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Date: 20000731

Dossier: 1999-1803-GST-I

ENTRE :

ANDRÉ GAMACHE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Tardif, C.C.I.

[1] La question en litige consiste à déterminer si l'appelant a droit de réclamer à titre de crédit de taxe sur les intrants (“ CTI ”) la totalité de la TPS qu'il a payée sur le prix des fournitures acquises dans le cadre de la transformation de sa résidence en “ gîte du passant ”.

[2] L'appelant a soumis une preuve très élaborée ; il a expliqué l'historique de son projet de construire et d'exploiter un “ gîte du passant ”. Au moyen de nombreuses photos, le Tribunal a pu constater qu'il s'agissait d'un ambitieux projet, bien structuré et bien dirigé.

[3] Il a aussi fait état de ses projets futurs et décrit ses possibles plans d'expansion, ajoutant que le litige avait eu pour effets de ralentir les étapes de réalisation.

[4] Quant au bien-fondé de son appel, il a soutenu que son immeuble transformé en “ gîte du passant ”, au moment pertinent, était destiné dans une proportion supérieure à 90 pour-cent, aux clients.

[5] À cet égard, il a mentionné que les aires occupées exclusivement par lui et sa compagne étaient très marginales, soutenant que la presque totalité des surfaces et pièces aménagées sur les trois étages avaient été conçues et aménagées pour le bien-être et le confort des clients.

[6] Pour appuyer et étoffer son évaluation, il a indiqué qu'au début du projet, il avait même résidé avec sa compagne dans une tente sur le terrain attenant au gîte, durant la période estivale, pour accommoder des clients et maximiser la rentabilité de son projet.

[7] Madame Odile Bélanger, en sa qualité de préposée aux visites de contrôle pour la Fédération des agricotours du Québec, s'est rendue sur les lieux; elle a témoigné à l'effet que le “ gîte du passant ” exploité par l'appelant, répondait aux normes de l'association et offrait cinq chambres accréditées. Elle a aussi mentionné que le tourisme Québécois recherchait de plus en plus luxe, services et facilités lorsqu'il venait le temps de choisir un gîte.

[8] Elle a décrit le “ gîte du passant ” comme étant une résidence privée aménagée de manière à y recevoir des passants avec un maximum de cinq chambres; elle a aussi mentionné qu'un “ gîte du passant ” contient généralement des espaces communs, partagés entre les passants et les membres de la famille de l'exploitant, dont la qualité et surface varient selon les gîtes. Elle a aussi affirmé que la Fédération des agricotours du Québec qualifiait comme étant “ auberge du passant ” tout établissement qui regroupait plus de cinq chambres.

[9] Les photos déposées en preuve ont bien illustré l'ampleur du projet réalisé par l'appelant. Il a débuté son projet à partir d'une modeste résidence pour en faire un imposant bâtiment ayant, de toute évidence, nécessité d'importants investissements et un travail considérable.

[10] Le présent appel concerne le remboursement des CTI déboursés pour l'exécution du projet.

[11] Pour avoir droit à la totalité des CTI, l'appelant devait démontrer que la vocation de son “ gîte du passant ” visait une occupation commerciale à plus de 90 pour-cent, auquel cas l'activité concernée devenait réputée faite en totalité dans le cadre d'activités commerciales.

[12] La preuve soumise par l'appelant permet-elle de conclure que l'aménagement de son “ gîte du passant ” était, à la période pertinente, destinée à 90 pour-cent et plus aux éventuels passants clients ?

[13] Mesdames Danièle Sénécal et Sonia Soucy, toutes deux témoins privilégiées de l'aménagement du gîte, ont témoigné à l'effet que les espaces réservés à l'appelant et à sa compagne étaient très limités et représentaient dans leur ensemble moins de 10 pour-cent de la surface de l'ensemble du complexe, la balance étant attribuée aux clients.

[14] Madame Manon Soucy, technicienne en vérification fiscale, co-responsable du dossier de l'appelant avec monsieur Laurent Thériault, a également témoigné au niveau de l'évaluation; elle a expliqué avoir visité le “ gîte du passant ” de l'appelant. Elle a fait état des complexités avec lesquelles elle devait composer pour apprécier, définir et surtout partager les activités dites commerciales, par rapport aux activités personnelles d'un “ gîte du passant ”.

[15] Ayant constaté la réelle vocation de l'immeuble visité, elle a expliqué qu'elle avait écarté l'approche économique basée seulement sur les revenus, qui aurait eu pour effet de rendre la demande de remboursement de l'appelant irrecevable. Elle a plutôt fait l'inventaire des lieux en évaluant les espaces disponibles réservés aux clients et ceux ayant une vocation commune, et finalement visité les locaux pouvant être définis privés. Madame Soucy a reconnu qu'il s'agissait d'une approche ni scientifique ou ni irréprochable mais essentiellement guidée par le bon sens, l'expérience et l'usage raisonnable.

[16] Selon madame Bélanger, un “ gîte du passant ” est une maison privée aménagée à des fins commerciales, où il est possible d'accueillir des clients avec un maximum de cinq chambres.

[17] De ce constat, il ressort que l'un des attraits recherchés par les clients est sans doute le contexte particulier de l'ambiance et atmosphère privées, permettant aux usagers d'apprécier les saveurs et valeurs locales dans un esprit plutôt familial.

[18] Madame Soucy a visité et examiné les lieux aménagés sur les trois planchers. Elle a déterminé que le premier étage était exclusif aux clients; elle a attribué le troisième à l'usage personnel de l'appelant et de sa compagne. Finalement, elle a conclu que le deuxième étage bénéficiait tant aux clients qu'aux propriétaires pour finalement fixer la vocation commerciale à 50 pour-cent.

[19] De son côté, l'appelant a soutenu que les espaces de son “ gîte du passant ” étaient commerciaux dans une proportion supérieure à 90 pour-cent. Il a reproché à l'intimée son approche peu scientifique du fait entre autre d'avoir tiré des conclusions de la simple présence de draps sur une laveuse.

[20] La preuve soumise par l'appelant ne fut guère plus scientifique; elle a été principalement constituée des témoignages de mesdames Sénécal et Soucy qui ont toutes deux soutenu que la grande majorité des espaces disponibles étaient accessibles et axés sur le confort et bien-être des clients, décrivant les espaces privés comme étant strictement minimaux et marginaux.

[21] Je ne crois pas qu'il soit possible de faire une nette démarcation entre les espaces commerciaux, les espaces privés et les espaces mixtes. Pour ce faire, je crois qu'il aurait été nécessaire d'avoir recours à la méthode dite économique, pour illustrer, au moyen des revenus, les taux de vacances sur une base annuelle, ce qui aurait pour effet d'établir de façon non équivoque que les espaces mixtes ont été utilisés dans une proportion très majoritaire par les clients. Ainsi, l'approche essentiellement mathématique pourrait permettre une conclusion plus près de la réalité. En l'espèce, cette approche a été écartée tant par l'intimée que par l'appelant lui-même d'autant plus que “ le gîte du passant ” de l'appelant était à ses tous débuts.

[22] Je ne crois pas que l'on puisse tirer de conclusions valables au niveau de la vocation commerciale d'un “ gîte du passant ” à partir des projets, des intentions et des prédictions des exploitants. Bien que l'approche retenue par l'intimée n'ait pas été scientifique, je crois qu'elle a été appropriée et raisonnable dans les circonstances et contextes du moment où elle a eu lieu.

[23] Le fardeau de la preuve incombait à l'appelant; il devait pour réussir, démontrer au moyen d'une prépondérance de la preuve que son immeuble avait une vocation commerciale réelle à plus de 90 pour-cent.

[24] Dans les faits, il a ni confirmé, ni étoffé ses prétentions par des chiffres que lui seul possédait, à savoir, à titre d'exemple, son registre de réservations, la nomenclature de ses revenus, etc. Il ne suffit pas de vouloir, d'imaginer et de réaliser un projet dont la vocation est espérée commerciale à plus de 90 pour-cent pour qu'il en soit ainsi véritablement dans les faits.

[25] Le Tribunal reconnaît les nobles intentions de l'appelant de réaliser éventuellement un projet où les activités s'y dérouleront à l'année longue grâce à l'ajout de différents services et de centres d'intérêts multiples. Là n'est cependant pas la question. Ce Tribunal doit essentiellement décider, si au moment de l'évaluation, l'entreprise avait une vocation commerciale à plus de 90 pour-cent. La preuve soumise ne permet aucunement de conclure ainsi. Elle a plutôt soutenu que l'évaluation retenue par l'intimée était raisonnable, réaliste et conforme à l'état des lieux et de ses possibilités au moment où elle a eu lieu.

[26] Pour ces motifs, l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada ce 31e jour de juillet 2000

“ Alain Tardif ”

J.C.C.I.

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