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Date: 19991026

Dossier: 98-1730-IT-I

ENTRE :

EUGENE M. YAREMY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Mogan C.C.I.

[1] En vertu du paragraphe 164(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu, le ministre du Revenu national a l’obligation de payer de l’intérêt sur l’impôt remboursé à un contribuable. En l'espèce, une somme d’impôt a été remboursée à l'appelant pour son année d’imposition 1991. Le montant de l’impôt n’est pas contesté. Cependant, l'appelant prétend que le ministre ne lui a pas payé suffisamment d’intérêt sur l’impôt remboursé.

[2] L'appelant a déjà interjeté appel à l’encontre d’une cotisation établie à l’égard de son année d’imposition 1991, et la décision est publiée à 95 DTC 177. C’est par pure coïncidence que j’ai entendu tant le précédent que le présent appel. Dans l’appel précédent, l'appelant avait tenté de révoquer le choix qu’il avait fait aux termes du paragraphe 217(2) de la Loi, mais il était trop tard pour ce faire. Bien que le présent tribunal ait rejeté l’appel précédent dans un jugement daté du 29 juillet 1994, le ministre a délivré un avis de nouvelle cotisation à l'appelant le 21 juillet 1997 pour 1991, dans lequel le ministre a :

(i) réduit l’impôt total payable de 5 928,10 $ à 1 645,10 $;

(ii) accordé la somme de 72,48 $ d’intérêt sur le paiement en trop.

L'appelant fait valoir maintenant que la somme de 72,48 $ d’intérêt sur le paiement en trop n’est pas assez élevée.

[3] Voici quelles sont les circonstances qui ont concouru à l’établissement de la nouvelle cotisation du 21 juillet 1997. Lorsque l'appelant a produit sa déclaration de revenus pour 1991 (pièce R-1) en mars 1992, il était un non-résident du Canada et vivait en Autriche. Dans sa déclaration de revenus pour 1991, l'appelant a choisi d’être imposé comme un résident du Canada parce qu’il pensait pouvoir bénéficier de certaines déductions. Quand il a appris qu’il ne pourrait pas tirer avantage d’une déduction de 6 000 $ en particulier, il a essayé de révoquer son choix (d’être imposé comme un résident), mais, dans son appel précédent (95 DTC 177), le tribunal a décidé qu’il était trop tard pour le faire. En conséquence, l'appelant a dû vivre avec son choix d’être imposé comme un résident et il n’a pas pu déduire les 6 000 $ comme il l’avait escompté.

[4] En vertu d’un décret (C. P. 1994-1780) daté du 25 octobre 1994 (pièce A-1), le ministre du Revenu national était autorisé à rembourser l’impôt sur le revenu, l’intérêt et la pénalité qui n’auraient pas été payables par un non-résident pour 1991 si une modification apportée à l’article 217 de la Loi de l’impôt sur le revenu (portant sur l’impôt sur les pensions) en 1991 n’était pas applicable en 1991. Quand il a appris que le décret avait été pris, l'appelant a écrit à Revenu Canada le 27 mars 1997 (pièce R-4) et demandé au ministère de réexaminer sa déclaration de revenus pour 1991 à la lumière du décret. Comme réponse, Revenu Canada lui a transmis un Avis de nouvelle cotisation daté du 21 juillet 1997 (pièce R-5) dans lequel le ministère avait calculé l’impôt conformément à la déclaration de revenus initiale de l'appelant pour 1991 (pièce R-1). L’impôt total s’élevait à la somme de 1 645,10 $, tel que mentionné au paragraphe 2 ci-dessus, et l’intérêt sur le paiement en trop à 72,48 $.

[5] L'appelant et l’intimée s’entendent sur le fait que l’intérêt sur le paiement en trop a été calculé pour la période allant du 2 avril 1997 au 21 juillet 1997. L'appelant prétend, toutefois, que l’intérêt devrait être calculé pour la période allant de mars/avril 1992, lorsqu’il a produit sa déclaration de revenus pour 1991, au 21 juillet 1997, lorsque l’impôt a été calculé définitivement d’une manière qui correspondait au revenu et à l’impôt totaux déclarés dans sa déclaration de revenus pour 1991. En l'espèce, il s’agit de déterminer la période pour laquelle l’intérêt sur le paiement en trop doit être calculé.

[6] Pour statuer sur cet appel, il faut tenir compte de certains documents importants qui ne sont pas décrits ci-dessus. Le 3 juin 1992, le ministre a établi une première cotisation (pièce R-2) à l’égard de l'appelant pour l'année d'imposition 1991 et dans cette cotisation le ministre a refusé la déduction de 6 000 $ qui était la question en litige dans l’appel précédent (95 DTC 177). Cette cotisation du 3 juin 1992 est le point de départ de la “ période normale de nouvelle cotisation” au sens du paragraphe 152(3.1) de la Loi. Pour un particulier tel que l'appelant, la période normale de nouvelle cotisation dure 36 mois, soit du 3 juin 1992 au 3 juin 1995.

[7] Quand l'appelant a reçu l’Avis de nouvelle cotisation pour 1991 daté du 21 juillet 1997 (pièce R-5), il a déposé un Avis d’opposition daté du 11 août 1997 (pièce A-2) dans lequel il a prétendu que l’intérêt sur le paiement en trop n’était pas assez élevé. Dans une lettre datée du 1er avril 1998 (pièce A-3) envoyée à l'appelant, Revenu Canada a répondu à l’opposition et a dit que : (i) la nouvelle cotisation datée du 21 juillet 1997 avait été établie en vertu du paragraphe 152(4.2) de la Loi; (ii) l’intérêt sur le paiement en trop était calculé à compter du 2 avril 1997, date à laquelle Revenu Canada avait reçu la lettre (pièce R-4) dans laquelle l'appelant avait formulé sa demande; (iii) la récente nouvelle cotisation (pièce R-5) ne pouvait faire l’objet d’opposition ou d’appel parce qu’elle avait été établie après la période normale de nouvelle cotisation. La réaction de l'appelant à la suite de la lettre de Revenu Canada du 1er avril 1998 (pièce A-3) a été de déposer un Avis d’appel devant cette cour.

[8] L’intimée a formulé l’objection préliminaire suivante dans la Réponse à l’avis d’appel :

[TRADUCTION]

Il est respectueusement soumis que l’appel interjeté par l’appelant à l’encontre de l'année d'imposition 1991 devrait être rejeté étant donné que la nouvelle cotisation établie à l’égard de la déclaration de revenus de l'appelant pour l'année d'imposition 1991 l’a été après la période normale de trois ans et selon le paragraphe 152(4.2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (“ Loi ”) et que l'appelant est dans l’impossibilité d’interjeter appel à l’encontre de cette nouvelle cotisation en vertu du paragraphe 165(1.2) de la Loi.

L’intimée a ensuite fait valoir de manière subsidiaire que la nouvelle cotisation du 21 juillet 1997 était valide et devrait être maintenue. Je vais tout d’abord examiner l’objection préliminaire. Les dispositions pertinentes de la Loi disposent :

152(3.1) (Reformulé)

La période normale de nouvelle cotisation applicable à un contribuable pour une année d’imposition est celle qui se termine trois ans suivant le jour de mise à la poste d’un avis de première cotisation pour l’année.

152(4.2) [...] pour déterminer à un moment donné après la fin de la période normale de nouvelle cotisation applicable à un contribuable - particulier [...] pour une année d’imposition le remboursement auquel le contribuable a droit à ce moment pour l’année ou la réduction d’un montant payable par le contribuable pour l’année en vertu de la présente partie, le ministre peut, sur demande du contribuable :

a) établir de nouvelles cotisations concernant l’impôt, les intérêts ou les pénalités payables par la contribuable pour l’année en vertu de la présente partie;

b) [...]

165(1.2) Malgré les paragraphes (1) et (1.1), aucune opposition ne peut être faite par un contribuable à une cotisation établie en application des paragraphes 118.1(11), 152(4.2), 169(3) ou 220(3.1). Il est entendu que cette interdiction vaut pour les oppositions relatives à une question pour laquelle le contribuable a renoncé par écrit à son droit d’opposition.

[9] Aux fins du paragraphe 152(3.1), la date de mise à la poste de l’avis de première cotisation pour l'année d'imposition 1991 de l'appelant est le 3 juin 1992. Voir pièce R-2. En conséquence, la période normale de nouvelle cotisation applicable à l'appelant pour 1991 s’est terminée le 3 juin 1995 conformément au paragraphe 152(3.1). La nouvelle cotisation en appel a été établie le 21 juillet 1997 (pièce R-5) bien après la période normale de nouvelle cotisation. Cette nouvelle cotisation a été établie pour répondre à la demande formulée par l'appelant dans sa lettre du 27 mars 1997 (pièce R-4) et pour le motif que la somme d’impôt payable était réduite et que l'appelant avait droit à un remboursement. En outre, il est clairement mentionné dans la nouvelle cotisation qui fait l’objet de l’appel qu’un rajustement a été effectué selon la lettre de l'appelant du 27 mars 1997. Je suis convaincu que la nouvelle cotisation en appel a été établie en vertu du paragraphe 152(4.2) parce qu’elle l’a été à la demande de l'appelant. De plus, il n’y a aucun élément de preuve établissant qu’est satisfaite l’une des conditions visées au paragraphe 152(4) qui auraient autrement permis au ministre d’établir une cotisation après la période normale de nouvelle cotisation. En d’autres mots, selon la preuve, le pouvoir du ministre d’établir la nouvelle cotisation en appel se fonde uniquement sur la demande de l'appelant, pièce R-4, et les dispositions du paragraphe 152(4.2)

[10] Ayant conclu que la nouvelle cotisation en appel a été établie en vertu du paragraphe 152(4.2), je conclus aussi que le paragraphe 165(1.2) s’applique et que l'appelant ne pouvait pas faire une opposition valable à cette nouvelle cotisation. S’il est impossible de faire une opposition valable, alors aucun appel valable ne peut être interjeté en vertu du paragraphe 169(1). Je maintiens l’objection préliminaire formulée par l’intimée et je rejette l’appel.

[11] Parce que l'appelant s’est représenté lui-même et que l’objection préliminaire formulée par l’intimée est technique, je vais répondre brièvement à certains des arguments de l'appelant et expliquer pourquoi je pense que la période que le ministre a utilisé pour calculer l’intérêt sur le paiement en trop était exacte.

[12] Dans le paragraphe 5 de l’Avis d’appel, l'appelant déclare que la période normale de nouvelle cotisation de trois ans vise à accorder au contribuable un délai de trois ans pour effectuer des rajustements à sa déclaration de revenu. Ce n’est pas le cas. La période normale de nouvelle cotisation vise à accorder au ministre un délai de trois ans durant lequel il peut établir une nouvelle cotisation sans avoir à démontrer que le contribuable a fait une présentation erronée des faits ou commis une faute. Voir le paragraphe 152(4).

[13] Le ministre a calculé l’intérêt sur le paiement en trop pour la période allant du 2 avril 1997 (date à laquelle Revenu Canada a reçu la lettre (pièce R-4) dans laquelle l'appelant formulait sa demande) au 21 juillet 1997 (date de l’Avis de nouvelle cotisation, pièce R-5, qui accordait le rajustement demandé par l'appelant). L’intérêt sur le paiement en trop s’élevait à la somme de 72,48 $, et le ministre soutient l’avoir calculé en vertu du paragraphe 164(3.2) de la Loi qui est ainsi libellé :

164(3.2) Malgré le paragraphe (3), lorsqu’un paiement en trop par un contribuable pour une année d’imposition est déterminé par suite d’une cotisation établie en application des paragraphes 152(4.2) ou 220(3.1) ou (3.4) et qu’une somme y afférente est remboursée au contribuable, ou imputée à un autre montant dont le contribuable est redevable, en application des paragraphes (1.5) ou (2), le ministre paye au contribuable les intérêts afférents à cette somme aux taux prescrit ou les impute à ce montant, pour la période allant du jour de la réception par le ministre, sous une forme qu’il juge acceptable, de la demande en question jusqu’au jour où la somme est remboursée ou imputée, sauf si les intérêts ainsi calculés sont inférieurs à 1 $, auquel cas aucun intérêt n’est payé ni imputé en vertu du présent paragraphe.

Quand j’applique les dispositions du paragraphe 164(3.2), je suis convaincu que l’intérêt n’a pas commencé à courir avant que le ministre reçoive la demande de l'appelant pour un rajustement et que cette demande n’a pas été reçue avant le 2 avril 1997. Voir la pièce R-4. Voir également dans le paragraphe 164(3.2) le libellé suivant : “ [...] pour la période allant du jour de la réception par le ministre [...] de la demande [...] ”. Dans le paragraphe 2 de l’Avis d’appel, l'appelant a fait valoir que Revenu Canada avait l’obligation d’examiner sa première déclaration de revenus pour 1991 (pièce R-1) à la suite de l’adoption du décret de 1994 (pièce A-1) parce que ce décret avait invalidé la première cotisation du 3 juin 1992 (pièce R-2). C’est n’est pas le cas. La première cotisation établie à l’égard de l'appelant n’a pas été invalidée. Le décret autorisait seulement le ministre à remettre l’impôt et les intérêts. L'appelant devait demander cette remise.

[14] Finalement, l'appelant a produit comme pièce A-7 certains documents concernant Robert C. Day de Sidney, C.-B., un ami de l'appelant qui était un non-résident du Canada en 1991 dans des circonstances similaires à celles de l'appelant. L'appelant a tenté de faire valoir que M. Day avait reçu de l’intérêt sur son remboursement d’impôt à compter de la date de la production de sa déclaration de revenus. À mon avis, les documents produits en liasse sous la cote A-7 ne sont pas pertinents. Je les ai examinés et j’ai remarqué que : (i) dans le cas de M. Day, l'année d'imposition 1992 était en litige; (ii) son premier avis de cotisation a été délivré le 9 juin 1995. La “ période normale de nouvelle cotisation ” pour 1992 dans le cas de M. Day ne se terminait pas avant le 9 juin 1998 et, à la différence de l'appelant, il semble que M. Day ait demandé son remboursement d’impôt durant sa période normale de nouvelle cotisation. Quoi qu’il en soit, les documents concernant M. Day ne sont pas pertinents. L’appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 26e jour d’octobre 1999.

“ M. A. Mogan ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 28e jour de juin 2000.

Benoît Charron, réviseur

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