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Date: 19981001

Dossiers: 97-3790-IT-I; 97-3791-IT-I

ENTRE :

ALECA FRASER, GERALD FRASER,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

Motifs du jugement

Le juge Beaubier, C.C.I.

[1] Ces appels, interjetés sous le régime de la procédure informelle, ont été entendus ensemble sur preuve commune, avec le consentement des parties, à Halifax (Nouvelle-Écosse) les 24 et 25 septembre 1998. Les deux appelants ont témoigné. Ils sont maintenant séparés. Ils ont un fils, âgé de 12 ans. Ils ont appelé la teneuse de livres dont ils retenaient les services, Marian Scriven. L'intimée a appelé la vérificatrice affectée au dossier, Joann Burke.

[2] Les appelants ont été l'objet de nouvelles cotisations pour leurs années d'imposition 1992, 1993 et 1994 pour le motif qu'ils avaient reçu un revenu, non déclaré, provenant d'une entreprise de livraison de lait comptant environ 500 clients, soit une entreprise qu'ils exploitaient durant ces années-là dans les régions de Halifax et de Sackville, dans le cadre de leur société de personnes enregistrée, soit GEF Enterprises. Des pénalités leur ont en outre été imposées. Ils ont interjeté appel. Les paragraphes 4, 5, 6 et 7 et l'annexe A de la réponse à l'avis d'appel de Gerald Fraser résument les cotisations et les appels. Ils se lisent comme suit :

[TRADUCTION]

4. Par suite d'une vérification, les déclarations de revenus pour 1992, 1993 et 1994 ont donné lieu à de nouvelles cotisations, dont les avis sont datés du 2 juillet 1996, incluant des revenus d'entreprise nets supplémentaires de 10 914,03 $, de 12 325,70 $ et de 10 452,61 $, respectivement, et imposant des pénalités, en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu, à l'égard du revenu non déclaré pour chaque année. Le revenu d'entreprise net pour les trois années a été augmenté compte tenu de dépenses qui n'ont pas été admises et de revenus d'entreprise qui n'avaient pas été déclarés, comme l'indique l'annexe A de la présente réponse.

5. L'appelant a, en bonne et due forme, déposé des avis d'opposition aux cotisations pour les années d'imposition 1992, 1993 et 1994. Aucune information n'ayant été fournie quant à savoir pourquoi l'appelant n'était pas d'accord sur le calcul du revenu brut ou pourquoi il estimait que des déductions de dépenses avaient été déraisonnablement refusées, le ministre du Revenu national (ci-après appelé le « ministre » ) a ratifié les cotisations, par voie d'avis de ratification en date du 29 septembre 1997.

6. Dans les cotisations ainsi établies à l'égard de l'appelant pour les années d'imposition 1992, 1993 et 1994, le ministre se fondait sur les hypothèses de fait suivantes :

a) l'appelant détenait une participation de 50 p. 100 dans GEF Enterprises, soit une société de personnes exploitant une entreprise de livraison de lait et de produits laitiers. L'autre associé dans cette entreprise était la conjointe de l'appelant, Aleca Fraser;

b) l'appelant prenait activement part à la livraison de lait et d'autres produits laitiers durant les années faisant l'objet de la vérification;

c) les livres et registres tenus par la société de personnes incluaient un journal des décaissements, une liste des comptes fournisseurs, des justificatifs de frais, des contrats de vente et des factures concernant l'achat de matériel, des duplicatas de bordereaux de dépôt, un journal des dépôts, des chèques oblitérés et des relevés bancaires. Les registres comptables ne se fondaient pas sur un système de comptabilité en partie double;

d) on ne tenait aucun registre permettant la production d'un bilan;

e) les ventes brutes indiquées dans les états des résultats qui ont été produits avec les déclarations de revenus pour les années en cause dans les appels ont été calculées à partir du total des dépôts dans le compte bancaire, compte tenu de redressements au titre de frais payés comptant et au titre de chèques de clients retournés à cause d'une insuffisance de fonds dans le compte du client (chèques sans provision);

f) il y avait très peu de stocks à la fin de chaque année en cause dans les appels, et aucun registre des stocks n'était tenu;

g) on ne tenait aucun registre de comptes clients de fin d'exercice;

h) les ventes brutes et le revenu d'entreprise net de la société de personnes ainsi que la répartition du revenu net entre chaque associé, selon ce qui a été produit avec les déclarations de revenus, sont résumés à l'annexe « A » de la présente réponse;

i) le revenu déclaré par l'appelant était insuffisant par rapport aux frais de subsistance de la famille;

j) l'appelant a omis de déposer toutes les recettes ou a omis d'enregistrer tous les prélèvements en espèces ou tous les paiements effectués comptant;

k) l'appelant a omis d'ajuster les ventes déterminées par la méthode fondée sur les dépôts relativement aux retenues de garantie à recevoir;

l) on ne pouvait se fonder sur les registres de l'entreprise pour déterminer facilement l'obligation fiscale des associés pour les années d'imposition 1992, 1993 et 1994;

m) vu le type d'entreprise et vu les registres tenus par la Baxter Foods Ltd., il était raisonnable de conclure que, pour déterminer les bénéfices bruts, il était plus fiable d'appliquer le pourcentage connu de profit brut aux achats connus de l'entreprise faits à la Baxter Foods Ltd. pour chacune des années en question;

n) les changements apportés aux revenus et aux dépenses d'entreprise de la société de personnes par suite de la vérification pour les années en question figurent à l'annexe « A » de la présente réponse;

o) le représentant de l'appelant a présenté une analyse des ventes et du coût de celles-ci pour 1992 afin de déterminer le bénéfice brut, ce qui, une fois redressé compte tenu des retenues de garantie à recevoir, confirme le revenu non déclaré que le vérificateur a déterminé;

p) les frais d'assurance qui avaient été indiqués comprenaient des paiements de primes d'assurance-vie et d'assurance-invalidité qui ont été considérés comme des frais personnels;

q) ont été soustraits des frais relatifs à l'utilisation d'un véhicule les montants considérés comme correspondant à des dépenses en immobilisation;

QUESTIONS À TRANCHER

7. Il s'agit de savoir si les revenus nets déclarés par l'appelant pour les années d'imposition 1992, 1993 et 1994 ont été déclarés en moins et si des pénalités ont à bon droit été imposées en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi.

Annexe « A »

G E F ENTERPRISES

DÉCLARÉ

1992

1993

1994

Ventes

254 133,68 $

240 750,67 $

260 117,65 $

Achats

220 481,26 $

211 013,39 $

221 784,76 $

Profit brut

33 652,42 $

29 737,28 $

38 332,89 $

Dépenses :

Équip. & locat. (entreprise)

608,74 $

4 846,60 $

4 835,77 $

Droits, taxes, permis

109,00 $

35,00 $

376,02 $

Bureau

4 975,81 $

800,83 $

972,09 $

Fournitures & matériaux

239,05 $

116,72 $

68,15 $

Entretien & rép.

8,86 $

2,34 $

562,13 $

Auto/camion

9 586,48 $

9 962,22 $

12 135,89 $

Déplacements

839,55 $

970,54 $

1 115,62 $

Intérêts & frais banc.

1 826,39 $

2 286,63 $

1 784,18 $

Assurances

1 355,80 $

1 377,60 $

1 689,60 $

Divers

6 378,75 $

672,25 $

767,07 $

Salaires

3 000,00 $

8 000,00 $

10 500,00 $

TPS

121,14 $

58,79 $

DPA

0,00 $

1 801,00 $

1 399,05 $

Dépenses totales

29 049,57 $

30 930,52 $

36 205,57 $

Rev. net de soc. de pers.

4 602,85 $

-1 193,24 $

2 127,32 $

Part des associés

Aleca

Gerald

Aleca

Gerald

Aleca

Gerald

2 301,42 $

2 301,43 $

-596,62 $

-596,62 $

1 063,66 $

1 063,66 $

Salaire

3 000,00 $

6 000,00 $

8 000,00 $

Rev. net d'entreprise

2 301,42 $

5 301,43 $

-596,62 $

5 403,38 $

1 063,66 $

9 063,66 $

REDRESSÉ (VÉRIF.)

- rev. non déclaré

20 472,25 $

23 273,80 $

18 111,74 $

- frais d'assurance

non admis

1 355,80 $

1 377,60 $

1 389,60 $

- frais de véh. non adm.

1 657,74 $

Déduction :

- augmentation de la DPA

-253,85 $

Total des redressements

21 828,05 $

24 651,40 $

20 905,23 $

Part des associés

Aleca

Gerald

Aleca

Gerald

Aleca

Gerald

(redressements)

10 914,03 $

10 914,02 $

12 325,70 $

12 325,70 $

10 452,61 $

10 452,62 $

[3] Les « salaires » mentionnés à l'annexe « A » sont des prélèvements de la société de personnes que Revenu Canada n'a pas assujetti à une nouvelle cotisation de manière à les diviser également. Aucun contrat de société n'a été déposé en preuve.

[4] Cette affaire concerne un laitier et sa tournée. L'annexe « A » n'indique pas comment les Fraser traitaient leur argent. Elle indique comment leur teneuse de livres traitait ce que faisaient les Fraser. Par exemple, en 1992, les Fraser prélevaient 400 $ à 430 $ par semaine sur les rentrées d'argent de l'entreprise et enregistraient ces prélèvements dans un grand livre comme « salaire » . Leur teneuse de livres, Mme Scriven, prenait le grand livre à la fin de l'exercice, ainsi que tous les registres et reçus qu'ils avaient, et elle établissait un état financier selon les rubriques figurant à l'annexe « A » . Elle n'a pas décrit environ 21 000 $ comme prélèvements de la société de personnes. Elle a plutôt réparti ce montant comme suit, selon les rubriques de l'annexe « A » :

Équip. & locat. (entreprise) 608,74 $

Droits, taxes, permis 109,00 $

Bureau ( « loyer » non compris) 175,81 $

Fournitures & matériaux 239,05 $

Entretien & rép. 8,86 $

Déplacements 839,55 $

Intérêts & frais banc. 1 826,39 $

Assurances 1 355,80 $

Divers 6 378,75 $

Salaires 3 000,00 $

TPS 121,14 $

Rev. net de soc. de pers. 4 602,85 $

Total : 19 265,94 $

En 1992, les Fraser avaient en outre payé environ 450 $ par mois à une station-service pour de l'essence et avaient payé des « frais de pont à péage » qui ont été indiqués dans leur grand livre (pièce A-1). En gros, ces décaissements enregistrés dans le grand livre semblent s'élever à plus de 5 000 $. Toutefois, les frais « auto/camion » ont été indiqués par Mme Scriven comme étant de 9 586,48 $. Il semble que l'écart entre les prélèvements de « salaire » et les 19 265,94 $ détaillés à l'annexe « A » soit de 9 586,48 $.

[5] Comme laitier, M. Fraser n'est pas un employé de la Baxter Foods Ltd. (la « Baxter » ). Ainsi, la Baxter n'a pas à se conformer à la législation en matière d'emploi concernant les retenues à la source ainsi que les congés payés, les jours fériés et autres avantages. Donc, M. Fraser est dans les affaires. L'entreprise est celle de la société de personnes, GEF Enterprises, soit une société de M. et Mme Fraser. Il s'agit d'une entreprise marginale. Revenu Canada s'attend à des registres, par exemple : des factures; des registres relatifs aux rabais accordés quotidiennement, ici et là, au cours de la livraison; des registres des créances douteuses ou irrécouvrables; des registres de contre-vérification relatifs aux stocks que M. Fraser allait chercher, qu'il livrait ou vendait ou qu'il entreposait pour le jour suivant; enfin, tous les autres registres d'une entreprise en exploitation importante et complexe tenant des écritures. Toutefois, en l'espèce, il s'agit d'une entreprise exploitée à partir du camion et dans laquelle l'entrepreneur paie de sa poche. C'est essentiellement une entreprise de laitier effectuant des opérations au comptant. Les appelants n'étaient pas et ne sont toujours pas très avisés concernant la tenue de livres ainsi que les factures et autres registres et duplicatas appropriés, qui représentent des frais supplémentaires que n'a pas les moyens de payer cette entreprise de type familial. Aux fins de la cotisation relative aux Fraser, Revenu Canada a déterminé un chiffre au titre du profit brut prévu, ainsi qu'un chiffre selon le volume basé sur les registres obtenus de la Baxter, pour arriver au « Total des redressements » figurant à l'annexe « A » . Les registres de la Baxter portent sur des périodes de quatre semaines se terminant au mois d'avril de chaque année; la fin de l'exercice des appelants est le 31 décembre. Revenu Canada a donc établi des redressements selon les registres de la Baxter.

[6] Les appelants ont tous les deux affirmé dans leur témoignage qu'ils avaient déclaré tous leurs revenus. Ils exploitent cette entreprise de « distribution de lait » depuis 17 ans. Ils ont tous les deux un diplôme d'études secondaires. M. Fraser est celui qui fait la tournée. Durant les années en question, les lundis et jeudis, il partait des locaux de la Baxter (leur fournisseur) à 5 heures pour faire la tournée de Sackville et livrait jusqu'à 14 heures. Les mardis et vendredis, il faisait la tournée d'Halifax; il livrait jusqu'à 19 h 30 ou 20 heures. Il livrait du lait à domicile, au détail. Il livrait aussi du lait à trois gros clients — une école (école primaire Gertrude Parker; 300 élèves), un restaurant (Copper Penny Tavern) et une station-service (Kearney Lake Petrocan). L'école donnait ses ordres d'achat par l'intermédiaire de la Baxter, au prix coûtant; la station-service avait un compte d'achats à crédit « en gros » , et le restaurant était un client qui payait comptant et qui avait droit aux mêmes rabais « de gros » que la station-service. Le restaurant a cessé d'acheter des produits à GEF Enterprises en 1993. Le compte de l'école était administré entièrement par l'intermédiaire de la Baxter.

[7] Les trois gros clients étaient appelés par Revenu Canada les « acheteurs en gros » ; les autres étaient les « acheteurs au détail » . M. Fraser estimait que la majoration était de 27,5 p. 100 dans le cas des acheteurs au détail et de 22,5 p. 100 dans le cas des acheteurs en gros, soit des majorations par litre de lait. D'autres produits comme le jus d'orange, les mini-berlingots et la crème fouettée représentaient un volume peu important et faisaient également l'objet d'une majoration. M. Fraser livrait en outre de l'huile de cuisson au restaurant. À toutes les quatre semaines, la Baxter accordait à GEF Enterprises une remise, qui était déposée avec les autres chèques. M. Fraser et Revenu Canada ont attribué aux produits des pourcentages globaux de majoration. Par contraste, Marian Scriven, la teneuse de livres des Fraser, a décrit les chiffres effectifs concernant un contenant de lait de quatre litres acheté à la Baxter et vendu par les Fraser en janvier 1992, soit :

Prix d'achat 4,42 $

Prix de vente au détail 5,36 $

Prix de vente en gros 5,08 $

Remise par litre accordée par la Baxter

à toutes les quatre semaines

- « Acheteurs au détail » ,0425 $

- « Acheteurs en gros » ,02 $

Aucun de ces chiffres ne correspond aux pourcentages globaux de l'une ou l'autre partie et aucun ne tient compte des chiffres relatifs à l'école. Les Fraser n'enregistraient pas les chiffres relatifs aux ventes à l'école, que ce soit comme revenus ou comme dépenses, dans l'un quelconque de leurs grands livres ou registres. Les revenus ou les dépenses correspondant aux ventes à l'école étaient plutôt entièrement ajustés dans les états de la Baxter. Mme Scriven a en outre décrit des écarts comptables qu'elle avait constatés, y compris concernant une facture de 1 535,57 $ pour 1 066,5 litres établie par la Baxter en 1991 et payée par les appelants en 1992. La vérificatrice de Revenu Canada, Joann Burke, a dit qu'elle en avait tenu compte en effectuant ses calculs. Toutefois, personne n'a expliqué pourquoi la facture de 1991 semble correspondre à environ 1,50 $ le litre.

[8] Mme Scriven a en outre témoigné au sujet de l'utilisation personnelle de produits faite par les Fraser. Elle avait interrogé les Fraser à cet égard à l'étape initiale où elle avait établi les états, et ils avaient dit qu'ils payaient les produits qu'ils utilisaient personnellement. Mme Scriven avait compris par là qu'ils déposaient leur paiement avec les rentrées d'argent comptant. Les Fraser voulaient dire qu'ils avaient payé la Baxter. La Cour conclut que c'est innocemment que les Fraser ont fait une présentation erronée de la comptabilisation de leur paiement. Cet exemple montre les limites comptables des Fraser dans toute cette affaire. M. et Mme Fraser sont honnêtes. Cependant, M. Fraser n'avait aucun sens de la comptabilité. Quant aux connaissances de Mme Fraser en la matière, elles se limitent à l'établissement de colonnes de chiffres.

[9] La vérificatrice a déclaré dans son témoignage que la détermination, par Revenu Canada, d'un revenu non déclaré se fondait sur un calcul de marges brutes de détail de 27,5 p. 100 pour les produits laitiers et de 25 p. 100 pour les produits secondaires. Revenu Canada avait, pour son calcul, utilisé les registres de la Baxter quant au volume de produits. Comme il n'y avait aucun registre des Fraser concernant les comptes clients, les créances irrécouvrables, les billets payés d'avance ou les stocks, rien n'a été admis à cet égard. Pour 1994, Revenu Canada a redressé la marge brute relative aux produits secondaires, qu'il a portée à 28 p. 100.

[10] Les calculs de vérification de Revenu Canada aux fins de la cotisation se fondaient sur les déclarations de revenus des appelants et sur les remboursements d'impôt de ces derniers, soit :

Pour 1992

— après les paiements relatifs au véhicule et les frais d'épicerie, mais sans inclure leurs intérêts hypothécaires et les assurances sur la maison;

- 222 $

Pour 1993

— après les frais personnels, les frais d'épicerie et les réductions hypothécaires, mais sans inclure les assurances sur le véhicule, l'essence, l'habillement ou les frais de représentation;

+3 000 $

Pour 1994

calculé de la même manière que pour 1993

+104 $

Ainsi, en se fondant sur les revenus déclarés par les appelants, Revenu Canada considérait qu'il ne restait aux Fraser aucun argent pour se payer du « luxe » . Revenu Canada dit qu'il s'agit d'une vérification « de provenance et utilisation des fonds » .

[11] Les Fraser ont admis qu'ils ne pouvaient se payer pratiquement aucun « luxe » . À en juger par le témoignage qu'ils ont présenté à la Cour, par leur apparence, leur tenue vestimentaire et leur comportement, la Cour accepte le fait que les Fraser ne pouvaient se payer du « luxe » . Il est bien évident que les Fraser s'efforçaient simplement d'arriver au jour le jour. Toutefois, Mme Fraser avait eu de sa mère un héritage qui leur a permis d'acheter une maison. En outre, elle a eu un modeste revenu en intérêts en 1994.

[12] Les deux appelants étaient dignes de foi. M. Fraser n'est pas un homme d'affaires combatif ou futé. C'est un homme qui travaille fort. Il allait chercher le lait, faisait les livraisons, s'occupait du recouvrement de comptes, s'efforçait d'élargir sa clientèle et effectuait les dépôts bancaires. Il tenait un registre quotidien des comptes d'achats à crédit, mais il n'en faisait pas la vérification par rapport au grand livre. Mme Fraser ne le faisait pas non plus. M. Fraser ne vérifiait pas les produits qu'il allait chercher à la Baxter par rapport aux factures de celle-ci ou aux registres. Aucun élément de preuve n'indique que Mme Fraser le faisait. Ils utilisaient le système comptable que Mme Scriven leur disait d'utiliser. Cela n'a pas été jugé satisfaisant par Revenu Canada.

[13] Leur camion de livraison est un vieux camion postal de 1983 que M. Fraser a acheté 6 500 $ en 1992. Pour ce qui est de la valeur des ventes de l'entreprise, 5 à 10 p. 100 des ventes étaient faites aux trois gros clients et le reste à des ménages. En ce qui concerne les comptes relatifs aux ventes, 30 p. 100 représentaient des achats payés à l'aide de billets, 5 à 10 p. 100 représentaient des achats payés comptant, et le reste était payé hebdomadairement, à toutes les deux semaines ou mensuellement, ce qui ne comprend pas le compte de l'école, qui était administré par la Baxter. La périodicité des comptes d'achats à crédit tenait au fait que M. Fraser était réticent à permettre qu'un compte impayé dépasse 50 $.

[14] C'est principalement Mme Fraser qui tenait les registres. Ceux-ci indiquaient ce que les Fraser déposaient à la banque, ce qu'ils prélevaient sur l'argent comptant recouvré par M. Fraser et ce qu'ils payaient — c'est-à-dire, grosso modo, le flux de trésorerie. Mme Scriven vérifiait ces chiffres, établissait un état annuel et remplissait les déclarations de revenus, qui étaient ensuite produites. Mme Scriven, qui a été appelée par les appelants, a dit qu'il y a des ajustements mineurs initiaux aux chiffres enregistrés et déclarés, soit :

1992

1993

1994

1. Radiations au titre d'acheteurs au comptant ayant omis de payer

300,00 $

300,00 $

300,00 $

Si le fondement de la nouvelle cotisation de Revenu Canada est jugé inexact, aucune nouvelle cotisation n'est nécessaire au titre de cet ajustement, les sommes n'ayant jamais été traitées comme créances.

2. Consommation personnelle de lait, jus d'orange et autres produits

Ajouter :

1 040,00 $

1 040,00 $

1 040,00 $

3. Chèques sans provision

1 337,81 $

1 646,76 $

1 182,03 $

Mme Fraser inscrivait les chèques dans le grand livre lorsqu'ils étaient déposés, puis rayait l'inscription s'il s'agissait de chèques sans provision et, une fois l'argent recouvré, procédait à une nouvelle inscription. Il n'y a donc aucune raison d'ajuster les registres concernant les chèques sans provision.

4. Rabais de 10 $ à 20 $ par semaine

520,00 $

à 1 040,00 $

520,00 $

à 1 040,00 $

520,00 $

à 1 040,00 $

Il s'agit de divers rabais que M. Fraser admet avoir accordés de temps à autre à divers clients et organismes de charité au titre de produits non laitiers.

[15] Mme Scriven a témoigné au sujet de son expérience à l'égard d'autres distributeurs de lait de la région de Halifax. Elle établissait pour eux des états et des déclarations de revenus durant les années en question. Elle a dit que leurs marges bénéficiaires sont semblables à celles des appelants. Elle a également dit qu'elle avait déjà fait des affaires avec Mme Fraser et que, d'après son expérience, Mme Fraser est une dame honnête. Enfin, Mme Scriven a déclaré que toutes les épouses des distributeurs de lait pour qui elle avait travaillé exerçaient des emplois pour joindre les deux bouts. Mme Fraser avait également un revenu de source externe durant les années 1992, 1993 et 1994.

[16] La voiture des Fraser est une voiture vieille de 10 ans qui est grevée d'une hypothèque mobilière. La maison des Fraser a été achetée avec l'héritage que Mme Fraser a eu de sa mère en 1992. La maison est grevée d'une hypothèque et il a fallu en rénover le toit en 1993. Les seules vacances que les Fraser aient prises remontent à 1988, année où ils ont gagné un voyage aux Bahamas. Chaque année, ils ont emprunté aux fins de leurs REER, qui s'élèvent à 1 000 $ et 1 500 $ respectivement.

[17] La preuve des appelants réfutait les hypothèses. Leur revenu était suffisant par rapport aux modestes frais de subsistance de la famille. Sauf pour ce qui est du volume et des fonds relatifs à l'école, les registres de l'entreprise étaient suffisants pour déterminer l'obligation fiscale des appelants pour 1992, 1993 et 1994. La preuve présentée par les appelants et les chiffres fournis par Mme Scriven pour 1992 réfutent les chiffres en matière de majoration globale que Revenu Canada considère comme exacts. La preuve présentée par les appelants réfute également la prémisse de Revenu Canada selon laquelle tous les frais des appelants sont indiqués dans les déclarations de revenus des appelants; les coûts relatifs à l'école n'étaient pas indiqués dans les déclarations de revenus des appelants.

[18] Il est devenu nécessaire que la vérificatrice témoigne et présente des éléments de preuve à l'appui des hypothèses. La vérificatrice n'a pas présenté de preuves factuelles détaillées quant au volume des achats faits par les appelants à la Baxter ou quant à savoir comment les pourcentages de majoration avaient été calculés par Revenu Canada, de manière que les estimations de Revenu Canada puissent être vérifiées. Les estimations ne sont que des estimations. Ce ne sont pas des chiffres comptables.

[19] Le compte de l'école (300 enfants) ne figure pas dans les registres des Fraser. M. Fraser a témoigné concernant les chiffres relatifs à l'école selon une base par litre. Il allait collecter le lait pour l'école à la Baxter et payait 43 ¢ le litre. L'école lui remettait un coupon de 30 ¢ le litre. La Baxter demandait à M. Fraser un second coût de 24 ¢ le litre, puis portait à son crédit le paiement de 30 ¢ le litre. Il y a un écart entre les crédits des Fraser obtenus de la Baxter et les calculs de Revenu Canada basés sur des majorations brutes globales. Les chiffres possibles, par litre, sont :

Crédits des Fraser

Chiffres de Revenu Canada

Prix au point de collecte

24 ¢

43 ¢

Prix de détail

30 ¢

52,025 ¢ (27,5 p. 100)

Net

6 ¢

9 ¢

M. Fraser a toutefois décrit une inscription comptable indiquant deux prix payés à la Baxter au titre du lait collecté pour l'école — d'abord 43 ¢ , puis, une fois le coupon remis, 24 ¢ . Ce sont toutes là des preuves factuelles présentées sous serment et pouvant être vérifiées.

[20] Il y a donc un certain nombre de sources d'erreurs relativement aux chiffres de Revenu Canada que la preuve ou les estimations de Revenu Canada n'expliquent pas. Concernant l'école, ces sources d'erreurs comprennent ce qui suit : le dédoublement possible du volume du lait destiné à l'école, en ce qui a trait aussi bien aux achats qu'aux ventes; des dédoublements possibles de frais d'achats; un calcul possible de profit de 9 ¢ plutôt que de 6 ¢ le litre ou un écart possible en matière de profit représentant 52,025 ¢ le litre moins 24 ¢ ; l'omission possible de retrancher un second chiffre quant au profit ou au volume; un facteur de 27,5 p. 100, qui est erroné. Certaines de ces erreurs peuvent s'additionner. En outre, les chiffres de la Baxter en matière de volume pourraient également être erronés. Les hypothèses de Revenu Canada se fondent sur son calcul du volume de produits multiplié par les majorations qu'il a utilisées. Revenu Canada n'a pas recalculé la dépense afférente aux coûts des produits. Dans les deux cas, les chiffres relatifs à l'école pourraient être erronés ou avoir été omis. Quelle que soit l'erreur possible concernant les chiffres de la Baxter, les chiffres des Fraser y correspondaient. Cependant, Revenu Canada n'a pas estimé le coût relatif au volume et ne l'a pas soustrait de son estimation du revenu brut tiré des ventes correspondant à ce volume. Les livraisons faites à l'école, soit environ 5 p. 100 des ventes totales des Fraser, auraient pu avoisiner les 10 p. 100. Pour l'essentiel, cela explique l'écart. La preuve présentée par Revenu Canada n'a pas résolu la question.

[21] La Cour accepte le témoignage des appelants selon lequel ils avaient déclaré tous leurs revenus, à l'exception de ce qui a été admis par leur avocat et par Mme Scriven et M. Fraser. Les cotisations établies à l'égard des appelants sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations compte tenu du fait que leurs revenus déclarés doivent être redressés des montants suivants :

1992

1993

1994

À AJOUTER

Utilisation personnelle de produits

M. Fraser

520,00 $

520,00 $

520,00 $

Mme Fraser

520,00 $

520,00 $

520,00 $

Frais d'assurance

( 1 355,80 $)

( 1 377,60 $)

(1 389,60 $)

M. Fraser :    ½

677,90 $

688,80 $

694,80 $

Mme Fraser : ½

677,90 $

688,80 $

694,80 $

Frais de véhicule

(1 667,74 $)

M. Fraser :    ½

833,87 $

Mme Fraser : ½

833,87 $

À DÉDUIRE

DPA

(- 253,84 $)

M. Fraser :    ½

- 126,92 $

Mme Fraser : ½

- 126,92 $

[22] L'appel concernant l'imposition de pénalités est admis. La Cour a vu les deux appelants témoigner. Ce ne sont pas des gens d'affaires très avisés. Ils avaient discuté de l'utilisation personnelle de produits avec Mme Scriven, et les frais y afférents ont été déduits par suite d'une erreur involontaire. Il est facile de considérer des frais d'assurance-vie comme des frais d'entreprise, car il s'agit souvent d'une dépense d'entreprise légitime, et ces frais pourraient très bien avoir été considérés comme une forme d'assurance contre l'interruption des affaires. De même, au moins une partie des frais d'utilisation d'un véhicule peut avoir été indiquée dans les grands livres, ce que Mme Scriven a accepté sans poser de questions.

[23] Les appelants ont réussi à faire réduire de plus de la moitié l'ensemble des montants en cause. L'audience a duré une journée et demie. L'avocat des appelants a passé du temps en préparatifs aux fins de l'audience, et les causes des appelants comportaient de nombreux faits. Chaque appelant se voit adjuger des frais distincts entre parties, calculés comme suit :

M. Fraser

Mme Fraser

Préparatifs aux fins de l'audience

200 $

200 $

Procès : un jour et demi

900 $

900 $

Total

1 100 $

1 100 $

Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour d'octobre 1998.

« D. W. Beaubier »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 8ième jour d'avril 1999.

Mario Lagacé, réviseur

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