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Date : 19980212

Dossier : 95-1090-IT-G

ENTRE :

GERALD B. PRITCHETT,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Mogan, C.C.I.

[1] L'appelant interjette appel à l'encontre d'avis de nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1985, 1986 et 1987. L'appelant avait indiqué une “ perte au titre d'un placement d'entreprise ” de 564 745 $ pour l'année d'imposition 1986. Le ministre du Revenu national n'a accepté qu'une perte au titre d'un placement d'entreprise de 434 000 $ pour 1986. L'appelant prétend que la perte au titre d'un placement d'entreprise acceptée par le ministre devrait être augmentée d'un montant représentant le total de deux sommes (35 000 $ et 47 260 $) qui sont décrites plus loin. Dans ces appels, la seule question est de savoir si ces deux sommes devraient être ajoutées à la perte au titre d'un placement d'entreprise de 434 000 $ acceptée par le ministre.

[2] L'expression “ perte au titre d'un placement d'entreprise ” est définie à l'alinéa 39(1)c) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Pour 1985, la “ perte déductible au titre d'un placement d'entreprise ” (“ PDTPE ”) d'un contribuable était définie à l'alinéa 38(1)c) comme représentant la moitié de la perte du contribuable au titre d'un placement d'entreprise. Une perte autre qu'une perte en capital est définie à l'alinéa 111(8)b) comme incluant une PDTPE. L'appelant a utilisé son importante PDTPE pour 1986 afin d'établir une perte autre qu'en capital qu'il a reportée rétrospectivement sur 1985 et prospectivement sur 1987. Les années 1985 et 1987 font l'objet d'un appel uniquement parce que le montant de la PDTPE de l'appelant pour 1986 influe sur ces deux années-là.

[3] Dans les premiers mois de 1984, l'appelant avait constitué la Stash, O'Neill Enterprises Limited (la “ compagnie ”) sous le régime des lois de Terre-Neuve. La compagnie possédait et exploitait un “ relais routier ”, soit un restaurant, au centre commercial Village de St. John's (Terre-Neuve). De plus, dans la section des commerces d'alimentation du centre commercial Village, la compagnie possédait et exploitait un commerce où l'on vendait des beignes, un commerce où l'on vendait des “ sous-marins ” (sandwichs) et un commerce où l'on vendait de la pizza. À la fin de 1984, tous ces commerces d'alimentation étaient en exploitation. Au printemps 1985, la compagnie avait ouvert dans le centre-ville de St. John's, rue Duckworth, un bar-restaurant appelé “ Dallas ”.

[4] Pour financer la création, l'ouverture et l’exploitation de ces restaurants et commerces d'alimentation, la compagnie avait emprunté environ 400 000 $ à la Banque Toronto-Dominion (“ Banque TD ”), c'est-à-dire à la succursale principale de cette banque à St. John's (rue Water). La banque détenait une débenture à taux variable différé sur tous les actifs de la compagnie. Un véritable problème s'était posé immédiatement après l'ouverture du Dallas en raison d'une grève dans l’industrie de la bière dans l'ensemble de Terre-Neuve. D'autres restaurants et débits de boissons de St. John's avaient prévu la grève et s'étaient approvisionnés en conséquence ou avaient raflé tout ce qu’ils pouvaient juste après le début de la grève. Comme le Dallas était un nouveau débit de boissons sans fournisseur établi, il s'était immédiatement trouvé à court de bière et avait beaucoup souffert de la longue grève. Le témoignage de l'appelant, témoignage qui n'a pas été contesté, indiquait que le Dallas perdait environ 13 000 $ par mois en restant ouvert, alors que, s'il avait été fermé, la compagnie n'aurait perdu que 7 000 $ par mois. Ainsi, l'appelant avait décidé de fermer le Dallas en octobre 1985, et cet établissement était resté fermé jusqu'en avril 1986.

[5] Les pertes importantes du Dallas avaient vraiment grevé les ressources financières de la compagnie. L'appelant était retourné à la Banque TD pour obtenir du financement supplémentaire. Il estimait qu'il fallait environ 750 000 $ pour remettre la compagnie à flot et rouvrir le Dallas. Apparemment, la limite de prêt de la Banque TD pour un seul et unique client était de 500 000 $ à Terre-Neuve; ainsi, la demande de prêt de la compagnie avait dû être soumise au directeur régional, qui était en Nouvelle-Écosse. Comme condition du financement supplémentaire, la banque avait premièrement exigé que la compagnie retienne les services d'un comptable agréé compétent pour que ce dernier surveille l'exploitation des commerces d'alimentation de la compagnie et fournisse à la banque des états mensuels; deuxièmement, la banque avait exigé un moratoire sur les mesures de recouvrement des autres créanciers de la compagnie.

[6] La compagnie avait retenu les services de Raymond Noseworthy, soit un comptable agréé d'expérience de St. John's, qui a témoigné à l'audition de ces appels. M. Noseworthy avait commencé en janvier 1986; dans son témoignage, il a dit ceci : “ J'ai supervisé l'exploitation de la compagnie pendant un certain nombre de mois et, dans le cours de l'établissement des états mensuels et des projections de trésorerie, je communiquais constamment avec la Banque Toronto-Dominion ” (transcription — page 10). M. Noseworthy a décrit les négociations qu'il y avait eu avec les créanciers autres que la banque. Plus particulièrement, les fournisseurs avaient convenu de ne pas réclamer le paiement immédiat des sommes qui leur étaient dues et de continuer à approvisionner la compagnie, moyennant paiement comptant. La ville de St. John's avait accepté de différer la prise de mesures de recouvrement concernant les impôts fonciers. Les autorités responsables de la taxe de vente au détail de la province avaient également consenti à différer la prise de mesures de recouvrement, pourvu que les taxes soient payées au fur et à mesure. Enfin, Revenu Canada avait accepté de différer la prise de mesures de recouvrement si l'appelant garantissait personnellement le paiement de certaines “ retenues à la source ” à l’égard desquelles la compagnie avait un arriéré relativement à sa feuille de paye. L'appelant avait à cette époque personnellement droit à un remboursement important d'environ 50 000 $. Au lieu de se faire payer immédiatement ce montant, l'appelant avait accepté que Revenu Canada retienne l’argent comme garantie du versement des retenues à la source en souffrance.

[7] Au cours des premiers mois de 1986, l'appelant et M. Noseworthy avaient travaillé assidûment à répondre aux conditions de la banque en ce qui a trait au financement supplémentaire. Ils avaient satisfait aux conditions concernant le moratoire sur les mesures de recouvrement des quatre créanciers en cause, et M. Noseworthy avait fourni à la banque des états mensuels indiquant que la compagnie se sortait petit à petit de ses difficultés financières. L'appelant a dit que, comme il avait été satisfait à ces conditions, il avait bon espoir que la banque fournirait le financement nécessaire à la relance de l'ensemble des activités de la compagnie. En avril 1986, la banque n'ayant pas confirmé qu'elle accorderait le financement supplémentaire, l'appelant avait rouvert l'établissement Dallas du centre-ville de St. John's, mais à titre d’entreprise individuelle, et il payait un loyer à la compagnie pour les locaux.

[8] Vers la fin de mai ou le début de juin 1986, la banque avait informé M. Noseworthy et l'appelant que le financement supplémentaire ne serait pas accordé et elle avait mis la compagnie en demeure de rembourser dans les cinq jours tous les prêts impayés. Cette mise en demeure annonçait en fait la chute de la compagnie, car celle-ci n'avait pas les ressources nécessaires pour rembourser ses emprunts impayés. Au cours de cette période de cinq jours, la banque avait fait intervenir un séquestre de la Nouvelle-Écosse et avait saisi tous les actifs de la compagnie. D'après M. Noseworthy, le séquestre avait été nommé par la banque non pas pour exploiter l'entreprise mais pour la fermer immédiatement. Apparemment, le séquestre avait mis un terme aux activités de la compagnie vers la fin de mai ou le début de juin 1986 et avait vendu tous les actifs disponibles à des prix qui, d'après l'appelant, ne représentaient qu'une fraction du coût ou de la valeur de ces actifs.

[9] L'appelant avait personnellement garanti tous les prêts consentis à la compagnie par la banque. Ainsi, la banque avait pris des mesures pour recouvrer ce qu'elle pouvait auprès de l'appelant. Cela m'amène à la première somme en litige, qui s'élève à 35 000 $. La pièce A-1 est un carnet de banque délivré par la Banque TD à l’égard du compte no 157-208 détenu à la succursale que la banque avait à Place TD, rue Water, à St. John's (Terre-Neuve). Le carnet de banque, dans lequel ne figure pas le nom du client de la banque qui avait ce compte, comporte une seule inscription, laquelle fait état d'un dépôt de 30 000 $ en date du 29 mars 1985. Cette inscription, qui figure sur une seule ligne, indique un solde de 30 000 $, et il n'y a rien d'autre dans le carnet de banque qui indique ce qui est arrivé des 30 000 $. Dans sa déposition orale, l'appelant a exposé très clairement les faits suivants : (i) le compte no 157-208 était son compte personnel; (ii) il avait déposé les 30 000 $ dans ce compte le 29 mars 1985; (iii) il avait laissé cette somme en dépôt comme garantie d'une partie des prêts que la banque avait consentis à la compagnie; (iv) ce dépôt avait rapporté environ 5 000 $ d'intérêts au cours des 12 mois suivants, soit jusqu'en mars 1986; (v) la banque avait saisi 35 000 $ au printemps 1986 lors de ses tentatives pour recouvrer le montant total, capital et intérêts, que la compagnie n'avait pas payé relativement à sa dette très importante envers la banque.

[10] D'après le témoignage de M. Antle, soit un employé de Revenu Canada, des cotisations avaient antérieurement été établies à l'égard de l'appelant, soit en 1990 et en 1991, pour les trois années d'imposition faisant l'objet des présents appels, et il y avait eu opposition à ces cotisations. Dans le cadre des discussions qui s'ensuivirent entre l'appelant ou ses représentants et Revenu Canada, on n'avait fourni à Revenu Canada aucune documentation à l'appui de la demande de déduction de l'appelant concernant la perte de 35 000 $ découlant de la saisie, par la banque, du compte d'épargne correspondant au carnet de banque. Dans le témoignage qu'il a présenté à la Cour, l'appelant a dit que le carnet de banque avait été retrouvé par son épouse seulement un an avant l'audition des présents appels et n'avait donc pu être produit à quelque moment que ce soit au cours des discussions précédentes entre l'appelant ou ses représentants et Revenu Canada.

[11] Je retiens le témoignage de l'appelant selon lequel le carnet de banque avait été égaré et n'a été retrouvé qu'environ un an avant l'audition des présents appels. Le fait d'accepter son témoignage sur cette question précise ne signifie pas que sa demande est confirmée pour ce qui est de la perte de 35 000 $ provenant de la saisie du compte bancaire. Le fait que le carnet de banque a été retrouvé et qu'on n'a pas agi au moment où on l'a découvert soulève trop de questions concernant la propriété des 30 000 $ et l'utilisation ou la disposition finale de cette somme. Par exemple, il n'y a aucun élément de preuve au sujet de la propriété du compte no 157-208. Aucun nom ne figure dans le carnet de banque. Il n'y a aucun élément de preuve (autre que la déclaration sous serment de l'appelant) quant à la disposition finale du solde de 30 000 $ du compte. Rien ne prouve que la somme déposée dans ce compte ait été donnée en gage à la Banque TD à l'appui de tout emprunt de la compagnie. Enfin, rien ne prouve que la somme en dépôt ait été saisie par la Banque TD à un moment quelconque.

[12] Si ce carnet de banque a été retrouvé environ un an avant l'audition des présents appels, pourquoi l'appelant ne l'a-t-il pas apporté à la succursale locale de la Banque TD située à St. John's et ne l'a-t-il pas simplement présenté pour le faire mettre à jour? Une procédure aussi simple aurait obligé la banque à faire des recherches dans ses dossiers (peut-être dans ses dossiers sur microfilms de 1985) et à déterminer la propriété de ce compte, puis à retracer l'utilisation des 30 000 $ indiqués comme étant en dépôt au 29 mars 1985. Aucun élément de preuve n'établit pourquoi l'appelant n'a pas pris cette simple mesure consistant à présenter le carnet à la banque et à demander que celle-ci confirme la propriété du compte et la disposition finale des 30 000 $ indiqués comme étant en dépôt.

[13] Compte tenu des circonstances de l'espèce, je ne devrais pas avoir à me fonder sur le témoignage de l'appelant, non corroboré, selon lequel : le compte no 157-208 détenu à la Banque TD était son compte; l'appelant avait un solde de 30 000 $ ou de 35 000 $ en dépôt dans ce compte durant toute la période pertinente; la banque a saisi l'argent que l'appelant avait en dépôt. De meilleurs éléments de preuve étaient aisément accessibles. La règle de la meilleure preuve a été écartée comme règle permettant d'exclure des éléments de preuve, mais elle est utile dans la détermination du poids à accorder aux éléments de preuve. L'observation suivante concernant cette règle figure dans “ The Law of Evidence in Civil Cases ”, de Sopinka et Lederman (Butterworth 1974) :

[TRADUCTION]

Bien que la règle soit encore invoquée relativement à des questions autres que l'admission d'une preuve secondaire de documents, elle est invoquée comme raison pour attribuer moins de poids à la preuve présentée plutôt que comme raison pour exclure la preuve présentée.

La règle telle qu'elle s'applique à l'admission d'une preuve secondaire de documents n'est pas aussi étroite que le jugement de lord Denning le laisse entendre. Il est douteux que lord Denning ait voulu faire un énoncé définitif de la règle en ce qui a trait à l'application de celle-ci à des documents. Une partie cherchant à présenter une preuve secondaire doit faire davantage que simplement démontrer qu'elle ne dispose pas du document.

Dans l'affaire R. v. Swartz, (1977) 37 C.C.C. (2d) 409, la Cour d'appel de l'Ontario a cité avec approbation le passage suivant de Halsbury (4d), volume 17, page 8 :

[TRADUCTION]

Le fait que la preuve doit être la meilleure preuve que permette la nature de l'affaire est non seulement une question de prudence évidente, mais également un principe de longue date. Cependant, toute interprétation stricte de ce principe a été abandonnée depuis longtemps, et la règle n'a maintenant d'importance que relativement à la preuve principale de documents privés. La logique consistant à exiger la production d'un document original lorsqu'il en existe un plutôt que de se fonder sur [...] le souvenir de témoins, est claire [...]

Cet examen du droit effectué par la Cour d'appel de l'Ontario dans l'affaire Swartz a été approuvé par la Cour suprême du Canada. La Loi sur la preuve au Canada prévoit à l'article 29 une procédure pour faire la preuve d'une inscription dans un livre ou registre de banque. Le paragraphe 29(2) se lit en partie comme suit :

29(2) Une copie d'une inscription dans ce livre ou registre n'est pas admise en preuve sous le régime du présent article à moins qu'il n'ait préalablement été établi que le livre ou registre était, lors de l'inscription, l'un des livres ou registres ordinaires de l'institution financière [...] Cette preuve peut être fournie [...] par tout employé de l'institution qui connaît le contenu du livre ou du registre et peut être donnée de vive voix ou par affidavit devant un commissaire ou une autre personne autorisée à recevoir les affidavits.

[14] La pièce A-1 est le carnet de la Banque TD relatif au compte no 157-208 détenu à la succursale de la “ Place TD ” de St. John's (Terre-Neuve). Lorsque, environ un an avant l'audition des présents appels, l'appelant a retrouvé ce carnet de banque, il avait au moins deux possibilités. Il aurait pu présenter le carnet de banque à la succursale bancaire qui l'avait délivré et en demander la mise à jour pour démontrer ce qui était arrivé au dépôt de 30 000 $. Ou encore, il aurait pu demander à un employé compétent de cette succursale de faire une déclaration sous serment quant à la propriété de ce compte et quant à la disposition de tous fonds en dépôt. Les paragraphes 29(4) et (5) de la Loi sur la preuve au Canada prévoient l'utilisation d'un tel affidavit devant un tribunal. Pour une raison quelconque, l'appelant ne s'est pas prévalu de ces possibilités.

[15] Pour paraphraser le passage précité de Halsbury, je dirai simplement que toute preuve doit être la meilleure preuve que permette la nature de l'affaire. J'accorde très peu de poids à la déposition sous serment de l'appelant, car ce dernier n'a pris aucune mesure pour obtenir de la banque une preuve aisément accessible concernant la propriété du compte no 157-208 et la disposition de tous fonds en dépôt dans ce compte.

[16] Le fait que l'appelant n'a pas obtenu de la Banque TD une preuve facilement accessible concernant le carnet de banque (pièce A-1) peut justifier que l'on en déduise que la preuve que la banque aurait fournie aurait été défavorable à l'appelant. Voir le jugement Murray v. Saskatoon, [1952] 2 D.L.R. 499, aux pages 505 et 506. C'est à l'appelant qu'il incombe de s'acquitter de la charge de la preuve, et il ne s'en est pas acquitté. Son appel concernant la somme de 35 000 $ est rejeté.

[17] La deuxième somme en litige est la somme de 47 260 $, soit le montant du remboursement auquel l'appelant avait personnellement droit en 1985, lorsqu'il négociait un refinancement de la compagnie avec la Banque TD. À cette époque, la banque exigeait un moratoire sur toute mesure de recouvrement de la part de quatre créanciers, soit : les fournisseurs; la ville de St. John's; les autorités responsables de la taxe de vente au détail de la province; Revenu Canada. En 1985, l'appelant avait droit à un remboursement personnel de 47 260 $ que Revenu Canada lui devait. À la même époque, toutefois, la compagnie avait omis de verser des retenues à la source représentant environ 50 000 $ relativement à sa feuille de paye. L'appelant a témoigné que, au cours des négociations relatives au moratoire sur les mesures de recouvrement de Revenu Canada, le ministère avait exigé que l'appelant lui cède son remboursement personnel de 47 260 $ comme garantie du paiement final des retenues à la source non versées ou comme transfert direct de fonds qui seraient portés au crédit du passif de la compagnie au titre des retenues à la source. Revenu Canada admet que cet arrangement a été conclu, et l’alinéa 3c) de la réponse à l'avis d'appel indique que le ministre s'est fondé sur le fait suivant dans l'établissement des cotisations faisant l'objet des appels :

[TRADUCTION]

3c) au cours des années 1984, 1985 et 1986, l'appelant a payé à l'intimée une somme totale de 47 260 $ au titre d'arriérés de retenues à la source de la compagnie non versées;

Dans le témoignage qu'il a présenté pour l'intimée, M. Antle a corroboré l'énoncé précité. Un autre fait sur lequel s'était fondé le ministre est énoncé à l'alinéa 3g) de la réponse à l'avis d'appel :

[TRADUCTION]

3g) de plus, l'appelant n'a pas établi que cette somme de 47 260 $ ou une partie quelconque de cette somme n'a pas été incluse dans le calcul du solde du compte de prêt de l'actionnaire appelant, déjà admis comme perte au titre d'un placement d'entreprise;

[18] À mon avis, les deux faits précités qui sont invoqués par l'intimée aux alinéas 3c) et 3g) ne sont pas compatibles. D'après l'alinéa 3c), l'appelant a payé une somme totale de 47 260 $ “ au cours des années 1984, 1985 et 1986 ”. Cela m'indique que la somme a été payée sur une période de trois ans. D'après l'alinéa 3g), l'appelant n'a pas établi que la somme de 47 260 $ “ ou une partie quelconque de cette somme ” n'a pas été incluse dans le calcul du solde du compte de prêt de l'actionnaire appelant. D'après le témoignage de M. Antle, l'état financier de la compagnie au 30 novembre 1985 était le dernier état financier dont disposait Revenu Canada. Dans cet état financier, un solde du compte de prêt de l'actionnaire favorable à l'appelant indiquait que la compagnie devait à l'appelant environ 335 000 $. D'après M. Antle, il n'y avait pas eu d'analyse du compte de prêt de l'actionnaire, et Revenu Canada n'avait aucun moyen de déterminer quelles étaient les diverses inscriptions comptables correspondant à la somme totale de 335 000 $. En d'autres termes, Revenu Canada ne pouvait déterminer si la totalité ou une partie des 47 260 $ avait déjà été portée au crédit du compte de prêt de l'actionnaire, car ces fonds avaient été transférés, du compte de remboursement d'impôt personnel de l'appelant à Revenu Canada, au compte de retenues à la source de la compagnie, compte qui était déficitaire.

[19] Le dossier de l'appelant avait été assigné à M. Antle en 1993. À cette époque, un des prédécesseurs de ce dernier avait déjà accepté de reconnaître à l'appelant la somme totale de 335 000 $ du compte de prêt de l'actionnaire comme faisant partie de la perte de l'appelant au titre d'un placement d'entreprise. M. Antle a dit que, après avoir pris le dossier, il avait accepté de reconnaître à l'appelant certaines sommes supplémentaires au titre de “ quelque chose d'autre ”. En expliquant ce à quoi correspondait ce “ quelque chose d'autre ”, M. Antle a donné la description suivante dans son témoignage :

[TRADUCTION]

R. Et ce quelque chose d'autre, c'était, dans sa déduction totale de 564 000 $, soit le total de la perte au titre d'un placement d'entreprise, c'était, dis-je, ces soldes, ces soldes de compte de prêt de l'actionnaire, l'un concernant Mad Gerry, et l'autre, Stash O'Neill. Étaient toutefois énumérés de nombreux autres éléments en sus, et ce que j'avais consenti à admettre — je reconnaissais ou j'avais cru comprendre à l'époque que la compagnie avait mis fin à ses activités le 30 novembre 1985 — c'était la plupart des dépenses énumérées dans son document de travail, qui avaient été payées après le 30 novembre 1985, reconnaissant qu'elles ne figureraient pas dans un compte de prêt de l'actionnaire, car nous avions déjà admis ce solde au 30 novembre 1985. Il y avait plusieurs petits montants d'énumérés que j'avais accepté d'admettre, soit des sommes payées après cette date. Les seules sommes que je n'avais pas admises... il y avait trois éléments, et il y en a deux qui sont aujourd'hui en litige. Dans un cas, il s'agit du paiement des retenues à la source de la compagnie; dans l'autre cas, il s'agit du dépôt à terme de 35 000 $ que l'on a pris. La raison pour laquelle ces éléments n'avaient pas été admis tient au fait que Revenu Canada estimait que ces éléments... eh bien, concernant les 35 000 $, il n'y avait absolument aucune documentation à l'appui, et Revenu Canada estimait qu'il aurait dû y avoir de la documentation sous forme de lettres de la banque à l'époque où l'on a pris le billet ou sous forme de documents juridiques. Il n'y avait toutefois absolument aucun document à l'époque pour m'indiquer ne serait-ce que le fait que la somme existait, que le dépôt à terme existait. Donc, il n'y avait absolument rien pour étayer la demande. En ce qui a trait aux retenues à la source payées par M. Pritchett, je crois comprendre que ces paiements ont effectivement été faits en 1984, en 1985 et en 1986. Bon nombre de ces paiements ont été faits avant la cessation des activités de la compagnie. Ainsi, la question est la même, à savoir qu'ils peuvent avoir déjà été admis en tant qu'éléments inclus dans le compte de prêt de l'actionnaire. Nous ne le savons pas. Pour ce qui est des sommes payées après la cessation des activités de la compagnie, nous estimions que, en raison de procédures judiciaires, elles n'étaient pas admissibles.

M. RUSSELL :

Q. En ce qui concerne le montant total de la PDTPE qui a été déduite, soit le montant de 564 000 $, pouvez-vous dire à la Cour à peu près quelle somme Revenu Canada a fini par admettre?

R. Revenu Canada a accepté le montant de 434 000 $, ce qui équivalait comme partie admissible à 217 000 $.

[...]

Q. Et à quoi correspond la différence entre les 434 000 $ qui ont été acceptés et les 564 000 $ qui avaient été indiqués?

R. Eh bien, dans le document de travail original concernant le calcul de la perte déductible au titre d'un placement d'entreprise, M. Pritchett ou la personne ayant établi le document de travail avait estimé à 50 000 $ plutôt qu'à 47 000 $ les sommes prises par Revenu Canada. Donc...

Q. Vous parlez des 47 260 $ indiqués dans la réponse?

R. Oui, monsieur.

Q. D'accord.

R. Dans son calcul de la perte déductible au titre d'un placement d'entreprise, il a simplement inscrit un chiffre rond, soit 50 000 $, et les 35 000 $ représentant le montant du billet. Cela fait donc 85 000 $, et il y avait des paiements à Noseworthy, à Keating, à Howard et à Kung, soit des paiements d'environ 15 000 $ relativement auxquels aucune documentation n'a été fournie.

Q. D'accord. Donc, la différence tient aux trois éléments que vous n'avez pas acceptés?

R. Oui.

(Transcription — pages 118 à 122)

[20] Je reconnais que toute somme payée par l'appelant au nom de la compagnie avant le 30 novembre 1985 aurait pu et aurait dû être portée au crédit de son compte de prêt de l'actionnaire dans les livres et registres de la compagnie. En ce qui a trait à la deuxième somme, soit la somme de 47 260 $ que l’intimée mentionne elle-même dans ses actes de procédure, elle était en la possession de Revenu Canada en tant que remboursement auquel l'appelant avait personnellement droit, et Revenu Canada était mieux placé pour indiquer précisément à la Cour quand cette somme avait été transférée du compte de remboursement personnel de l'appelant au compte de la compagnie, pour régler le déficit du compte de retenues à la source. Si je m'en tiens au fait invoqué par le ministre à l'alinéa 3c) de la réponse à l'avis d'appel, il me faut conclure que la somme de 47 260 $ a été prise dans le compte personnel de l'appelant et versée dans le compte de retenues à la source de la compagnie “ au cours des années 1984, 1985 et 1986 ”. Si une partie de cette somme a été payée au cours de chacune de ces trois années, il est évident que la partie payée en 1986 ne pouvait être incluse dans le compte de prêt de l'actionnaire au 30 novembre 1985, car la somme n'aurait pas été transférée au profit de la compagnie à cette date-là. Donc, une partie des 47 260 $ doit avoir été payée en 1986 et après le 30 novembre 1985, et cette partie ne serait pas un élément du compte de prêt de l'actionnaire qui a été admis en totalité.

[21] Il n'y a aucun élément de preuve précis permettant de savoir quelle partie des 47 260 $ a été transférée par Revenu Canada au compte de retenues à la source de la compagnie au cours de 1984, de 1985 ou de 1986. Comme ce renseignement est davantage entre les mains de Revenu Canada qu'entre celles de l'appelant, je me propose d'accorder à l'appelant le bénéfice du doute et présumerai que le tiers de cette somme a été transféré au cours de chacune des trois années en question. Je conclus donc que la somme de 15 753 $ a été transférée du compte personnel de l'appelant au compte de retenues à la source de la compagnie à un moment donné au cours des premiers mois de 1986, avant que, vers le 1er juin 1986, le séquestre mette un terme aux activités de la compagnie.

[22] En conséquence, l'appel n'est admis que de manière à augmenter de 15 753 $ la perte de l'appelant au titre d'un placement d'entreprise pour 1986 et, si la répartition de 50 p. 100 s'appliquait en 1985, il devrait y avoir dans la PDTPE de l'appelant une augmentation correspondante de 7 876 $. L'appel concernant 1986 n'est admis que de manière à accorder cette mesure de redressement, ainsi que les mesures de redressement correspondantes pouvant s'appliquer aux années 1985 et 1987. Comme l'intimée a eu gain de cause en grande partie dans les appels relatifs aux trois années, elle a droit à des frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour de février 1998.

M. A. Mogan

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 17e jour de juillet 1998.

Philippe Ducharme, réviseur

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