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Date: 19981016

Dossier: 97-1987-UI

ENTRE :

HIGHLAND ROOFING LTD.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge Brulé, C.C.I.

[1] Cet appel découle d'une décision du ministre du Revenu national (le « ministre » ) en date du 25 août 1997 selon laquelle Steven Wentland avait exercé un emploi assurable chez l'appelante pendant la période allant du 7 octobre 1995 au 7 octobre 1996 pour les fins de la Loi sur l'assurance-chômage (la « Loi sur l'A-C » ) et de la Loi sur l'assurance-emploi (la « Loi sur l'A-E » ).

Les faits

[2] L'appelante est une société qui a été constituée en vertu des lois de la Colombie-Britannique le 9 août 1989 sous le nom de 370676 B.C. Ltd. Cette dénomination a par la suite été changée, devenant Highland Roofing Ltd. le 17 octobre 1989. Le capital-actions autorisé de l'appelante est composé de 10 000 actions ordinaires avec droit de vote, dont 100 ont été émises pendant la période en question. Cinquante de ces actions émises ont été transférées à Lorna Holdings Limited ( « Lorna » ) le 15 octobre 1992. Par la suite, soit le 12 janvier 1994, Larry Beber a acquis cinq actions ordinaires avec droit de vote de l'appelante. Les actions étaient donc réparties à ce moment-là comme suit :

Lorna Holdings Ltd. 50 actions 50 %

Larry Beber ( « M. Beber » ) 30 actions 30 %

Steven Wentland ( « M. Wentland » ) 20 actions 20 %

Total 100 actions 100 %

[3] Selon le rapport annuel du 9 août 1994, MM. Beber et Wentland étaient les administrateurs de l'appelante.

[4] Lorna a été constituée le 21 septembre 1992. Le registre des actionnaires montre que MM. Beber et Wentland possédaient chacun 50 p. 100 des actions de Lorna. Ce document n'est pas daté et il est impossible de déterminer l'année à laquelle il s'applique. Toutefois, selon une convention d'achat d'actions datée du 3 octobre 1996, M. Wentland a vendu dix actions de Lorna à M. Beber. Il s'agit du même nombre d'actions que celui qui est inscrit dans le registre des membres de sorte que la répartition des actions n'a probablement pas été modifiée avant cette date. Dans le rapport annuel du 21 septembre 1996, il est indiqué que MM. Beber et Wentland étaient administrateurs de Lorna, M. Beber agissant à titre de président et M. Wentland à titre de secrétaire.

[5] Telle a été la situation jusqu'au mois d'octobre 1996, moment auquel la convention d'achat d'actions susmentionnée a été conclue par les parties. La convention d'achat d'actions a eu pour effet de transférer à M. Beber toutes les actions de l'appelante et de Lorna que M. Wentland possédait. En outre, M. Wentland s'engageait à démissionner de ses fonctions d'administrateur et des charges qu'il occupait dans les deux sociétés. Cela a été effectué au moyen de lettres de démission datées du 3 octobre 1996.

[6] L'intimé a soutenu que M. Wentland exerçait un emploi assurable chez l'appelante pendant la période allant du 7 octobre 1995 au 7 octobre 1996. L'appelante exploite une entreprise de couvertures d'habitations. M. Wentland était contremaître responsable de l'équipe de couvreurs employés par l'appelante. Il a été soutenu par l'intimé que M. Wentland était régi par un contrat de louage de services en vertu duquel il travaillait environ 40 heures par semaine au taux horaire de 17 $, la rémunération étant payable hebdomadairement.

[7] L'appelante soutient que M. Wentland était un actionnaire qui contrôlait l'appelante et qu'il avait donc un lien de dépendance avec celle-ci. À l'audience, on a présenté des éléments de preuve montrant que M. Wentland abusait de l'alcool et qu'il aurait été mis fin à son emploi n'eût été le fait que c'était lui qui contrôlait l'appelante. Larry Beber fils a témoigné qu'il travaillait pour l'appelante depuis 12 ans et qu'il considérait M. Wentland comme le propriétaire et le patron de l'appelante pendant la période en question.

Les questions en litige

[8] Voici les questions que la Cour doit trancher :

1. M. Wentland exerçait-il chez l'appelante un emploi assurable au sens de l'alinéa 3(1)a) de la Loi sur l'A-C et de l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'A-E?

2. M. Wentland contrôlait-il plus de 40 p. 100 des actions de l'appelante et son emploi était-il donc exclu des emplois assurables suivant l'alinéa 5(2)b) de la Loi sur l'A-E?

3. Subsidiairement, M. Wentland avait-il un lien de dépendance avec l'appelante, de sorte que son emploi serait exclu des emplois assurables suivant l'alinéa 5(2)i) de la Loi sur l'A-E?

Analyse

[9] Cet appel met en cause les dispositions de la Loi sur l'A-E reproduites ci-après. (Il convient de noter que la Loi sur l'A-C a été abrogée et remplacée par la Loi sur l'A-E le 30 juin 1996. Les deux lois s'appliquent donc en l'espèce. Toutefois, les dispositions des deux lois sont essentiellement identiques et, par souci de commodité, j'ai limité mon analyse aux dispositions de la Loi sur l'A-E.)

5.(1) Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable :

a) l'emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d'un contrat de louage de services ou d'apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l'employé reçoive sa rémunération de l'employeur ou d'une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

[...]

5.(2) N'est pas un emploi assurable :

[...]

b) l'emploi d'une personne au service d'une personne morale si cette personne contrôle plus de quarante pour cent des actions avec droit de vote de cette personne morale;

[...]

i) l'emploi dans le cadre duquel l'employeur et l'employé ont entre eux un lien de dépendance.

5.(3) Pour l'application de l'alinéa (2)i) :

a) la question de savoir si des personnes ont entre elles un lien de dépendance est déterminée conformément à la Loi de l'impôt sur le revenu;

b) l'employeur et l'employé, lorsqu'ils sont des personnes liées au sens de cette loi, sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu'il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d'emploi ainsi que la durée, la nature et l'importance du travail accompli, qu'ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s'ils n'avaient pas eu de lien de dépendance.

[10] Le paragraphe 5(2) de la Loi sur l'A-E exclut des emplois assurables, dans certaines circonstances, les emplois exercés par certaines personnes. En particulier, une personne qui contrôle plus de 40 p. 100 des actions de l'employeur ne sera pas considérée comme exerçant un emploi assurable. De même, la personne qui a un lien de dépendance avec son employeur est visée par l'exception énoncée au paragraphe 5(2) et son emploi n'est pas assurable.

[11] Selon la preuve qui a été présentée à l'audience, M. Wentland contrôlait directement 20 p. 100 des actions avec droit de vote de l'appelante pendant la période en question. L'avocat de l'appelante a soutenu que M. Wentland contrôlait aussi, indirectement, 25 p. 100 des actions. Ce contrôle indirect, a-t-il été soutenu, résultait du fait que M. Wentland était titulaire d'actions de Lorna. Selon la convention d'achat d'actions, Lorna possédait 50 p. 100 des actions émises de l'appelante et M. Wentland était titulaire de 50 p. 100 des actions de Lorna. L'avocat de l'appelante a donc fait valoir qu'étant donné que M. Wentland était titulaire de 50 p. 100 des actions de Lorna, il exerçait un contrôle indirect sur 25 p. 100 des actions de l'appelante. Si cet argument était retenu, il faudrait conclure que, suivant l'alinéa 5(2)b), M. Wentland n'exerçait pas un emploi assurable puisqu'il contrôlait plus de 40 p. 100 des actions de l'appelante.

[12] Toutefois, la Cour hésite à retenir cet argument. M. Wentland ne possédait que 50 p. 100 des actions de Lorna. Il n'était donc pas actionnaire majoritaire et il ne pouvait donc pas à lui seul déterminer comment cette société exercerait le droit de vote que comportait les actions de l'appelante qu'elle détenait. En d'autres termes, M. Wentland n'avait pas le contrôle de jure. Par conséquent, il serait erroné de conclure que M. Wentland contrôlait indirectement 25 p. 100 des actions de l'appelante du fait des actions de Lorna qu'il détenait. Cela étant, la Cour doit conclure que l'appelante contrôlait seulement 20 p. 100 des actions de l'appelante et que son cas ne relève donc pas de l'alinéa 5(2)b) de la Loi sur l'A-E.

[13] Aux termes de l'alinéa 5(2)i) de la Loi sur l'A-E, n'est pas un emploi assurable l'emploi dans le cadre duquel l'employeur et l'employé ont entre eux un lien de dépendance. Suivant l'alinéa 5(3)a) de la Loi sur l'A-E, la question du lien de dépendance doit être examinée conformément aux dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ). Les dispositions pertinentes, aux fins de l'analyse de la question du lien de dépendance, sont les suivantes :

251. Lien de dépendance.

(1) Pour l'application de la présente loi :

a) des personnes liées sont réputées avoir entre elles un lien de dépendance;

b) la question de savoir si des personnes non liées entre elles n'avaient aucun lien de dépendance à un moment donné est une question de fait.

(2) Définition de « personnes liées » . Pour l'application de la présente loi, sont des « personnes liées » ou des personnes liées entre elles :

a) des particuliers unis par les liens du sang, du mariage ou de l'adoption;

b) une société et :

(i) une personne qui contrôle la société si cette dernière est contrôlée par une personne,

(ii) une personne qui est membre d'un groupe lié qui contrôle la société,

(iii) toute personne liée à une personne visée au sous-alinéa (i) ou (ii);

[...]

(4) Définitions relatives au groupe. Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

« groupe lié » Groupe de personnes dont chaque membre est lié à chaque autre membre du groupe.

« groupe non lié » Groupe de personnes qui n'est pas un groupe lié.

[14] Selon la définition de « lien de dépendance » au paragraphe 251(1) de la Loi, des personnes liées sont réputées avoir entre elles un lien de dépendance et la question de savoir si des personnes non liées n'ont entre elles aucun lien de dépendance est une question de fait.

[15] L'expression « personnes liées » est définie au paragraphe 251(2). Plus précisément, l'alinéa 251(2)b) définit les personnes liées par rapport aux sociétés. Il prévoit essentiellement qu'une société est liée à une personne si cette personne contrôle la société, si la personne est membre d'un groupe lié qui contrôle la société ou si la personne est liée à une telle personne.

[16] Suivant le sous-alinéa 251(2)b)(i), pour que la Cour puisse conclure que M. Wentland avait un lien de dépendance avec la société appelante, il doit être établi qu'une seule personne contrôlait celle-ci et que cette personne était M. Wentland. Cela semble peu probable compte tenu des faits.

[17] Selon l'arrêt Duha Printers (Western) Ltd. v. The Queen, 98 DTC 6334 (C.S.C.), c'est un principe bien connu que le « contrôle » au sens de la Loi s'entend du contrôle de jure. Le critère pour déterminer s'il y a contrôle de jure a été établi dans la décision Buckerfield's Ltd. v. Minister of National Revenue, [1964] C.T.C. 504 (C. de l'É.) et il a depuis lors été accepté comme constituant la bonne définition (M.R.N. c. Dworkin Furs (Pembroke) Ltd. et al., [1967] R.C.S. 223). Le contrôle de jure existe lorsqu'un actionnaire, en raison des actions qu'il détient, est en mesure d'élire la majorité des membres du conseil d'administration d'une société. Comme je l'ai déjà indiqué, M. Wentland contrôlait seulement 20 p. 100 des actions avec droit de vote de l'appelante. Il ne détenait pas suffisamment d'actions de Lorna pour élire la majorité des membres du conseil d'administration de celle-ci et il n'aurait donc pas pu contrôler la façon dont elle exerçait le droit de vote que comportait les actions de l'appelante. Il n'avait donc pas suffisamment d'actions de l'appelante pour élire la majorité des membres du conseil d'administration de la société appelante. La Cour conclut en conséquence que M. Wentland n'avait pas le contrôle de jure de l'appelante et qu'il n'existait donc pas de lien de dépendance entre lui et l'appelante.

[18] Il n'est pas non plus possible de dire que M. Wentland et l'appelante sont liés et qu'il y a donc entre eux un lien de dépendance en vertu du sous-alinéa 251(2)b)(ii) qui dit qu'une personne qui est membre d'un groupe lié qui contrôle la société est liée à ladite société. Le paragraphe 251(4) définit un groupe lié comme étant composé d'au moins deux personnes qui sont liées l'une à l'autre. Il n'y a aucune preuve qui indique que M. Wentland et M. Beber sont liés l'un à l'autre et ils ne constituent donc pas un groupe lié qui contrôle l'appelante.

[19] L'alinéa 251(1)b) dit que la question de savoir si des personnes non liées n'ont entre elles aucun lien de dépendance est une question de fait. Lorsqu'elle examine cette question, la Cour tient compte de trois critères que la Cour d'appel fédérale a cités avec approbation dans l'arrêt Peter Cundill & Associates Ltd. v. Canada, [1991] 2 C.T.C. 221 (C.A.F.). À la page 223, le juge Mahoney dit ceci :

Dans le Bulletin d'interprétation IT-419, Revenu Canada a proposé les facteurs suivants pour trancher la question de savoir s'il y avait ou non des liens de dépendance

a) l'existence d'une même personne qui dirige les négociations de deux parties à une transaction,

b) les parties à une transaction agissent de concert et n'ont pas d'intérêts distincts, et

c) le contrôle « de facto » (réel).

[...]

En appel, il a été accepté que le bulletin IT-419 avait correctement et pleinement déterminé les facteurs permettant de trancher la question de savoir s'il y avait ou non des liens de dépendance.

[20] Selon la décision McNichol et al. v. The Queen, 97 DTC 111 (C.C.I.), le critère susmentionné relatif à l'existence d'une même personne qui dirige les négociations était tiré de deux décisions : M.N.R. v. Sheldon's Engineering Ltd., 55 DTC 1110 (C.S.C.) et M.N.R. v. Merritt Estate, 69 DTC 5159 (C. de l'É.). Ces décisions disaient essentiellement que lorsque la personne qui dirige les négociations pour une partie est celle qui le fait pour l'autre partie, la Cour doit conclure qu'il n'y a qu'une seule âme dirigeante et que les parties en question ont entre elles un lien de dépendance.

[21] Les négociations que la Cour doit examiner en l'espèce se rapportent au contrat de travail conclu entre M. Wentland et l'appelante. Compte tenu des faits, il semble peu probable qu'il y ait eu une même personne qui dirigeait les négociations. M. Wentland n'était pas l'unique actionnaire ou l'actionnaire majoritaire de l'appelante. M. Beber détenait 10 p. 100 de plus des actions et était donc mieux placé pour influer sur la direction de l'appelante. M. Wentland avait peut-être une certaine influence sur les décisions de la société, mais la Cour croit qu'on ne peut probablement pas aller jusqu'à dire que lui seul prenait ces décisions et qu'il existait donc une même personne qui dirigeait les choses lorsque son contrat de travail a été négocié, si tant est qu'un contrat en bonne et due forme ait existé ou qu'un contrat oral ait été négocié.

[22] Selon le critère relatif aux « parties agissant de concert » énoncé dans la décision Swiss Bank Corporation et al. v. M.N.R., 71 DTC 5235, confirmé par 72 DTC 6470 (C.A.F.), lorsqu'au moins deux personnes agissent conformément à un intérêt commun pour dicter les actions d'une autre personne, on ne peut pas dire que toutes ces personnes n'ont pas entre elles un lien de dépendance. Or, il est peu probable que l'appelante et M. Wentland aient eu des intérêts communs. Comme je l'ai dit ci-dessus, M. Beber en sa qualité d'actionnaire majoritaire influençait les intérêts de l'appelante. D'après la preuve, M. Wentland était un mauvais employé qui abusait de l'alcool. L'appelante, en tant que société, se préoccupait probablement de maximiser sa rentabilité et la valeur de ses actions. Les actes de M. Wentland montrent qu'il ne partageait pas cette préoccupation. Par conséquent, la Cour croit qu'il est à juste titre possible de conclure que l'appelante et M. Wentland n'ont pas agi de concert et qu'ils n'avaient donc pas entre eux un lien de dépendance.

[23] L'indice final de l'existence d'une relation dans laquelle il existe un lien de dépendance est le contrôle de fait sur l'appelante. Le contrôle de fait est fondé sur l'idée selon laquelle il peut y avoir contrôle qui déborde le cadre du simple contrôle légal que traduit le registre des actionnaires de la société. Par conséquent, il incombe à la Cour d'examiner la relation qui existait entre M. Wentland et l'appelante pour déterminer si M. Wentland avait une influence sur les affaires de celle-ci.

[24] Les facteurs indiquant l'existence d'un contrôle de fait ont été examinés dans la décision Multiview Inc. v. The Queen, 97 DTC 1489, où la Cour a dit que les lignes directrices énoncées dans le bulletin IT 64R3 étaient utiles aux fins de l'analyse. La Cour a donc tenu compte du pourcentage d'actions avec droit de vote que détenait l'actionnaire en question par rapport au pourcentage détenu par les autres actionnaires, de la question de savoir qui était titulaire des créances sur la corporation, des conventions d'actionnaires, des contrats commerciaux, de la possession de connaissances particulières uniques en leur genre requises par la société et de l'influence possible de membres de la famille sur l'exploitation de l'entreprise.

[25] L'existence d'un contrôle de fait de la part de M. Wentland est une question de fait à laquelle il faut répondre en fonction de la preuve présentée à l'audience. La preuve montrait que les employés de l'appelante considéraient M. Wentland comme le propriétaire de l'appelante et comme leur patron. En outre, à cause de son expérience dans le domaine des couvertures, M. Wentland aurait été une personne fort précieuse pour l'entreprise. Toutefois, ces faits n'indiquent pas d'une façon décisive l'existence d'un contrôle de fait sur l'appelante. Les compétences de M. Wentland n'étaient pas uniques en leur genre et M. Wentland aurait pu être remplacé. En outre, le fait d'être considéré comme le patron montre simplement que M. Wentland exerçait des fonctions de supervision en sa qualité de contremaître, et non qu'il était l'âme dirigeante de la société. La Cour ne croit donc pas que cette preuve soit suffisante pour fonder la conclusion que M. Wentland avait le contrôle de fait de l'appelante.

[26] Enfin, la Cour doit se poser la question suivante : M. Wentland aurait-il conclu un contrat de travail à peu près semblable avec un tiers? Dans la décision Bellehumeur v. M.N.R., [1994] A.C.I. no 700 (C.C.I.), le juge Watson a dit qu'une personne peut être l'employé d'une société dont il est également actionnaire ou administrateur. Il a ensuite précisé qu'il faut établir selon la prépondérance des probabilités l'existence d'un lien de subordination entre l'employé et l'employeur. Le juge Watson a dit que pareille subordination existe peut-être lorsqu'il est possible de dire que les deux parties auraient conclu un contrat semblable avec d'autres personnes.

[27] M. Wentland avait été engagé comme contremaître d'une équipe de couvreurs. En tant que tel, il travaillait normalement 40 heures par semaine et était rémunéré au taux horaire de 17 $, sur une base hebdomadaire. Aucun des éléments de preuve ne montrait que M. Wentland remplissait pour l'appelante d'autres fonctions que celles liées à son poste de superviseur. Il était naturel que les autres employés croient qu'il était le « patron » , puisqu'il occupait un poste de contremaître. En outre, le travail n'était pas déraisonnable compte tenu du poste qu'il occupait et aurait sans doute été offert à des tiers. L'appelante a soutenu que M. Wentland abusait de l'alcool et que, s'il n'avait pas été propriétaire de la société, il aurait été congédié parce qu'il était un mauvais employé. Cette position est difficile à concilier avec les remarques qui précèdent, mais la Cour est portée à croire que M. Beber n'aurait pas permis que M. Wentland continue à occuper son poste si cela nuisait à la société. La Cour doit donc conclure que M. Wentland n'avait pas de lien de dépendance avec l'appelante et qu'il n'est donc pas visé par l'exception prévue à l'alinéa 5(2)i) de la Loi sur l'A-E.

[28] M. Wentland n'exerçait pas un contrôle suffisant sur l'appelante et n'avait pas avec cette dernière un lien de dépendance suffisant pour que son emploi soit exclu des emplois assurables en vertu du paragraphe 5(2) de la Loi sur l'A-E. Il exerçait un emploi assurable pour l'application de la Loi sur l'A-E et de la Loi sur l'A-C.

[29] Par conséquent, l'appel est rejeté et la décision du ministre est confirmée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour d'octobre 1998.

« J. A. Brulé »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 31e jour de mai 1999.

Erich Klein, réviseur

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