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Date: 19980529

Dossier: 97-1983-GST-I

ENTRE :

BRUCE D. DAVIES,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Hamlyn, C.C.I.

[1] Au moyen de l'avis de nouvelle cotisation portant le numéro 05EP114017023 et daté du 24 mars 1997, le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a établi à l'égard de l'appelant une nouvelle cotisation fixant à 10 471,42 $ le montant de la taxe sur les produits et services ( « TPS » ), refusant des crédits de taxe sur les intrants ( « CTI » ) de 11 903,22 $ et fixant des pénalités et des intérêts pour versement tardif de 4 186,37 $ et de 4 245,20 $ respectivement.

[2] Dans cette nouvelle cotisation, le ministre soutenait ce qui suit :

- l'appelant a omis de tenir des livres et registres suffisants;

- pour la période allant du 1er janvier 1991 au 31 décembre 1993, l'appelant a déclaré qu'il avait perçu 15 754,61 $ de TPS, tout en demandant 18 075,80 $ de CTI, ce qui faisait qu'un remboursement de taxe nette pour la période était demandé par l'appelant, soit un remboursement de 2 321,19 $;

- l'appelant n'a pas déclaré au titre de la TPS un montant qui est en corrélation avec son revenu;

- le montant de la TPS déclaré en moins par l'appelant représente au moins 10 471,42 $;

- l'appelant a demandé 18 072,80 $ de CTI pour la période, mais 11 903,22 $ de CTI lui ont été refusés;

- l'appelant a déclaré au titre de la taxe nette 22 374,64 $ de moins que ce qu'il était tenu de déclarer et de verser pour la période.

[3] L'appelant porte en appel la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise (la « Loi » ), alléguant qu'il a bel et bien tenu des livres et registres suffisants pour la période, que le ministre s'est trompé dans sa conclusion selon laquelle un montant au titre de la TPS avait été déclaré en moins par l'appelant pour la période et, enfin, qu'il a fourni des renseignements suffisants aux fins des CTI.

[4] L'appelant soutient aussi qu'il avait acquis pour la période en question des « créances irrécouvrables » et que celles-ci devraient être admises dans le calcul de la cotisation.

[5] Au procès, le ministre a modifié l'hypothèse figurant à l'alinéa 5n) de la réponse à l'avis d'appel; cet alinéa, qui se lisait comme suit :

[TRADUCTION]

n) l'appelant était tenu de percevoir 26 226,03 $ de TPS et avait droit à 6 172,58 $ de CTI [...]

a été remplacé par :

[TRADUCTION]

n) L'appelant était tenu de percevoir 26 226,03 $ de TPS et avait droit à 6 608,42 $ de CTI [...]

(J'ai souligné le montant pour indiquer ce qui avait été modifié.)

PREUVE DE L'APPELANT

[6] L'appelant est comptable agréé.

[7] La cotisation a été établie à la suite de la prestation de services professionnels par l'appelant. Dans le cadre de sa prestation de services, l'appelant était franchisé d'un franchiseur qui avait élaboré un système commercial, soit une « méthode d'exploitation et de commercialisation destinée à aider des particuliers à exploiter efficacement des entreprises de tenue de livres, de comptabilité et d'établissement de déclarations de revenus » . Tout au long de la période en question, l'appelant était à la fois débiteur et créancier du franchiseur.

[8] Comme créancier, l'appelant prétend que le franchiseur lui devait 59 328,91 $ pour 1991 et 34 440 $ pour 1992 en contrepartie de services rendus. L'appelant avait déclaré ces montants comme créances irrécouvrables.

[9] Comme débiteur, l'appelant devait des redevances au franchiseur pour la période en question. L'appelant n'a pas payé ces sommes, mais les a reportées dans ses livres comme passif.

[10] Les efforts de l'appelant pour recouvrer le montant des « créances irrécouvrables » ont été minimes. L'appelant a simplement téléphoné et écrit au franchiseur pour essayer de se faire payer.

[11] Au sujet des prétendues lacunes dans la tenue de documents, l'appelant a allégué qu'il tenait des livres et registres suffisants. Les livres et registres avaient toutefois été saisis dans le cadre de procédures judiciaires relatives à une autre partie et, pendant un certain temps, l'appelant n'avait pu y accéder. Il a dit que, lorsqu'il avait bel et bien obtenu l'accès à sa documentation, il avait récupéré des livres et avait constaté que les registres n'étaient pas complets.

[12] L'appelant a ajouté que, malgré le fait que les livres et registres étaient incomplets, une grande partie de l'information requise par la Loi était à la portée du ministre, par exemple du fait que l'inscription aux fins de la TPS donnait l'identité des parties et que le ministre pouvait obtenir l'information requise à partir de ses dossiers.

ANALYSE —

CRÉANCES IRRÉCOUVRABLES

[13] La question de savoir si une créance est irrécouvrable donne lieu essentiellement à une détermination subjective, c'est-à-dire qu'il s'agit de savoir si l'appelant considérait la créance comme irrécouvrable. Dans tous les cas, cette détermination ne doit pas être forcée, et la conclusion doit être raisonnable, compte tenu des faits. À cette fin, l'appelant doit prouver à la Cour qu'il considérait le montant comme impossible à recouvrer.

[14] Pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 1991, l'appelant avait déclaré un revenu de 148 250 $. En vertu du paragraphe 165(1), la TPS s'applique aux sommes à recevoir, qu'elles aient été ou non effectivement recouvrées. Dans ses états financiers, l'appelant n'avait pas indiqué d'ajustement pour créances irrécouvrables. À l'étape de l'opposition, il avait déclaré un ajustement de 59 328,91 $ pour créances irrécouvrables. Au procès, peu d'éléments de preuve documentaire ont été présentés à l'appui de cette prétention.

[15] Pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 1992, l'appelant avait déclaré un revenu de 107 916 $. Encore là, dans ses états financiers, il n'avait pas indiqué d'ajustement pour créances irrécouvrables. À l'étape de l'opposition, il avait déclaré un ajustement de 34 440 $ pour créances irrécouvrables.

[16] Pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 1993, l'appelant avait déclaré un revenu de 135 250 $. Dans ses états financiers, il n'avait pas indiqué d'ajustement pour créances irrécouvrables.

[17] Il est clair que, en ce qui concerne les prétendues créances irrécouvrables, aucune taxe n'a été perçue ni versée.

[18] En particulier, l'appelant n'a guère pris de mesures pour essayer de recouvrer le montant des créances. Il a fait quelques appels téléphoniques et a écrit des lettres; en même temps, il exploitait sa franchise et a inscrit dans les livres de son entreprise les sommes (redevances) qu'il devait au franchiseur, et ce, au fur et à mesure. Il n'a pas tenté d’obtenir réparation en justice et n'a pas tenté non plus d’obtenir un règlement établissant une compensation entre les sommes que lui devait le franchiseur et les sommes que lui-même devait au franchiseur. Je trouve que la preuve est faible, que l'appelant n'a pas pris de mesures raisonnables pour déterminer si les créances étaient impossibles à recouvrer et qu'il ne s'est donc pas acquitté de la charge qui lui incombait de prouver que les créances étaient irrécouvrables.

[19] Je conclus que l'appelant n'avait pas droit à des CTI relativement aux créances irrécouvrables en vertu de l'article 231 de la Loi.

ANALYSE —

DOCUMENTATION INSUFFISANTE

[20] Concernant l'allégation relative à la documentation insuffisante, le paragraphe 169(4) de la Loi dit qu'un inscrit aux fins de la Loi peut demander un CTI s'il a obtenu certains renseignements prescrits avant de produire la déclaration de TPS. Les renseignements requis sont énumérés à l'article 3 du Règlement sur les renseignements nécessaires à une demande de crédit de taxe sur les intrants. En vertu de l'article 223 de la Loi, ces renseignements doivent être communiqués par le vendeur à la demande de l'acheteur.

[21] À l'audience, lors du contre-interrogatoire de l'appelant et lors de l'interrogatoire principal du vérificateur du ministre, M. Bala Yasodharan, la Cour a été mise au fait de plusieurs documents qui avaient été déposés en preuve.

[22] La preuve issue de la vue d’ensemble et de l’échantillonnage de la vérification effectuée par le vérificateur concernant la documentation de l'appelant a révélé des lacunes en ce qui a trait aux registres, y compris ce qui suit : factures manquantes, numéro de TPS manquant, dates d'achat manquantes, noms d'acheteurs manquants, chèques sans mention de l'objet, mauvais calculs de redevances, états manquants, reçus n'indiquant pas si la TPS avait été payée et prétendus contrats non signés.

[23] Je conclus en outre que la documentation fournie et les renseignements fournis ne répondent pas aux exigences de l'article 169 de la Loi.

CONCLUSION

[24] L'appelant n'a pas réfuté les hypothèses qui avaient donné lieu à la cotisation établie par le ministre. C'est lui qui avait la charge de les réfuter.

DÉCISION

[25] L'appel est accueilli, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, compte tenu seulement du fait que l'appelant avait droit à des CTI de 6 608,42 $ pour la période en question comme l'indique l'alinéa 5n), modifié au procès, de la réponse à l'avis d'appel.

[26] L'appelant n'a droit à aucune autre mesure de redressement.

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de mai 1998.

« D. Hamlyn »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 8e jour de janvier 1999.

Isabelle Chénard, réviseure

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