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Date: 19990601

Dossier: 97-2618-GST-I

ENTRE :

CENTRE PROVINCIAL DE RESSOURCES PÉDAGOGIQUES,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Bowman, C.C.I.

[1] L'appelante, le Centre provincial de ressources pédagogiques (le « CPRP » ), interjette appel à l'encontre d'une cotisation établie par le ministre du Revenu national à l'égard de la taxe sur les produits et services (la « TPS » ) et portant sur la période du 1er août 1992 au 31 juillet 1996.

[2] La question est de savoir si le CPRP fait partie intégrante de l'Université Sainte-Anne, un organisme de bienfaisance, comme le ministre l'allègue, ou si le CPRP est un organisme du ministère de l'Éducation et de la Culture de la Nouvelle-Écosse.

[3] L'appelante prétend être un organisme du ministère parce que ses services sont prêtés à ce ministère par l'Université, parce qu'il relève du ministère et parce qu'il est financé à 100 pour 100 par lui. Pour cette raison, il prétend avoir le droit d'être exonéré de la TPS.

[4] Avant de trancher cette question, il faut d'abord résumer les dispositions de la Loi sur la taxe d'accise portant sur la taxation des organismes du secteur public et les organismes de bienfaisance.

[5] Les organismes du secteur public, incluant les organismes de bienfaisance, fournissent normalement des fournitures exonérées prévues à l'annexe V de la Loi. Cependant, un organisme du secteur public, ce qui s'entend des gouvernements provinciaux et fédéral, des universités, des organismes de bienfaisance et des municipalités, doit s'inscrire et percevoir de la TPS sur les fournitures fournies dans le cadre de ses activités commerciales. Par ailleurs, seules les fournitures énumérées à la partie VI de l'annexe V de la Loi sont exonérées de la TPS. Il s'ensuit que, si toutes les fournitures que produit un organisme du secteur public sont exonérées, aucun crédit de taxe sur les intrants ne peut être réclamé.

[6] Dans le Renvoi relatif à la T.P.S., [1992] 2 R.C.S. 445, le juge en chef Lamer a énoncé aux pages 456 et 457 ce qui suit :

Les gouvernements provinciaux ne sont pas tenus de payer la taxe sur leurs achats. Toutefois, un certain nombre d'organismes subordonnés créés par les gouvernements provinciaux, comme les municipalités, les universités, les collèges publics, les hôpitaux publics, les écoles et les administrations scolaires, appelés par souci de commodité le « secteur MUSH » , sont tenus de payer la taxe.

La TPS est conçue comme une taxe à la consommation. À cette fin, la Loi sur la TPS vise trois catégories de produits et services. Une taxe de sept pour cent s'applique à la vente des fournitures taxables. Dans la mesure où l'acheteur d'une fourniture taxable utilise ce bien ou ce service dans la production d'autres fournitures taxables, il a le droit de recevoir un « crédit de taxe sur les intrants » et peut recouvrer du gouvernement la taxe qu'il a payée. Le secteur MUSH a le droit de réclamer des crédits de taxe sur les intrants dans la mesure où ses achats sont utilisés pour produire des fournitures taxables et il est admissible à un remboursement spécial d'une partie de la taxe versée sur d'autres achats.

Par définition, dans la mesure où des fournitures taxables ne sont pas utilisées par l'acheteur pour produire d'autres fournitures taxables, elles sont consommées par l'acheteur. Dans ces cas-là, l'acheteur ne peut récupérer, par le mécanisme de crédit de taxe sur les intrants, la taxe qu'il a déjà payée. Par conséquent, la TPS est perçue et remboursée à chaque étape du processus de production jusqu'à la consommation finale d'une fourniture taxable, la taxe payée ne pouvant être récupérée par l'acheteur à cette étape.

Aucune taxe n'est payée par le consommateur final sur les fournitures exonérées et les fournitures détaxées. Toutefois, en ce qui a trait aux fournitures exonérées, le vendeur, tout en payant la TPS sur les achats, n'a pas le droit à un crédit de taxe sur les intrants. En conséquence, dans le cas des fournitures exonérées, la TPS est payée au gouvernement fédéral à l'avant-dernière étape dans la chaîne de production plutôt que par le consommateur final. En principe, les fournitures détaxées entraînent la TPS de la même manière que toute autre fourniture taxable tout au long de la chaîne de production jusqu'au consommateur final. Toutefois, le consommateur paye une taxe établie à « 0 p. 100 » et les fournisseurs ont droit au crédit de taxe sur les intrants, de manière que le gouvernement fédéral ne retire de recette nette de la production et la vente de ces produits à aucune étape de la chaîne de production.

[7] Ce passage résume très bien le mécanisme de la Loi. En l'espèce, le ministre a rejeté la demande de crédits de taxe sur les intrants au motif que l'appelante n'a pas acquis les biens et services dans le cadre de ses activités commerciales. Il se fonde sur la partie VI de l'annexe V de la Loi qui énumère tous les biens et services exonérés qu'un organisme du secteur public fournit. Il conclut que les biens et services ont été acquis par l'appelante dans le cadre de ses activités visés à l'article 2 de la partie VI de l'annexe V de la Loi.

[8] Il est important de noter que, dans l'exercice de leurs activités, les organismes du secteur public acquièrent souvent des biens et services sur lesquels la TPS est perçue. Il s'ensuit que, s'ils ne fournissent pas une fourniture taxable, la TPS payée ne pourra être recouvrée par le mécanisme des crédits de taxe sur les intrants. Pour remédier à ce résultat absurde, un remboursement spécial est prévu à l'article 259 de la Loi. Un pourcentage réglementaire de 67 pour 100 pour les universités est prévu à l'article 5 du Règlement sur les remboursements aux organismes de services publics.

[9] Je reviens à la question posée au début de ces motifs. Est-ce que l'appelante fait partie intégrante de l'Université Sainte-Anne ou du ministère de l'Éducation et de la Culture de la Nouvelle-Écosse ?

[10] Je suis convaincu que l'appelante faisait partie de l'Université Sainte-Anne, un organisme de bienfaisance selon le paragraphe 123(1) de la Loi.

[11] Il y a eu plusieurs accords entre l'Université et Sa Majesté la Reine du chef de la province de la Nouvelle-Écosse. Je cite quelques dispositions typiques provenant d'un de ces accords :

This Agreement dated the 7th day of July, A.D. 1988

BETWEEN:

HER MAJESTY THE QUEEN in the Right of the Province of Nova Scotia, represented by the Minister of Education, (hereinafter referred to as the "Minister"),

OF THE FIRST PART

- and –

UNIVERSITÉ SAINTE-ANNE, a body corporate pursuant to Chapter 106 of the Acts of 1977 (hereinafter referred to as the "Université")

OF THE SECOND PART

WHEREAS the Université has been carrying on a project financed through the Secretary of State known as The Centre Provincial de Ressources Pédagogiques (hereinafter referred to as the "C.P.R.P.");

AND WHEREAS the C.P.R.P. provides essential services in the French language to the public school system including a lending library, evaluation material, films an other materials and services;

AND WHEREAS the Minister is desirous that the services of the C.P.R.P. should continue;

AND WHEREAS the Université has agreed that C.P.R.P. should work for the Minister in the area of French curriculum development and implementation;

NOW THEREFORE THIS AGREEMENT WITNESSETH THAT in consideration of the mutual convenants and agreements herein contained the Parties hereto convenant and agree with each as follows:

1. The C.P.R.P. will serve the following functions :

(a) a lending library for francophone and immersion schools,

(b) development and implementation of support materials for francophone and immersion schools, and

(c) in-service of new materials for francophone and immersion schools.

2. The C.P.R.P. shall carry out the duties under the direction of the Curriculum Director of French Language Programs.

3. The financial administration of the C.P.R.P. shall continue to be the responsibility of the Université.

4. (1) The Université shall submit to the Minister for his approval a budget of the costs, salaries and benefits required for the C.P.R.P. project.

(2) The Université shall continue payments to the C.P.R.P. of its regular costs, salaries and benefits.

(3) The Minister shall reimburse the Université for the budget pursuant to subsection (1) in twelve (12) monthly payments per year.

[12] Je reconnais que le projet exécuté par l'appelante était entièrement financé par la province. Cependant, il ne s'ensuit pas de ce fait qu'elle a cessé d'être une partie intégrante de l'Université ou qu'elle est devenue un organisme de la province. Dans l'accord que j'ai cité ci-haut, et dans les accords qui ont suivi, l'appelante est traitée comme un organisme de l'Université.

[13] Pour cette raison, j'ai conclu que l'appelante n'a pas le droit d'être exonérée de la TPS ni de recevoir le crédit de taxe sur les intrants. Par contre, elle a droit au remboursement prévu à l'article 259 de la Loi et dans le Règlement sur les remboursements aux organismes de services publics.

[14] L'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour de juin 1999.

« D.G.H. Bowman »

J.C.C.I.

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