Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 20000523

Dossiers: 1999-2161-EI; 1999-2165-EI; 1999-2269-EI; 1999-2279-EI; 1999-2277-EI

ENTRE :

HAMID SHAKIBAIAN, 9017-4772 QUEBEC INC., MAJID SHAKIBAIAN, AFAGH RAZAVI,

appelants,

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Cuddihy, C.C.I.

[1] Les appels dont il s'agit ont été entendus sur preuve commune à Québec (Québec) le 11 avril 2000.

I- Les appels

[2] Ces appels sont interjetés à l'encontre de trois décisions du ministre du Revenu national (le « Ministre » ) en date du 19 novembre 1998 selon lesquelles l'emploi exercé par Hamid Shakibaian (le « travailleur Hamid » ) du 1er avril 1996 au 4 janvier 1997, l'emploi exercé par Majid Shakibaian (le « travailleur Majid » ) du 2 septembre 1996 au 5 septembre 1997 pour 9017-4772 Quebec Inc. (le « payeur » ) ainsi que l'emploi exercé par Afagh Razavi du 24 juin 1991 au 18 janvier 1992 pour 1034 St-Jean Inc. (le « payeur St-Jean » ) n'étaient pas des emplois assurables au sens de la Loi sur l'assurance-emploi (la « nouvelle Loi » ), auparavant appelée la Loi sur l'assurance-chômage (l' « ancienne Loi » ), parce que, d'après le ministre, les appelants n'étaient pas employés par les payeurs aux termes d'un contrat de louage de services.

II- Les faits

[3] Dans ses décisions, le ministre se fondait sur les faits et motifs énoncés dans les réponses de l'intimé aux avis d'appel.

[4] Aux fins de ces appels, il suffira d'exposer les faits énoncés au paragraphe 6 en ce qui a trait aux appels nos 1999-2161(EI), 1999-2279(EI) et 1999-2277(EI), respectivement.

Concernant l'appel no 1999-2161(EI) :

[TRADUCTION]

a) le payeur a été constitué le 8 mars 1995;

b) l'actionnaire du payeur ayant la majorité des actions avec droit de vote serait Agnieska Chalupa;

c) Agnieska Chalupa était une amie et une partenaire commerciale de l'appelant;

d) Majid Shakibaian est le frère de l'appelant;

e) le payeur n'a pas répondu à la demande écrite de documents présentée par l'intimé;

f) le payeur, entre autres compagnies et noms commerciaux enregistrés, exploitait, au mail St-Roch, un restaurant appelé « La Palmeraie » ;

g) le 12 février 1993, l'appelant, faisant affaire sous le nom de « Marathon Canada » , a contracté un emprunt de 400 000 $ pour exploiter le restaurant;

h) le 21 mars 1994, l'appelant et Agnieska Chalupa ont ouvert un compte conjoint à une succursale de la Banque de Montréal;

i) au cours de la période en cause, on a fermé le restaurant;

j) le payeur n'a jamais produit de déclarations d'impôt sur le revenu;

k) pour l'année 1996, le payeur a bel et bien remis à l'appelant un feuillet T4 faisant état d'un montant de 10 080 $;

l) l'appelant aurait travaillé comme cuisinier;

m) le 14 janvier 1997, le payeur a délivré à l'appelant, pour la période allant du 1er avril 1996 au 4 janvier 1997, un relevé d'emploi indiquant 40 semaines de travail et un salaire de 360 $ par semaine;

n) le relevé d'emploi est faux;

o) le payeur et l'appelant avaient conclu un arrangement pour que l'appelant soit admissible à des prestations d'assurance-chômage.

Concernant l'appel no 1999-2279(EI) :

[TRADUCTION]

a) le payeur a été constitué le 8 mars 1995;

b) l'actionnaire du payeur ayant la majorité des actions avec droit de vote serait Agnieska Chalupa;

c) dans sa déclaration — signée — du 20 octobre 1997, l'appelant disait qu'il ne connaissait pas Agnieska Chalupa;

d) Agnieska Chalupa était une amie de Hamid Reza Shakibaian, soit le frère de l'appelant;

e) le payeur n'a pas répondu à la demande écrite de documents présentée par l'intimé;

f) le payeur, entre autres compagnies et noms commerciaux enregistrés, exploitait, au mail St-Roch, un restaurant appelé « La Palmeraie » ;

g) au cours de la période en cause, on a fermé le restaurant;

h) le payeur n'a jamais produit de déclarations d'impôt sur le revenu;

i) le payeur n'a pas remis de feuillets T4 à l'appelant;

j) l'appelant n'a jamais déclaré de revenus provenant du payeur;

k) l'appelant était, paraît-il, le directeur et conseiller de l'entreprise;

l) dans sa déclaration à l'intimé en date du 2 novembre 1997, l'appelant disait qu'il n'arrivait pas à se rappeler s'il était payé tout le temps par le payeur;

m) le 3 novembre 1998, Agnieska Chalupa a déclaré à l'intimé que l'appelant travaillait comme conseiller, qu'il n'était pas payé et qu'elle n'avait pas signé le relevé d'emploi;

n) le 11 septembre 1997, un relevé d'emploi a été délivré au travailleur, pour la période allant du 2 septembre 1996 au 5 septembre 1997, soit un relevé indiquant 1 890 heures d'emploi assurable et un salaire total de 18 900 $;

o) le relevé d'emploi est faux;

p) le payeur et l'appelant avaient conclu un arrangement pour que l'appelant soit admissible à des prestations d'assurance-chômage.

Concernant l'appel no 1999-2277(EI) :

[TRADUCTION]

a) le payeur a été constitué le 17 octobre 1990;

b) le payeur faisait affaire sous le nom de Gestion Shakiba;

c) le président du payeur était Saeid Shakibaian;

d) l'appelante est la mère de Saeid Shakibaian;

e) le payeur, entre autres compagnies et noms commerciaux enregistrés, exploitait, au mail St-Roch, deux entreprises : un restaurant appelé « La Palmeraie » et un vidéoclub-librairie appelé « Best Sellers » ;

f) le payeur n'a pas remis de feuillets T4 à l'appelante;

g) l'appelante n'a jamais déclaré de revenus provenant du payeur;

h) le 2 novembre 1998, dans sa déclaration à l'intimé, l'appelante disait qu'elle travaillait au vidéoclub comme garde chargé de la sécurité, surveillant pour qu'il n'y ait pas de vols à l'étalage;

i) le 21 janvier 1992, le payeur a délivré pour la période allant du 24 juin 1991 au 18 janvier 1992 un relevé d'emploi indiquant 26 semaines d'emploi à un salaire fixe de 313 $ par semaine et disant que l'appelante travaillait comme préposée au nettoyage;

j) l'appelante n'a pas travaillé pour le payeur;

k) le relevé d'emploi est faux;

l) le payeur et l'appelante avaient conclu un arrangement pour que l'appelante soit admissible à des prestations d'assurance-chômage.

[5] L'appelant Hamid Shakibaian a, par l'entremise de son avocat dans l'appel no 1999-2161(EI), admis les allégations figurant aux alinéas b), d) et j) à m) du paragraphe 6 de la réponse à l'avis d'appel. Les allégations figurant aux alinéas g), h) et i) ont été admises, des explications supplémentaires devant être données à l'audience. L'allégation figurant à l'alinéa a) a été ignorée. Les allégations figurant aux alinéas c), e), f), n) et o) ont été niées.

[6] L'appelant Majid Shakibaian a, par l'entremise de son avocat dans l'appel no 1999-2279(EI), admis les allégations des alinéas a), b), e), j), k) et n) du paragraphe 6 de la réponse à l'avis d'appel. Les allégations figurant aux alinéas f), g) et l) ont été admises, des explications supplémentaires devant être données à l'audience. Les allégations figurant aux alinéas c), d), i), o) et p) ont été niées. Les allégations figurant aux alinéas h) et m) ont été ignorées.

[7] L'appelante Afagh Razavi a, par l'entremise de son représentant dans l'appel no 1999-2277(EI), soit Majid Shakibaian, son fils, déclaré qu'elle n'avait rien à dire au sujet des allégations figurant dans la réponse à l'avis d'appel et qu'elle compte sur la Cour pour ce qui est de la décision devant être rendue.

III- Le droit et l'analyse

1. Définitions de la Loi sur l'assurance-chômage

« emploi »

« emploi » Le fait d'employer ou l'état d'employé.

« emploi assurable »

3.(1) Un emploi assurable est un emploi non compris dans les emplois exclus et qui est, selon le cas :

a) un emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, en vertu d'un contrat de louage de services ou d'apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l'employé reçoive sa rémunération de l'employeur ou d'une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

[...]

[8] La charge de la preuve incombe aux appelants.

[9] Dans l'arrêt Sylvie Desroches c. M.R.N. (A-1470-92), la Cour d'appel fédérale a indiqué quel était le rôle du juge de la Cour canadienne de l'impôt, et je cite :

[...] En dernière analyse, cependant, comme l'a affirmé notre Cour dans Le Procureur général du Canada c. Jacques Doucet,[...] c'est la détermination du ministre qui est en cause, à savoir que l'emploi n'était pas assurable parce que la requérante et le payeur n'étaient pas liés par un contrat de louage de services. Le rôle du juge de la Cour canadienne de l'impôt s'étend à l'étude du dossier et à la preuve en son entier. Ainsi, le juge Marceau, au nom de la Cour, s'est-il exprimé ainsi dans l'affaire Doucet:

... Le juge avait le pouvoir et le devoir d'examiner toute question de fait ou de droit qu'il était nécessaire de décider pour se prononcer sur la validité de cette détermination. Ainsi le présuppose le paragraphe 70(2) de la Loi et le prévoit, dès après le paragraphe 71(1) de la Loi qui le suit...

Le premier juge pouvait aller jusqu'à décider qu'il n'y avait aucun contrat qui liait les parties. [...]

[10] En cas de doute, l'interprétation doit favoriser le contribuable, et rien n'empêche un contribuable de tirer profit d'une mesure sociale si les exigences de la Loi sur l'assurance-chômage sont respectées. Dans l'arrêt Attorney General of Canada v. Ludger Rousselle, soit une décision en date du 31 octobre 1990, 124 N.R. (A-1244-88), le juge d'appel Hugessen écrivait ce qui suit, à la page 2 :

Ce n'est pas d'exagérer je crois, à la lumière de ces faits, que de dire que si les intimés ont exercé un emploi, il s'agissait bien d'un emploi "de convenance" dont l'unique but était de leur permettre de se qualifier pour des prestations d'assurance chômage. Certes, ces circonstances n'empêchent pas nécessairement que les emplois soient assurables mais elles imposaient à la Cour canadienne de l'impôt l'obligation de scruter avec un soin particulier les contrats en cause; il est clair que la motivation des intimés était plutôt le désir de profiter des dispositions d'une loi de portée sociale que de participer dans le jeu normal des forces économiques du marché. (Le soulignement est de moi.)

[11] Chaque cas dépend des faits qui lui sont propres. Les appelants devaient démontrer selon la prépondérance de la preuve que les décisions du ministre étaient erronées. Les paragraphes 70(2) et 71(1) de la Loi sur l'assurance-chômage confèrent de vastes pouvoirs de redressement à la Cour canadienne de l'impôt. Ces pouvoirs permettent à la Cour de régler toute question sur la foi des faits et d'infirmer, de confirmer ou de modifier le règlement du ministre[1].

[12] Il importe également de se rappeler ceci : « Il est de l'essence de la Loi qu'elle assure des emplois véritables » [2]. « Parmi les éléments permettant d'établir un véritable contrat de "louage de services" » , la fixation de la rémunération en fonction des services rendus est certes l'un des éléments fondamentaux » [3].

[13] Hamid et Majid Shakibaian ont été entendus à l'appui des appels. L'appelante Afagh Razavi n'a pas témoigné dans son appel.

[14] Les pièces A-1 et I-1 à I-12 ont été versées au dossier de la Cour.

[15] Le payeur a été constitué le 8 mars 1995.

[16] L'actionnaire majoritaire du payeur était Agnieska Chalupa. Cette personne n'a pas témoigné à l'audience.

Témoignage de Hamid Shakibaian

[17] Hamid Shakibaian a déposé la pièce A-1. Ce document a été utilisé pour décrire l'aire de restauration où le travailleur Hamid travaillait, paraît-il, durant la période considérée. Cette aire de restauration était située dans un immeuble du complexe Jean-Lesage, au 890, boulevard Charest, à Québec.

[18] Cette aire de restauration avait déjà appartenu au travailleur Hamid pendant un certain nombre d'années avant 1996 et s'appelait « La Palmeraie » .

[19] Il a dit que son frère Majid s'occupait de l'administration de « La Palmeraie » et que lui-même (Hamid) faisait la cuisine.

[20] Lui et son frère avaient dirigé l'entreprise « La Palmeraie » pendant quelques années.

[21] Il a expliqué que l'administration de ce complexe avait changé de mains plusieurs fois, ce qui avait semé beaucoup de confusion concernant la validité de baux et l'exploitation de tous les comptoirs de services alimentaires de l'aire de restauration (pièce A-1).

[22] Agnieska Chalupa, qu'il connaissait depuis six ou sept ans, avait travaillé pour lui à « La Palmeraie » . Elle travaillait à cette époque au comptoir des beignes et café.

[23] Il a dit qu'Agnieska Chalupa aurait constitué en 1996 une compagnie, soit le payeur, pour exploiter en 1996 le comptoir des beignes et café et le comptoir des pizzas de l'aire de restauration mentionnée précédemment.

[24] Agnieska Chalupa avait, avec l'aide du travailleur Majid, loué deux comptoirs de services en avril 1996.

[25] Le travailleur Hamid a dit qu'il avait commencé à travailler à ces comptoirs pour Agnieska Chalupa en avril ou mai et qu'il y avait travaillé jusqu'à la fin de l'année 1996.

[26] Il a dit que lui et son frère Majid avaient commencé à travailler pour Agnieska Chalupa.

[27] Il travaillait de 6 h 30 à 19 heures, le jeudi et le vendredi.

[28] Il était payé par Agnieska Chalupa. M. Saïd Sad faisait les chèques.

[29] Sa paye était de 350 $ par semaine.

[30] Il a dit que, le 21 janvier 1997, le nouveau directeur du complexe Jean-Lesage, un dénommé Morency, avait verrouillé les locaux et mis les meubles sur le trottoir.

[31] Il a dit qu'il avait reçu ses chèques de paye, qui lui étaient remis par Agnieska Chalupa.

[32] Il a dit qu'il avait en outre reçu ses feuillets T4 et qu'il avait déclaré son revenu.

[33] Quand on avait fermé le groupe de comptoirs de services alimentaires, il avait demandé des prestations d'assurance-chômage.

[34] Il a dit qu'il ne reconnaissait pas qu'il devait rembourser l'argent qu'on lui avait versé parce qu'il était en chômage.

[35] Au cours du contre-interrogatoire, il a dit que, en 1994, 1995 et 1996, l'administrateur de « La Palmeraie » était son frère, soit le travailleur Majid.

[36] Son frère administrait le groupe de comptoirs de services sous le nom d'une compagnie, qu'il n'a pas nommée.

[37] Lui-même (Hamid) s'occupait de faire la cuisine.

[38] On lui a montré la pièce I-1, soit un acte notarié en date du 12 février 1993.

[39] Il a dit qu'il n'avait jamais emprunté d'argent le 12 février 1993.

[40] Il avait signé le document (pièce I-1) à la demande de son frère Majid.

[41] Il a déclaré que son frère Majid ne lui avait jamais dit à quelle fin il signait l'acte (pièce I-1).

[42] Il a admis avoir ouvert un compte conjoint avec Agnieska Chalupa le 21 mars 1994, à une succursale de la Banque de Montréal (pièce I-2).

[43] Il a expliqué qu'il avait demandé à Agnieska Chalupa — son employée à l'époque — d'ouvrir le compte à cette succursale bancaire parce que celle-ci était à proximité de ses locaux commerciaux. Le compte était utilisé pour déposer des pourboires ainsi que des gains de loterie et pour changer de l'argent pour les comptoirs de services. Le compte est resté ouvert deux ou trois mois.

[44] Il a dit que, en 1994, 1995 et 1996, son frère Majid avait un bureau au troisième étage du complexe Jean-Lesage, tandis que lui-même (Hamid) travaillait au rez-de-chaussée, comme directeur.

[45] En 1994, 1995 et 1996, sa paye consistait en paiements hypothécaires faits pour lui sur la maison dont il était propriétaire au 1315, rue Fitzgerald, à Sillery (Québec).

[46] Il a travaillé pour Agnieska Chalupa du mois d'avril 1996 jusqu'au 17 janvier 1997.

[47] Il a dit que l'on avait fermé le complexe alimentaire « La Palmeraie » en juillet ou août 1995. Il est resté sans travail d'août 1995 à avril 1996.

[48] Il a dit qu'il avait cessé de travailler pour Agnieska Chalupa le 17 ou le 19 janvier 1997.

[49] Sa paye était de 350 $ par semaine. Il travaillait cinq jours sur sept. Il travaillait de temps à autre le samedi, mais jamais le dimanche. Il est formel sur le fait qu'on lui versait une paye de 350 $ par semaine.

[50] On lui a alors montré un relevé d'emploi (pièce I-3), qu'il a reconnu. Il a dit que le nom de la compagnie avait été changé à la fin de l'année 1996. Il a dit qu'il avait travaillé 40 semaines.

[51] On lui a ensuite montré sa demande de prestations en date du 16 janvier 1997 (pièce I-4). Il a reconnu sa signature et a déclaré que le 16 janvier 1997 avait été sa dernière journée de travail.

[52] On lui a demandé pourquoi il avait indiqué dans sa demande (pièce I-4) que sa paye brute était de 360 $ par semaine et qu'il travaillait 36 heures par semaine, alors qu'il venait de dire à la Cour qu'il gagnait 350 $ par semaine pour près de 63 heures de travail par semaine.

[53] Il a répliqué que ses réponses étaient approximatives et que, lorsqu'il avait rempli la formule, il ne pensait pas que cela ferait une différence. Sa réplique, en français, a été la suivante : « J'ai marqué à peu près; quand j'ai rempli le formulaire, j'ai pas pensé que ça changerait grand-chose là-dedans » .

[54] On lui a alors demandé pourquoi, s'il avait travaillé 40 semaines à 360 $ par semaine, le total de sa rémunération, qui aurait dû être de 14 400 $, était de 10 080 $ selon son feuillet T4.

[55] Il a répondu qu'il fallait poser la question au comptable.

[56] Il a dit qu'il n'était pas un administrateur et qu'il ne veut pas s'occuper de paperasseries de cette nature. Voici ce qu'il a dit en français : « Demandez au comptable; je suis pas bon dans l'administration et je veux rien savoir dans les papiers comme ça » .

[57] Il a déclaré qu'il n'avait jamais rencontré Stéphane Tremblay, enquêteur de Développement des ressources humaines Canada (DRHC). Il a vu cet homme pour la première fois aujourd'hui, à la Cour.

[58] La Cour a interrogé le témoin au sujet de l'acte du 12 février 1993.

[59] Dans le document (pièce I-1), on mentionne qu'il exploitait une entreprise sous le nom de « Marathon Canada » .

[60] Il a répliqué que Marathon Canada était une autre compagnie. Il ne savait rien à cet égard, et son frère ne lui avait jamais dit pourquoi il signait l'acte. Sa réplique, en français, a été : « C'est une autre compagnie. Je ne sais pas rien de ça et mon frère m'a jamais dit pourquoi il mettait mon nom au lieu du sien » .

Témoignage de Majid Shakibaian

[61] En 1991, le travailleur Majid avait loué l'aire de restauration « La Palmeraie » , d'un ami, Laurent Gagnon.

[62] Il avait loué ces locaux en vue de fournir du travail à ses frères et à d'autres membres de sa famille.

[63] Les locaux étaient loués par une compagnie appelée Marathon Canada. Cette dernière était au nom du travailleur Hamid, pour qui agissait le travailleur Majid.

[64] Marathon Canada aurait été propriétaire du matériel de « La Palmeraie » en 1991 ou 1992.

[65] Quelques années plus tard, le travailleur Majid avait aidé à louer un endroit pour Agnieska Chalupa. Il avait aidé cette dernière à louer deux comptoirs de services alimentaires faisant partie de l'aire de restauration mentionnée précédemment. Il l'avait aidée à mettre l'entreprise sur pied, et sa paye était de 400 $ à 500 $ par semaine. Il avait reçu son feuillet T4.

[66] Son frère Hamid travaillait pour Agnieska Chalupa, s'occupant de diverses choses. Elle avait exploité l'entreprise pendant une période de six mois à un an. Le travailleur Majid avait un bureau au troisième étage du même immeuble. Il avait un bail distinct, un nom distinct et un numéro de téléphone distinct. Ce bail était un bail verbal. Le travailleur Majid payait 300 $ par mois pour deux pièces.

[67] Agnieska Chalupa le payait pour qu'il l'aide et qu'il mette sur pied et exploite son entreprise. Il était le directeur. Il essayait simplement de l'aider. Il recevait 300 $ ou 400 $, soit une indemnité pour le temps passé à travailler pour elle.

[68] Au cours du contre-interrogatoire, il a dit qu'il avait travaillé pour le payeur par intermittence entre septembre 1996 et septembre 1997.

[69] On lui a montré son relevé d'emploi (pièce I-5), qui indique une période de travail allant du 2 septembre 1996 au 5 septembre 1997 et une rémunération assurable de 18 900 $ pour 1 890 heures de travail.

[70] On a insinué qu'il n'avait pas travaillé toutes les heures indiquées dans son relevé d'emploi. Il a répliqué qu'il pouvait être là pendant deux jours ou qu'il pouvait avoir pris congé pour la semaine.

[71] Il a admis que, au cours de la période de travail décrite dans son relevé d'emploi, il avait été en prison plusieurs semaines, pour impôt impayé.

[72] Il a dit qu'il travaillait 10 heures certaines semaines et 50 heures d'autres semaines. Certaines semaines, il n'était nullement présent au lieu de travail. Il a ajouté qu'il décidait lui-même du nombre d'heures. Certaines semaines, il travaillait un jour, d'autres semaines, il en travaillait cinq.

[73] Il a dit que son frère Hamid ou Agnieska Chalupa l'appelaient si ses services étaient requis.

[74] Il a reconnu sa demande de prestations d'assurance-chômage (pièce I-6).

[75] Il a dit qu'il oeuvrait dans les locaux de « La Palmeraie » .

[76] Il a admis qu'il avait indiqué dans sa demande qu'il travaillait 35 heures par semaine, cinq jours sur sept.

[77] Il a dit qu'il était disponible à plein temps.

[78] On lui a demandé ce qu'il faisait quand il ne travaillait pas pour le payeur au cours de la période considérée. Il a répondu qu'il effectuait des recherches en vue d'ouvrir un commerce de détail.

[79] On lui a demandé pourquoi il avait répondu « non » à la question 38 F) dans sa demande, puisqu'il a admis avoir été en prison. Il a répondu qu'il avait peut-être fait une erreur.

[80] On lui a demandé s'il avait eu de son employeur une copie des feuillets T4. Il a répondu qu'il n'en avait pas vraiment eu une.

[81] On lui a demandé s'il avait essayé de trouver ses feuillets T4. Il a répondu qu'il n'avait pas vraiment essayé de les trouver.

[82] On lui a demandé s'il était payé pour ses services entre le 2 septembre 1996 et le 5 septembre 1997. Il a répondu qu'on le payait habituellement.

[83] On lui a montré ses déclarations d'impôt sur le revenu pour 1994 et 1995 (pièces I-8 et I-9). Il a admis n'avoir déclaré aucun revenu d'emploi pour les années 1994 et 1995.

[84] On lui a montré des états de rémunération pour 1997 (pièce I-12). Ces documents indiquent que l'appelant a reçu d'un payeur, soit la 9045-9959 Quebec Inc., des revenus d'emploi de 74 680 $. Il a dit qu'il ne connaissait pas cette compagnie. Il a également dit que l'adresse de ce payeur, 48, rue St-Joseph Est, Québec, ne lui disait rien.

[85] Il a admis avoir résidé au 5, Cedar, à Shannon (Québec) de 1988 à 1997. En 1998, il est allé habiter au 1315, Fitzpatrick, à Sillery (Québec), avec ses parents.

[86] Il a dit que son frère Hamid et Agnieska Chalupa avaient commencé en avril 1996 à exploiter les deux comptoirs de services alimentaires. Ils faisaient affaire sous le nom du payeur, soit la compagnie à numéro 9017-4772 Quebec Inc.

[87] Majid Shakibaian a dit qu'il les avait aidés à mettre sur pied la compagnie et qu'il leur prêtait main-forte. Bien qu'il ait prêté main-forte en avril 1996, époque de la mise sur pied de la compagnie, son relevé d'emploi indique qu'il a commencé à travailler pour le payeur en septembre 1996. On lui a demandé s'il avait travaillé sans être rétribué d'avril à septembre 1996. Il a répondu qu'il ne le savait pas.

Analyse finale concernant l'emploi de Hamid et Majid Shakibaian

[88] Les appelants étaient tenus d'établir selon la prépondérance des probabilités que le ministre avait fait erreur en décidant qu'une relation employeur-employé n'existait pas entre eux et le payeur.

[89] Le travailleur Hamid a déposé son relevé d'emploi (pièce I-3) et sa demande de prestations (pièce I-4).

[90] Le relevé d'emploi du travailleur Hamid énonce que ce dernier a travaillé comme cuisinier pour l'employeur 9017-4772 Quebec Inc. pendant 40 semaines et qu'il a reçu un salaire de 720 $ à toutes les deux semaines, soit 7 632 $ au total. La dernière journée de travail a été le 4 janvier 1997.

[91] Dans sa demande de prestations, le travailleur Hamid dit que l'employeur était le « Restaurant La Palmeraie » et qu'il travaillait six jours sur sept, 36 heures par semaine, pour 360 $ par semaine.

[92] Dans son témoignage, le travailleur Hamid a dit qu'il avait travaillé pour une compagnie appartenant à Agnieska Chalupa, soit une ancienne employée. Il aurait travaillé près de 63 heures par semaine pour 360 $ par semaine pendant 40 semaines.

[93] Si le travailleur avait gagné 360 $ par semaine pendant 40 semaines, sa rémunération aurait dû être de 14 400 $, au lieu du montant qui figure dans ses feuillets T4 comme l'indique l'alinéa 6k) de la réponse à l'avis d'appel, soit une allégation admise par le travailleur Hamid.

[94] De plus, le travailleur Hamid a déposé un relevé d'emploi indiquant que le payeur était la 9017-4772 Quebec Inc. Dans sa demande de prestations, il avait indiqué que le payeur était le « Restaurant La Palmeraie » , lequel, d'après la preuve, lui avait déjà appartenu et a, paraît-il, cessé d'être exploité au cours de la période considérée.

[95] Le travailleur Majid a déposé un relevé d'emploi (pièce I-5) indiquant qu'il avait été « directeur général » du payeur. Sa période de travail avait commencé le 2 septembre 1996 et se serait terminée le 5 septembre 1997. Sa rémunération assurable a été de 18 900 $ pour 1 890 heures de travail au total.

[96] Dans sa demande de prestations d'assurance-chômage, il avait indiqué que l'employeur était « La Palmeraie » . Il aurait travaillé 35 heures par semaine, cinq jours sur sept, et a reçu 1 350 $ à toutes les deux semaines, soit 675 $ par semaine. Pourquoi a-t-il témoigné qu'il gagnait 400 $ à 500 $ par semaine?

[97] Dans sa demande de prestations (pièce I-6), le travailleur n'avait pas indiqué à l'intimé qu'il avait été en prison plusieurs semaines au cours de la période considérée.

[98] En outre, il a révélé à la Cour qu'il décidait lui-même des heures qu'il travaillerait. Il a dit que, certaines semaines, il travaillait un jour et que, d'autres semaines, il en travaillait cinq.

[99] Il a dit qu'Agnieska Chalupa ou son frère l'appelaient quand ses services étaient requis.

[100] S'il était le « directeur général » du payeur et que son salaire était bien supérieur à celui de son frère, le travailleur Hamid, le ministre a bien pu se demander comment il se faisait que c'était son frère ou Agnieska Chalupa qui l'appelaient si ses services étaient requis?

[101] De plus, le travailleur Majid a dit qu'il avait aidé Agnieska Chalupa à démarrer l'entreprise du payeur en avril 1996. S'il était le « directeur général » , pourquoi aurait-il commencé à travailler seulement le 2 septembre 1996, soit environ cinq mois plus tard?

[102] Le travailleur Hamid a en outre révélé qu'il avait été embauché comme cuisinier et qu'il avait été mis à pied le 4 janvier 1997 parce qu'il y avait un manque de travail et que le payeur avait fermé ses portes.

[103] Si le travailleur Hamid a été mis à pied et que le payeur a fermé ses portes, comment se fait-il que le travailleur Majid était encore inscrit sur la liste de paye le 9 septembre 1997, soit environ huit mois plus tard? Si le payeur n'a pas fermé ses portes en janvier 1997, qui a remplacé le travailleur Hamid comme cuisinier?

[104] Le travailleur Majid a admis que le payeur n'avait pas répondu à la demande écrite de documents présentée par l'intimé et n'avait jamais produit de déclarations d'impôt sur le revenu.

[105] Les contradictions que la preuve révèle ne pouvaient échapper à l'attention du ministre.

[106] La preuve présentée par les deux travailleurs doit être considérée avec circonspection.

[107] Les travailleurs n'ont pas réussi à réfuter les allégations de l'intimé, soit de sérieuses allégations ayant amené l'intimé à conclure que les travailleurs n'avaient pas exercé un emploi assurable.

[108] Je dois adopter les arguments de Me Crépin comme s'ils étaient exposés en long et en large dans les présents motifs.

[109] Les appelants Hamid et Majid Shakibaian ne peuvent avoir gain de cause dans leurs appels.

Analyse finale concernant l'emploi d'Afagh Razavi

[110] Cette appelante était présente à l'audience le 11 avril 2000.

[111] Majid Shakibaian, après avoir conféré avec l'appelante, soit sa mère, a déclaré à la Cour qu'elle n'avait rien à dire sur les allégations figurant dans la réponse à l'avis d'appel.

[112] Il a également déclaré qu'elle comptait sur la Cour quant à la décision devant être rendue.

[113] Aucune des allégations du ministre n'a été réfutée, et l'on n'a présenté aucun élément de preuve pour attaquer de quelque manière les hypothèses de fait du ministre.

[114] Dans de telles circonstances, cet appel doit être rejeté.

IV- Décision

[115] Pour les raisons énoncées dans les présents motifs, les appels sont rejetés et les décisions du ministre sont confirmées.

Signé à Dorval (Québec) ce 23e jour de mai 2000.

« S. Cuddihy »

J.S.C.C.I.



[1]         A.G. of Canada v. Kaur (167 N.R. 98), C.F., A-487-93, 8 février 1994.

[2]         Voir la décision rendue par le juge Lamarre Proulx, de notre cour, dans l'affaire Brigitte Gauthier et M.R.N. (92-3(UI)), 2 avril 1993, page 3.

[3]         Voir la décision rendue par le juge Dussault, de notre cour, dans l'affaire Johanne Gervais et M.R.N. (92-329(UI)), 9 juillet 1993, page 4.

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