ont été entendus sur preuve commune le 16 septembre 1997 à Québec (Québec).

[2] Les appelants sont mari et femme et étaient actionnaires du Centre de Chaussure Ste-Claire Inc.. Charles détenait 23 des 25 actions et Monique détenait les deux autres actions. Le 25 juin 1993, les appelants vendaient toutes les actions dudit Centre à 3092-1688 Québec Inc., qui devenait le seul et unique actionnaire du payeur. Un contrat de vente fut signé entre les parties fixant le prix de vente à 160 000 $, dont 140 000 $ représentait la valeur des stocks.

[3] L’article 20.1 du contrat de vente (pièce A-1) se lit comme suit :

“Le vendeur s’engage à collaborer avec l’acquéreur pour le supporter et lui prodiguer ses conseils et ses connaissances sur l’art du métier tel qu’exercé par la corporation actuellement en contrepartie d’un salaire de cinq cent dollars par semaine (500$/sem) sur une période de cinq mois en raison de cinq jours par semaine pendant les deux premières années à compter de la date des présentes. Une cédule devra être fixée d’avance par les parties selon l’entente à intervenir. De même l’acquéreur s’engage à employer le vendeur pour service à la clientèle pour ces dix mois répartis sur 2 ans. Les semaines de travail devant être continues et non-interrompues.”

[4] Le vendeur est défini au contrat de vente comme étant les appelants et 3092-1688 Québec Inc. est défini comme l’acquéreur, dont le seul actionnaire est Gaétan Laflamme.

[5] L’appelante Monique Lacasse avait travaillé comme vendeuse pour Centre de Chaussure Ste-Claire Inc. durant plus de 23 ans et elle fut mise à pied par l’acquéreur, devenu le payeur, le 10 juillet 1993. Elle avait donc alors le droit de recevoir des prestations d’assurance-chômage.

[6] La preuve démontre que l’appelant Charles Lacasse a continué à rendre des services au payeur jusqu’au 26 novembre 1993. Le payeur a retenu les services de l’appelant jusqu’à cette date dans le but de respecter l’article 20.1 du contrat de vente; puisque la période d’emploi dépassait 20 semaines, cela permettait théoriquement à l’appelant Charles Lacasse d’être admissible aux prestations d’assurance-chômage. Toujours dans le but de respecter le contrat de vente, le payeur embaucha l’appelante Monique Lacasse le 18 juillet 1994 pour une période de 20 semaines, ce qui a permis à cette dernière de présenter une nouvelle demande de prestations d’assurance-chômage.

[7] Si l’on tient compte du salaire hebdomadaire de 500 $ payé aux appelants pendant une période de dix mois, tel qu’il est stipulé à l’article 20.1 du contrat de vente ci-haut mentionné, la somme totale serait de 20 000 $; à partir de cette somme nous pouvons estimer que, théoriquement, si les appelants recevaient chacun des prestations d’assurance-chômage durant 40 semaines, le montant total de celles-ci serait approximativement 30 000 $. Ces derniers montants, totalisant 50 000 $, porteraient la somme totale à 210 000 $ s’ils sont ajoutés au prix de vente.

[8] Nous pouvons constater que lorsque le contrat fut négocié le vendeur a déclaré à l’acheteur qu’une telle exigence lui coûterait peu d’argent puisque, aux fins de l’impôt sur le revenu, les salaires seraient des dépenses déductibles des revenus du commerce. De plus, les sommes reçues par les appelants à titre de prestations d’assurance-chômage devaient être payées par la Commission et non par l’acheteur. Il s’agit d’un stratagème bien ficelé que le vendeur avait confectionné.

[9] La Cour a pris en considération que, peut-être, l’article 20.1 du contrat de vente, conjugué aux autres éléments de preuve, rend les emplois exclus en vertu de l’alinéa 3(2)c) de la Loi sur l’assurance-chômage. Est-ce que les parties, au moment où elles ont négocié cette clause du contrat, ont agi sans lien de dépendance

[10] L’article 3.1 du contrat de vente (pièce A-1) se lit en partie comme suit :

“3.1 En considération de la présente vente, le vendeur reconnaît avoir reçu de l’acquéreur ce jour la somme de soixante-cinq mille dollars (65 000 $) dont quittance pour autant par le vendeur Charles A. Lacasse et quittance totale et finale par le vendeur Monique Morissette.

Quant au solde soit la somme quatre-vingt-quinze mille dollars (95 000 $), il sera payable au vendeur Charles A. Lacasse seulement comme suit :

a) Une somme de soixante mille dollars (60 000 $) le ou vers le premier juillet mil neuf cent quatre-vingt-treize (1993) ou au plus tard le neuf juillet 1993 devant provenir à même le déboursé d’un prêt sous forme de marge de crédit en faveur de la corporation par la Caisse populaire Desjardins de Sainte-Claire, 135-A, rue Principale Ste-Claire et ce dès qu’une cession de biens en stocks sera accordée en faveur du créancier la Caisse populaire de Ste-Claire par la corporation.

b) la somme de trente-cinq mille dollars (35 000 $) au moyen de vingt (20) versements semestriels égaux et consécutifs en capital de mille sept cent cinquante dollard (1 750 $) chacun, en dollars canadiens, dont le premier versement deviendra dû le dix-neuf décembre 1993 et les autres successivement le dix-neuf juin et le 19 décembre de chaque année jusqu’au 19 juin de l’an deux mille quatre (2004) date à laquelle tout solde quelconque deviendra immédiatement exigible sans besoin d’avis ou de mise en demeure quelconque.

Le solde dû portera intérêt au taux de sept pour cent (7%) calculé à compter du 19 juin 1993. Ces intérêts seront payables en même temps que les versements de capital ci-dessus mentionnés et porteront eux-mêmes intérêts au même taux sans besoin d’avis ou de mise en demeure à compter de telle échéance, le tout sans préjudice d’exiger le paiement immédiat à titre de déchéance du terme tel que stipulé ci-après.”

[11] L’article 4.1.7 dudit contrat de vente concernant les garanties fournies au vendeur par l’acheteur se lit comme suit :

“Un nombre proportionnel des actions au solde de prix de vente des actions vendues seront placées en fidéicommis entre les mains de Me Jean-Marc Fortier, notaire, avec la stipulation à l’effet que si l’acquéreur n’acquitte pas à échéance les versements dus sur le prix de vente ou ne remplit pas ses obligations, les actions seront alors retransférées au nom du vendeur, à moins que ce dernier ne décide d’exercer ses autres recours pour obtenir le paiement du solde du prix de vente.”

[12] Il y a aussi dans le contrat de vente une clause de non-concurrence qui s’applique (article 9.1) pendant une période de cinq ans dans un rayon de 20 milles des limites actuelles de la municipalité de Sainte-Claire.

[13] En vertu de l’article 19.1 du contrat, une hypothèque de 35 000 $ est accordée sur un immeuble en garantie du paiement du solde du prix de vente.

[14] Je connais depuis longtemps la loi qui régit les contrats d’emploi assurables. Les procureurs m’ont soumis les arrêts suivants : Léon Guérette c. M.R.N. [1991] A.C.I. no 824 (90-293(UI)), Ginette Grenier c. M.R.N. (96-1627(UI)) et Johanne Gervais c. M.R.N. (C.A.F. A-502-93).

[15] J’ai étudié attentivement ces décisions. Chaque appel toutefois est différent et bien que les principes de droit applicables soient les mêmes, chaque appel doit être tranché compte tenu des circonstances révélées par la preuve.

[16] Dans les présents appels, avons-nous un contrat de louage de services ou un contrat d’entreprise? La preuve a démontré qu’il y avait des sommes importantes qui devaient être payées par l’acquéreur durant une longue période de temps. Il était donc dans l’intérêt du vendeur de collaborer avec l’acquéreur afin que le commerce continue d’être prospère, de sorte que l’acquéreur puisse remplir ses obligations et payer le solde du prix de vente. Il y avait donc des éléments tels que le risque de perte et le manque d’intégration des employés au commerce du payeur et ces éléments comportent des critères qui nous permettent de résoudre la question posée ci-dessus.

[17] Après avoir considéré toute la preuve et après avoir entendu les plaidoiries des procureurs, la Cour conclut que les sommes versées aux appelants, prétendument à titre de salaire selon l’article 20.1 mentionné ci-dessus, n’étaient qu’une contrepartie supplémentaire qui s’ajoutait au prix de vente. De plus, la Cour conclut que ledit emploi décrit à l’article 20.1 n’était qu’un contrat d’entreprise et non pas un emploi assurable, et ce, en vertu de l’alinéa 3(2)c) de la Loi sur l’assurance-chômage.

[18] Pour tous ces motifs, la Cour rejette les appels et confirme les décisions du ministre du Revenu national.

“ C.I.L. Léger ”

J.S.C.C.I.

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