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Date: 19990907

Dossiers: 98-433-UI; 98-71-CPP

ENTRE :

H. J. JONES-SONS LIMITED,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Taylor, C.C.I.

[1] Les appels en l'instance, entendus à London (Ontario) le 12 juillet 1999, portent sur une décision aux termes de laquelle, en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi (la “ Loi ”) et du Régime de pensions du Canada (le “ Régime ”), l'intimé a déterminé que, du 1er janvier au 27 octobre 1997, John DeBoer, le travailleur, était employé par l'appelante H. J. Jones-Sons Limited (Jones), aux termes d'un contrat de louage de services.

[2] L'avis d'appel contient l'exposé des faits suivant :

[TRADUCTION]

John DeBoer est conseiller en gestion et il fournit à l'appelante des conseils en gestion de la qualité par l'intermédiaire de J & D Quality Systems, une entreprise qu'il exploite en association avec son épouse. Il fournit des services semblables à des concurrents locaux.

Le numéro du compte d'affaires de J & D Quality Systems à Revenu Canada est le R13667567.

John DeBoer travaille dans les bureaux de J & D Quality Systems. Il détermine lui-même ses méthodes de travail ainsi que ses heures de travail. Il contrôle et gère chaque projet confié, et J & D Quality Systems fournit tout le matériel et la papeterie dont il a besoin.

John DeBoer exerce un contrôle sur la gestion de son entreprise; entre autres choses, c'est lui qui détermine quelle personne il embauche et pour qui il travaille. L'entreprise peut prendre de l'expansion, peu importe ce qui arrive à H.J. Jones-Sons Limited.

Le 11 août 1997, un agent des décisions de Revenu Canada a déterminé que John DeBoer était un employé de H.J. Jones-Sons Limited parce qu'il travaillait aux termes d'un contrat de louage de services. Les motifs de la décision n'ont pas été communiqués à ce moment-là, mais, par la suite, l'agent des décisions a déclaré que la décision était fondée sur les arrêts Wiebe Door Services Ltd. et Montreal Locomotive.

En appel, le directeur adjoint, Division des appels, a remis une lettre datée du 4 février 1998, dans laquelle on peut lire que John DeBoer était employé aux termes d'un contrat de louage de services et qu'il était par conséquent considéré comme ayant eu une relation employeur-employé avec H.J. Jones-Sons Limited. Les motifs de la décision n'ont pas été communiqués.

Motifs que l'appelante entend faire valoir

Dale Baskett nous a informés que la décision de Revenu Canada était fondée sur les arrêts Wiebe Door Services Ltd. et Montreal Locomotive. Nous soutenons humblement que les principes formulés dans ces arrêts ont été soit mal interprétés, soit mal appliqués aux faits de la présente affaire. M. DeBoer travaille aux termes d'un contrat d'entreprise, et non aux termes d'un contrat de louage de services.

Dans l'arrêt Wiebe Door Services, la Cour d'appel fédérale a décrit le critère comme “ un seul critère qui est composé de quatre parties intégrantes ” et qu'il faut appliquer en insistant toujours sur “ l'ensemble des éléments qui entraient dans le cadre des opérations ”. Les critères sont le contrôle, la propriété des instruments de travail, etc., les chances de bénéfice et les risques de perte, et l'intégration.

Contrôle

Le critère du contrôle a été décrit ainsi dans la jurisprudence : “ la différence entre une relation commettant-préposé et une relation mandant-mandataire est la suivante : — un mandant a le droit d'indiquer au mandataire ce qu'il doit faire, mais le commettant a non seulement ce droit, mais aussi celui de dire comment la chose doit être faite ”.

M. DeBoer exploite son entreprise sous le nom de J & D Quality Systems. Il fournit des conseils à H.J. Jones-Sons Limited et à d'autres clients. M. DeBoer contrôle la manière dont il effectue son travail. H.J. Jones-Sons n'a aucun contrôle sur la manière dont le travail de M. DeBoer doit être effectué.

Il y a lieu de souligner que, si le contrat porte sur l'expertise de M. DeBoer, ce dernier est libre d'engager les personnes qu'il veut pour effectuer le travail de bureau ou les tâches administratives ou exercer toute autre fonction dans son entreprise. Les dépenses reliées à une telle embauche sont à la seule charge de M. DeBoer.

Selon le critère du contrôle, il s'agit en l'espèce d'un contrat d'entreprise.

Propriété des instruments de travail

M. DeBoer travaille dans ses propres locaux. Il fournit toute la papeterie et tout le matériel qu'il utilise. Le principal instrument de M. DeBoer est sa propriété intellectuelle, c'est-à-dire son expertise en gestion de la qualité. H.J. Jones-Sons n'a aucun droit de propriété sur les instruments de M. DeBoer.

Selon le critère de la propriété des instruments de travail, il s'agit en l'espèce d'un contrat d'entreprise.

Chances de bénéfice et risques de perte

Le contrat garantit 300 $ par semaine (un minimum de 10 heures, à 30 $ l'heure) pour la tenue à jour du système de gestion de la qualité, sans égard aux heures véritablement travaillées. Si M. DeBoer pouvait tenir le système à jour en moins de temps, il tirerait profit de son efficience.

M. DeBoer se présente comme un expert dans son domaine. H.J. Jones-Sons se fie à son expertise et à ses conseils. Si M. DeBoer conseille H.J. Jones-Sons de façon négligente et que celle-ci se fie à ses conseils à son détriment, il risque d'être poursuivi en dommages-intérêts pour négligence.

Selon le critère des chances de bénéfice et des risques de perte, il s'agit en l'espèce d'un contrat d'entreprise.

Intégration

Appelé aussi le “ critère d'organisation ”, ce critère permet d'établir si le prétendu employé est économiquement dépendant. D'après l'arrêt Wiebe Door, le critère d'intégration doit être appliqué du point de vue du prétendu employé. Si l'entreprise du prétendu employé est complètement intégrée aux activités d'un client donné, c'est une indication qu'il est en fait un employé de celui-ci; en d'autres termes, “ à qui appartient l'entreprise? ”.

L'entreprise, J & D Quality Systems, est celle de M. DeBoer et de son épouse. J & D Quality Systems est, du point de vue économique, indépendante de H.J. Jones-Sons. L'entreprise de M. DeBoer compte d'autres clients et peut prendre de l'expansion, peu importe ce qui arrive à H.J. Jones-Sons. Si H.J. Jones-Sons cesse ses activités demain matin, J & D Quality Systems continuera de fonctionner avec un client en moins. L'entreprise de M. DeBoer n'est pas complètement intégrée à celle de H.J. Jones-Sons.

Le critère de l'intégration indique l'existence d'un contrat d'entreprise.

Conclusion

Selon le critère composé de quatre parties intégrantes, il n'est pas nécessaire que chacune des parties en question indique l'existence d'un contrat d'entreprise. Chaque partie doit plutôt être considérée en relation avec les autres parties pour vérifier l'ensemble des éléments qui entrent dans le cadre des opérations. Dans la présente affaire, chaque partie du critère indique qu'il s'agit d'un contrat d'entreprise. L'ensemble des éléments indiquent donc clairement que le contrat conclu entre H.J. Jones-Sons et M. DeBoer est un contrat d'entreprise et non pas un contrat de louage de services. M. DeBoer n'est pas un employé.

[3] Pour l'intimé, la situation a été décrite dans la réponse à l'avis d'appel dans les termes suivants :

[TRADUCTION]

Il admet le fait énoncé dans l'avis d'appel, à savoir que l'appelante a été avisée dans une lettre du 11 août 1997 qu'il avait été décidé que John DeBoer (le “ travailleur ”) était son employé aux fins du Régime de pensions du Canada (le “ Régime ”) et de la Loi sur l'assurance-emploi (la “ Loi ”), et il déclare que la lettre en question se passe d'explications.

Il admet le fait énoncé dans l'avis d'appel, selon lequel l'appelante a été avisée dans une lettre datée du 4 février 1998 qu'il avait été décidé que des cotisations au Régime de pensions du Canada et des cotisations d'assurance-emploi étaient payables par l'appelante sur la rémunération versée au travailleur pour la période du 1er janvier au 27 octobre 1997, et il déclare que la lettre se passe d'explications.

Il admet le fait énoncé dans l'avis d'appel, selon lequel J & D Quality Systems est une société de personnes qui a été enregistrée en 1993 aux noms du travailleur et de son épouse, Dolores DeBoer, et il déclare également que l'entreprise était exploitée par ces derniers en même temps, mais de façon indépendante, que le travailleur travaillait pour l'appelante à temps plein en 1995 et en 1996 et à temps partiel en 1997.

Il ne sait rien des faits énoncés dans l'avis d'appel concernant le contrôle, par le travailleur, des activités quotidiennes de la société, et il soutient également que les faits se rapportant à l'exploitation de J & D Quality Systems n'ont aucune pertinence dans l'appel en l'instance.

Il nie toutes les autres allégations de fait contenues dans l'avis d'appel.

L'appelante a porté en appel devant l'intimé la décision selon laquelle le travailleur exerçait pour elle un emploi assurable au sens de la Loi du 1er janvier au 27 octobre 1997.

L'intimé a confirmé la décision selon laquelle l'emploi du travailleur pour l'appelante au cours de la période en question était un emploi assurable pour le motif qu'il était employé aux termes d'un contrat de louage de services.

Pour confirmer la décision, l'intimé s'est fondé sur les faits suivants :

les faits énoncés et admis précédemment dans les présentes;

l'appelante est une entreprise constituée en société, dont les seuls actionnaires sont Michael et Douglas Jones;

Michael et Douglas Jones prennent les principales décisions commerciales pour l'appelante et contrôlent les activités quotidiennes de l'entreprise;

l'appelante est une entreprise non saisonnière d'imprimerie et de transformation de carton destiné à l'emballage;

le travailleur est pleinement qualifié dans le domaine de la gestion de la qualité et a pour cette raison été engagé initialement par l'appelante à titre de gestionnaire de la qualité;

la durée de son emploi à titre de gestionnaire de la qualité n'avait pas été préétablie;

le travailleur devait travailler soit à temps plein, soit à temps partiel, selon les besoins;

le travailleur fournissait ses services à temps plein avant la période en question et à temps partiel au cours de la période en question, et rien n'indique qu'il y a eu interruption d'emploi lorsque le changement s'est produit;

avant et pendant la période en question, le travailleur rendait personnellement les services;

avant la période en question, le travailleur fournissait ses services à temps plein et il touchait un salaire hebdomadaire de 500 $;

au cours de la période en question, le travailleur fournissait ses services à temps partiel et il touchait un salaire minimum de 300 $ par semaine, plus 30 $ l'heure pour chaque heures travaillée en excédent de 10 heures par semaine;

avant et pendant la période en question, le travailleur touchait une indemnité pour l'utilisation de son automobile, et toutes les autres dépenses engagées dans l'exécution de ses fonctions de gestionnaire de la qualité lui étaient remboursées;

avant et pendant la période en question, le travailleur fournissait ses services aux termes de modalités d'emploi à peu près semblables;

à titre de gestionnaire de la qualité pour l'appelante, le travailleur rendait des comptes directement et continuellement à la direction;

l'appelante avait le droit de contrôler le travailleur, mais puisque ce dernier était pleinement qualifié à titre de gestionnaire de la qualité, elle n'avait pratiquement pas besoin d'exercer un contrôle ou une supervision directs;

à titre de gestionnaire de la qualité pour l'appelante, le travailleur était tenu d'effectuer le travail qu'il fallait accomplir sur place à l'usine de l'appelante, mais il pouvait s'acquitter de ses tâches administratives soit au bureau de l'appelante, soit à son propre bureau;

les services du travailleur à titre de gestionnaire de la qualité font partie intégrante de l'entreprise de l'appelante;

les profits ou les pertes découlant de l'exploitation de l'entreprise de l'appelante revenaient à l'appelante et non au travailleur;

bien qu'elle eût remis des cotisations d'assurance-chômage pour le travailleur dans les années antérieures, l'appelante a omis de le faire pour la période en question;

avant et pendant la période en question, le travailleur était employé par l'appelante aux termes d'un contrat de louage de services.

[4] M. J. H. Jones, président de la société appelante, a témoigné en Cour, et il a été contre-interrogé sur son témoignage, notamment sur la documentation détaillée qu'il a produite. M. John DeBoer a ensuite témoigné sur sa relation avec l'appelante et il a été contre-interrogé à cet égard. L'intimé n'a appelé aucun témoin.

[5] Je ne vois aucune raison valide de passer en revue dans le détail les témoignages mentionnés ci-dessus. À mon avis, les faits exposés par les témoins — tous deux des témoins fort crédibles à mon avis — étayent les renseignements fournis dans l'avis d'appel et dans la réponse à l'avis d'appel. Ce ne sont que les conclusions divergentes auxquelles les deux parties sont arrivées qui sont en litige.

[6] Les trois périodes cruciales sont les suivants : premièrement, jusqu'en 1994 (dans le cadre de son activité commerciale continue), M. DeBoer a travaillé pour l'appelante aux termes d'un contrat d'entreprise dans le but d'exécuter une tâche précise, et je n'ai entendu aucune contestation à cet égard de la part de l'intimé; deuxièmement, au cours des années 1995 et 1996, il était employé par l'appelante aux termes d'un contrat de louage de services à l'égard duquel de la documentation a été fournie et, encore une fois, les faits appuient cette conclusion; troisièmement, en 1997, il a repris son premier rôle, c'est-à-dire celui d'entrepreneur autonome, encore une fois selon la documentation et les témoignages. C'est concernant ce dernier changement que l'intimé a soulevé une opposition, à savoir le fait que le travailleur est redevenu un entrepreneur autonome, même si c'est ce qu'il avait été pendant des années avant 1995 et 1996. Selon l'appelante, le travailleur n'a cessé d'être un entrepreneur autonome que pendant ces deux années où il était un “ employé ” — les parties en cause avaient convenu de cette interruption et du nouveau statut d'employé sur le fondement de renseignements erronés. L'appelante et le travailleur ont tous deux réalisé dans la dernière partie de l'année 1996 que le statut d'“ employé ” avait été établi par erreur. Cela ne veut pas dire que le travailleur n'était pas un employé en 1995 et en 1996. Cela veut dire toutefois que, pendant ces deux années, ni l'appelante ni le travailleur ne désirait ni n'aurait choisi volontairement ce statut; simplement, le travailleur avait compris, et l'appelante avait accepté cette interprétation, que, conformément à un règlement de l'Organisation internationale de normalisation (ISO), M. DeBoer devait être un employé pour poursuivre le travail qu'il avait effectué en 1994 pour l'appelante, en qualité dorénavant de surveillant des procédures qu'il avait élaborées et mises en place. Cela nous amène au noeud du problème soumis à la Cour.

[7] En 1994, l'appelante souhaitait vivement être accréditée dans le domaine de l'impression par l'ISO, susmentionnée et, pour y arriver, elle devait revoir et, si nécessaire, améliorer certaines procédures. L'accréditation par l'ISO est apparemment très bien vue et assidûment recherchée dans le domaine de l'impression. Du fait de ses nombreuses années d'expérience dans le domaine et, en 1994, en association avec son épouse, M. DeBoer était amplement qualifié pour mener cette tâche à bien pour l'appelante, et c'est ce qu'il a fait à la satisfaction de l'appelante et de l'ISO. Comme il était dorénavant nécessaire de surveiller, de façon continue, le système récemment installé, l'appelante et le travailleur souhaitaient tous deux que M. DeBoer s'en charge — aujourd'hui, nécessairement, seulement un certain nombre de visites ou d'heures de travail par semaine sont requises. Les deux parties souhaitaient que M. DeBoer continue d'effectuer le travail en question en tant qu'entrepreneur autonome, mais M. DeBoer croyait — à tort comme on l'a constaté en 1996 — que l'ISO n'accepterait comme “ surveillant ” qu'un employé de la compagnie concernée. Si je comprends bien les témoignages, M. DeBoer a alors, à contrecoeur, accepté de travailler aux termes d'un contrat de louage de services, tout en continuant de travailler pour son compte — pratiquement dans le même domaine, pour d'autres clients — et les parties ont conclu un contrat. M. DeBoer devait travailler 20 heures par semaine pour s'acquitter de son obligation envers Jones, et il touchait en échange 500 $ par semaine, moins les déductions habituelles, et ses frais de déplacement lui étaient remboursés. Il est important de signaler ici que ni l'appelante ni le travailleur ne tentent aujourd'hui de faire valoir devant la Cour que le statut de M. DeBoer au cours de la période de 1995 et de 1996 devrait être modifié et que ce dernier devrait être traité comme s'il avait été un entrepreneur autonome. On pourrait faire valoir cependant que le travailleur aurait probablement pu accomplir de façon satisfaisante les fonctions qu'il a décrites et le rôle qu'il a assumé au cours des années 1995 et 1996 aussi bien comme employé que comme entrepreneur autonome. L'appelante et le travailleur acceptent que les modalités documentées dont ils ont convenu et qu'ils ont respectées mènent à la conclusion que le travailleur était un employé, et ils ne reviennent pas sur cette question. Je n'ai pas à déterminer s'ils obtiendraient gain de cause s'ils demandaient à la Cour d'infirmer ce statut. Cependant, ayant appris, bien que tardivement et par un nouveau client, qu'il n'était pas tenu, selon les règles de l'ISO, d'être un employé, qu'il aurait pu continuer de surveiller le système en sa qualité habituelle d'entrepreneur autonome, M. DeBoer désirait ardemment mettre fin à son statut d'employé. Il en a discuté avec l'appelante, qui, apparemment, s'est empressée d'accepter. M. DeBoer a donc repris son rôle d'entrepreneur autonome en 1997 — fournissant certes à Jones essentiellement les mêmes services qu'il lui avait fournis en 1995 et 1996. Ainsi qu'il est mentionné précédemment, c'est sur ce point que l'intimé diverge d'opinion; il soutient fondamentalement que, puisque, en 1995 et en 1996, M. DeBoer était un employé aux termes d'un contrat de louage de services et qu'il a continué d'effectuer le même travail en 1997, il ne peut, en 1997, être considéré comme un entrepreneur autonome. L'intimé soutient que nous ne devrions pas nous préoccuper de ce que M. DeBoer a fait avant 1994 et pendant cette année-là. Nous devrions nous en tenir aux services qu'il a fournis en 1997 et les examiner en regard de la jurisprudence. Les services ont progressivement demandé moins de temps au travailleur du fait que certains des employés de Jones, qui avaient su profiter des connaissances de M. DeBoer, avaient acquis les compétences voulues pour effectuer le travail, ce qui convenait aux deux parties. Les deux avocats ont invoqué la jurisprudence habituelle, en particulier l'arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., ([1986] 3 C.F. 553). L'avocat de l'appelante a signalé également favorablement certaines des remarques faites dans l'affaire Bradford v. M.N.R. (1988 D.T.C. 1661) qui, bien qu'elle portât sur un appel en matière d'impôt sur le revenu, avait une certaine pertinence dans la présente affaire, selon l'avocat.

[8] L'avocat de l'appelante a fait valoir sa thèse dans les termes suivants :

[TRADUCTION]

Nous sommes ici parce qu'il a volontairement, par erreur, accepté d'être un employé. Lorsqu'il a constaté cette erreur, il a discuté avec son employeur de l'époque, M. Jones. Par la suite, au fil du temps, cette situation a été modifiée et il a repris le statut qu'il aurait conservé n'eût été l'erreur en question.

Pour l'intimé, l'avocate a conclu :

[TRADUCTION]

M. DeBoer était heureux, en 1995 et en 1996, d'être un employé, et tout ce qui s'est produit pendant ces deux années montre qu'il était un employé. Il était inscrit sur la feuille de paie à ce moment-là; qu'est-ce qui a changé en 1997, à part le fait qu'il travaillait moins d'heures et qu'il jouissait d'une plus grande marge de manoeuvre? Ses fonctions étaient les mêmes. Rien n'avait changé. Il n'y a eu aucune rupture du lien d'emploi entre l'employeur et l'employé.

Donc, à qui appartient l'entreprise, Monsieur le juge? L'entreprise est celle de H. J. Jones.

Conclusion

[9] Je ne peux convenir avec l'intimé que le simple fait que M. DeBoer a continué de jouer le même rôle actif en 1995, tout au long de 1996 et jusqu'en 1997, selon des modalités semblables, doit mener à la conclusion qu'il était un employé en 1997. Je l'ai mentionné précédemment et je le répète : il faut faire preuve de retenue en examinant les rôles sur lesquels des parties indépendantes qui s'associent volontairement entre elles pour accomplir une tâche s'entendent et qu'elles mettent en application[1]. Dans la présente affaire, je suis convaincu que, s'il avait été bien informé en 1995 et en 1996, M. DeBoer aurait pu s'acquitter des fonctions requises par Jones à titre d'entrepreneur autonome, et il aurait continué de le faire. Le présent procès n'aurait peut-être pas été nécessaire. Je ne vois aucune raison d'interdire à l'appelante et au travailleur de revenir au rôle antérieur étant donné les nouveaux renseignements exacts obtenus en 1997. M. DeBoer était un entrepreneur autonome en 1997. L'entreprise distincte qu'il exploitait en 1997 avait d'autres clients, son épouse travaillait pour cette entreprise, il comptait de nombreuses années d'expérience dans le domaine, il utilisait son propre matériel, manifestement, il avait la chance de réaliser des bénéfices et courait le risque de subir des pertes, et il existait une nette distinction entre son entreprise et celle de Jones : tout cela appuie la prétention de l'appelante. Je répondrai à la dernière question contenue dans le plaidoyer final de l'avocate de l'intimé (ci-dessus), à savoir “ Donc, à qui appartient l'entreprise, Monsieur le juge? ”, de la manière suivante : l'entreprise en cause visait à fournir des services professionnels — de façon indépendante — à l'appelante, et cette entreprise appartient à M. DeBoer.

[10] Les appels sont accueillis et la décision du ministre est annulée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de septembre 1999.

“ D. E. Taylor ”

J.S.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 31e jour de mai 2000.

Isabelle Chénard, réviseure



[1]               Le Restaurant Masalit Inc. et M.R.N., (98-861(UI)) C.C.I.

                Q-Ponz Inc. et M.R.N., (98-917(UI)) C.C.I.

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