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Date: 20001026

Dossier: 1999-1633-IT-G

ENTRE :

CATHERINE DUMAS,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Mogan, C.C.I.

[1] En 1986, l’appelante était employée par la North Grenville & District Association for the Mentally Retarded (“ NGDA ”). Depuis juin 1983, elle travaillait comme conseillère auprès d’adultes atteints de troubles mentaux dans un établissement de Kemptville (Ontario), à quelque 40 kilomètres au sud d’Ottawa. Elle est tombée malade au début de l’été 1986, mais elle a repris le travail à la fin du mois d’août. Elle a été contrainte d’arrêter de travailler à la mi-octobre 1986 parce qu’elle était incapable de s’acquitter de ses fonctions, et elle n’a pas travaillé depuis. Elle était visée par une convention collective conclue entre la NGDA et le Syndicat des employés et employées de la fonction publique de l’Ontario (pièce A–2), qui offrait aux employés une assurance collective assortie notamment d’une assurance invalidité prolongée (“ AIP ”). L’assurance collective de la NGDA était souscrite auprès de La Great West, Compagnie d’Assurance-Vie (“ LGW ”).

[2] LGW a délivré à l’appelante une attestation d’assurance (pièce A-3) dans laquelle figurait la liste des avantages offerts, dont l’AIP. La prime de cette assurance était payée par l’employeur / NGDA (75 p. 100) et l’employée / appelante (25 p. 100). Au cours de l’hiver 1986-1987, l’appelante avait droit, aux termes de l’AIP, à des prestations de 1 210 $ par mois, si elle y était admissible. LGW a payé à l’appelante un montant de 3 630 $ aux termes de l’AIP pour la période de trois mois allant du 14 février au 13 mai 1987 (pièce A-10). LGW a refusé de verser des prestations pour invalidité prolongée après le 13 mai 1987 au motif que l’appelante n’y avait pas droit. L’appelante a intenté une poursuite contre LGW. Le litige a été réglé en septembre 1995 quand LGW a versé à l’appelante un montant de 105 000 $. Il s’agit en l’espèce de déterminer si le montant de 105 000 $ doit être inclus dans le revenu de l’appelante pour l’année 1995.

[3] L’appelante a fait beaucoup de démarches avant d’intenter la poursuite. Après avoir cessé de travailler pour la NGDA le 8 octobre 1986, elle a reçu des “ prestations hebdomadaires ” (pièce A-11) du 9 octobre 1986 au 13 février 1987. Les prestations pour invalidité prolongée ont commencé à lui être versées le 14 février 1987, mais elles ont cessé le 13 mai 1987 parce que LGW ne disposait pas de renseignements cliniques objectifs suffisants. En septembre 1988, l’appelante a retenu les services d’un avocat de Kemptville pour formuler une demande de prestations pour invalidité prolongée, mais LGW a rejeté sa demande (pièce A-12) en raison, la compagnie a-t-elle soutenu, de l’absence de preuve médicale de l’incapacité physique. L’appelante souffrait d’une maladie qui en est venue à être connue sous le nom de syndrome de fatigue chronique. Le 27 septembre 1990, l’appelante a écrit personnellement à LGW (pièce A-13) pour lui demander d’inclure le syndrome de fatigue chronique dans la liste des handicaps ouvrant droit aux prestations pour invalidité prolongée. LGW a refusé d’accéder à sa demande et l’a informée (pièce A-14) que sa couverture avait pris fin le 13 juin 1987 parce qu’elle n’était pas retournée au travail au plus tard le 14 mai 1987.

[4] LGW a continué de refuser de reconnaître le droit de l’appelante à des prestations d’invalidité, comme en font foi les lettres du 12 décembre 1990, du 12 mars 1991 et du 28 avril 1993 (pièces A-15, A-16 et A-18). Dans la pièce A-19, LGW a déclaré qu’elle croyait que le délai pour intenter une action était devenu prescrit le 11 août 1990 (un an et 90 jours après le dernier versement de prestations le 13 mai 1987). Le 24 novembre 1992, l’appelante a intenté une poursuite contre LGW devant la Cour de l’Ontario (Division générale) au moyen d’une déclaration (pièce A-20) déposée par l’entremise de ses procureurs, Nelligan-Power, d’Ottawa. La déclaration se passe de commentaires, mais j’ai reproduit ci-après les parties qui, à mon avis, sont les plus pertinentes.

[TRADUCTION]

4. La demanderesse était employée comme animatrice de cours d’apprentissage de l’autonomie fonctionnelle par la North Grenville District Association for the Mentally Retarded (ci-après appelée la “ North Grenville District A.M.R. ”). Un des avantages que lui conférait son emploi était le droit de toucher les prestations prévues par une police d’assurance collective souscrite auprès de La Great West.

7. En raison de la grande fatigue qu’elle éprouvait et de sa santé déficiente, la demanderesse a arrêté de travailler le 9 octobre 1986. Elle a alors présenté une demande de prestations pour invalidité de courte durée aux termes de la police d’assurance collective no 65212 souscrite par la North Grenville District A.M.R. auprès de La Great West.

8. Des prestations pour invalidité de courte durée, dont le montant s’élevait à 249 $ par semaine, ont été versées par La Great West à la demanderesse, Catherine Dumas, du 18 octobre 1986 au 13 février 1987.

9. La demanderesse est incapable de retourner au travail depuis le 13 février 1987 parce qu’elle souffre du syndrome de fatigue chronique, aussi appelé encéphalo-myélite myalgique, et qu’elle est totalement invalide au sens de la police d’assurance collective no 65212.

10. La demanderesse affirme que la police d’assurance collective mentionnée ci-dessus prévoyait le versement d’un montant de 1 210 $ par mois si elle devenait totalement invalide alors qu’elle travaillait pour la North Grenville District A.M.R. Ces versements devaient commencer 120 jours après la date à laquelle elle était devenue invalide et se poursuivre jusqu’à la date où elle cessait d’être totalement invalide ou à la date de son 65e anniversaire.

11. La demanderesse a présenté une demande à La Great West en vue de toucher des prestations pour invalidité prolongée, comme elle était tenue de le faire aux termes de la police mentionnée ci-dessus. Elle a touché des prestations pour invalidité prolongée du 13 février au 13 mai 1987.

12. La Great West a cessé le versement de la prestation mensuelle à la demanderesse, Catherine Dumas, en date du 14 mai 1987, et a omis depuis cette date de lui verser quelque prestation que ce soit.

13. La demanderesse prétend être admissible à la prestation mensuelle de 1 210 $ aux termes de la police d’assurance collective, à compter du 14 mai 1987 et jusqu’à la date où elle cessera d’être totalement invalide ou atteindra l’âge de 65 ans.

[5] LGW a déposé une défense, datée du 7 juillet 1993 (pièce A-22), dans laquelle elle soutenait (i) que l’appelante n’était pas invalide ni n’était admissible aux prestations pour invalidité prolongée prévues par la police no 65212; (ii) que la couverture de l’appelante aux termes de la police no 65212 avait pris fin; (iii) que l’appelante avait intenté son action après l’expiration du délai prévu dans la police no 65212; et (iv) en supposant que l’appelante était invalide au sens de la police no 65212 et avait droit à des prestations pour invalidité prolongée, qu’il était nécessaire de porter en réduction de ces prestations tout paiement auquel elle avait droit en vertu d’une loi canadienne ou provinciale (comme le Régime de pensions du Canada ou la Loi sur la sécurité de la vieillesse). L’appelante était convaincue qu’elle était invalide. Elle a donc fait livrer, par l’intermédiaire de son conseiller juridique, une offre de transaction datée du 20 septembre 1993 (pièce A-23) prévoyant le versement de la prestation mensuelle pour invalidité de 1 210 $, rétroactivement au mois de mai 1987, et par la suite, jusqu’à ce qu’elle cesse d’être totalement invalide ou qu’elle atteigne l’âge de 65 ans. LGW a refusé l’offre de transaction de l’appelante.

[6] Le conseiller juridique de LGW a essayé de procéder à un interrogatoire préalable de l’appelante. À cause du syndrome de fatigue chronique, elle avait des pertes de mémoire, s’embrouillait dans ses propos et était incommodée par le bruit et la lumière. Avant que le conseiller juridique puisse terminer son interrogatoire préalable, l’appelante a eu un malaise et a dû être transportée à l’hôpital en ambulance. En 1995, l’avocate de l’appelante et LGW ont eu de nombreuses discussions afin d’en venir à une transaction. Le 10 février 1995, LGW a présenté une offre écrite de transaction de 25 000 $ (pièce A-25), qui a été rejetée par l’appelante. Le 5 mai 1995, LGW a fait une offre orale de 45 000 $ (pièce A-28, lettre de l’avocate de l’appelante à cette dernière), qui a été rejetée par l’appelante. Le 6 juillet 1995, LGW a présenté une offre écrite de transaction de 90 000 $ (pièce A-29). Cette troisième offre de LGW a donné lieu à une contre-offre de l’avocate de l’appelante le 8 août 1995 (pièce A-30), dans laquelle il était indiqué que l’appelante était disposée à transiger pour un montant d’environ 106 000 $, plus les frais de 10 000 $.

[7] Les discussions se sont poursuivies entre les avocats des deux parties, qui se sont finalement entendus sur un montant final de 105 000 $. Une lettre adressée par l’avocate de l’appelante à cette dernière le 8 septembre 1995 (pièce A-31) commence par le paragraphe qui suit :

[TRADUCTION]

Pour faire suite à notre récente conversation téléphonique, je confirme par la présente que l’affaire est maintenant réglée puisque vous avez accepté la dernière offre que vous a faite La Great West, soit vous verser le montant global de 105 000 $ au titre des prestations d’invalidité impayées, des prestations d’invalidité payables à l’avenir, de l’intérêt et des frais juridiques.

L’appelante a signé un règlement final et définitif le 21 septembre 1995 (pièce A-32), dans lequel elle déchargeait LGW de toutes demandes et réclamations, de quelque type que ce soit, relativement à la police no 65212 ou aux questions en litige dans le cadre de l’action en justice, en contrepartie du paiement par LGW du montant de 105 000 $. LGW n’a jamais admis dans les documents relatifs au règlement ou au cours des négociations devoir quelque montant que ce soit à l’appelante. Il est un fait établi, toutefois, que LGW a versé un montant de 105 000 $ pour régler la demande de l’appelante.

[8] En mai 1995, l’avocate de l’appelante avait préparé une évaluation du préjudice (pièce A-27), dans laquelle elle s’était employée à calculer le montant des prestations pour invalidité prolongée payables du 14 mai 1987 au 30 avril 1995. Le document contient une erreur évidente (de 1988 à 1994, il y a sept ans, non pas six), mais les calculs peuvent être résumés comme suit :

12 paiements mensuels de 1 210 $ = 14 520 $

1988 à 1994 (7 ans) = 101 640

14 mai au 31 décembre 1987 = 9 075

(7,5 x 1 210 $)

1er janvier au 30 avril 1995 = 4 840

(4 x 1 210 $)

Total des prestations d’invalidité 115 555

du 14 mai 1987 au 30 avril 1995

Moins : prestations du RPC pour 45 410

la même période 70 145

Moins : prestations d’assurance-chômage reçues 2 352

Montant global qui aurait été versé par

LGW du 14 mai 1987 au 30 avril 1995,

si LGWL avait pris la demande en charge 67 793 $

[9] Les calculs présentés au paragraphe 8 qui précède ont été effectués à l’aide de la pièce A-27, mais ils n’expliquent aucunement comment on en est arrivé au montant de la transaction finale, soit 105 000 $. J’en reviens au premier paragraphe de la pièce A-31 reproduit au paragraphe 7 ci-dessus. L’avocate de l’appelante confirme par écrit à cette dernière l’offre de transaction, soit le “ montant global de 105 000 $ au titre des prestations d’invalidité impayées, des prestations d’invalidité payables à l’avenir, de l’intérêt et des frais juridiques. ” Ces termes revêtent encore plus de sens lorsqu’ils sont lus dans le contexte de la lettre du 6 juillet 1995, que Me Millican (l’avocat de LGW) a adressée à l’avocate de l’appelante (pièce A-29). Me Millican y indique ce qui suit :

[TRADUCTION]

La dernière fois que nous nous sommes parlé, vous avez mentionné que Mme Dumas était disposée à transiger et à accepter le versement du montant des prestations qui lui sont payables à ce jour, après déductions, et de 50 p. 100 du montant net des prestations d’invalidité payables à l’avenir, comme il est précisé dans votre lettre du 18 avril 1995. Le souvenir que j’ai de cette affaire est que vous deviez m’indiquer le montant des frais juridiques que vous estimiez raisonnable, mais vous n’avez pas encore communiqué avec moi à ce sujet.

Je suppose que les prestations dues à l’appelante “ après déductions ” seraient d’environ 68 000 $, comme il est indiqué dans les calculs reproduits au paragraphe qui précèdent.

[10] De même, je suppose que “ 50 p. 100 du montant net des prestations d’invalidité payables à l’avenir ” équivaut à la moitié du montant net des prestations payables, si l’appelante demeurait invalide jusqu’à l’âge de 65 ans et si le montant mensuel payable aux termes du RPC (environ 540 $, d’après la pièce A-27) était déduit du montant mensuel payable aux termes de la police (1 210 $). L’appelante avait 43 ans en 1987. Elle était donc âgée de 51 ans en 1995. Il lui restait par conséquent quelque 13 ans avant d’atteindre l’âge de 65 ans. Il y a 156 mois dans une période de 13 ans. Si on soustrait le montant payable au titre du RPC (540 $) du montant de 1 210 $ payable aux termes de la police, on obtient un montant mensuel net de 670 $; le montant total des prestations payables pour les 156 mois subséquents serait le suivant :

156 x 670 $ = 104 520 $

La moitié de ce montant = 52 260

On n’a produit aucune preuve concernant la valeur actualisée en 1995 du montant de 52 260 $ payable au cours des 156 mois suivants, mais, si cette valeur est de l’ordre de 40 000 $ et qu’on l’additionne à l’arriéré net d’environ 68 000 $ (voir le paragraphe 8 ci-dessus), on en arrive presque au montant de la transaction, soit 105 000 $. Si la valeur actualisée est inférieure à 40 000 $, il se peut alors que LGW ait accordé un montant au titre des menues dépenses de l’appelante et des intérêts.

[11] Je suis convaincu, après avoir examiné les pièces A-27 (l’évaluation du préjudice), A-29 (lettre de l’avocat de LGW), A-31 (lettre de l’avocate de l’appelante) et les calculs effectués aux paragraphes 8, 9 et 10 qui précèdent, que la transaction a été négociée par deux avocats avertis qui, chacun, ont eu à en expliquer le montant à leur client respectif. Le montant final de 105 000 $ n’a pas été choisi au hasard. Même si LGW n’a jamais admis devoir quoi que ce soit à l’appelante aux termes de la police no 65212, elle a dans les faits versé un montant pour régler le litige (105 000 $), lequel montant a été négocié comme si LGW était redevable, au cours d’une certaine période, de paiements mensuels bruts de l’ordre de 1 210 $.

[12] Pour une raison inconnue, LGW a délivré à l’appelante un formulaire T4A de Revenu Canada pour l’année 1995; à la case 28, intitulée “ Autres revenus ”, était indiqué le montant de 105 000 $. Dans sa déclaration de revenu de 1995 (pièce R-2), l’appelante n’a pas inclus le montant de 105 000 $ dans son revenu, mais elle a annexé le formulaire T4A, indiquant bien ainsi qu’elle avait reçu ce montant. Au moyen d’un avis de nouvelle cotisation daté du 27 janvier 1997 (pièce R-4), le ministre du Revenu national a inclus le montant de 105 000 $ dans le revenu déclaré de l’appelante. Celle-ci a déposé un avis d’opposition. Le ministre a ratifié la nouvelle cotisation au moyen d’un avis daté du 7 décembre 1998 (pièce R-5), dans lequel il était précisé que le montant de 105 000 $ était un revenu tiré d’un emploi aux termes de l’alinéa 6(1)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu ou un revenu visé à l’article 3. En ce qui me concerne, il importe peu que LGW ait délivré un formulaire T4A ou tout autre formulaire semblable relativement au montant de 105 000 $.

[13] La question qu’il importe principalement de trancher dans le présent appel est celle de savoir si le montant de 105 000 $ que l’appelante a reçu en septembre 1995 constitue un revenu aux termes de la Loi. À première vue, c’est un montant qui a été versé avant le procès pour mettre un terme à l’action introduite devant la Cour supérieure de l’Ontario. Cette description à première vue ne fait pencher la balance ni d’un côté ni de l’autre aux fins de l’impôt sur le revenu. Il faut se demander pourquoi le montant a été versé et a été reçu? Dans la réponse à l’avis d’appel, l’intimée invoque les alinéas 6(1)a) et f) de la Loi. Les passages pertinents des deux alinéas tels qu’ils s’appliquaient à l’année 1995 sont ainsi libellés :

6(1) Sont à inclure dans le calcul du revenu d'un contribuable tiré, pour une année d'imposition, d'une charge ou d'un emploi, ceux des éléments suivants qui sont applicables :

a) la valeur de la pension, du logement et autres avantages quelconques qu'il a reçus ou dont il a joui au cours de l'année au titre, dans l'occupation ou en vertu d'une charge ou d'un emploi, à l'exception des avantages suivants :

(i) ceux qui résultent des cotisations de son employeur à un régime de pension agréé, un régime d'assurance collective contre la maladie ou les accidents, un régime privé d'assurance-maladie, un régime de prestations supplémentaires de chômage, un régime de participation différée aux bénéfices ou une police collective d'assurance temporaire sur la vie,

(ii) [...]

f) le total des sommes qu'il a reçues au cours de l'année, à titre d'indemnité payable périodiquement pour la perte totale ou partielle du revenu afférent à une charge ou à un emploi, en vertu de l'un des régimes suivants dans le cadre duquel son employeur a contribué :

(i) un régime d'assurance contre la maladie ou les accidents,

(ii) un régime d'assurance invalidité,

(iii) un régime d'assurance de sécurité du revenu;

le total ne peut toutefois dépasser l'excédent éventuel du total visé au sous-alinéa (iv) sur le total visé au sous-alinéa (v) :

(iv) le total des sommes qu'il a ainsi reçues avant la fin de l'année et :

(A) lorsqu'une de ces sommes a été, en vertu du présent alinéa, incluse dans le calcul de son revenu pour une année d'imposition antérieure se terminant après 1971, après cette année,

(B) sinon, après 1971,

(v) le total des cotisations versées par le contribuable dans le cadre du régime avant la fin de l'année et :

(A) lorsqu'il y a eu une année d'imposition antérieure, visée à la division (iv)(A), après cette année,

(B) sinon, après 1967;

[14] L’appelante s’appuie sur la décision rendue par cette Cour dans l’affaire Landry c. La Reine, C.C.I., no 97-1768(IT)I, 30 janvier 1998 (98 DTC 1416). Dans cette affaire, Mme Landry travaillait pour la Ville de Sudbury. Elle est devenue invalide et a arrêté de travailler. Au travail, elle participait à une assurance collective pour invalidité prolongée souscrite auprès de la London Life, Compagnie d’Assurance-Vie, dont les cotisations étaient payées par l’employeur. Lorsque la London Life a refusé de lui verser des prestations pour invalidité prolongée, Mme Landry a intenté une poursuite. Pour régler le litige, la London Life lui a versé un montant forfaitaire de 30 000 $. Les frais juridiques de Mme Landry s’élevaient à 5 000 $, et la London Life a donc délivré un relevé T4 de 25 000 $, soit le montant net qu’elle se trouvait à avoir reçu. Le ministre a inclus le montant de 25 000 $ dans le revenu de Mme Landry pour l’année 1995 en application de l’alinéa 6(1)a) de la Loi. Le ministre n’a pas invoqué l’alinéa 6(1)f). Le juge Bowman a admis l’appel de Mme Landry, déclarant ce qui suit aux pages 5 et 6 (DTC : à la page 1417) :

En toute déférence, j'estime que le juge Taylor avait raison dans l'affaire Peel. Ni l'arrêt Savage ni l'alinéa 6(1)a) n'ont quoi que ce soit à voir avec l'espèce. L'alinéa 6(1)f), sur lequel l'avocat de l'intimée a expressément refusé de se fonder, traite d'une manière précise et détaillée de prestations d'invalidité payables périodiquement. Le paiement forfaitaire reçu par Mme Landry n'était pas une somme payable périodiquement, et il n'est pas allégué ou présumé que les 25 000 $ représentaient simplement le total de paiements périodiques que Mme Landry aurait pu recevoir au cours de sa vie (voir Marchand v. M.N.R., 87 DTC 630 (C.C.I.)).

L'alinéa 6(1)a) est une disposition générale et n'est pas destinée à combler tous les vides laissés par l'alinéa 6(1)f) — expressio unius est exclusio alterius (la mention d’un cas particulier exclut l’application des autres cas non mentionnés).

Il y a une autre raison de ne pas inclure la somme forfaitaire dans le revenu de Mme Landry. Certes, les primes ont d'abord été payées par l'employeur, mais elles ont été incluses dans le revenu de Mme Landry comme avantage imposable. Pour l'essentiel, les paiements étaient faits par l'employeur au nom de Mme Landry. Il serait totalement inacceptable que Mme Landry soit imposée de nouveau lorsque les prestations sont versées. Ce qu'elle a reçu de la London Life, elle l'a reçu en tant qu'assurée et non en tant qu'employée. L'avantage, qui a été imposé, tient à la couverture d'assurance fournie par l'employeur et non aux prestations payées par l'assureur.

[15] En l’espèce, les primes d’assurance étaient payées à LGW par Mme Dumas (25 p. 100) et par son employeur (75 p. 100). Il n’existe aucune preuve que la portion des primes prise en charge par l’employeur a été incluse dans le revenu de l’appelante à titre d’avantage imposable tiré d’un emploi. Un tel résultat semble aller à l’encontre du sous-alinéa 6(1)a)(i) de la Loi. En outre, le juge Bowman a conclu qu’il n’avait pas été soutenu ni présumé que le montant de 25 000 $ versé à Mme Landry représentait le total des paiements périodiques qu’elle aurait pu recevoir au cours de sa vie. En l’espèce, il existe des preuves qu’on a négocié le montant de 105 000 $ en tenant compte (i) des prestations pour invalidité prolongée payables antérieurement (après déduction du montant de la prestation payable au titre du RPC) pour la période qui a commencé le 14 mai 1987 et s’est terminée en septembre 1995; et (ii) de la valeur actualisée en 1995 de la moitié du montant qu’elle aurait pu recevoir du mois de septembre 1995 jusqu’à la date de son 65e anniversaire. À mon avis, les faits de la présente affaire diffèrent de ceux de l’affaire Landry. Quoi qu’il en soit, dans cette cause-là, l’appel avait été entendu sous le simple régime de la procédure informelle.

[16] Dans l'affaire La Reine c. Savage, [1983] 2 R.C.S. 428 (83 DTC 5409), la Cour suprême du Canada s’est penchée sur le sens à attribuer à l’alinéa 6(1)a) de la Loi par rapport à un prix de faible valeur, soit 300 $, que l’employeur (une compagnie d’assurance-vie) avait remis à Mme Savage pour avoir réussi trois cours, dans le domaine de l’assurance-vie, auxquels elle s’était inscrite de son propre gré. S’exprimant pour la majorité, le juge Dickson (tel était alors son titre) a écrit ce qui suit aux pages 440 et 441 (DTC : à la page 5414) :

[...] Notre loi renferme la stipulation “ avantages de quelque nature que ce soit [...] au titre, dans l'occupation ou en vertu de la charge ou de l'emploi ”, qui ne se trouve pas dans les lois anglaises mentionnées. Les mots “ avantages de quelque nature que ce soit ” ont nettement un sens très large; en l'espèce, le paiement de la somme de 300 $ tombe facilement dans la catégorie des “ avantages ”. De plus, notre loi parle d'un avantage “ au titre ” de la charge ou de l'emploi. Dans l'arrêt Nowegijick c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 29, cette Cour affirme ce qui suit, à la p. 39 :

À mon avis, les mots “ quant à ” ont la portée la plus large possible. Ils signifient, entre autres, “ concernant ”, “ relativement à ” ou “ par rapport à ”. Parmi toutes les expressions qui servent à exprimer un lien quelconque entre deux sujets connexes, c'est probablement l'expression “ quant à ” qui a la portée la plus large.

[...]

Il est difficile de conclure que les paiements effectués par Excelsior à Mme Savage ne se rapportaient pas ou n'étaient pas liés à son emploi. Comme l'a dit le juge Grant, les employés suivaient les cours pour améliorer leurs connaissances et leur rendement et pour avoir plus de chances d'avancement.

Quoique la Cour ait conclu que le montant de 300 $ était un avantage tiré d’un emploi aux termes de l’alinéa 6(1)a), Mme Savage a obtenu gain de cause dans cet appel puisque la Cour a aussi conclu que le montant de 300 $ était un “ prix ” au sens de l’alinéa 56(1)n) et qu’il n’était donc pas imposable, vu qu’il était inférieur à 500 $.

[17] Dans l'affaire Schwartz c. La Reine, [1996] 1 R.C.S. 254 (96 DTC 6103), M. Schwartz avait convenu avec la société D, au printemps 1988, qu’il entrerait en fonction en novembre 1988 et toucherait un salaire annuel de 250 000 $. En septembre 1988, la Société D a informé M. Schwartz qu’elle n’avait plus besoin de ses services. Les avocats respectifs de M. Schwartz et de la société D ont entamé des négociations qui ont duré plusieurs mois. En août 1989, la société a versé à M. Schwartz un montant forfaitaire de 360 000 $ à titre de dommages-intérêts plus un montant de 40 000 $ en dédommagement de ses frais. Le ministre du Revenu national a inclus les dommages-intérêts (360 000 $) dans le revenu de M. Schwartz de l’année 1989.

[18] Devant la Cour suprême du Canada, le ministre a soutenu que les dommages-intérêts étaient imposables soit aux termes de l’alinéa 3a) de la Loi à titre de revenu provenant d’une source non énumérée (c.-à-d. le contrat d’emploi qui avait été révoqué avant le début de l’emploi prévu) soit à titre “ d’allocation de retraite ”. Les deux arguments du ministre ont été rejetés et l’appel de M. Schwartz a été admis. À mon avis, l’arrêt Schwartz de la Cour suprême n’est d’aucune utilité dans l’appel qui nous occupe, puisque la Cour suprême s’est appuyée sur le fait établi que l’emploi n’avait pas commencé et que M. Schwartz n’avait jamais travaillé pour l’employeur éventuel. En l’espèce, l’appelante (Mme Dumas) travaillait à temps plein pour la NGDA avant de devenir invalide. En outre, le ministre ne cherche pas à établir une cotisation d’impôt en invoquant les dispositions générales de l’alinéa 3a).

[19] En droit fiscal, il n’existe pas de formule magique pour qualifier un montant obtenu par un demandeur dans le cadre d’une instance civile, à la suite tant d’un jugement favorable que d’une transaction négociée. Le montant accordé prend valeur d’indemnisation. Cette qualification ne suffit pas en elle-même pour déterminer si le montant doit être considéré comme un revenu, un gain en capital ou quelque chose d’autre aux fins de l’impôt sur le revenu. Il importe en réalité de déterminer pourquoi l’indemnisation a été versée. On trouve souvent la réponse à cette question dans les plaidoiries présentées par le demandeur et le défendeur dans le cadre de la poursuite civile. L’affaire London & Thames Haven Oil Wharves, Ltd. v. Attwooll, [1967] 2 All E.R. 164, en offre un bon exemple. Dans cette affaire, une jetée, qui appartenait à la compagnie de débardage, avait été endommagée par un navire-citerne négligemment piloté. La compagnie de débardage a poursuivi le propriétaire du navire-citerne et a recouvré un montant au titre (i) des dégâts causés à la jetée et (ii) de la perte d’utilisation de la jetée pour une période de 380 jours, soit pendant la durée des réparations. Il a été déterminé que la portion des dommages-intérêts (21 404 £ ) se rapportant à la perte de l’utilisation de la jetée constituait un revenu sur le plan fiscal.

[20] Dans l'affaire La Reine c. Manley, C.A.F., no A-1808-83, 25 février 1985 (85 DTC 5150), la Cour d’appel fédérale a appliqué la décision rendue par la Cour d’appel du Royaume-Uni dans l’affaire London & Thames Haven Oil Wharves et, en particulier, la règle générale énoncée par le juge Diplock, de la Chambre des lords. La Cour d’appel fédérale a également examiné les dommages-intérêts qui avaient été accordés à M. Manley par la Cour de l’Ontario dans le cadre de la poursuite intentée contre M. Levy. Le juge Mahoney, s’exprimant pour la Cour, a renvoyé à l’arrêt La Reine c. Atkins, C.A.F., no A-444-75, 20 mai 1976 (76 DTC 6258) et a déclaré, aux pages 10 et 11 (DTC : à la page 5154) :

[...] L'arrêt Atkins n'établit pas, et ne prétend pas établir, que les dommages-intérêts ou les sommes allouées en règlement d'une réclamation en dommages-intérêts ne peuvent constituer un revenu aux fins de l'impôt.

Le montant des dommages-intérêts pouvant être accordés pour assertion fautive de la qualité d'agent est celui qui aura pour effet de mettre la personne à qui on a fait croire à l'existence d'un mandat dans l'état où elle aurait été si le mandat avait existé. [...]

Cela correspond effectivement aux dommages-intérêts que la Cour d’appel de l’Ontario a accordés en l’espèce.

[21] Dans l'affaire La Reine c. Mohawk Oil Co. Ltd., [1992] 2 C.F. 485 (92 DTC 6135), la société contribuable (Mohawk) avait conclu un contrat avec Phillips relativement à la fourniture et à l’installation d’une usine de retraitement d’huile usée. Ne pouvant faire fonctionner l’usine, Mohawk a initialement demandé à Phillips de lui verser des dommages-intérêts de 15 millions de dollars. Après des négociations ardues, les parties se sont entendues sur un montant de six millions de dollars américains (7 162 187 $ en dollars canadiens). Le ministre a considéré qu’une portion de ce montant, soit 3 443 708 $, constituait un dédommagement au titre de la perte de bénéfices, et le solde, soit 3 718 430 $, le produit de disposition d’un bien. La Cour d’appel fédérale a admis l’appel du ministre et maintenu la cotisation. Pour arriver à cette décision, la Cour a examiné la preuve relative aux négociations entre Mohawk et Phillips pour voir si elle appuyait la répartition faite par le ministre. L’arrêt Mohawk est un autre précédent qui étaye la proposition selon laquelle il est nécessaire d’examiner un montant forfaitaire versé aux fins du règlement d’une demande pour connaître les raisons pour lesquelles il a été versé. On peut trouver la réponse à cette question dans les actes de procédure (s’il y a eu poursuite) ou dans d’autres documents servant à justifier la demande formulée par la personne qui reçoit le montant forfaitaire.

[22] Dans l'arrêt Amway du Canada Ltd. c. La Reine, C.A.F., no A-109-95, 20 février 1996 (96 DTC 6135), le contribuable constitué en société s’était soustrait, par la fraude, au versement d’importantes sommes d’argent à Revenu Canada en falsifiant la valeur de biens importés au Canada. Revenu Canada a intenté cinq actions différentes contre Amway en vue de recouvrer les droits de douane, les taxes de vente, les intérêts et les pénalités. Les actions ont finalement été réglées en 1989, lorsque, aux termes de l’entente intervenue, Amway a versé 45 millions de dollars à Revenu Canada. Dans la cotisation établie pour les années d’imposition 1997 et 1998, le ministre du Revenu national a accepté un montant de 7,9 millions de dollars à titre de paiement des droits de douane et des taxes de vente (lequel paiement se trouvait donc à être déductible), mais il a attribué un montant de 37,1 millions de dollars au paiement des pénalités non déductibles. Amway a interjeté appel de la cotisation du ministre. Pour déterminer pourquoi le montant de 45 millions de dollars avait été versé dans le cadre du règlement, la Cour d’appel fédérale a examiné les plaidoiries produites dans les cinq actions intentées par Revenu Canada et certaines procédures engagées dans le cadre de ces cinq actions. Le juge Strayer, s’exprimant pour la Cour, a écrit ce qui suit à la page 9 (DTC : aux pages 6138 et 6139) :

Il n'est pas contesté que la somme globale de 45 000 000 $ a été versée en partie pour mettre un terme aux quatre actions intentées en 1980 et à la cinquième action intentée en 1984. Il n'est pas non plus contesté que sur ce montant global, une somme de 7,9 millions de dollars doit être imputée au règlement de l'action de 1984, qui visait clairement et uniquement le recouvrement des droits et des taxes. Mais, avec égards, je ne considère pas, comme le juge de première instance, que les actions intentées en 1980 visaient à la fois le recouvrement d'une pénalité et celui des droits et des taxes. Les déclarations déposées dans ces quatre actions ne permettent pas d'en arriver à une telle conclusion étant donné qu'elles ne sollicitent pas le recouvrement des droits et des taxes. De plus, pour les mêmes motifs que la Cour d'appel fédérale dans deux appels interjetés de décisions interlocutoires rendues dans ces quatre actions, je conclus que ces actions visaient le recouvrement d'une pénalité. Que ces décisions antérieures lient ou non la Cour en l'espèce, elles ont à mon avis un caractère fort persuasif. [...]

[23] Même si Amwaycherchait à déduire (dans le calcul de son revenu) un montant versé pour régler une demande et non pas à inclure un montant reçu à titre de dommages-intérêts, je retiens surtout le fait que la Cour d’appel fédérale a examiné les plaidoiries présentées dans l’affaire Amway, ainsi que l’arrêt Manlez de la Cour d’appel de l’Ontario et la correspondance échangée au cours des négociations dans l’affaire Mohawk Oil,pour déterminer pourquoi un demandeur (ou un demandeur éventuel) réclamait le versement d’un montant particulier et pourquoi un montant plus ou moins égal avait été versé. Il importe d’examiner les poursuites civiles ou autres mesures de contestation sous-jacentes pour qualifier, aux fins de l’impôt sur le revenu, un montant reçu ou versé.

[24] La demande d’indemnisation adressée par l’appelante à LGW est énoncée succinctement au paragraphe 13 de la déclaration (pièce A-20) qu’elle a déposée devant la Cour de l’Ontario :

[TRADUCTION]

13. La demanderesse prétend être admissible, aux termes de la police d’assurance collective, à des paiements mensuels de 1 210 $, du 14 mai 1987 et jusqu’à ce qu’elle cesse d’être totalement invalide ou qu’elle atteigne l’âge de 65 ans.

La lettre du 6 juillet 1995 (pièce A-29) de Me Millican (l’avocat de LGW) et la lettre du 8 août 1995 (pièce A-30) de Me Roccamo (l’avocate de l’appelante) confirment que des négociations étaient en cours entre les deux avocats afin d’en venir au versement du montant net des prestations d’invalidité impayées et de 50 p. 100 des prestations d’invalidité payables à l’avenir et de régler ainsi la demande. Compte tenu du paragraphe 13 de la déclaration (pièce A-20), de l’évaluation du préjudice préparée par Me Roccamo (pièce A-27), et des lettres émanant des avocats respectifs (pièces A-29, A-30 et A-31), je conclus que la transaction de 105 000 $ était fondée principalement sur le montant net des prestations d’invalidité impayées (jusqu’au mois de septembre 1995) auquel s’ajoutait un montant égal à 50 p. 100 du montant des prestations d’invalidité payables à l’avenir.

[25] Si ces prestations d’invalidité (arriéré et montant payable à l’avenir) avaient été versées périodiquement, elles auraient été incluses dans le revenu de l’appelante pour chacune des années en cause aux termes de l’alinéa 6(1)f) de la Loi. Ces prestations n’ont pas été versées périodiquement ni n’ont jamais été versées. L’appelante a intenté une poursuite contre LGW et a recouvré un montant de 105 000 $. Le fardeau qui incombe à l’appelante en l’espèce est de prouver que le montant de la transaction ne peut être qualifié de la même manière que le montant des paiements périodiques (c.-à-d. un revenu) qu’elle aurait par ailleurs reçus. Je reprendrai ici une observation formulée par le juge Mahoney dans l’arrêt Manley, qui a été citée au paragraphe 20 qui précède :

[...] l’arrêt Atkins n’établit pas, et ne prétend pas établir, que les dommages-intérêts ou les sommes allouées en règlement d’une réclamation en dommages-intérêts ne peuvent constituer un revenu aux fins de l’impôt.

Les arrêts Manley et Mohawk Oil de la Cour d’appel fédérale font la preuve que la totalité ou une partie du montant reçu à titre de dommages-intérêts (comme dans l’arrêt Manley) ou à titre de règlement (comme dans l’arrêt Mohawk Oil) peut être qualifiée de revenu aux fins de l’impôt. La désignation d’un montant reçu à titre de dommages-intérêts ou dans le but de régler une demande sera fonction, dans une certaine mesure du moins, de la nature de la demande présentée par la personne qui reçoit le montant.

[26] L’appelante (en sa qualité de demanderesse devant la Cour de l’Ontario) a réclamé le versement de “ la prestation mensuelle de 1 210 $ à compter du 4 mai 1987 [...] ”. Je suis convaincu que le montant de 105 000 $ constitue un revenu en 1995 tout comme les prestations d’invalidité payables périodiquement auraient constitué un revenu aux termes de l’alinéa 6(1)f). J’appuie ma conclusion sur les arrêts Manley et Mohawk Oil de la Cour d’appel fédérale. Puisque le montant de 105 000 $ n’a pas été versé ou reçu “ périodiquement ”, il n’est pas imposable aux termes de l’alinéa 6(1)f). Il est toutefois imposable aux termes de l’alinéa 6(1)a) à titre de prestations reçues “ dans l’occupation ou en vertu d’une charge ou d'un emploi ”. Je m’appuie à cet égard sur la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Savage.

[27] L’avocat de l’appelante a soulevé la question de savoir si Mme Dumas avait reçu le montant de 105 000 $ en sa qualité de personne assurée ou en sa qualité d’employée. À mon avis, cette question n’est d’aucune utilité parce que l’appelante n’aurait pas bénéficié d’une assurance invalidité prolongée si elle n’avait pas été employée par la NGDA. Son assurance invalidité prolongée faisait partie du régime d’avantages dont elle pouvait se prévaloir à titre d’employée de la NGDA. Au lieu de déterminer si l’appelante a reçu le montant “ en sa qualité de personne assurée ou en sa qualité d’employée ”, comme si ces deux notions s’excluaient mutuellement, je dirais qu’elle a reçu le montant au titre ou en vertu de l’emploi qu’elle exerçait pour la NGDA, qui souscrivait la police d’assurance invalidité prolongée.

[28] Ayant conclu que le montant de 105 000 $ prend valeur de revenu, je dois déterminer si la totalité du montant (comme il est établi dans la cotisation) ou une partie seulement du montant doit être incluse dans le calcul du revenu. Il existe une preuve non contredite de l’époux de l’appelante que cette dernière a engagé des frais juridiques et médicaux de 20 000 $ pour transiger avec LGW. Si l’appelante n’avait pas engagé ces frais, elle n’aurait pas obtenu le montant en question. Dans certaines des affaires qui font l’objet d’une transaction, une partie du montant versé tient lieu de dommages-intérêts, et l’autre, de remboursement des frais. Voir l’arrêt Schwartz au paragraphe 17 qui précède. En l’espèce, aucune répartition n’a été effectuée, comme en témoigne le premier paragraphe de la pièce A-31 reproduit au paragraphe 7 ci-dessus.

[29] À l’alinéa 6(1)a) de la Loi, il est indiqué qu’il faut inclure dans le revenu la “ valeur [des] avantages quelconques ”. La valeur du montant versé à l’appelante dans le cadre de la transaction ne peut être établie à 105 000 $ si l’appelante a été obligée d’engager des frais de 20 000 $ pour obtenir ce montant. À mon avis, il faut tenir compte des frais de l’appelante. Je conclus que la valeur de l’avantage reçu au sens de l’alinéa 6(1)a) de la Loi était de 85 000 $ (105 000 $ moins 20 000 $) et non pas de 105 000 $, soit le montant que le ministre a intégralement inclus dans le revenu déclaré de l’appelante pour l’année 1995. L’appel est admis uniquement pour ramener à 85 000 $ la valeur de l’avantage tiré d’un emploi établie à 105 000 $.

[30] Compte tenu de toutes les circonstances du présent appel, je ne ferai aucune adjudication des dépens, à moins que les avocats souhaitent discuter de cette question par voie de téléconférence.

Signé à Ottawa, Canada, ce 26e jour d'octobre 2000.

“ M. A. Mogan ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 20e jour de mars 2001.

Philippe Ducharme, réviseur

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