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Date: 20000717

Dossier: 1999-5012-EI

ENTRE :

TE'MEXW TREATY ASSOCIATION,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Rowe, C.C.I.

[1] Le 26 novembre 1999, le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) a décidé qu'Ardyth Cooper (la “ travailleuse ”) avait été employée pendant la période du 29 avril 1997 au 23 février 1999 par la Te'mexw Treaty Association (la “ TTA ”) en vertu d'un contrat de louage de services et exerçait, par conséquent, un emploi assurable auprès de la TTA conformément à l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'assurance-emploi. La Te'mexw (prononcez tommok) Treaty Association a interjeté appel à l'encontre de la décision et soutient que la relation avec Ardyth Cooper n'était pas celle d'un commettant et d'un préposé et que cette dernière a agi comme une entrepreneure indépendante tout au long de sa relation de travail avec la TTA.

[2] Dans son témoignage, M. Robert Sam a indiqué qu'il vit à Victoria, en Colombie-Britannique, et qu'il est le chef de la Première nation Songhees (les “ Songhees ”). Actuellement, il s'occupe également des activités quotidiennes de la Bande indienne de Songhees, mais avant son élection, il avait travaillé en tant que négociateur pour la TTA. La Bande indienne de Songhees constituait l'un des membres les plus importants de la TTA qui est composée de cinq Premières nations et chacune a désigné une personne devant agir comme négociateur. M. Sam a déclaré que de son point de vue son travail en tant que négociateur ne constitue pas un emploi à plein temps et il exerce toujours ses fonctions de chef en plus d'exploiter sa propre entreprise. La TTA a été créée en 1994, et il s'y est joint en 1996. Il ne passe pas beaucoup de temps au bureau de la TTA puisqu'il n'y a pas d'espace de travail conçu pour lui, alors il effectue la majorité de son travail à la maison où il utilise son propre équipement de bureau et son propre ameublement. Pour ce qui est de l'exercice des fonctions de négociateur pour la TTA, M. Sam a déclaré qu'il comprenait qu'il travaillait en tant qu'entrepreneur indépendant. La TTA ne lui a offert aucune formation, et il travaillait sans supervision. Il connaissait Ardyth Cooper depuis de nombreuses années et pendant qu'elle représentait la Première nation T'Sou-ke (Sooke) à la table de négociation, il comprenait qu'elle siégeait également à d'autres conseils et commissions. Le contrat de Mme Cooper avec la TTA à titre de négociatrice n'a pas été renouvelé en raison d'une décision du Conseil d'administration qui a exprimé l'avis que Mme Cooper sapait l'autorité de Wilson Bob en tant que président de la TTA.

[3] En contre-interrogatoire, Robert Sam a reconnu avoir signé un contrat ayant la même forme que celui daté de mai 1996 et concernant Ardyth Cooper (pièce R-1). Le contrat présentait une description des services à être exécutés. M. Sam a déclaré recevoir des instructions de Wilson Bob, le chef des négociateurs de la TTA, superviser le personnel de bureau de la TTA, à l'occasion, et présenter des rapports mensuels ainsi qu'une facture pour les services qu'il avait rendus. Au départ, la rémunération était d'un montant de 835 $, payé deux fois par mois, pour un total de 1 670 $ ainsi qu'un montant supplémentaire de 300 $ par jour pour un travail associé à des portefeuilles particuliers. Toutefois, avant que M. Sam participe à la TTA, le salaire avait été augmenté à environ 4 000 $ par mois, même si de l'avis de M. Sam, la charge de travail n'avait pas augmenté. La TTA remboursait également les frais de déplacement aux négociateurs individuels. Le contrat original de M. Sam a expiré en 1997 et il croyait avoir signé un renouvellement. Il savait que son contrat prévoyait la cessation d'emploi par l'une ou l'autre des parties sur présentation d'un avis de 21 jours.

[4] Linda Vanden Berg a indiqué dans son témoignage être une anthropologue résidant à Victoria, en Colombie-Britannique. Elle agissait en tant que coordonnatrice et administratrice pour la TTA. Alors qu'elle effectuait des travaux de recherche du niveau maîtrise à la University of Victoria, elle avait été contactée par Wilson Bob qui lui avait demandé d'effectuer certains travaux de recherche pour les besoins du processus de la négociation du traité qui avait commencé en 1990. En 1994, cinq Premières nations, la Scia'New (Beecher Bay), la Snaw Naw As (Nanoose), la Malahat, la Lekwungen (Songhees) et la T'Sou-ke (Sooke) composaient la TTA. Comme elle avait travaillé pour chacune des Premières nations participant au processus du traité, on lui a demandé d'apporter son aide pour établir la structure de la TTA, un organisme enregistré en vertu de la Society Act de la Colombie-Britannique. Chacun des membres a nommé un négociateur, et la TTA comptait des employés dans le bureau. Mme Vanden Berg a déclaré qu'elle était tenue par contrat par la TTA d'exercer la fonction de coordonnatrice de la même manière que des avocats qui offriraient des services en vertu d'un mandat de représentation en justice. La TTA reçoit un financement qui est fonction des sommes reçues d'une année à l'autre : 20 p. 100 est constitué de subventions accordées par les gouvernements fédéral et provincial et le 80 p. 100 restant est sujet à un contrat de prêt établi d'une manière telle que si et lorsqu'un règlement conventionnel est conclu, tout montant avancé à cette date pour les besoins du processus de la négociation du traité sera alors déduit. Comme il n'est pas certain que le financement provenant des deux ordres de gouvernement se poursuivra et dans l'éventualité où les pourparlers échouaient, la TTA ne souhaitait pas avoir des employés qui pourraient voir certains droits découler de leur congédiement qui se produirait à la suite de l'arrêt du financement. En février 1996, une sélection officielle des négociateurs du traité a été effectuée par les cinq membres de la TTA, et ces négociateurs devaient posséder les compétences requises pour la fonction. La Première nation T'Sou-ke a choisi Ardyth Cooper comme leur candidate, et le Conseil d'administration de la TTA avait le droit d'accepter cette nomination ou de refuser de le faire au motif qu'il était l'organisme qui accordait le contrat aux négociateurs. Le contrat a été accordé à Mme Cooper, et cette dernière est devenue membre de l'équipe de négociation de la TTA participant aux négociations de traités avec les gouvernements fédéral et provincial. Mme Cooper ne recevait pas d'indemnité journalière pour ses déplacements mais les frais de déplacement devaient être présentés à Mme Vanden Berg pour être approuvés et une allocation d'automobile, au taux standard du gouvernement fédéral de 37 cents le kilomètre, était payée pour tous les négociateurs. Le travail accompli en vertu d'un portefeuille particulier était indemnisé au taux de 300 $ par jour. À l'expiration du contrat de Mme Cooper le 31 mars 1997, celle-ci a continué de travailler sur une base mensuelle selon les mêmes modalités, sauf pour ce qui est de sa rémunération, qui a augmenté, passant à 4 166 $ par mois, payée toutes les deux semaines. La charge de travail n'a pas augmenté si on la compare à la période précédente où la rémunération était de 1 670 $ par mois, mais un financement supplémentaire avait été obtenu en vertu du contrat de prêt, ce qui a fait en sorte qu'un montant d'argent supplémentaire pouvait être utilisé pour tous les besoins de la TTA, dont les paiements versés aux négociateurs. L'augmentation a rapproché la rémunération versée aux négociateurs de la TTA de celle payée aux représentants des gouvernements fédéral et provincial à la table de négociation. Mme Vanden Berg a déclaré ne pas être négociatrice, mais qu'elle faisait partie de nombreuses équipes de négociation en sa qualité de coordonnatrice. Elle savait que Mme Cooper siégeait à un comité des pêches ainsi qu'au Conseil d'administration de Heritage Trust au moment où elle travaillait en tant que négociatrice pour la TTA, et Mme Cooper était libre de conclure d'autres contrats pourvu qu'elle ne soit pas placée en conflit d'intérêts. En outre, Mme Cooper exerçait un certain nombre d'activités liées à la bande de Sooke puisque son père était le chef de la Première nation T'Sou-ke. Les négociateurs travaillaient ensemble pour fixer les dates et les moments des prochaines rencontres, et Mme Cooper participait à ce processus. Elle était tenue de participer aux rencontres portant sur les négociations de traités, mais aurait pu embaucher d'autres personnes afin d'exercer les fonctions associées. Toutefois, elle aurait été responsable de leur indemnisation. Les membres de l'équipe de négociation de la TTA choisissaient des domaines de responsabilité à l'intérieur d'un secteur qui les intéressait, et Mme Cooper a choisi le portefeuille de l'éducation, mais ce domaine ne lui a pas été assigné officiellement. Parmi ses fonctions en tant que négociatrice, Mme Cooper devait s'enquérir des besoins et des souhaits des membres de la Première nation T'Sou-ke en ce qui a trait aux négociations de traités et fournir de l'information sur ces traités aux membres de la bande ainsi que faire rapport régulièrement de ses conclusions à la TTA. Aucun local pour bureaux n'était particulièrement désigné pour l'utilisation par les négociateurs de traités, mais les commis à la négociation de ces traités étaient logés dans les mêmes bureaux que les membres, principalement dans un but de consultation auprès de la collectivité. La TTA ne fournissait aucun équipement de bureau aux négociateurs, et Mme Cooper utilisait ses propres téléphone cellulaire, télécopieur et ordinateur portatif. Les rencontres de négociation se tenaient par rotation au sein de la collectivité des membres de la TTA ou dans les édifices du gouvernement. Contrairement à l'hypothèse du ministre contenue au sous-paragraphe 5n) de la réponse à l'avis d'appel, Mme Cooper n'était pas tenue d'exercer ses fonctions au bureau de la TTA lorsqu'elle ne participait pas aux rencontres planifiées. Elle recevait ses directives, selon l'hypothèse exprimée au sous-paragraphe 5p), du chef des négociateurs et était tenue de se conformer aux politiques et aux procédures établies par le Conseil. La seule restriction portant sur sa participation à des activités extérieures (paragraphe 5q)) était qu'elle ne devait pas se trouver en conflit d'intérêts réel ou perçu. La TTA a fourni à Mme Cooper des cartes d'affaires, sans frais, qui comportaient son nom et celui de la TTA. Par lettre datée du 16 février 1999, la TTA a informé Mme Cooper qu'elle était congédiée du poste de négociatrice et qu'à partir du 17 février 1999, elle ne devait plus participer à d'autres rencontres ou prétendre représenter la TTA d'aucune manière. Mme Vanden Berg a déclaré que le congédiement de Mme Cooper était causé, en partie, par des plaintes provenant de certaines personnes de la collectivité portant sur le fait qu'elles n'étaient pas correctement informées des détails du processus de négociation, et le Conseil de la TTA, composé des aînés de chaque membre de la TTA, a décidé de ne pas renouveler son contrat. À un moment au cours de la relation de travail entre Mme Cooper et la TTA, Mme Vanden Berg a déclaré que certains ajouts proposés au renouvellement du contrat existant ne plaisaient pas à Mme Cooper et que cette dernière avait explicitement mentionné ne pas souhaiter offrir ses services à la TTA en tant qu'employée mais plutôt avoir le statut d'entrepreneure indépendante. Une copie du procès-verbal de la réunion du Conseil d'administration de la TTA datée du 26 mars 1997 a été déposée sous la cote A-1, et Mme Vanden Berg a renvoyé à la rubrique suivante (page 6) :

[TRADUCTION]

Ardyth Cooper a exprimé une préoccupation au sujet du temps supplémentaire. Elle avait l'impression que l'idée d'un taux de salaire fixe représentait un contrat par opposition à un rapport d'employeur-employé. Elle était d'accord avec Pat Chipps en ce qui concerne les conséquences financières. Elle a déclaré ne pas souhaiter se retrouver dans la situation d'avoir à inscrire le temps supplémentaire. Elle a émis le commentaire selon lequel, si le système fonctionne bien, il devrait être laissé dans l'état actuel.

[5] Mme Vanden Berg a déclaré qu'il n'a jamais été question que les négociateurs de traités reçoivent une rémunération pour ce qui est du temps supplémentaire, des payes de vacances ou des autres avantages habituellement associés au statut d'employé. Un bâtiment transportable était utilisé par chaque Première nation membre de la TTA, à l'exception de la Première nation T'Sou-ke, pour les besoins de la TTA, et les commis à la négociation de traités travaillaient dans ces bureaux. Dans le bureau du conseil de bande de Sooke, un espace était assigné à l'usage particulier de la TTA. Aucun feuillet T4 n'a jamais été envoyé par la TTA à un négociateur.

[6] En contre-interrogatoire, Mme Vanden Berg a été renvoyée à la page 6 du procès-verbal de la réunion du 26 mars 1997, pièce A-1, où elle avait émis le commentaire selon lequel certains négociateurs consacraient plus de temps à leur travail que d'autres et que les nouveaux contrats, constituant un sujet de discussion, devraient prévoir un taux horaire. Ensuite, au bas de la page 6, Mme Vanden Berg, selon le procès-verbal, a déclaré :

[TRADUCTION]

[...] les entrepreneurs ne sont payés que pour le travail accompli. Le fait que les négociateurs ont un taux fixe indiquerait à Revenu Canada qu'ils sont réellement des employés. [...] Le gouvernement de la Colombie-Britannique a éprouvé ce problème avec ses entrepreneurs.

[7] Mme Vanden Berg a reconnu que le paiement d'un taux de salaire fixe s'est poursuivi, même après l'augmentation de la rémunération à 4 166 $ par mois. Il n'y a pas eu de projets spéciaux ayant entraîné le paiement du montant supplémentaire de 300 $ par jour prévu par le contrat. Toutefois, Mme Vanden Berg a déclaré qu'il était clair pour elle qu'aucun négociateur ne souhaitait avoir le statut d'employé et que chacun pouvait remplir des fonctions supplémentaires pour d'autres personnes ou organismes. Mme Vanden Berg exerce ses activités par l'entremise d'une société, Vanden Berg & Associates Inc. (“ Associates Inc. ”) et cette dernière travaille en vertu d'un contrat pour les Premières nations dans toute la Colombie-Britannique et elle peut offrir ses services relativement à 20 projets pendant une période de temps particulière. Sa société compte cinq employés et a recours aux services de différents spécialistes de temps à autre au moyen de la sous-traitance. Le diagramme de la structure de la TTA, pièce R-2, est exact à l'exception du fait que Wilson Bob était le chef des négociateurs et non le négociateur en chef. Le soutien technique souligné sur la feuille est fourni par Associates Inc. Le gouvernement de chaque Première nation faisant partie de la TTA est composé d'un chef et de deux ou trois conseillers, selon la population de la collectivité. Le contrat, pièce R-1, avait été préparé par un avocat et il comportait l'échéance du 31 mars 1997. Certains négociateurs étaient également chefs de leur bande tandis que d'autres exerçaient d'autres activités découlant d'une entreprise. Wilson Bob était le président du Conseil d'administration de la TTA ainsi qu'un négociateur qui remplissait le rôle du chef des négociateurs, ce qui signifie qu'il était le porte-parole principal à la table de négociation. Mme Vanden Berg, dans son rôle d'âme dirigeante de Associates Inc., était une conseillère et elle ne donnait pas d'instructions au personnel de la TTA qui était supervisé par le chef et le conseil local.

[8] En réinterrogatoire, Mme Vanden Berg a déclaré que les négociateurs, tout en travaillant en équipe et en se donnant mutuellement des conseils, agissaient indépendamment et ne souhaitaient pas que le travail de la négociation devienne une activité à plein temps puisqu'ils étaient constamment au courant que le processus de négociation de traités dépendait entièrement du financement provenant des gouvernements fédéral et provincial et qu'il pouvait ne pas être renouvelé.

[9] Denise Purcell a déclaré vivre à Sooke et être négociatrice pour la Première nation T'Sou-ke. Elle a signé un mandat de représentation en avril 1999, à la suite du départ d'Ardyth Cooper. La collectivité a décidé qu'elle souhaitait avoir deux négociateurs, l'un qui traiterait des questions liées à la terre et à l'autonomie gouvernementale et l'autre qui s'occuperait des ressources et des droits de pêche. La rémunération de 4 166 $ par mois, auparavant versée à Mme Cooper, était divisée à parts égales entre Mme Purcell et l'autre négociateur. Elle a accepté le poste au motif qu'elle agirait à titre d'entrepreneure indépendante et qu'elle avait une possibilité de profit en effectuant ses tâches en moins de temps. À son avis, le statut d'entrepreneur indépendant était plus approprié parce que l'existence de la table de négociation était constamment menacée et celle-ci pouvait s'effondrer totalement en raison de l'arrêt du financement. Mme Purcell a déclaré connaître Mme Cooper depuis un certain temps et qu'à un moment, cette dernière lui a demandé d'effectuer du travail d'élaboration de politiques pour la TTA. Mme Purcell a déclaré qu'elle possédait ses propres ordinateur, avec courrier électronique, imprimante et équipement de bureau et qu'elle effectuait 99 p. 100 de son travail à la maison. Ses connaissances se situent en ressources humaines et elle a également offert des conseils sur le personnel à la TTA, mais cela s'est fait séparément de ses fonctions de négociatrice. Auparavant, elle avait travaillé pendant 19 ans pour le gouvernement fédéral. Les commis à la négociation de traités produisaient un bulletin toutes les deux semaines qui était distribué au sein de la collectivité.

[10] En contre-interrogatoire, Mme Purcell a déclaré que seul un certain montant d'argent était alloué au processus de négociation et que la Première nation T'Sou-ke souhaitait avoir deux négociateurs. Elle n'exploite pas d'autre entreprise de négociation et lorsque Mme Cooper l'a abordée afin d'effectuer du travail d'élaboration de politiques, la TTA n'était pas d'accord pour que Mme Cooper l'embauche.

[11] Rose Marie Dumont a indiqué dans son témoignage vivre à Sooke et travailler en tant que commis à la négociation de traités pour la Première nation T'Sou-ke. Elle est également membre du comité des finances et reçoit chaque année un feuillet T4 établissant le revenu qu'elle a gagné. Elle reçoit également une paye de vacances, un paiement pour les jours fériés et est indemnisée pour le temps supplémentaire. On lui fournit de plus le téléphone, l'ordinateur, le télécopieur et tout autre équipement de bureau. Mme Dumont a déclaré avoir rencontré Ardyth Cooper en 1992 au moment où cette dernière était la gérante de bande de la Première nation T'Sou-ke. Mme Dumont a déclaré que Mme Cooper, alors qu'elle travaillait pour la TTA en tant que négociatrice, avait mentionné à plusieurs occasions qu'elle était une entrepreneure indépendante et qu'elle n'était pas tenue de payer des cotisations d'assurance-emploi et qu'elle avait la liberté d'aller et de venir comme bon lui semblait. À un moment, Mme Cooper souhaitait que la Première nation T'Sou-ke décide de ne pas participer au processus de négociation en raison d'un manque de financement. Cette proposition n'a pas reçu l'approbation des membres de la bande, et une lettre, pièce A-3, a été envoyée à Wilson Bob le 7 février 1999 lui demandant de démettre Mme Cooper du poste de négociatrice. Auparavant, par lettre datée du 20 janvier 1999, pièce A-4, Wilson Bob avait informé les membres de la TTA que le contrat de Mme Cooper ne serait pas renouvelé. Le Conseil d'administration de la TTA a refusé de renouveler son contrat et, comme l'avait demandé la collectivité, deux négociateurs l'ont remplacée dans ses fonctions. Selon Mme Dumont, Mme Cooper avait pu s'absenter quand elle le désirait, notamment pour prendre des vacances à Hawaï.

[12] En contre-interrogatoire, Mme Dumont a été renvoyée à une lettre datée du 9 juillet 1999, envoyée par elle et Michelle Sprinkling à George Jones, avocat de l'appelante, et qui a été déposée sous la cote R-3. Mme Dumont a déclaré que l'envoi de la lettre a été provoqué par un appel téléphonique d'une femme au bureau du conseil de bande qui demandait un feuillet T4 pour Mme Cooper. En réponse, Mme Dumont a informé la personne au bout du fil que Mme Cooper n'avait jamais été une employée de la Première nation T'Sou-ke et qu'elle avait travaillé en tant que négociatrice en vertu d'un contrat pour la TTA et, en conséquence, elle ne comprenait pas pourquoi Mme Cooper se trouvait à un bureau d'assurance-emploi en vue d'obtenir des prestations. Le bureau du conseil de bande n'avait jamais envoyé de feuillet T4 à Mme Cooper, et le document, pièce A-2, n'a jamais été déposé par personne auprès de la Première nation T'Sou-ke ni au nom de la TTA. Mme Cooper possédait son propre télécopieur et son propre ordinateur portatif et pouvait utiliser les fournitures du bureau responsable de la négociation du traité, bien qu'aucune ne lui avait particulièrement été offerte. Avant de conclure la cause de l'appelante, l'avocat a déposé, sous la cote A-5, un certificat de constitution daté du 8 septembre 1994 précisant que la TTA a été constituée en société en vertu de la Society Act de la Colombie-Britannique en tant que société à but non lucratif.

[13] Ardyth Cooper a indiqué dans son témoignage être une résidente de Sooke, en Colombie-Britannique, et être membre de la Première nation T'Sou-ke. Elle a commencé à travailler pour la TTA en avril 1996 et le mois suivant elle a signé le contrat, pièce R-1, qui présente une description de ses tâches. Elle a signé le contrat à titre de consultante et, à ce moment, sa principale priorité était d'éviter de payer de l'impôt sur sa rémunération car celle-ci était gagnée dans une réserve et par conséquent était exemptée d'impôt. Mme Cooper a déclaré qu'on lui avait dit que la TTA ne pouvait se permettre de payer des cotisations d'assurance-emploi ou du Régime de pensions du Canada. Au départ, elle facturait un montant de 885 $ deux fois par mois à la TTA ainsi qu'un montant supplémentaire découlant du travail effectué sur des projets spéciaux qui était facturé à 300 $ par jour. Plus tard, le salaire a été augmenté au montant de 2 083,34 $, versé deux fois par mois, et elle a compris que dorénavant elle allait travailler à plein temps. Une photocopie de certains de ses chèques de paye, pièce R-4, indiquait qu'ils avaient été émis à partir du compte du bureau responsable de la négociation du traité de la nation T'Sou-ke. La TTA lui avait remboursé les frais liés au travail et il ne lui était pas nécessaire de produire des déclarations de revenus. Selon Mme Cooper, ses fonctions incluaient le fait d'exploiter le bureau responsable de la négociation du traité dans la réserve T'Sou-ke et de participer aux séances de négociation sous la direction du Conseil d'administration de la TTA et de Wilson Bob, chef des négociateurs. Elle était tenue de participer aux rencontres et ne pouvait envoyer un remplaçant pour exercer ses fonctions. Un exemple de calendrier dans lequel ses engagements étaient présentés a été déposé, pièce R-5, et se rapportait au mois de janvier 1999. Une rubrique entourée de crochets indiquait qu'une activité n'était pas liée au travail effectué pour la TTA. D'autres négociateurs avaient pris un congé en août, mais elle a attendu jusqu'en novembre, époque à laquelle elle est allée à Hawaï et elle avait informé le personnel du bureau responsable de la négociation du traité de son intention de s'absenter. Mme Cooper a déclaré croire qu'il y avait une attente de la part des membres de sa collectivité selon laquelle elle serait une négociatrice à plein temps pour la TTA puisque le salaire était important, particulièrement dans le cadre de sa collectivité, et elle croyait qu'elle devrait consacrer suffisamment de temps et d'efforts à sa tâche, y compris participer à un comité de femmes sur les pêches, à la demande de certains membres de la Première nation T'Sou-ke. Elle travaillait à la maison, à l'occasion, mais également à partir du bureau de la TTA à la nation T'Sou-ke, et certaines fournitures lui étaient fournies dans le cadre de son travail. Elle a participé à un sommet des Premières nations en sa qualité de membre de l'équipe de négociation de la TTA. Michelle Sprinkling et Rose Dumont l'ont aidée au bureau sur des questions comme la coordination des programmes et l'organisation de rencontres. Elles lui ont également offert des conseils sur l'utilisation de l'ordinateur. Sa carte d'affaires, pièce R-7, la décrivait comme :

[TRADUCTION]

Négociatrice pour la nation T'Sou-ke, bureau responsable de la négociation du traité de la nation T'Sou-ke.

Mme Cooper a déclaré recevoir son salaire fixe deux fois par mois et n'avoir aucune autre entreprise au moment où elle est devenue négociatrice pour la TTA. À l'occasion, elle assistait à certaines réunions du gouvernement provincial à la demande du chef de la nation T'Sou-ke dans le but de favoriser et de maintenir de bonnes relations. Elle a reçu une lettre, pièce R-9, de Wilson Bob, datée du 26 juin 1997, lui demandant de confirmer au comité des femmes sur les pêches que toute participation de sa part ne se faisait pas au nom de la TTA ni en sa qualité de négociatrice pour la TTA. Dans la lettre de cessation d'emploi, pièce R-10, datée du 16 février 1999, signée par Wilson Bob en tant que président du Conseil d'administration et Burt Charles, coprésident, Mme Cooper a renvoyé au troisième paragraphe qui est ainsi rédigé :

[TRADUCTION]

Par la présente, la Te'mexw Treaty Association vous avise que votre contrat pour le poste de négociatrice pour la Te'mexw Treaty Association (en tant que représentante de la nation T'Sou-ke) est résilié et que vous êtes démise de votre fonction. Votre contrat, s'il existe, ne sera pas renouvelé.

[14] Puis, au lieu d'un préavis de 30 jours, la TTA a payé à Mme Cooper son salaire régulier pour la période du 17 février 1999 au 18 mars 1999.

[15] En contre-interrogatoire, Mme Cooper a déclaré ne pas savoir d'où proviennent les feuillets T4, pièce A-2, puisque la seule discussion qu'elle a eue à cet égard était avec un employé de Revenu Canada relativement à sa demande de prestations d'assurance-emploi et qu'elle avait compris que quelqu'un au bureau d'assurance-emploi avait demandé un feuillet T4 à la TTA pour ce qui est de son revenu comme négociatrice. Mme Cooper a expliqué qu'elle aimait son travail et qu'elle consacrait beaucoup de temps et d'efforts à gagner ce qui était un montant d'argent considérable. Les membres du conseil de bande ne l'avaient jamais informée du fait que des personnes étaient insatisfaites de sa performance. Selon elle, il n'est pas correct d'insinuer qu'elle avait décidé, seulement après son renvoi en février 1999, que son statut auprès de la TTA était celui d'une employée. Pour ce qui est de ses commentaires enregistrés au procès-verbal, pièce A-1, elle ne se rappelle pas si elle en avait reçu ou non une copie, mais elle a admis avoir fait la remarque [TRADUCTION] “ si le système fonctionne bien, il devrait être laissé dans l'état actuel ”. Les contrats expiraient le 31 mars de chaque année, et la rencontre particulière du 26 mars 1997 a eu lieu peu de temps avant la date fixée pour le renouvellement. Une fois que l'échéance, le 31 mars 1997, a été passée dans le contrat original, pièce R-1, Mme Cooper n'a pas signé de nouveaux contrats ni de renouvellements. Tous les négociateurs ne faisaient que continuer sur la même base qu'auparavant. Mme Cooper a déclaré avoir fréquenté la University of Victoria en 1970, étudiant les arts et l'anthropologie, et avait également travaillé pour le Royal British Columbia Museum. Elle a fréquenté pendant un an la faculté de droit de la University of British Columbia et a participé à des études avancées en gestion à Banff. En outre, elle avait effectué des recherches sur le syndrôme de l'alcoolisme foetal pour le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et a été membre du Comité sur la situation de la femme. Mme Cooper a déclaré que pendant sa vie active, elle avait été une employée et une entrepreneure indépendante et qu'elle avait également été nommée à des postes nécessitant un décret. Actuellement, elle est étudiante à temps partiel et elle offre également ses services au gouvernement provincial en vertu d'une nomination par décret. Selon l'opinion de Mme Cooper à propos de la structure d'ensemble de la TTA, les administrateurs étaient nommés par chaque conseil de bande, et elle ne faisait pas de distinction entre les services rendus pour la TTA ou pour le bénéfice des 200 membres de la Première nation T'Sou-ke. Un déjeuner tenu pour les aînés a eu lieu dans un bâtiment transportable utilisé par la TTA et, à son avis, il constituait une réception conforme aux objectifs de la TTA. Bien que la TTA ne soutienne pas la proposition relative aux pièges à poissons, le chef de la nation T'Sou-ke, également l'un des administrateurs de la TTA, soutenait le projet, mais un changement est intervenu dans le poste ministériel du ministère des Pêches de la Colombie-Britannique et le concept n'a pas été poursuivi. À un moment, un important déficit pour la TTA avait été prévu et Mme Cooper se préoccupait du coût des paiements versés aux consultants, aux avocats, ceux pour la location de locaux à bureaux au centre-ville de Victoria et pour les autres frais. Pour ce qui est de son calendrier, pièce R-5, il représentait un exemple de la méthode utilisée par elle pour l'inscription des activités, et les espaces en blanc signifiaient probablement qu'elle se trouvait au bureau responsable de la négociation du traité. Lorsqu'elle a participé au Sommet des Premières nations, elle l'a fait parce qu'il lui était nécessaire d'être présente en raison de ses fonctions de négociatrice pour la TTA même si ses dépenses étaient payées par les organisateurs du sommet à partir d'un budget distinct.

[16] La question de la veste du personnel qui avait été offerte à Mme Cooper a été soulevée au cours des témoignages et, en contre-preuve, Rose Dumont a indiqué dans son témoignage que les vestes avaient été offertes aux entrepreneurs travaillant pour la nation T'Sou-ke, y compris à un biologiste à l'emploi du ministère des Pêches, et cela ne visait pas à accorder un statut d'employé.

[17] L'avocat de l'appelante a soutenu que rien dans la preuve n'indique une intention de la part de Mme Cooper d'être considérée comme une employée de la TTA et que cela était important étant donné le contexte du contrôle tel qu'il est appuyé par la conduite des parties. Moins de temps passé à effectuer le travail pour la TTA faisait en sorte que plus de temps pouvait être consacré à d'autres activités rémunératrices et, selon l'avocat, l'emploi de négociateur de traités ne faisait pas partie intégrante des activités de la TTA puisqu'il y avait d'autres personnes qui jouaient un rôle semblable. L'augmentation du salaire n'était pas liée à un changement des fonctions de négociateur, et l'avocat a fait remarquer que cela n'avait rien à voir avec le fait que la fonction était devenue un emploi à plein temps.

[18] L'avocate de l'intimé a soutenu que la preuve a établi qu'il existait un contrôle sur le travail à être effectué et que les directives étaient données par Wilson Bob, le chef des négociateurs. En ce qui concerne les outils, très peu étaient nécessaires et les cartes d'affaires étaient fournies par la TTA ainsi que les locaux à bureaux et les fournitures, lorsqu'ils étaient nécessaires. De plus, il n'y avait pas de chance de profit ni de risque de perte puisque Ardyth Cooper se voyait rembourser ses frais de déplacement et les autres dépenses liées à son travail. Pour ce qui est de la question de l'intégration, l'avocate a soutenu que le coeur et l'âme mêmes de la TTA, une société à but non lucratif, était le processus de négociation du traité et que la fonction exercée par l'appelante était en accord avec cet objet établi.

[19] Dans l'affaire Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553 ([1986] 2 C.T.C. 200), la Cour d'appel fédérale a accepté de soumettre la preuve aux critères suivants, tout en avertissant que les critères doivent être considérés comme un critère comprenant quatre éléments et que l'accent doit être placé sur l'ensemble des éléments qui entraient dans le cadre des opérations. Les critères sont :

1. Le critère du contrôle

2. La propriété des instruments de travail

3. La possibilité de profit ou le risque de perte

4. Le critère d'intégration

Contrôle :

[20] Très peu de contrôle était exercé par l'appelante sur la travailleuse en l'espèce. Le mandat de la TTA était d'offrir un mécanisme grâce auquel les négociations de traités pouvaient être menées au nom de cinq Premières nations distinctes. La participation personnelle était obligatoire à la table de négociation, et les négociateurs étaient tenus de présenter un rapport régulièrement et de maintenir la communication avec les membres de leur collectivité en ce qui a trait aux détails des pourparlers en cours. Les rencontres étaient établies par consensus, et les dates des discussions suivantes devaient respecter les engagements de tous les participants à la table de négociation. Le travail d'Ardyth Cooper ne faisait l'objet d'aucune supervision autre que celle de devoir suivre les directives de Wilson Bob, le chef des négociateurs. Du point de vue du contrôle, pris isolément, il serait très difficile de distinguer le travailleur des autres personnes participant au processus qui étaient des consultants indépendants et qui exploitaient une entreprise distincte.

Instruments de travail :

[21] Très peu d'instruments et d'équipements étaient nécessaires pour exercer la fonction de négociateur de traités. Bien que la preuve ait révélé qu'une partie de l'équipement de bureau de la travailleuse lui appartenait, elle avait également recours aux services du personnel du bureau de la TTA à la nation T'Sou-ke et pouvait utiliser les fournitures, le cas échéant. De nos jours, dans un lieu de travail, il n'est pas inhabituel pour les employés de fournir leurs propres ordinateur portable, téléavertisseur et téléphone cellulaire en plus d'être branchés à Internet, le tout à leurs frais sans qu'ils soient particulièrement obligés de le faire par leur employeur. La raison est que le travailleur souhaite avoir accès à des outils de communication modernes pour une variété de besoins, dont le travail. De tels équipements de communication et dispositifs de calcul comme les modèles portatifs et les portables comportant des capacités de stockage énormes sont devenus l'équivalent moderne des outils portatifs qu'avaient autrefois en leur possession les charpentiers, les maçons, les mécaniciens et les autres personnes de métier. Un local à bureaux a été fourni à Ardyth Cooper, et la preuve a révélé qu'elle travaillait rarement à la maison et qu'au contraire elle effectuait la majorité de son travail au bureau responsable de la négociation du traité de la TTA comme centre des opérations, s'appuyant sur le personnel pour l'aider à établir le calendrier de certains travaux et à effectuer certains d'entre eux grâce à l'ordinateur du bureau.

Possibilité de profit ou risque de perte :

[22] Au départ, en fait de rétribution, un négociateur de traités recevait un montant de 835 $, payé deux fois par mois, et avait la possibilité de gagner un montant supplémentaire au taux de 300 $ par jour en travaillant à un projet spécial. Plus tard, le paiement a augmenté à 4 166 $ par mois malgré le fait que la charge de travail soit demeurée essentiellement la même. Le taux quotidien supplémentaire n'était plus applicable, et tous les négociateurs de la TTA recevaient le même salaire, malgré le fait que certains travaillaient plus d'heures que d'autres. Les frais de déplacement, dont une indemnité de kilométrage, et les dépenses liées au travail étaient remboursés par la TTA, et le local à bureaux ainsi que les fournitures étaient fournis si le travailleur choisissait d'utiliser le bureau au lieu de travailler à la maison. Il n'y avait pas de chance d'augmenter le profit à partir de l'activité rémunérée par la TTA, et le fait de consacrer moins de temps au travail, tout en gagnant le même montant, dans le but de réserver du temps pour exercer d'autres activités rémunératrices ne représente pas la manière dont le critère est appliqué. Il faut examiner le travail qui est effectué dans le contexte de la relation entre le payeur et le travailleur et déterminer si, dans l'exercice de ces fonctions, il existe une possibilité pour le travailleur de faire un profit grâce à une saine gestion et si, pour différentes raisons, il est possible que des pertes soient subies. La travailleuse n'a pas eu à fournir de biens immobilisés et les dépenses étaient remboursées par la TTA ou, dans le cas de la participation au Sommet des Premières nations, par les organisateurs de la conférence grâce à un financement particulier pour ce besoin.

Intégration :

[23] La travailleuse en l'espèce a en réalité été nommée par sa collectivité, la nation T'Sou-ke, pour être la négociatrice du traité par l'entremise de l'organisation-cadre, la TTA, une société à but non lucratif constituée en personne morale pour les objectifs présentés dans la constitution, qui sont tous liés d'une manière ou d'une autre à la préparation et à l'exercice efficace de négociations de traités avec le gouvernement du Canada et le gouvernement de la province de la Colombie-Britannique, y compris le fait de réunir des fonds pour financer le processus de la négociation des traités par l'octroi de subventions et la conclusion de contrats de prêts. Le Conseil d'administration de la TTA a approuvé la nomination d'Ardyth Cooper, une candidate qualifiée pour agir comme négociatrice de traités, et on lui a offert l'occasion d'exercer ses fonctions requises en vertu d'un contrat écrit (pièce R-1). Toutes les négociations ont ensuite été entreprises en vertu des politiques et des directives établies par le Conseil d'administration de la TTA, telles qu'elles sont administrées par le personnel sous la direction de Wilson Bob, le chef des négociateurs. La travailleuse a été informée par lettre envoyée par Wilson Bob du fait qu'elle était tenue d'indiquer clairement à un comité portant sur un projet relatif à la pêche que sa participation ne se faisait pas au nom de la TTA.

[24] Aux pages 563 et 564 [1986] (C.T.C. : à la page 206) de son jugement dans l'affaire Wiebe (précitée), le juge MacGuigan de la Cour d'appel fédérale a déclaré :

De toute évidence, le critère d'organisation énoncé par lord Denning et d'autres juristes donne des résultats tout à fait acceptables s'il est appliqué de la bonne manière, c'est-à-dire quand la question d'organisation ou d'intégration est envisagée du point de vue de l'“ employé ” et non de celui de l'“ employeur ”. En effet, il est toujours très facile, en examinant la question du point de vue dominant de la grande entreprise, de présumer que les activités concourantes sont organisées dans le seul but de favoriser l'activité la plus importante. Nous devons nous rappeler que c'est en tenant compte de l'entreprise de l'employé que lord Wright a posé la question “ À qui appartient l'entreprise ”.

C'est probablement le juge Cooke, dans Market Investigations, Ltd. v. Minister of Social Security, [1968] 3 All E.R. 732 (Q.B.D.), qui, parmi ceux qui ont examiné le problème, en a fait la meilleure synthèse (aux pages 738 et 739) :

[TRADUCTION] Les remarques de LORD WRIGHT, du LORD JUGE DENNING et des juges de la Cour suprême des États-Unis laissent à entendre que le critère fondamental à appliquer est celui-ci : “ La personne qui s'est engagée à accomplir ces tâches les accomplit-elle en tant que personne dans les affaires à son compte ”. Si la réponse à cette question est affirmative, alors il s'agit d'un contrat d'entreprise. Si la réponse est négative, alors il s'agit d'un contrat de service personnel. Aucune liste exhaustive des éléments qui sont pertinents pour trancher cette question n'a été dressée, peut-être n'est-il pas possible de le faire; on ne peut non plus établir de règles rigides quant à l'importance relative qu'il faudrait attacher à ces divers éléments dans un cas particulier. Tout ce qu'on peut dire, c'est qu'il faudra toujours tenir compte du contrôle même s'il ne peut plus être considéré comme le seul facteur déterminant; et que des facteurs qui peuvent avoir une certaine importance sont des questions comme celles de savoir si celui qui accomplit la tâche fournit son propre outillage, s'il engage lui-même ses aides, quelle est l'étendue de ses risques financiers, jusqu'à quel point il est responsable des mises de fonds et de la gestion, et jusqu'à quel point il peut tirer profit d'une gestion saine dans l'accomplissement de sa tâche. L'utilisation du critère général peut être plus facile dans un cas où la personne qui s'engage à rendre le service le fait dans le cadre d'une affaire déjà établie; mais ce facteur n'est pas déterminant. Une personne qui s'engage à rendre des services à une autre personne peut bien être un entrepreneur indépendant même si elle n'a pas conclu de contrat dans le cadre d'une entreprise qu'elle dirige actuellement.

Quand il doit régler un tel problème, le juge de première instance ne peut se soustraire à l'obligation de peser avec soin tous les facteurs pertinents, comme l'a indiqué le juge Cooke.

[25] L'activité autorisée par la constitution de la TTA est l'activité dont il est question en l'espèce et il s'agissait de la raison d'être de cette personne morale en tant que société à but non lucratif. La formation de la TTA avait pour but de permettre à cette dernière d'agir à titre d'organisation-cadre grâce à laquelle les négociations, d'une manière coordonnée, seraient menées au nom de cinq Premières nations qui avaient, dans une certaine mesure, des intérêts variés pouvant être présentés à la table de négociation. Il est possible de voir un exemple d'une entrepreneure indépendante en examinant le rôle de la société de Linda Vanden Berg (Associates Inc.) dans le contexte où elle offre ses services à la TTA et à différents autres groupes de la province par le biais d'une structure distincte et séparée qui traite avec la TTA sur la base d'une relation entre entités, et Associates Inc. a la possibilité d'effectuer une dizaine de projets en même temps en ayant recours au personnel ainsi qu'aux sous-traitants qualifiés dans différents domaines de temps à autre lorsque c'est nécessaire. En l'espèce, Ardyth Cooper a été embauchée par la TTA à titre de négociatrice de traités à un salaire fixe. Elle n'était pas une personne qui exploitait une entreprise à son compte. Comme elle l'a déclaré au cours de son témoignage, lorsqu'elle a signé le contrat, pièce R-1, sa principale préoccupation était qu'elle n'établissait pas une relation de travail qui aurait pu être interprétée d'une manière qui pourrait mettre en péril le statut exonéré d'impôt de son salaire qui était un revenu gagné dans une réserve et par conséquent soustrait aux dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu. Il existe certaines similitudes en l'espèce avec l'affaire Sliammon Development Corporation c. Canada [2000] A.C.I. no 109, datée du 28 février 2000. Dans cette affaire, le travailleur, Alfred C. Butterfield, était soumis à un niveau de contrôle beaucoup plus élevé et à une supervision quotidienne et était tenu de se présenter au bureau du payeur pour effectuer le travail. Dans cet appel, Sliammon Development Corporation (SDC) avait fait de la publicité pour un directeur des opérations, puis avait prétendu assigner les fonctions obligatoires au travailleur en vertu d'un contrat écrit qui, comme en l'espèce, avait expiré, mais avait continué de régir la relation continue entre les parties au motif qu'il avait été prolongé ou renouvelé. Dans l'affaire Sliammon, le travailleur, depuis le début, s'était considéré comme un employé et avait adopté cette position auprès des comptables de SDC et des autres représentants du payeur. En l'espèce, l'attitude d'Ardyth Cooper était appuyée par le commentaire [TRADUCTION] “ si le système fonctionne bien, il devrait être laissé dans l'état actuel ”. Elle était contente de posséder le prétendu statut d'une entrepreneure indépendante en vertu du contrat écrit et de toute prorogation dudit contrat, en raison de la conduite des parties par opposition à tout renouvellement écrit, et de continuer sur la même base qu'avant. Il est manifeste que l'augmentation de salaire pour les négociateurs n'était en aucune façon liée au fait que le poste était soudainement transformé en un emploi à plein temps. Toutefois, la jurisprudence est claire sur ce point. Ce que les parties pensaient de leur relation ne va pas changer les faits. Dans l'affaire Le Ministre du Revenu national c. Emily Standing, C.A.F., no A-857-90, 29 septembre 1992 (147 N.R. 238), le juge Stone de la Cour d'appel fédérale a déclaré, à la page 2 (N.R. aux pages 239 et 240) :

Rien dans la jurisprudence ne permet d'avancer l'existence d'une telle relation du simple fait que les parties ont choisi de la définir ainsi sans égards aux circonstances entourantes appréciées en fonction du critère de l'arrêt Wiebe Door.

[26] Après avoir été informée du fait qu'elle avait été congédiée par la TTA, Ardyth Cooper a par la suite eu une révélation en se rendant au bureau de l'assurance-emploi. Pour poursuivre dans cette veine en ce qui concerne la description de son statut alors qu'elle travaillait pour la TTA, elle a demandé des prestations au motif qu'elle avait pendant tout ce temps été une employée, travaillant en vertu d'un contrat de louage de services. Cette position n'est pas en accord avec sa conduite tout au long de sa relation de travail avec la TTA. Une remarque que j'ai faite dans l'affaire Sliammon, à la page 7 (paragraphe 17) est également pertinente en l'espèce et est ainsi rédigée :

La jurisprudence est claire sur ce point : les parties ne peuvent s'arroger une qualité sauf si elle est en accord avec les faits. Cependant, j'estime regrettable que des gens puissent conclure une entente qui manifeste superficiellement plusieurs des caractéristiques propres à une relation d'entrepreneur indépendant, pour ensuite prétendre à la qualité d'employé lorsque la relation de travail a pris fin. Il semble qu'un avantage pratique de cette volte-face est d'avoir permis à l'employé reconverti d'échapper au versement des primes d'assurance-emploi et aux cotisations au Régime de pensions du Canada tout au long de son emploi, alors que le payeur-employeur fait l'objet de cotisations pour la totalité des primes et/ou des cotisations au motif que l'employeur est tenu, en vertu des dispositions de la Loi sur l'assurance-emploi et du Régime de pensions du Canada, de verser les primes et les cotisations appropriées relatives à un employé. Les faits de l'espèce ne sont pas semblables à ceux que l'on rencontre parfois dans des appels où le travailleur n'a aucun pouvoir réel de négociation et doit essentiellement endosser le costume d'entrepreneur-indépendant que lui impose le payeur comme condition de son embauchage. En l'espèce, M. Butterfield était un professionnel très instruit et il aurait pu dès le départ prendre des mesures pour clarifier sa qualité, mais c'est là une affaire de morale et d'éthique professionnelle qui ne donne lieu à aucune forme de préclusion ou autre conséquence juridique qui puisse empêcher le tribunal de faire assumer à celui qui a travaillé sa réelle qualité conformément à la preuve soumise.

[27] J'ai formulé un autre commentaire dans l'affaire Sliammon (précitée), à la page 7 (paragraphe 15) qui est également pertinent en l'espèce. Il portait sur la prestation continue de services offerts par M. Butterfield même si le contrat était expiré. J'ai déclaré :

[...] Il serait très inusité pour [un] entrepreneur indépendant de continuer la prestation de ses services après l'expiration de son contrat.

[28] La poursuite du contrat, par la conduite des parties, par opposition à des procédures officielles de renouvellement telles qu'elles étaient établies dans le contrat qui a expiré le 31 mars 1997, a tendance à être plus conforme à un statut d'emploi en vertu d'un contrat de louage de services ayant une durée indéterminée plutôt qu'à une relation contractuelle, pour une durée fixe, entre des parties indépendantes. Le libellé du contrat, pièce R-1, signé par Mme Cooper, qui est désignée comme une “ consultante ” en vertu des modalités du contrat est ainsi rédigé :

[TRADUCTION]

La consultante reconnaît que le présent contrat sera résilié à la fin du mois de mars 1997 et qu'il peut être renouvelé sous réserve de révision par le Conseil d'administration.

[29] Comme on l'a noté plus tôt, une clause dudit contrat prévoyait l'envoi d'un préavis de 21 jours à l'autre partie en cas de résiliation du contrat. Toutefois, après avoir informé Mme Cooper qu'elle avait été congédiée de son poste de négociatrice, la TTA lui a payé une rémunération de 30 jours au lieu de lui donner un avis. La lettre, pièce R-10, datée du 16 février 1999, a également informé Mme Cooper de ce qui suit :

[TRADUCTION]

[...] Votre contrat, s'il existe, ne sera pas renouvelé.

[30] Le libellé ci-dessus est important et appuie l'idée que Mme Cooper occupait un emploi en vertu d'un contrat de louage de services au lieu d'offrir des services dans un contexte entrepreneurial à titre d'entrepreneure indépendante.

[31] Il ne revient pas à la Cour de décider si l'action entreprise par la TTA était justifiée ou non lorsqu'elle a résilié le contrat conclu avec Mme Cooper. À l'occasion, l'appel a pris l'allure d'une poursuite pour congédiement injustifié. Le fait que le financement permanent de la TTA puisse être quelque peu précaire ne justifie pas la tentative de transformer des employés en entrepreneurs indépendants pas plus qu'un commis d'un grand magasin travaillant pour un géant de la vente au détail, sur le point de sombrer, devient soudainement un consultant aux ventes indépendant exploitant sa propre entreprise. Le caractère précaire du salaire pour le travail accompli n'est d'aucune aide dans la détermination du statut professionnel.

[32] En tenant compte de la preuve et en l'appliquant de la manière indiquée par la jurisprudence pertinente, je conclus que la décision du ministre est appropriée et elle est par la présente confirmée.

[33] L'appel est rejeté.

Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 17e jour de juillet 2000.

“ D. W. Rowe ”

J.S.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 17e jour de janvier 2001.

Mario Lagacé, réviseur

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