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Date: 19990618

Dossier: 96-4872-IT-G

ENTRE :

PAUL LOZON,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge en chef adjoint Garon, C.C.I.

[1] Les appels en l'instance ont été interjetées à l'encontre de cotisations établies par le ministre du Revenu national pour les années d'imposition 1991, 1992, 1993 et 1994.

[2] Les appels des cotisations établies pour les années d'imposition 1993 et 1994 ont été tranchés au terme de l'audition d'une requête présentée par l'intimée en vue d'annuler les appels interjetés à l'encontre des cotisations portant qu'aucun impôt n'était payable, que le ministre du Revenu national a établies pour les années d'imposition en question. La Cour a accueilli la requête de l'intimée et annulé les appels visant ces cotisations dans un jugement daté du 2 juin 1999.

[3] L'audition des appels en l'instance, qui a commencé le 13 octobre 1998, a été ajournée à la fin de la première séance du matin à la demande de l'appelant pour des raisons de santé. L'appelant a affirmé qu'il souffrait d'une “ déficience du système immunitaire ”. Pour les mêmes raisons, toujours à la demande de l'appelant, l'audition n'a pas repris le lendemain, soit le 14 octobre 1998. La Cour avait antérieurement réservé cette journée pour poursuivre l'audition des appels en l'instance.

[4] Lorsque l'audition des appels a repris le 25 mai 1999 relativement aux années d'imposition 1991 et 1992, l'appelant a indiqué à la Cour, immédiatement après l'assermentation du premier témoin appelé par l'intimée et avant le début de son témoignage, qu'il n'y avait aucune raison de poursuivre l'audition des appels puisque, à son avis, la seule question qu'il souhaitait discuter était celle du complot auxquels étaient mêlés, selon lui, le ministre du Revenu national, son ex-conjointe de fait, Mme Carol Williams, et M. Houghton, son ancien comptable. Il a affirmé qu'il était la cible de ce complot. Comme je l'avais informé que la compétence de la Cour canadienne de l'impôt se limite, de façon générale en matière d'impôt sur le revenu, à examiner la validité de cotisations ou de nouvelles cotisations et qu'elle ne s'occupe pas des affaires relevant du droit criminel, l'appelant voulait mettre fin à l'audition. Je lui ai indiqué que, s'il est mis fin à l'audition avant que l'intimée ait l'occasion de produire une preuve, ses appels seront rejetés. J'ai considéré les remarques de l'appelant comme une indication claire qu'il ne voulait pas poursuivre l'audition des appels relativement aux cotisations établies pour les années d'imposition 1991 et 1992.

[5] Bien qu'il ne soit pas, à mon avis, absolument nécessaire que je rédige des motifs à l'appui du rejet des appels portant sur les années d'imposition 1991 et 1992 dans les circonstances présentes, j'ai cru qu'il serait dans l'intérêt de la justice de rédiger de brefs motifs.

[6] Je me pencherai donc sur les appels interjetés à l'encontre des cotisations établies pour les années d'imposition 1991 et 1992.

[7] Les appels en cause soulèvent les questions suivantes :

Le ministre du Revenu national avait-il le droit d'établir une nouvelle cotisation à l'égard de l'appelant pour l'année d'imposition 1991 après l'expiration du délai normal prescrit pour établir une nouvelle cotisation?

Le ministre du Revenu national était-il justifié d'inclure dans le calcul du revenu de l'appelant pour l'année d'imposition 1991 les gains en capital imposables non déclarés relativement aux propriétés appelées au cours de l'audition des appels en l'instance les propriétés de l'avenue Borden et de l'avenue Mountain?

Les pénalités ont-elles été imposées à bon droit conformément au paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu relativement aux gains en capital imposables non déclarés se rapportant aux propriétés de l'avenue Borden et de l'avenue Mountain?

Le ministre du Revenu national a-t-il à juste titre ajouté au revenu de l'appelant pour l'année d'imposition 1992 le montant de 4 469 $, qui représente prétendument l'intérêt versé par la fiducie établie en faveur de l'appelant et de Mme Carol Williams en tant que bénéficiaires?

Et, enfin, le ministre du Revenu national était-il justifié d'ajouter 30 146 $ au revenu locatif de l'appelant pour l'année d'imposition 1992?

[8] Seul l'appelant a témoigné.

[9] La preuve établit que l'appelant était un résident du Canada et qu'il était propriétaire à un moment donné de biens locatifs — jusqu'à 12 — dans la région de la vallée de l'Okanagan en Colombie-Britannique.

[10] En 1991, l'appelant et sa conjointe de fait, Mme Carol Williams, ont mis un terme à leur relation dans l'acrimonie.

[11] Le ministre du Revenu national s'est fondé sur l'hypothèse selon laquelle l'appelant et Mme Carol Williams étaient propriétaires d'un bien locatif situé au 964, avenue Borden, Penticton (Colombie-Britannique), la “ propriété de l'avenue Borden ”, qu'ils ont vendu la propriété en 1991 et ont réalisé un gain en capital. L'appelant soutient qu'il était l'unique propriétaire de cette propriété et que Mme Carol Williams n'avait aucun droit sur cette propriété. À un moment donné au cours de son témoignage, l'appelant a déclaré qu'il n'avait pas reçu sa moitié du produit de la vente de la propriété de l'avenue Borden et qu'il n'était pas [TRADUCTION]“ supposé payer un gain en capital sur quelque chose qu'il n'avait pas obtenu ”.

[12] Compte tenu de la preuve, je suis convaincu que la part de l'appelant du gain en capital était de 28 554 $, ainsi que l'a supposé le ministre du Revenu national.

[13] Pendant les périodes pertinentes, l'appelant était également propriétaire d'un bien situé au 1229, avenue Mountain, à Penticton (Colombie-Britannique), la “ propriété de l'avenue Mountain ”; il a vendu la propriété en 1991 et a réalisé un gain en capital de 58 326 $.

[14] En ce qui concerne les propriétés de l'avenue Borden et de l'avenue Mountain, l'appelant a expliqué que son ex-conjointe de fait s'était retrouvée avec les propriétés du seul fait que [TRADUCTION] “ Revenu Canada a créé une nouvelle société de personnes au sens de la loi ”. Les observations que l'appelant a faites reflètent son point de vue sur ce qui s'est produit à ce moment-là. Il s'est exprimé en partie ainsi :

[TRADUCTION]

R. Énormément de choses se passent ici. Lorsque vous avez un règlement accompli qui est ensuite changé, plus de crimes sont commis. On ne peut nier le fait qu'une chose est accomplie, mais c'est ce qu'ils ont fait.

Mais tout cela, peu importe, remonte au complot ourdi en 1989 par Revenu Canada, C. A. Williams alias Lozon, et un comptable du nom de Houghton (“ ph ”), qui était censé être mon comptable, mais qui, j'imagine, était en fait le comptable de Revenu Canada.

[Transcription, page 39, lignes 7 à 15.]

[15] Le ministre du Revenu national a formulé notamment l'hypothèse selon laquelle l'appelant avait omis de déclarer les gains en capital qu'il avait réalisés relativement aux propriétés de l'avenue Borden et de l'avenue Mountain dans sa déclaration de revenus de 1991 ou dans toute autre déclaration de revenu, ainsi qu'il est mentionné à l'alinéa 6 g) de la réponse à l'avis d'appel. L'appelant a contesté cette hypothèse. Cependant, la preuve est venue établir que la déclaration de revenus de l'appelant pour l'année d'imposition 1991 ne mentionne nulle part les gains en capital qu'il a réalisés lors de la vente des propriétés de l'avenue Borden et de l'avenue Mountain. L'appelant a déclaré que ses gains en capital avaient été déclarés et il a ajouté que [TRADUCTION] “ Mme Williams les a déclarés par l'entremise de son comptable en 1991 ”. Il a ajouté que [TRADUCTION] “ il n'y avait qu'une seule propriété située au 964 Borden dans la ville de Kelowna ”. Il a insisté sur le fait que son comptable s'était occupé de déclarer les gains en capital.

[16] L'appelant a reconnu que, dans sa déclaration de revenus de 1991, il n'y avait rien dans l'annexe portant sur les gains en capital. De plus, l'appelant a fait la remarque suivante, laquelle décrit son attitude générale sur la déclaration des gains en capital :

[TRADUCTION]

R. [...] Vous savez, si je devais aller -- voici : je n'ai jamais déclaré des gains en capital au complet parce que je ne saurais même pas comment le faire. Alors pourquoi se donner la peine de faire quelque chose que l'on ne peut pas faire?

[Transcription, page 68, lignes 15 à 18.]

[17] L'appelant a contesté l'ajout du montant de 4 669 $ au calcul du revenu qu'il aurait reçu en 1992 de la fiducie dont lui et Mme Carol Williams étaient bénéficiaires. Sur cette question, l'appelant a fait la remarque générale suivante :

[TRADUCTION]

R. Il y a plus d'une façon d'arriver à une situation. Il y a la façon légale et il y a la façon criminelle. Et Revenu Canada n'a pas le pouvoir de créer des sociétés de personnes, des sociétés aux fins fiscales, oui. Certainement pas une société pour une compagne, dans le cadre de laquelle celle-ci obtient plus de la moitié des maisons. Ce n'est pas ainsi que ça se passe avec Revenu Canada. Ils n'ont pas ces droits, alors il y a complot criminel, des crimes sont commis.

[Transcription, page 29, lignes 1 à 8.]

[18] L'appelant a admis l'allégation faite à l'alinéa 6 l) de la réponse à l'avis d'appel, selon laquelle il avait déduit de son revenu de location pour l'année d'imposition 1992 le montant de 4 145,57 $ à titre d'honoraires d'avocats, appelés les “ premiers honoraires d'avocats ”, mais il a nié qu'il s'agissait d'une dépense personnelle. Il a mentionné qu'il s'agissait plutôt d'une dépense d'entreprise.

[19] L'appelant a admis également les hypothèses faites par le ministre du Revenu national aux alinéas o), p), q) et r) du paragraphe 6 de la réponse à l'avis d'appel concernant la propriété appelée la “ propriété Bello ”.

[20] Le ministre du Revenu national a en outre ajouté 30 146 $ au revenu de location de l'appelant pour l'année d'imposition 1992 parce que a) il a refusé la déduction par l'appelant des honoraires d'avocats de 4 145,47 $ mentionnés au paragraphe 18 des présents motifs du jugement et b) il a ajouté un revenu de 26 000 $ qui représente le dépôt qui a été versé à l'appelant et que ce dernier a retenu en remplacement du loyer relativement à la propriété Bello, ainsi que l'a supposé le ministre du Revenu national à l'alinéa 6 r) de la réponse à l'avis d'appel, et dont il a été fait mention au paragraphe 19 des présents motifs du jugement.

[21] Je ferai d'autres remarques sur les cinq questions en litige.

[22] Pour ce qui est de la première question en litige, j'ai conclu qu'il était loisible au ministre du Revenu national d'établir une nouvelle cotisation à l'égard de l'appelant pour l'année d'imposition 1991 après l'expiration du délai normal prescrit pour établir une nouvelle cotisation. En effet, je suis convaincu que l'appelant a fait une fausse déclaration qui est attribuable à la négligence ou à une omission volontaire. Les explications qu'il a fournies pour ne pas avoir déclaré les gains en capital dans sa déclaration de revenus pour l'année d'imposition 1991 ne sont pas crédibles. Au cours de l'audition, l'appelant a montré qu'il ne se souciait manifestement pas de son obligation de déclarer avec exactitude son revenu au fisc, et il n'est donc pas surprenant qu'il ait choisi à l'époque de ne pas déclarer ses gains en capital pour l'année d'imposition 1991.

[23] Pour ce qui est de la deuxième question en litige, l'appelant a effectivement reconnu qu'il avait réalisé des gains en capital lors de la vente des propriétés de l'avenue Borden et de l'avenue Mountain. Il n'a pas réellement contesté le calcul des gains en capital en cause.

[24] En ce qui concerne la troisième question en litige, j'ai statué que le ministre du Revenu national s'est acquitté de la charge qui lui est imposée au paragraphe 163(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Mes remarques sur la première question s'appliquent ici. Le témoignage de l'appelant m'a persuadé qu'il avait sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde omis de déclarer les gains en capital réalisés dans l'année d'imposition 1991 ou qu'il avait participé à cette omission.

[25] En ce qui concerne les quatrième et cinquième questions en litige, l'appelant n'a produit aucune preuve crédible réfutant les hypothèses du ministre du Revenu national concernant l'ajout à son revenu des montants de 4 469 $ et de 30 146 $ pour l'année d'imposition 1992.

[26] Il y a aussi évidemment le fait que, en indiquant qu'il ne voulait pas poursuivre l'audition de ses appels relativement aux années d'imposition 1991 et 1992, l'appelant ne contestait plus les cotisations, qui sont assorties d'une présomption de validité.

[27] Pour ces motifs, les appels des nouvelles cotisations pour les années d'imposition 1991 et 1992 sont rejetés, avec frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de juin 1999.

“ Alban Garon ”

J.C.A.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 15e jour de mars 2000.

Benoît Charron, réviseur

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