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Date: 19990510

Dossier: 97-1971-IT-G

ENTRE :

VIVIEN LEE,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Teskey, C.C.I.

[1] L'appelante interjette appel de la nouvelle cotisation d'impôt établie à son égard pour les années 1989 et 1990.

Questions en litige

[2] Les questions en litige sont les suivantes :

Des avantages ont-ils été conférés à l'appelante, Vivien Lee ( « Vivien » ), en sa qualité d'actionnaire, par Man Ming Seafoods Ltd. (société canadienne) au sens du paragraphe 15(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » )?

Dans l'affirmative :

Quelle est la valeur des avantages?

Les pénalités ont-elles été imposées à juste titre conformément au paragraphe 163(2) de la Loi?

Accord entre les parties

[3] Les parties conviennent que les appels qui portent sur les avantages versés à un actionnaire dépendent des faits qui leurs sont propres.

Faits

[4] Je n'examinerai pas en détail toute la preuve produite; je m'en tiendrai aux faits tirés de la preuve qui paraissent se rapporter à la première question en litige.

[5] Le témoignage de l'appelante et celui de son frère, Thomas Lee ( « Thomas » ), ont été très sérieusement contestés par l'avocate de l'intimée, plus particulièrement pour ce qui est des faits énoncés dans le procès-verbal d'une réunion intitulé « Société canadienne » . La réunion en question a été tenue à Vancouver le 14 août 1991 avec les vérificateurs de Revenu Canada, Dan McDonnell ( « M. McDonnell » ) et Jim Thatcher ( « M. Thatcher » ).

[6] L'intimée n'a appelé ni M. McDonnell ni M. Thatcher à témoigner.

[7] Le contre-interrogatoire de l'appelante, qui a témoigné par l'intermédiaire d'un interprète s'exprimant en anglais et en cantonnais, a été long et ardu. Bien qu'il y ait des contradictions dans son témoignage et dans celui de Thomas, qui a lui aussi témoigné par l'intermédiaire d'un interprète s'exprimant en anglais et en cantonnais, j'accepte leurs témoignages sur les faits principaux dans l'appel en l'instance. Les contradictions dans le témoignage de l'appelante sont imputables à la nervosité et probablement à de mauvais services d'interprétation. La deuxième journée de l'audition s'est beaucoup mieux passée, avec un interprète différent. La soeur de l'appelante, qui n'était pas un témoin, s'est emportée au cours du contre-interrogatoire de sa soeur, s'exclamant : « Il y a un problème d'interprète » . Je m'en doutais bien et j'avais moi-même tiré cette conclusion avant cet emportement.

[8] L'appelante est née à Hong Kong, où elle a grandi; elle a une scolarité équivalant à un diplôme d'études secondaires.

[9] Elle a émigré au Canada et est devenu résidente canadienne en 1988, et elle était une résidente du Canada en 1989 et 1990. Elle est retournée à Hong Kong, dont elle est maintenant une résidente et d'où, le 13 août 1991, à la demande de Thomas, elle a dû prendre un avion à destination de Vancouver pour assister à une réunion aux bureaux de Revenu Canada. Je suis convaincu que, lorsqu'elle s'est présentée aux bureaux de Revenu Canada le 14 août 1991, elle ne se rendait pas compte de la gravité de la situation ni de l'importance de fournir les faits exacts; elle n'a par conséquent pas insisté pour obtenir les services d'un interprète. Elle a répondu aux questions qui lui ont été posées en anglais, sans bien les comprendre.

[10] Karl Ho ( « M. Ho » ) de Delta (Colombie-Britannique) a fourni des services de comptable à la société canadienne, qui exploitait son entreprise à Vancouver, et il en a dressé les bilans. Il a lui aussi fait ses études à Hong Kong et il a suivi des cours d'électronique au collège. De 1988 à 1990, il était inscrit à un programme menant à l'obtention du titre de comptable général licencié, mais il n'a jamais terminé le cours et ne détient aucun titre comptable.

[11] Lorsque M. Ho a fait les écritures dans le grand livre (le « livre bleu » ), les seuls documents dont il disposait étaient les relevés bancaires mensuels et le livre bleu.

[12] Lorsque M. Ho a pris en main la tenue des livres, les seules écritures que contenait le livre bleu avaient été faites sous trois colonnes intitulées « Débit » , « Crédit » et « Solde » . M. Ho a fait dans le livre bleu des écritures pour le mois d'avril 1989 sous neuf nouvelles colonnes intitulées : « Achats » , « Électricité » , « Voyages en avion » , « Divers » , « Frais bancaires » , « Ventes » , « Vivien » , « Compte US » et « Divers » .

[13] Les communications entre M. Ho et Thomas étaient, au mieux, réduites à leur plus simple expression. Le livre bleu permet de constater l'incompétence totale de Thomas et le manque de méticulosité et de compétence de M. Ho.

[14] Thomas travaillait à plein temps pour la B.C. Telephone et, en même temps, il exploitait seul la société canadienne. D'après les relevés bancaires canadiens, il ne pouvait même pas apprécier la situation financière de la société canadienne puisque celle-ci avait un compte américain qui n'a jamais fait l'objet d'un rapprochement dans le livre bleu. Par conséquent, les soldes figurant dans le livre bleu n'indiquaient pas exactement la véritable situation financière. Même après que M. Ho eut ajouté neuf colonnes et fait des écritures sous celles-ci, ni Thomas ni M. Ho ne pouvaient apprécier la véritable situation financière puisque les écritures relatives au compte américain n'étaient pas rapprochées avec l'information financière. De plus, les débits et les crédits étaient inversés partout.

[15] Les onglets 48 à 60 de la pièce A-2 sont des photocopies successives d'écritures mensuelles faites dans le livre bleu et des relevés bancaires correspondants. Ces documents posent nombre de difficultés. L'onglet 50 est une photocopie d'une partie d'une page qui représente le mois de mai 1989. Les titres des colonnes situées à la droite de la colonne intitulée « Solde » diffèrent des titres des colonnes qui se trouvent à la page se rapportant au mois d'avril, onglet 48. L'onglet 52 est une photocopie de la page qui représente le mois de juillet 1989 dans le livre bleu; les colonnes à la droite de la colonne intitulée « Solde » sont encore changées. Encore une fois, la page n'est pas complète. Il y a une écriture de 3 593 $ en date du 21 juillet, appelée « Virement » ; elle est placée sous le titre « Virement » . Un dépôt de 2 721,93 $ est inscrit le même jour. Ni l'un ni l'autre poste ne figure dans le relevé bancaire. L'onglet 54 est une photocopie de ce qui est censé être la page du livre bleu se rapportant au mois de septembre 1989. Encore une fois, elle ne paraît pas être complète et elle comporte des titres différents.

[16] Le 19 septembre, l'inscription suivante est faite D 15 000 $ US @ 1,1925 » . Sous « Crédit » figure le montant de 17 887,50 $. Ce montant est inscrit dans la colonne « Virement bancaire » , probablement dans le compte américain. Le relevé bancaire du mois de septembre, onglet 55, ne fait pas état de ce virement.

[17] L'onglet 56, qui est une photocopie partielle seulement de la page du livre bleu se rapportant au mois de novembre 1989, est elle aussi produite partiellement seulement, et les colonnes qui se trouvent à la droite de la colonne intitulée « Solde » sont elles aussi appelées différemment. Une écriture datée du 10 novembre 1989, la deuxième à partir du haut, porte la mention « Dépôt » . Elle se retrouve dans la colonne « Débit » et, de nouveau, sous le titre « Ventes » . Le relevé bancaire, onglet 57, fait état d'un dépôt de 10 000 $ dans la colonne « Crédit » et d'un retrait de 10 000 $ en argent le même jour.

[18] C'est ce genre de contradictions, ainsi que le fait que les rentrées d'argent figurent dans la colonne des débits et les sorties d'argent dans celle des crédits, qui m'ont convaincu que ni Thomas ni M. Ho n'avaient quelque connaissance élémentaire que ce soit en comptabilité. Les bilans dressés par M. Ho étaient truffés d'erreurs. Les écritures faites dans le livre bleu sous différentes colonnes à la droite de la troisième colonne, c'est-à-dire la colonne intitulée « Solde » , peuvent signifier n'importe quoi.

[19] Si Thomas a effectivement dit à M. Ho, lorsqu'il a été interrogé sur les virements provenant de Man Ming Import and Export Ltd. (société de Hong Kong), « C'est Vivien » , je suis convaincu qu'il ne songeait guère à l'aspect financier de l'entreprise et qu'il a en réalité fait cette remarque par erreur. À partir de cette seule remarque, M. Ho a ensuite reproduit l'erreur chaque fois qu'un virement portant le nom de Vivien lui est parvenu.

[20] La société de Hong Kong est une compagnie dont Vivien avait été une actionnaire et une employée avant d'émigrer au Canada. Elle était la propriété d'un autre frère de Vivien, qui la contrôlait, et elle était une cliente de la société canadienne. La société de Hong Kong achetait des fruits de mer de plusieurs fournisseurs.

[21] Je suis convaincu que tous les virements électroniques faits par la société de Hong Kong en faveur de la société canadienne étaient des montants d'argent que la société de Hong Kong devait pour des achats de fruits de mer et que les écritures faites dans les livres relativement à ces virements étaient erronées. Les virements auraient dû faire partie des revenus tirés des ventes et ils n'avaient rien à voir avec Vivien.

[22] À aucun moment Vivien n'a même tenté de s'approprier un sou de ces montants d'argent, ni prétendu en être propriétaire ou demandé ou obtenu quelque confirmation qu'ils lui étaient dus. En fait, elle n'était même pas au courant des virements avant la réunion du 14 août.

[23] Je suis convaincu et je conclus que Vivien n'a jamais vu le livre bleu et qu'elle a pris connaissance des états financiers pour la première fois la veille seulement de sa rencontre avec les vérificateurs de Revenu Canada. Toute personne qui examine ces états ne peut conclure que le livre bleu contenait des erreurs et faisait état de montants élevés dus à Vivien au titre d'avances d'actionnaires. Les virements de la société de Hong Kong à la société canadienne qui ont été inscrits par erreur sous le titre « Vivien » dans le livre bleu sont les suivants :

1989 1990

28 février 1989 65 000 $

24 avril 1989 51 889,05 $

30 mai 1989 59 990 $

12 juillet 1989 136 996,93 $

27 septembre 1989 78 855,59 $

17 novembre 1989 61 222,57 $

21 novembre 1989 44 165,65 $

16 janvier 1990 41 989,51 $

Totaux 498 119,79 $ 41 989,51 $

[24] Non seulement Vivien n'était pas au courant des erreurs qui avaient été commises dans le livre bleu, mais elle ne pouvait d'aucune façon en connaître l'existence puisqu'on ne les lui avait jamais montrées. Cependant, sur le bilan de la société canadienne dressé par M. Ho pour l'exercice se terminant le 31 mars 1989, il y a une ligne intitulée « Avances des actionnaires, non garanties, ne portant aucun intérêt et sans délai de remboursement déterminé » . Pour 1989, le montant est de 241 923 $ et, pour 1988, de 186 545 $, ce qui représente une augmentation de 55 378 $. Le bilan n'indique pas quel actionnaire ou quels actionnaires ont fait les prêts additionnels de 55 378 $. Puisque l'exercice se termine le 31 mars, seul le virement du 28 février 1989 est visé par l'exercice financier en question, et ce virement s'élevait à 65 000 $.

[25] Sur le bilan dressé par M. Ho pour l'exercice de la société canadienne se terminant le 31 mars 1990, un montant de 445 333 $ figure à la ligne « Avances des actionnaires » pour l'année 1990. Le montant correspondant pour 1989 est de 241 923 $, ce qui constitue une augmentation de 203 410 $. Encore une fois, le bilan ne précise pas qui a prêté l'argent à la société canadienne. Puisque les relevés bancaires du 1er mai 1989 au 1er avril 1990 n'ont pas tous été produits en preuve, je ne peux pas déterminer si les prêts des actionnaires ont été réduits au cours de l'exercice se terminant le 31 mars 1989. Je constate qu'au cours de cet exercice, la société canadienne a reçu de la société de Hong Kong, au moyen de virements électroniques portant le nom de Vivien, la somme totale de 475 109,30 $ (c'est-à-dire les virements effectués du 24 avril 1989 au 16 janvier 1990 inclusivement). Par conséquent, si M. Ho avait été conséquent, le bilan aurait fait état d'une augmentation dans le compte de prêts des actionnaires de 475 109,30 $ et non de 203 410 $.

[26] Vivien avait prêté 120 000 $ à la société canadienne avant d'émigrer au Canada. Un montant de 80 000 $ lui a été remboursé, c'est-à-dire 10 000 $ en 1989 et 70 000 $ en 1990.

[27] Même en supposant que ces montants soient visés par l'exercice 1990, le bilan comporte encore une erreur de quelque 120 000 $.

[28] Dès que Vivien a compris le problème, M. Ho a été congédié et les services d'un comptable agréé ont été retenus. Tous les virements faits par la société de Hong Kong à la société canadienne ont été inclus dans le revenu au titre de biens vendus et livrés, ainsi qu'ils auraient dû l'être dès le départ, et ils ont été retirés de la colonne des avances des actionnaires. La société canadienne a produit une nouvelle déclaration et a immédiatement fait l'objet d'une nouvelle cotisation, et des pénalités ont été imposées sur le revenu non déclaré auparavant. Sur opposition de la société canadienne, le ministre a éliminé les pénalités. Ainsi, la société canadienne a maintenant été imposée sur ce revenu non déclaré auparavant et elle a payé le montant en question.

[29] Je conclus qu'il était erroné de consigner ces montants comme des avances de Vivien à la société canadienne plutôt que comme des revenus. C'est probablement ce que le ministre a admis lorsqu'il a renoncé aux pénalités imposées sur le revenu non déclaré de la société canadienne.

Analyse

[30] Mon collègue le juge Bowman a déclaré ceci à la page 1169 de l'affaire Ed Sinclair Construction & Supplies Ltd. v. M.N.R., 92 DTC 1163 :

[...] Une simple inscription comptable dans un compte de prêts ne constitue pas en soi un événement imposable, à moins de l'existence de quelque chose de plus, un reçu par exemple. [...]

Dans cette affaire, il a cité les propos tenus par lord Brampton dans l'affaire Gresham Life Society Co. Ltd. v. Bishop, 1902, 4 TC 464, à la page 476 :

[TRADUCTION]

Votre Honneur, je conviens avec la Cour d'appel qu'une somme d'argent peut être reçue de plus d'une façon, p. ex. au moyen du transfert d'argent ou d'un titre négociable ou de tout autre document qui représente et produit de l'argent, et qui est considéré comme tel par les hommes d'affaires. Même un règlement dans un compte peut équivaloir à la réception d'une somme d'argent, bien qu'il n'existe aucun mouvement monétaire; et, moi-même, je ne suis pas disposé à dire que ce qui est, pour les hommes d'affaires, l'équivalent de la réception d'une somme d'argent ne constitue pas une réception au sens de la loi que Votre Honneur doit interpréter. Pour qu'il y ait réception d'une chose, il doit y avoir une personne qui reçoit et une personne de laquelle elle reçoit ainsi que quelque chose que la première reçoit de la seconde; dans ce cas-ci, ce quelque chose doit être une somme d'argent. Une simple inscription dans un compte qui ne représente pas cette opération ne prouve aucune réception, même si elle peut avoir par ailleurs une certaine valeur.

[31] L'intimée reconnaît que la seule preuve de l'augmentation alléguée du compte d'actionnaire de Vivien provient des inscriptions faites dans le livre bleu. Il n'existe aucune autre documentation.

[32] Avant qu'une décision soit rendue dans l'affaire Ed Sinclair par mon collègue le juge Bowman, mon ancien collègue le juge Kempo avait dit ceci, en 1994, dans l'affaire Bérubé v. The Queen, [1994] 1 C.T.C. 2655, à la page 2659 :

[...] les inscriptions comptables reflètent plutôt que créent la réalité, et qu'une simple inscription comptable dans un compte de prêts d'actionnaire ne constitue pas en soi un avantage imposable à moins de l'existence de quelque chose de plus. [...]

[33] Le juge Kempo a dit également dans une décision antérieure, Simons v. M.N.R., [1985] 1 C.T.C. 2116, dans laquelle elle a admis l'appel d'une nouvelle cotisation dans le cadre de laquelle on avait allégué l'existence d'un avantage à un actionnaire :

On n'a offert [aucune] preuve concluante démontrant que l'appelant avait reçu [...] un avantage sensible par suite de cette écriture erronée de balance.

[34] Lors de l'interrogatoire préalable, l'intimée a désigné Abe Frisz comme son représentant. La question 22 et sa réponse ont été produites en preuve par l'appelante. Le représentant a dit, lorsqu'il a été interrogé sur le fondement de la cotisation : « J'aurais dit que la contribuable a bénéficié d'une augmentation de l'actif des actionnaires, ce qui constitue un avantage pour elle. Et c'est le fondement de la cotisation établie à l'égard de la contribuable » . Cela est contraire aux décisions rendues par la Cour canadienne de l'impôt dans l'affaire Ed Sinclair et dans l'affaire Bérubé, auxquelles j'adhère.

[35] Le juge en chef adjoint Jerome, de la Cour fédérale (première instance), tel était alors son titre, a dit, dans Hrga v. The Queen, [1997] 2 C.T.C. 172, à la page 175 :

Il est clair que l'article 15 exige deux choses : un avantage au contribuable et une intention. [...]

[36] Dans l'arrêt Hickman Motors Ltd. v. The Queen, [1998] 1 C.T.C. 213, à la page 245, la juge L'Heureux-Dubé a écrit ceci :

[...] Il est bien établi en droit que des documents comptables ou des entrées comptables servent uniquement à rapporter des opérations et que c'est la réalité des faits qui établit la nature et la substance véritables des opérations: Vander Nurseries Ltd. c. La Reine, 95 D.T.C. 91 (C.C.I.); Mountwest Steel Ltd. c. La Reine, (1994) 2 G.T.C. 1087 (C.C.I.); Uphill Holdings Ltd. c. M.R.N., 93 D.T.C. 148 (C.C.I.); M.N.R. c. Wardean Drilling Ltd., 69 D.T.C. 5194 (C. de l'É.); [...]

Et à la page 246 :

[...] En établissant des cotisations, le ministre se fonde sur des présomptions: (Bayridge Estates Ltd. c. M.N.R., 59 D.T.C. 1098 (C. de l'É.), à la p. 1101), et la charge initiale de « démolir » les présomptions formulées par le ministre dans sa cotisation est imposée au contribuable (Johnston c. Minister of National Revenue, [1948] R.C.S. 486; Kennedy c. M.R.N., 73 D.T.C. 5359 (C.A.F.), à la p. 5361). Le fardeau initial consiste seulement à « démolir » les présomptions exactes qu'a utilisées le ministre, mais rien de plus: First Fund Genesis Corp. c. La Reine, 90 D.T.C. 6337 (C.F. 1re inst.), à la p. 6340.

L'appelant s'acquitte de cette charge initiale de « démolir » l'exactitude des présomptions du ministre lorsqu'il présente au moins une preuve prima facie: Kamin c. M.R.N., 93 D.T.C. 62 (C.C.I.); Goodwin c. M.R.N., 82 D.T.C. 1679 (C.R.I.). En l'espèce, l'appelante a produit une preuve qui respecte non seulement la norme prima facie, mais, selon moi, une norme encore plus sévère. À mon avis, l'appelante a « démoli » les présomptions suivantes: a) la présomption de l'existence de « deux entreprises » , en produisant une preuve claire de l'existence d'une seule entreprise; b) la présomption qu'il n'y a « aucun revenu » , en produisant une preuve claire de l'existence d'un revenu. Il est établi en droit qu'une preuve non contestée ni contredite « démolit » les présomptions du ministre: voir par exemple MacIsaac c. M.R.N. 74 D.T.C. 6380 (C.A.F.), à la p. 6381; Zink c. M.R.N., 87 D.T.C. 652 (C.C.I.). Comme je l'ai déjà dit, aucune partie de la preuve produite par l'appelante en l'espèce n'a été contestée ni contredite. Par conséquent, à mon avis, l'appelante a « démoli » les présomptions sur l'existence de « deux entreprises » et sur le fait qu'il n'y a « aucun revenu » .

Lorsque l'appelant a « démoli » les présomptions du ministre, le « fardeau de la preuve [...] passe [...] au ministre qui doit réfuter la preuve prima facie » faite par l'appelant et prouver les présomptions: Magilb Development Corp. c. La Reine, 87 D.T.C. 5012 (C.F. 1re inst.), à la p. 5018. Ainsi, dans la présente affaire, la charge est passée au ministre, qui doit prouver ses présomptions suivant lesquelles il existe « deux entreprises » et il n'y a « aucun revenu » .

[37] Le dernier mot, à ce sujet, de la Cour d'appel fédérale, se trouve dans l'arrêt The Queen v. Chopp, [1998] 1 C.T.C. 407, une décision rendue à l'audience, maintenant la décision rendue en première instance par mon collègue le juge Mogan. On peut lire ceci à la page 409 :

Quant à l'interprétation qu'a donnée le juge Mogan du paragraphe 15(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, nous ne voyons pas de raison d'intervenir.

[38] Dans l'affaire Chopp, le juge Mogan, de la C.C.I., avait dit dans ses motifs publiés dans [1995] 2 C.T.C. 2446, à la page 2952 :

Je ne puis retenir l'argument que l'intimée a énoncé d'une façon générale, à savoir qu'une erreur comptable qui profite à un actionnaire au détriment de la corporation est un avantage au sens du paragraphe 15(1), même si l'erreur n'était pas intentionnelle et même si l'actionnaire n'était pas au courant de cette erreur. À mon avis, si la valeur d'un avantage doit être comprise dans le calcul du revenu de l'actionnaire en vertu du paragraphe 15(1), l'avantage doit être conféré au su de l'actionnaire ou de son plein gré ou, subsidiairement, dans des circonstances où il est raisonnable de conclure que l'actionnaire aurait dû savoir que l'avantage lui avait été conféré. Les décisions que la Cour a rendues dans les affaires Simons v. M.N.R., 85 DTC 105 et Robinson v. M.N.R., 93 DTC 254 étayent mon point de vue.

[39] Compte tenu de cette jurisprudence et puisque je suis arrivé à la conclusion que Vivien n'était pas au courant des écritures, lesquelles ont été faites par erreur, qu'elle ne pouvait d'aucune façon avoir été au courant de ces écritures erronées et qu'elle n'a jamais rien reçu de la société, l'appel découlant des écritures erronées est admis avec frais.

[40] Puisque je suis arrivé à cette conclusion, je n'ai pas à me pencher sur la question de la valeur de l'avantage allégué ni sur les pénalités qui ont été imposées à cet égard.

[41] Les cotisations sont déférées au ministre pour nouvel examen et nouvelles cotisations en tenant compte du fait que l'appelante n'a pas reçu un avantage à l'actionnaire de 498 119,79 $ en 1989 et de 41 989,51 $ en 1990.

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour de mai 1999.

« Gordon Teskey »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 28e jour de février 2000.

Mario Lagacé, réviseur

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