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Date: 19990407

Dossier: 97-2815-IT-G

ENTRE :

SHEILA D. MULLIN,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Sarchuk, C.C.I.

[1] Sheila D. Mullin interjette appel à l'encontre d'une cotisation d'impôt pour son année d'imposition 1995. Pour cette année-là, se fondant sur les dispositions de l'alinéa 118.2(2)g) et du paragraphe 118.2(4) de la Loi, elle avait déduit comme frais médicaux 4 907,35 $, dont 1 361,25 $ représentaient des frais relatifs à un véhicule. Dans la cotisation, le ministre du Revenu national (le « ministre » ) avait ramené cette déduction à 411,40 $.

[2] Au début du procès, les parties ont déposé un exposé conjoint des faits qui se lit comme suit[1] :

[TRADUCTION]

L'appelante et l'intimée conviennent bel et bien par les présentes de la véracité et de l'exactitude des faits et énoncés suivants :

1. L'appelante, Sheila D. Mullin (numéro d'assurance sociale xxx-xxx-xxx), est un particulier qui réside à Swan River (Manitoba).

2. L'appelante a présenté à l'intimée une demande de déduction de 4 907,35 $ au titre de frais médicaux pour son année d'imposition 1995 (soit des frais médicaux relatifs à la période allant du 1er janvier au 31 décembre 1995).

3. L'intimée a admis 4 288,74 $ au titre des frais médicaux de l'appelante.

4. La différence entre la position de l'appelante et celle de l'intimée concernant la déduction de frais médicaux ne se rapporte qu'à l'élément « déplacements — utilisation d'un véhicule personnel » :

a) l'appelante a déduit des frais médicaux de 1 361,25 $ à l'égard de cet élément (0,30 $ le kilomètre);

b) l'intimée n'a admis que 604,67 $ à l'égard de cet élément (0,16 $ le kilomètre).

5. Le montant que l'intimée considère comme raisonnable est de 0,16 $ le kilomètre, soit le montant qu'elle est disposée à admettre à l'égard de l'élément « déplacements — utilisation d'un véhicule personnel » .

6. L'appelante et l'intimée conviennent que les déplacements en question se rapportaient au transport de l'appelante et/ou de ses enfants, à partir de la localité où habite l'appelante, dans le but d'obtenir des services médicaux dans les circonstances suivantes :

a) la distance à parcourir était de 40 kilomètres au moins;

b) il n'était pas possible d'obtenir dans la localité de l'appelante des services médicaux sensiblement équivalents;

c) l'itinéraire emprunté par l'appelante était un itinéraire raisonnablement direct, et l'appelante a parcouru les kilomètres indiqués en suivant cet itinéraire;

d) il était raisonnable que l'appelante se rende en ce lieu afin d'obtenir des services médicaux.

Telles sont les exigences de l'alinéa 118.2(2)g) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ). L'appelante et l'intimée conviennent qu'il a été satisfait à ces exigences.

7. La déduction relative à l'utilisation du véhicule est demandée par l'appelante en vertu du paragraphe 118.2(4) de la Loi.

[3] Des éléments de preuve provenant de Norma Marr, agente des appels de Revenu Canada, ont en outre été présentés. Le dossier de l'appelante avait été attribué à Mme Marr dans le cours normal des choses et, par suite de l'examen auquel Mme Marr avait procédé, la déduction demandée par l'appelante à l'égard de frais relatifs à un véhicule avait été ramenée à 0,14 $ le kilomètre, et deux changements d'huile avaient été pris en compte. La décision de Mme Marr se fondait principalement sur une étude de Runsheimer of Canada, organisation qui fait des analyses de frais de fonctionnement de véhicules concernant 12 villes du Canada, entre autres pour l'Association canadienne des automobilistes. D'après cette étude, les frais de fonctionnement appropriés auraient été de 0,11 1/2 $ le kilomètre, mais Mme Marr a admis 0,03 $ le kilomètre de plus que ce que l'étude indiquait, parce que l'appelante utilisait une camionnette plutôt qu'une voiture. Pour la même raison, elle a également admis les changements d'huile supplémentaires. Mme Marr concédait que, dans les frais de fonctionnement, l'étude prenait en compte le coût du carburant, de l'huile et des pneus ainsi que les frais d'entretien, mais pas l'amortissement, le remplacement de pièces et l'usure.

[4] La Cour a également été saisie des éléments de preuve suivants : une directive du Conseil du Trésor sur les voyages; la convention collective cadre des employés du gouvernement du Manitoba; une copie du règlement municipal de la ville de Swan River[2]. La directive du Conseil du Trésor sur les voyages énonce les taux du gouvernement fédéral, qui sont actuellement de 0,34 1/2 $ le kilomètre pour les 6 500 premiers kilomètres. Les taux de la convention susmentionnée qui figurent dans la pièce A-3 sont, pour les déplacements au sud du 53e parallèle, de 0,30,4 $ le kilomètre pour les 10 000 premiers kilomètres. Enfin, le règlement municipal de Swan River dit que les cadres et les employés de la ville doivent être remboursés au taux de 0,30 $ le kilomètre. L'appelante est une résidente de Swan River.

[5] Les dispositions législatives pertinentes sont l'alinéa 118.2(2)g) et le paragraphe 118.2(4) de la Loi, soit[3] :

118.2(2) Pour l'application du paragraphe (1), les frais médicaux d'un particulier sont les frais payés :

[...]

g) à une personne dont l'activité est une entreprise de transport, dans la mesure où ce paiement se rapporte au transport, entre la localité où habitent le particulier, son conjoint ou une personne à charge visée à l'alinéa a) et le lieu — situé à 40 kilomètres au moins de cette localité — où des services médicaux sont habituellement dispensés, ou vice-versa, des personnes suivantes :

(i) le particulier, le conjoint ou la personne à charge,

(ii) un seul particulier accompagnant le particulier, le conjoint ou la personne à charge, si ceux-ci sont, d'après le certificat d'un médecin, incapables de voyager sans l'aide d'un préposé à leurs soins,

si les conditions suivantes sont réunies :

(iii) il n'est pas possible d'obtenir dans cette localité des services médicaux sensiblement équivalents,

(iv) l'itinéraire emprunté par le particulier, le conjoint ou la personne à charge est, compte tenu des circonstances, un itinéraire raisonnablement direct,

(v) le particulier, le conjoint ou la personne à charge se rendent en ce lieu afin d'obtenir des services médicaux pour eux-mêmes et il est raisonnable, compte tenu des circonstances, qu'ils s'y rendent à cette fin;

[...]

118.2(4) Dans la situation où une personne dont l'activité est une entreprise de transport n'est pas immédiatement disponible, le particulier qui utilise un véhicule à une fin décrite à l'alinéa (2)g) ou son représentant légal est réputé avoir payé à une telle personne la somme jugée raisonnable dans les circonstances pour le fonctionnement du véhicule.

(motifs rendus oralement à l'audience

à Winnipeg (Manitoba) le 14 janvier 1999)

[6] Je pense qu'au cours de notre discussion, monsieur Bouvier, j'ai exprimé de façon assez claire comment j'estime que l'article doit être interprété. Pour l'essentiel, je considère qu'un contribuable utilisant son propre véhicule parce que des services de transport ne sont pas disponibles est, en vertu de la disposition pertinente, soit le paragraphe 118.2(4), réputé avoir payé une somme raisonnable à une personne fournissant ces services. C'est à mon avis la seule manière d'interpréter cette disposition pour que celle-ci ait un sens.

[7] Il faut alors déterminer ce qu'est une somme raisonnable. Dans le cas qui nous occupe, nous avons les éléments de preuve de l'agente des appels, qui a utilisé une étude particulière pour déterminer qu'un taux de 0,11 $ le kilomètre était approprié concernant les frais de fonctionnement d'un véhicule et qui a, du fait qu'en l'espèce l'appelante conduisait une camionnette plutôt qu'une voiture, ajouté à ce taux 0,03 $ le kilomètre, ainsi qu'un montant accessoire relatif à deux changements d'huile. À mon avis, il ne s'agit pas là d'une somme raisonnable que le contribuable aurait payée à une personne fournissant les services mentionnés à l'alinéa 118.2(2)g).

[8] Il faut ensuite déterminer (et il y a un certain manque d'éléments de preuve quant à savoir ce que pourrait être le coût de la prestation de tels services de transport) si la somme indiquée par l'appelante est raisonnable ou non. Je ne vois aucun fondement qui me permettrait de faire une distinction entre le paiement réputé avoir été fait à une personne en vertu du paragraphe 118.2(4) et un paiement fait à un fonctionnaire de Revenu Canada ou d'un autre ministère ou encore à un juge en mission officielle. Dans ce dernier contexte, je remarque qu'un taux de 0,34 1/2 $ le kilomètre est considéré comme correspondant à une dépense raisonnable engagée par un fonctionnaire ou un juge devant utiliser son véhicule pour une mission officielle.

[9] Je ne conteste pas le fait que cela prend en compte l'utilisation du véhicule dans son contexte global, c'est-à-dire non seulement les frais de fonctionnement, mais aussi le coût des assurances, de l'entretien, des réparations, et ainsi de suite, ce qui est d'ailleurs approprié.

[10] Je remarque par exemple que, concernant les localités du Nord, il est accepté (et je me fonde sur des causes que j'ai déjà entendues) que les taux soient majorés vu l'usure supplémentaire attribuable aux conditions climatiques particulières, etc. Cela a du sens. C'est conforme à ce que j'estime être une évaluation appropriée des frais raisonnables.

[11] Pour ces motifs, si brefs soient-ils, j'ai conclu que l'appelante a droit à la déduction de 0,30 $ le kilomètre qu'elle avait indiquée, soit une somme raisonnable dans les circonstances. L'appel est admis, avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour d'avril 1999.

« A. A. Sarchuk »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 26e jour de janvier 2000.

Mario Lagacé, réviseur



[1]           La pièce A-1 renferme sept paragraphes.

[2]           Pièces A-2, A-3 et A-4.

[3]           Les cinq premiers paragraphes des présents motifs ne font pas partie des motifs qui ont été rendus oralement à la conclusion de l'audience.

 

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