Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 19980119

Dossier: 97-927-IT-I

ENTRE :

ÉMILE POULIN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1] L’appelant en appelle de la cotisation du ministre du Revenu national (le “Ministre”), pour l’année d’imposition 1995.

[2] La question en litige est de savoir si l’appelant a droit d’étaler rétroactivement une indemnité de remplacement du revenu totalisant la somme de 101 415 $. L’inclusion de cette somme dans le calcul du revenu de l’appelant, pour des raisons que nous verrons plus tard, n’a pas d’effet à l’égard de son revenu imposable, mais a un effet à l’égard de la prestation de la sécurité de la vieillesse que l’appelant doit remettre dans sa totalité.

[3] Pour établir la cotisation dont il y a appel, le Ministre s’est fondé sur les faits décrits au paragraphe 8 de la Réponse à l’avis d’appel comme suit :

a) selon le feuillet T5007 émis par la Commission de la santé et de la sécurité du travail du Québec (ci-après la “CSST”), l'appelant a reçu en 1995 une indemnité de remplacement du revenu totalisant la somme de 101 415 $;

b) ladite somme de 101 415 $ a été incluse dans le calcul du revenu de l'appelant pour l'année d'imposition 1995, année où la somme fut reçue;

c) l'appelant a remboursé à la Régie des rentes du Québec en 1995 une somme de 20 667 $;

d) la somme de 20 667 $ est déductible dans le calcul du revenu net de l'appelant pour l'année d'imposition 1995, année où la somme fut remboursée;

e) l'appelant a reçu au cours de l'année d'imposition 1995 une somme de 4 690 $ à titre de pension de vieillesse;

f) le revenu net avant rajustements de l'appelant pour l'année d'imposition 1995 totalisant la somme de 107 399 $ pour les fins du calcul à l'égard du remboursement des prestations de sécurité de la vieillesse;

g) relativement à l'année d'imposition 1995, une somme de 4 690 $ à l'égard d'un remboursement des prestations de programmes sociaux fut ajoutée dans le calcul de l'impôt total à payer de l'appelant, et déduite au titre de remboursement des prestations de programmes sociaux dans le calcul du revenu net, selon le calcul suivant :

i) revenu net avant rajustements 107 399 $

Moins : montant de base 53 215

54 184

ii) le remboursement est égal au moindre des sommes suivantes :

prestations de pension de vieillesse 4 690 $

ou

54 184 x 15 % 8 128 $

[4] L’appelant a nié l’alinéa 8a) de la Réponse. Il a admis les alinéas 8b), 8c) et 8e) de la Réponse. Quoiqu'il ait nié l'alinéa 8a) de la Réponse, nous verrons que la preuve révélera son exactitude.

[5] La pièce A-3 est une lettre en date du 21 janvier 1997 de la Commission de la santé et de la sécurité au travail (“CSST”) qui explique les montants payés et leurs causes :

Chèque émis le 27 juin 1995 au montant de 61 263,03 $

Indemnité de remplacement du revenu

·                      pour la période du 2 décembre 1991 au 31 décembre 1991, la somme de 2 013,30 $

·                      pour la période du 1er janvier 1992 au 31 décembre 1992, la somme de 24 704, 01 $

·                      pour la période du 1er janvier 1993 au 31 décembre 1993, la somme de 25 693,50 $

·                      pour la période du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1994, la somme de 21 383,76 $

·                      pour la période du 1er janvier 1995 au 8 juin 1995,    la somme de 7 629,76 $

* soit un total de 81 424,33 $ pour la période globale du 2 décembre 1991 au 8 juin 1995

·                      De cette somme 20 161,30 $ a été remboursés directement à la Régie des rentes du Québec pour une période s'échelonnant du 1er mars 1992 au 14 avril 1994.

·                      Le travailleur a donc reçu la différence,

soit 81 424,33 $ - 20 161,30 $ = 61 263,03 $

Chèque émis le 27 juin 1995 au montant de 12 539,35 $

Intérêt sur indemnité de remplacement de revenu

couvrant la période du 22 novembre 1991 au 29 juin 1995.

[6] La pièce A-2 comprend, notamment, l’état des prestations, formule T5007, émis par la CSST où il est indiqué qu’un montant de 101 415,79 $ a été versé à l’appelant à titre d’indemnités pour accidents du travail.

[7] Comme la pièce A-3 indiquait des montants de 81 424,33 $ et de 12 539,35 $, et non un montant de 101 415,79 $, comme mentionné au feuillet T5007, ci-avant-mentionné, la Cour a demandé au représentant de l’intimée d’obtenir de la CSST l’explication de la différence. La CSST a écrit à l’appelant en date du 14 novembre 1997 et a fourni l’explication suivante :

Comme indiqué dans la lettre de M. Paul Dussault du 21 janvier 97, vous avez reçu la somme de 81 424,33 $ pour la période du 2 décembre 1991 au 8 juin 1995.

À cette somme, nous devons ajouter les sommes reçues du 9 juin 1995 au 31 décembre 1995, ce qui totalisent approximativement 7 448,96 $. Donc, en tout vous avez reçu la somme de 101 415,79 $ comme l'indique votre relevé T5007 émis par la CSST pour l'année 1995.

[8] Le Ministre a inclus la somme de 101 415 $ dans le calcul du revenu de l’appelant pour l’année 1995 en vertu de l’alinéa 56(1)v) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “Loi”) et a déduit cette somme pour le calcul du revenu imposable selon l’alinéa 110(1)f)ii) de la Loi. La somme de 20 667 $ que l’appelant a remboursé à la Régie des rentes du Québec au cours de l’année 1995, tel que mentionné à la pièce A-3 ci-dessus, a été déduite dans le calcul du revenu de l’appelant en conformité avec l’alinéa 60n) de la Loi.

[9] Le Ministre a établi l'impôt à payer sur les prestations de sécurité de la vieillesse en vertu des paragraphes 180.2(1) et 180.2(2) de la partie I.2 de la Loi au montant de 4 690 $, somme reçue par l’appelant à titre de prestation de la vieillesse. Ce remboursement des prestations de la sécurité de la vieillesse a été déduit dans le calcul du revenu de l’appelant en vertu de l’alinéa 60w) de la Loi. Ce dernier élément n’a pas de portée sur l’issue du litige et n’est ajouté que pour donner une image complète de la cotisation.

[10] L’appelant s’indigne du fait que les indemnités pour accidents du travail qui sont déduites dans le calcul du revenu imposable soient cependant prises en compte pour le calcul du revenu pertinent au calcul des prestations de la vieillesse. Il fait valoir que ces indemnités sont fondées sur le salaire net de l’employeur et non sur son salaire brut. De plus, et c’est ce qu’il soutient le plus fermement, ces montants correspondent à des sommes dues à l’égard d’années antérieures et devraient être incluses dans le calcul du revenu de ces années.

[11] Le paragraphe 180.2(1) de la Loi se lit comme suit :

(1) Tout particulier, sauf une fiducie, doit payer, en vertu de la présente partie pour chaque année d'imposition, un impôt égal au moins élevé des montants suivants :

a) le total des montants représentant chacun le montant, inclus dans le calcul de son revenu pour l'année en vertu de la partie I, d'une pension, d'un supplément ou d'une allocation au conjoint prévu par la Loi sur la sécurité de la vieillesse, dans la mesure où aucune déduction n'est permise pour ce montant selon l'alinéa 60n) pour l'année ou pour une année d'imposition postérieure;

b) le montant correspondant à 15 % de l'excédent éventuel, sur 50 000 $, du montant qui constituerait le revenu du particulier pour l'année en vertu de la partie I si, dans le calcul de ce revenu, aucun montant n'était déductible en application de l'alinéa 60w) ou inclus au titre d'un gain tiré de la disposition d'un bien auquel l'article 79 s'applique.

[12] Pour 1995, le seuil du montant de 50 000 $ mentionné à l'alinéa 180.2(1)b) de la Loi (ci-avant cité) a été indexé à 53 215 $. Selon ce dernier alinéa, le revenu du particulier qui est pris en compte est “le revenu” et non le “revenu imposable”. Selon la Loi, ces revenus sont des notions différentes et sont régis par des dispositions législatives spécifiques. Le “revenu” est calculé selon la section B de la partie I de la Loi et le “revenu imposable” est calculé selon la section C de la Loi, intitulée “calcul du revenu imposable”. L'alinéa 110(1)f) de la Loi est contenu à cette section C de la partie I de la Loi. Bien que la Loi soit silencieuse sur les raisons de l'exclusion dans le calcul du revenu imposable du montant de l'indemnité versée, on peut penser que c'est en partie pour prendre en compte que l'indemnité de remplacement du revenu est habituellement calculée en fonction du revenu de l'employé qui reste après les déductions à la source.

[13] Il n’y aurait donc pas les mêmes raisons d'exclure l'indemnité pour le calcul du revenu pour les fins des prestations de sécurité de la vieillesse, puisque la prestation de la sécurité de la vieillesse est fondée sur la nécessité déterminée en fonction d'un seuil du revenu et que ce montant d’indemnité fait véritablement partie du revenu de l’appelant.

[14] Quoiqu'il en soit, c'est la loi telle qu'elle est écrite qui doit être interprétée. L'alinéa 56(1)v) de la Loi se lit comme suit :

56 : Sommes à inclure dans le revenu de l’année — (1) Sans préjudice de la portée générale de l’article 3, sont à inclure dans le calcul du revenu d’un contribuable pour une année d’imposition :

...

v) Indemnité d’accident du travail — une indemnité reçue en vertu d’une loi sur les accidents du travail du Canada ou d’une province à l’égard d’une blessure, d’une invalidité ou d’un décès;

             (le souligné est de moi)

[15] La notion de la réception d'une somme et de l'année d'imposition pertinente a déjà été étudiée dans la jurisprudence et je me réfère notamment à Vegso c. M.R.N., 56 DTC 173, M.R.N. c. Claude Rousseau, 60 DTC 1236 et à la décision citée par le représentant de l'intimée soit Archambault c. M.R.N., 88 DTC 1714. La jurisprudence est constante. Quand la législation prévoit qu’une somme reçue doit être incluse dans le calcul du revenu de l'année, c'est dans l'année de la réception de la somme qu’elle doit l'être et non dans les années pour lesquelles elle est versée.

[16] En conclusion, le Ministre a correctement calculé le revenu de l'appelant en incluant le montant de 101 415 $ dans le calcul de revenu de l'appelant pour l'année 1995 et a correctement cotisé l'appelant en vertu de la partie I.2 de la Loi quand il a établi que l'appelant devrait payer un impôt égal à la prestation reçue en 1995 en vertu de la Loi sur la sécurité de la vieillesse.

[17] En conséquence, l’appel est rejeté.

Signé à Ottawa (Canada), le 19 janvier 1998.

“Louise Lamarre Proulx”

J.C.C.I.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.