Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 1997113

Dossier: 96-1675-UI

ENTRE :

CHANTAL LEBRUN,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

LES ENTREPRISES DE PÊCHE ERIC-CINDY INC.,

intervenante.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Cuddihy, C.C.I.

[1] Cet appel a été entendu à Sept-Iles (Québec), le 2 octobre 1997.

I- L’appel

[2] L’appelante interjette appel de la décision du ministre du Revenu national (le“ Ministre ”), du 11 juin 1996, selon laquelle l’emploi exercé au cours des périodes en cause, soit du 9 avril au 7 juillet 1990, 7 avril au 15 juin 1991, 23 avril au 27 juin 1992, 20 avril au 3 juillet 1993, 17 avril au 16 juillet 1994 et du 16 avril au 22 juillet 1995 auprès du payeur, Steve Noël et Les Entreprises de Pêche Eric-Cindy Inc. (ci-après appelé Eric Cindy), n’était pas assurable au sens de la Loi sur l’assurance-chômage (la “ Loi ”), puisque pendant ces périodes l’appelante et le payeur n’étaient pas liés par un contrat de louage de services au sens de l’alinéa 3(1)a) de la Loi.

II- Les faits résumés

[3] L’intimé a soumis dans sa Réponse à l’avis d’appel les faits sur lesquels il a fondé sa décision. Le paragraphe 6 de sa Réponse se lit comme suit :

“a) M. Steve Noël, conjoint de fait de l'appelante était propriétaire et capitaine d'un bateau de pêche de 45 pieds servant à la pêche aux crabes.

b) M. Steve Noël a exploité une entreprise de pêche à son compte jusqu'en mars 1993.

c) En 1990 et 1991, M. Noël a vendu ses crabes à l'acheteur “Les Fruits de Mer Côte-Nord Inc.” (ci-après appelé Côte-Nord).

d) En 1992, M. Noël a vendu ses crabes à l'acheteur “Poséidon Inc.”.

e) En mars 1993, M. Noël décidait de constituer une corporation sous le nom de “Les Entreprises de Pêche Eric-Cindy Inc.” (ci-après appelé Eric-Cindy).

f) Les actionnaires de Eric-Cindy étaient :

- Steve Noël avec 61 % des actions

- L'appelante avec 39 % des actions

g) Steve Noël a alors transféré son entreprise de pêche à la corporation Eric-Cindy.

h) En 1993, Eric-Cindy a vendu ses crabes à l'acheteur “Poséidon Inc.”.

i) En 1994 et 1995, Eric-Cindy a vendu ses crabes à l'acheteur Côte-Nord.

j) Durant toutes les années en litige, l'appelante prétend avoir rendu des services à M. Steve Noël (en 1990, 1991 et 1992) et à Eric-Cindy (en 1993, 1994 et 1995).

k) Durant toutes les années en litige, c'est l'acheteur de crabes qui a préparé les chèques de paie de l'appelante et qui a émis les relevés d'emploi de l'appelante.

l) Durant les périodes en litige, M. Noël ou Eric-Cindy embauchait généralement, en plus du capitaine, 3 pêcheurs durant la saison de pêche et prétendument l'appelante.

m) L'appelante devait prétendument être disponible pour recevoir l'apel du capitaine du bateau qui l'avisait de l'heure de son arrivée au quai; elle devait en aviser la compagnie qui faisait la pesée officielle du crabe pêché et assister à cette pesée.

n) L'appelante prétend qu'elle pouvait aussi faire un peu de ménage sur le bateau et faire quelques commissions pour Steve Noël ou pour Eric-Cindy (épicerie et visite chez le comptable).

o) L'appelante n'avait aucun horaire de travail à respecter et il lui était impossible de quantifier la quantité de son prétendu travail.

p) L'appelante demeurait surtout à son domicile dans l'attente de l'appel de son conjoint et elle prétend qu'elle faisait 40 heures par semaine pour l'employeur.

q) L'appelante recevait une rémunération fixe, variant entre 380 $ et 745 $ par semaine, durant les périodes en litige; elle était rémunérée par l'acheteur de crabe.

r) Les prétendues tâches de l'appelante se résumaient à très peu de choses et M. Steve Noël ou Eric-Cindy ne contrôlait ni ses prétendues heures de travail ni la quantité de son prétendu travail.

s) Durant les années en litige, l'appelante aurait prétendument travaillé que pendant le minimum de semaines (entre 10 et 14 semaines) requises pour lui permettre de se qualifier pour recevoir des prestations d'assurance-chômage.

t) Au cours des périodes en litige, il n'existait pas de véritable contrat de louage de services, d'apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal entre l'appelante et son employeur, M. Steve Noël ou Eric-Cindy.”

[4] L’appelante, par l’entremise de son procureur a admis les faits allégués aux alinéas a) à e), g) à i), k) et q). Les faits allégués à l’alinéa f) ont été admis avec explications. Les faits allégués aux alinéas j), l) à p) ont été niés tels que rédigés avec explications à donner à l’audition. Les faits allégués aux alinéas r) à t) ont été niés.

[5] III - Le droit et l’analyse

i) Définitions de la Loi sur l'assurance-chômage

“ emploi ”

“ emploi ” Le fait d'employer ou l'état d'employé.

“ emploi assurable ”

“ 3(1) Un emploi assurable est un emploi non compris dans les emplois exclus et qui est, selon le cas :

a) un emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, en vertu d'un contrat de louage de services ou d'apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l'employé reçoive sa rémunération de l'employeur ou d'une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

[...] ”

[6] Le fardeau de la preuve incombe à l'appelante.

[7] La Cour d'appel fédérale indique dans l'arrêt Sylvie Desroches et M.R.N. (A-1470-92) quel est le rôle du Juge de la Cour canadienne de l'impôt, et je cite :

“ ... En dernière analyse, cependant, comme l'a affirmé notre Cour dans Le Procureur général du Canada c. Jacques Doucet, c'est la détermination du ministre qui est en cause, à savoir que l'emploi n'était pas assurable parce que la requérante et le payeur n'étaient pas liés par un contrat de louage de services. Le rôle du juge de la Cour canadienne de l'impôt s'étend à l'étude du dossier et à la preuve en son entier. Ainsi, le juge Marceau, au nom de la Cour, s'est-il exprimé ainsi dans l'affaire Doucet :

... Le juge avait le pouvoir et le devoir d'examiner toute question de fait ou de droit qu'il était nécessaire de décider pour se prononcer sur la validité de cette détermination. Ainsi le présuppose le paragraphe 70(2) de la Loi et le prévoit, dès après le paragraphe 71(1) de la Loi qui le suit...

Le premier juge pouvait aller jusqu'à décider qu'il n'y avait aucun contrat qui liait les parties. ”

[8] S'il y a un doute dans l'interprétation, elle doit favoriser le contribuable et il n'y a rien qui empêche un contribuable de bénéficier d'une mesure sociale si les exigences de la Loi sont respectées. Le juge Hugessen dans l'affaire Le procureur général du Canada et Ludger Rousselle, décision du 31 octobre 1990 (124 N.R. 339) s'exprimait ainsi aux pages 340-341 :

“ Ce n'est pas d'exagérer je crois, à la lumière de ces faits, que de dire que si les intimés ont exercé un emploi, il s'agissait bien d'un emploi “ de convenance ” dont l'unique but était de leur permettre de se qualifier pour des prestations d'assurance-chômage. Certes, ces circonstances n'empêchent pas nécessairement que les emplois soient assurables mais elles imposaient à la Cour canadienne de l'impôt l'obligation de scruter avec un soin particulier les contrats en cause; il est clair que la motivation des intimés était plutôt le désir de profiter des dispositions d'une loi de portée sociale que de participer dans le jeu normal des forces économiques du marché. ” (Les soulignés sont de moi.)

[9] Les critères qui doivent être analysés ont été réitérés par la Cour d’appel fédérale. Le juge Décary dans l’affaire, Le Procureur Général du Canada v. Normand Charbonneau, décision du 20 septembre 1996, (A-831-95), s’exprimait ainsi à la page 2 en particulier :

“ Les critères énoncés par cette Cour dans Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N.[1] , à savoir d’une part le degré de contrôle, la propriété des instruments de travail, les chances de bénéfice et les risques de perte et d’autre part l’intégration, ne sont pas les recettes d’une formule magique. Ce sont des points de repère qu’il sera généralement utiles de considérer, mais pas au point de mettre en péril l’objectif ultime de l’exercice qui est de rechercher la relation globale que les parties entretiennent entre elles. Ce qu’il s’agit, toujours, de déterminer, une fois acquise l’existence d’un véritable contrat, c’est s’il y a, entre les parties, un lien de subordination tel qu’il s’agisse d’un contrat de travail (art. 2085 du Code Civil du Québec) ou s’il n’y a pas, plutôt, un degré d’autonomie tel qu’il s’agisse d’un contrat d’entreprise ou de service (art. 2098 dudit Code). En d’autres termes, il ne faut pas, et l’image est particulièrement appropriée en l’espèce, examiner les arbres de si près qu’on perde de vue la forêt. Les parties doivent s’effacer devant le tout. ”

[10] Chaque cas est un cas d'espèce. L'appelante devait établir, selon la prépondérance de la preuve, que la décision du Ministre est erronée. Les paragraphes 70(2) et 71(1) de la Loi sur l'assurance-chômage confèrent à la Cour canadienne de l'impôt des pouvoirs réparateurs étendus. Ces pouvoirs permettent à la Cour canadienne de l'impôt de régler tout litige basé sur les faits et d'infirmer, de confirmer ou de modifier le règlement de la question par le Ministre.[2]

[11] De plus, la Loi prévoit une assurance pour des emplois véritables. C’est ce que l’honorable juge Dussault de notre Cour décrivait dans l’affaire Sylvie Desroches et le Ministre du Revenu National, décision du 9 novembre 1994 (92-277(UI)), à la page 5 en particulier:

“ ...Comme le soulignait le juge Lamarre Proulx de cette Cour dans l’affaire Gauthier “il est de l’essence de la Loi qu’elle assure des emplois véritables”[3]. À cet égard, il m’apparaît important d’examiner l’ensemble des circonstances et notamment le travail effectué et la rémunération convenue aux fins de déterminer si un véritable contrat de louage de services existe entre les parties. J’ajouterai qu’il revient à un appelant ou une appelante de démontrer, par prépondérance des probabilités, qu’un tel contrat existe losqu’il est contesté par l’intimé.[4]... ”

[12] L’appelante, son conjoint Steve Noël, Eddy Boulay et Martial Levesque l’agent enquêteur, ont été entendus à l’audition de l’appel.

[13] Durant toutes les années en litige, l’appelante aurait rendu des services à M. Steve Noël (en 1990, 1991 et 1992) et à Eric Cindy (en 1993, 1994 et 1995).

[14] Durant toutes les années en litige, c’est l’acheteur de crabes qui a préparé les chèques de paie de l’appelante et qui a émis ses relevés d’emploi (pièce I-12).

[15] Selon les relevés d’emploi, l’occupation de l’appelante est décrite en 1990 comme secrétaire, en 1991, 1992, 1993 et 1995 comme commis et en 1994 comme journalière.

[16] Les tâches et le salaire de l’appelante sont décrits dans la déclaration de Steve Noël du 23 février 1995 (pièce I-2) comme suit :

“Chantal Lebrun a pour fonction de faire les commissions, de venir au quai pour vérifier la pesée res-mar, puis rester à l’écoute du radio V.H.S. et surtout demeurer disponible en tout temps au cas où j’aurais besoin de quelque chose. De 1990 à 1994, j’ai augmenté son salaire, c’est-à-dire le salaire de Chantal Lebrun, de $380 à $745, parce que de cette façon, elle avait un meilleur chômage et de plus j’avais les moyens de la payer.”

[17] Dans une deuxième déclaration fourni à l’intimé (pièce I-3), en date du 19 septembre 1995, Steve Noël explique le changement de salaire de l’appelante comme suit :

“Cette année 1995, ma conjointe Chantal Lebrun a également travaillé pour moi puis suite aux informations que j’ai eues de l’enquêteur du chômage à l’hiver 1995, j’ai décidé de réduire le salaire de Chantal Lebrun de $745.00 à $500.00 par semaine afin de répondre aux critères d’assurabilité de Revenu Canada Impôt”.

[18] L’appelante décrit ses tâches dans la déclaration qu’elle donne à un représentant de l’intimé le 23 février 1995 (pièce I-16). Je cite quelques extraits :

“Je travaille pour Steve Noël depuis 1990, je ne fais pas la pêche, mon travail consiste comme commis soit vérification du débarquement, ménage du bateau, faire les commissions à la demande du capitaine soit bris ou pièces à aller chercher à Sept-Iles ou autres endroits. Téléphoner à Resmar pour les aviser de l’heure de rentrée du bateau et ce à tous les ans depuis 1990. Je suis payée à salaire fixe. J’ai 2 enfants soit 1 fille de 8 ans et un garçon de 12 ans. Lorsque je m’absente, c’est ma mère (Angéla Lebrun) qui les garde. Mon travail se fait généralement à la maison puisque je dois être là lorsque Steve appelle. Je ne fais aucun travail de paperasse depuis 1990...

En 1990, 1992 et 1993, l’équipage était Steve Noël, Julien Bisson, Eddy Boulay et moi même. Les pêcheurs sont payés à pourcentage et mois à salaire fixe.

En 1991, l’équipage était Steve Noël, Julien Bisson, Eddy Boulay, Gisèle Lapierre, Darcy Noël et moi. Gisèle avait essayé la pêche mais elle était malade en mer...

En 1994, l’équipage était Steve, Eddy Boulay, Julien Bisson, le frère de Steve soit Jean-Yves Noël et moi-même. Je ne sais pas pourquoi il a engagé une personne de plus. Lorsque nous n’avons réussi à faire tous nos timbres de chômage, Steve s’organise pour faire faire de la grosse ouvrage, soit peinturer le bateau extérieur & intérieur, le bateau est en fibre de verre soit 45 pieds et ce n’est pas tout l’équipage ça dépend des semaines de chacun. Moi aussi lorsque je ne les ai pas toutes, là je fais la peinture, du fil sur les cages etc...

Depuis environ 2 ans, je ne peux dire la date exacte, ce n’est plus Eric Cindy mais Les Entreprises Eric Cindy et dès ce moment, je suis devenu actionnaire à 39% des parts et Steve Noël est à 61% et c’est là aussi que je suis devenu conjointe de fait de Steve Noël. J’ai donc des pouvoirs de signature et les affaires à la Caisse.

J’ai eu une augmentation de salaire de $120./semaine entre la saison 90 et 91 parce que je payais ma mère pour s’occuper de mes enfants.... En 1992 j’ai eu une augmentation de $50./semaine et en 1993 et 1994 j’étais à $745./semaine parce que j’avais discuté avec Steve et étant donné que j’avais des parts, je me versais ce salaire.

Je travaille environ 40 heures par semaine car je dois être disponible à la maison pour les appels. La pêche consiste uniquement au crabe et ce depuis 1990...”

[19] À l’audition Steve Noël a expliqué que l’appelante était engagée comme commis, qu’elle préparait la nourriture pour l’équipage, qu’elle devait être présente chez elle pour attendre un appel du bateau en cas d’urgence, qu’elle devait se rendre au quai pour la pesée des prises, qu’elle devait faire la vaisselle et du nettoyage à chaque sortie, elle devait nettoyer la cale du bateau à toutes les fins de semaine, elle devait apporter chez le comptable les documents si nécessaire, elle devait téléphoner au fournisseur de carburant pour prendre le rendez-vous au quai pour faire le plein, elle devait reconduire un des aides-pêcheurs chez lui après son travail à quelques kilomètres du quai, elle devait se rendre à Sept-Iles une fois par semaine, elle devait payer les comptes et faire l’épicerie à chaque semaine.

[20] En contre-interrogatoire, Steve Noël a dit qu’il avait ajusté le salaire de l’appelante parce que: “les salaires des pêcheurs augmentaient”. Il affirme qu’en 1993 et 1994, l’appelante a bénéficié d’une augmentation de salaire “parce qu’elle était à son emploi depuis plusieurs années, que les revenus de la pêche étaient bons et que tout le monde en avait profité”. Il a de plus affirmé que le salaire de l’appelante avait été établi “selon nos affaires à nous autres”. En somme il affirme que l’appelante aurait travaillé “autant sinon plus d’heures qu’un aide-pêcheur, et ces derniers travaillent près de 12 heures par jour”.

[21] L’appelante a expliqué ses tâches. En résumé, elle dit que généralement elle est au quai de 12 h à 15 h de l’après-midi, qu’elle doit se rendre chez le comptable à la fin du mois, qu’elle se rend à Sept-Iles une ou deux fois par semaine, qu’elle prépare la nourriture pour les pêcheurs, qu’elle reconduit l’aide-pêcheur Eddy Boulay chez lui après sa journée de pêche, qu’elle fait le ménage du bateau tous les jours, qu’elle nettoie et désinfecte la cale du bateau une fois par semaine, qu’elle fixe le rendez-vous entre le bateau et le fournisseur de carburant pour le plein d’essence, qu’elle achète les victuailles, qu’elle se rend à la banque une fois par semaine et qu’elle se rend à la boutique Le Marin une fois par semaine.

[22] L’intimé a évalué les tâches et le salaire de l’appelante selon les déclarations fournies par les personnes intéressées. À l’audience l’appelante a ajouté comme tâches qu’elle préparait les repas des pêcheurs, qu’elle reconduisait l’un des aides-pêcheurs, qu’elle fixait le rendez-vous pour le carburant et quelques autres commissions.

[23] Est-ce qu’en possession de ces faits additionnels il est prouvé par une prépondérance de preuve qu’il existe un contrat de louage de services assurable?

[24] Il est nécessaire que le salaire soit fixé en fonction des services rendus. Ce salaire doit aussi correspondre en général à ce qui se paie pour des tâches comparables suivant le jeu du marché.

[25] Les tâches de l’appelante étaient liées surtout aux activités du bateau. L’examen des documents en provenance de Pêche et Océans Canada (pièces I-4 à I-12), en particulier, démontre que le bateau a effectué 25 voyages en 1992, 31 voyages en 1993, 44 voyages en 1994 et 41 voyages en 1995. Selon les relevé d’emploi (pièce I-12) et une demande de prestations de l’appelante (pièce I-17), celle-ci aurait travaillé six jours/semaine, en raison de 40 à 50 heures et ceci à toutes les semaines consécutives indiquées au relevé d’emploi (pièce I-12). Selon ces documents l’appelante aurait exécuté ses tâches pendant 78 jours en 1990, 60 jours en 1991 et 1992, 66 jours en 1993, 78 jours en 1994 et 84 jours en 1995. Par exemple si le bateau a fait 41 voyages en 1995, est-ce que la présence de l’appelante était nécessaire les autres jours (43) où il n’y a pas eu de pêche? Si les pêcheurs et le bateau ne sont pas sortis, il ne semble pas y avoir de nécessité de préparer des repas, ou être à l’écoute de la radio, ou fixer un rendez-vous pour le plein d’essence, ou peser la pêche, ou reconduire l’aide-pêcheur. Ceci s’appliquerait donc à toutes les années de 1990 à 1995. Même si nous n’avons pas eu les données de sorties pour les années 1990 et 1991, l’appelante n’a pas démontré pour ces deux années que le bateau serait sorti en mer à tous les jours. De plus pour l’année 1991, Steve Noël a travaillé du 13 avril au 5 mai 1991. Par la suite, il a été hospitalisé dix jours et a été chez lui en convalescence pour un mois ou jusqu’à la fin de la saison. Est-ce qu’il s’est occupé des appels à la maison? Combien de voyages de pêche ont été faits en 1990 et 1991? L’appelante ne l’a pas démontré, mais la moyenne des années prouvée permettrait de conclure que la pêche n’a pas eu lieu six jours/semaine, en 1990 ou 1991.

[26] Il est toujours difficile et délicat de quantifier le travail d’une personne. L’on doit examiner le type d’emploi, les outils utilisés, l’environnement dans lequel il se pratique, le volume d’affaires, la description des tâches, le nombres d’employés, etc..., en somme tenter d’estimer le volume de travail exigé afin de déterminer les heures nécessaires à l’accomplir en rapport avec le salaire payé.

[27] Le calcul estimé du volume de travail fait par l’appelante ne permet pas de conclure qu’elle puisse consacrer de 40 à 50 heures ou plus dans une semaine de six jours.

[28] Quant au salaire, il n’a pas été établi en fonction d’une tâche comparable dans le marché. Steve Noël dans sa déclaration à l’assureur (l’intimé), mentionne qu’il a augmenté le salaire de l’appelante pour lui permettre d’avoir un meilleur chômage. Devant la Cour, il a donné une autre explication qui semblait indiquer qu’il désirait aussi que l’appelante puisse partager les profits des bonnes années. Il n’a pas vraiment justifié les écarts de salaire d’une année à l’autre.

[29] Le Ministre avait raison de conclure à l’inexistence d’un contrat réel de louage de services assurables

IV- Décision

[30] L’appel est rejeté et la décision du Ministre est confirmée.

“S. Cuddihy”

J.S.C.C.I.



       [1]         [1986] 3 C.F. 553 (C.A.F.)

    [2]            P.G. du Canada c. Kaur, 167 N.R. 98

    [3]             Brigitte Gauthier et M.R.N., TC-3094, 2 avril 1993 page 3. Voir également Diane Parent-Lévesque et M.R.N., Cour d’appel fédérale NR 738, 12 août 1980.

    [4]             Voir notamment la décision de la Cour canadienne de l’impôt dans l’affaire Manon Drapeau et M.R.N., TC 2137, 20 février 1990. La demande de contrôle judiciaire a été rejetée par la Cour d’appel fédérale, A-192-90, 22 novembre 1990.

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