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Date : 19980515

Dossier : 95-4143-IT-G

ENTRE :

ABRAMO POZZEBON,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge O'Connor, C.C.I.

[1] Cet appel a été entendu à Toronto (Ontario) le 23 février 1998 conformément à la procédure générale de cette Cour.

[2] L’appelant a témoigné pour lui-même, en compagnie de sa soeur, Ivana. Maria Cesario, agent de recouvrement, a déposé pour l’intimée. Plusieurs pièces ont été déposées dont le cahier de documents de l’appelant (“ CDA ”) contenant 31 onglets.

[3] L’appelant fait appel d’un avis de cotisation daté du 17 novembre 1994 lequel, entre autres choses, établit que l’appelant est responsable, en sa qualité d’administrateur selon le paragraphe 227.1(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la “ Loi ”), des montants d’impôt sur le revenu fédéral retenus à la source mais non remis par Ontario Masonry (1988) Ltd. (la “ société ”) dans les années d’imposition 1990, 1991 et 1992. Le montant total de ces impôts était de 73 697,20 $ plus des intérêts de 6 225,63 $. L’avis de cotisation a été contesté par un avis d’opposition et le Ministre a confirmé la cotisation dans un avis de ratification daté du 13 juillet 1995.

Les faits

[4] La société a été constituée en personne morale le 29 mars 1988. Ses seuls administrateurs étaient l’appelant et sa soeur, Ivana, qui étaient également les seuls actionnaires à raison de 70 % pour l’appelant et de 30 % pour Ivana. L’appelant était président et Ivana était secrétaire-trésorière. La société exploitait une entreprise de maçonnerie. L’appelant et Ivana étaient les seuls employés permanents. D’autres employés étaient embauchés de temps à autre selon le travail à effectuer.

[5] En guise de salaire, l’appelant recevait environ 60 000 $ par année et Ivana, 20 000 $ par année. L’appelant et Ivana avaient des fonctions distinctes. L’appelant faisait des soumissions, obtenait des contrats de travaux, établissait des devis et surveillait les travaux de construction sur le terrain. Ivana s’occupait du travail administratif interne, dont la préparation de la paie, l’émission des chèques, les retenues nécessaires, toutes les affaires bancaires et la tenue de livres en général. Le rôle principal de l’appelant par rapport au travail d’Ivana consistait à lui remettre les feuilles des contremaîtres sur lesquelles figuraient les heures travaillées par les employés. Ces feuilles servaient à la préparation de la paie.

[6] Pour ce qui est de la scolarité, l’appelant a obtenu son diplôme d’études secondaires et il a suivi des cours portant sur les affaires pendant deux semestres et demi au Humber College. Ivana avait un peu plus de scolarité et elle avait appris la tenue de livres. Pour ce qui est de l’expérience de travail, l’appelant a commencé à travailler pour son père dans l’entreprise de maçonnerie de ce dernier et il a poursuivi ce travail de 1983 à 1988 jusqu’à la création de la société. C’est dans le cadre de son travail dans l’entreprise de son père qu’il a acquis l’expérience nécessaire à son travail dans la société. L’appelant allègue qu’il n’a pas eu connaissance des problèmes relatifs aux retenues à la source jusqu’à ce qu’un agent du recouvrement de Revenu Canada l’appelle au printemps de 1993 pour l’informer que la société avait à ce moment-là un arriéré d’environ 50 000 $. L’intimée prétend bien sûr que l’appelant devait être au courant bien avant cet appel.

[7] Après avoir constaté que la société avait de fortes dettes envers Revenu Canada, Ivana s’est entendue avec le Ministère sur un calendrier de remboursements. Toutefois, les obligations financières étaient si lourdes que la société n’a pu respecter le calendrier original de remboursements de 7 500 $ par mois après seulement quelques versements.

[8] La société était modestement prospère au début et elle n’a affiché que des pertes relativement modestes d’environ 7 000 $ dans chacun de ses exercices se terminant le 31 mars 1990 et le 31 mars 1991.

[9] L’appelant a expliqué comment la récession, qui est survenue en 1991, a réduit le travail et les marges de profit, de sorte qu’il a dû travailler pendant de plus longues heures, chercher du travail et le superviser, tout en essayant de réduire les coûts le plus possible. La récession a touché le secteur de la construction en général et le recouvrement des créances est devenu plus difficile.

[10] Il est manifeste selon les onglets 4 et 6 du CDA que les salaires et les avantages sociaux constituaient la plus forte dépense de la société et qu’ils grugeaient environ 95 % des revenus bruts dans les exercices se terminant le 31 mars 1990 et le 31 mars 1991.

[11] La société n’avait à peu près pas d’éléments d’actif puisque tout son matériel et ses locaux étaient loués.

[12] En raison des difficultés économiques et financières, la société a dû cesser ses activités en juillet 1994 et elle a été dissoute conformément à la Loi sur les sociétés par actions de l’Ontario par une ordonnance datée du 15 mai 1995 pour défaut de se conformer à la Loi sur l’imposition des corporations de l’Ontario.

[13] Un certificat du Ministre (le “ certificat de 1993 ”) a été enregistré le 6 juillet 1993 à la Cour fédérale du Canada en vertu du paragraphe 223(3) de la Loi relativement aux avis de cotisation établis à l’égard de la société le 22 février et le 22 août 1992, ainsi que le 30 mars 1993.

[14] Un bref de fieri facias a été délivré en date du 11 août 1993 (le “ bref de 1993 ”) au shérif de la Municipalité régionale de York (Ontario) relativement au certificat de 1993. La date du 11 août figure à l’alinéa 20 de l’avis d’appel modifié. C’est cet alinéa qui est mentionné dans la réponse, mais la date réelle du bref est le 6 juillet 1993. Toutefois, cela n’a aucune conséquence.

[15] Selon un rapport non daté de Stuart Reid, agent d’exécution principal du bureau du shérif de la Municipalité régionale de York, le bref de 1993 a été retourné avec la mention “ nulla bona ”. Même s’il ne porte pas de date, ce rapport mentionne que M. Reid s’est rendu aux locaux de la société le 19 octobre 1993.

Le droit

[16] Voici les dispositions pertinentes de la Loi de l’impôt sur le revenu, de la Loi sur la Cour fédérale et de ses Règles, des Règles de procédure civile et de la Loi sur les sociétés par actions de l’Ontario :

Loi de l’impôt sur le revenu

166 Irrégularités - Une cotisation ne peut être annulée ni modifiée lors d’un appel uniquement par suite d’irrégularité, de vice de forme, d’omission ou d’erreur de la part de qui que ce soit dans l’observation d’une disposition simplement directrice de la présente loi.

227.1. (1) Responsabilité des administrateurs pour défaut d’effectuer les retenues - Lorsqu’une société a omis de déduire ou de retenir une somme, tel que prévu au paragraphe 135(3) ou à l’article 153 ou 215, ou a omis de remettre cette somme ou a omis de payer un montant d’impôt en vertu de la partie VII ou VIII pour une année d’imposition, les administrateurs de la société, au moment où celle-ci était tenue de déduire, de retenir, de verser ou de payer la somme, sont solidairement responsables, avec la société, du paiement de cette somme, y compris les intérêts et les pénalités s’y rapportant.

(2) Restrictions relatives à la responsabilité - Un administrateur n’encourt la responsabilité prévue au paragraphe (1) que dans l’un ou l’autre des cas suivants :

a) un certificat précisant la somme pour laquelle la société est responsable selon ce paragraphe a été enregistré à la Cour fédérale en application de l’article 223 et il y a eu défaut d’exécution totale ou partielle à l’égard de cette somme;

b) la société a engagé des procédures de liquidation ou de dissolution ou elle a fait l’objet d’une dissolution et l’existence de la créance à l’égard de laquelle elle encourt la responsabilité en vertu de ce paragraphe a été établie dans les six mois suivant le premier en date du jour où les procédures ont été engagées et du jour de la dissolution;

c) la société a fait une cession ou une ordonnance de séquestre a été rendue contre elle en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité et l’existence de la créance à l’égard de laquelle elle encourt la responsabilité en vertu de ce paragraphe a été établie dans les six mois suivant la date de la cession ou de l’ordonnance de séquestre.

(3) Idem - Un administrateur n’est pas responsable de l’omission visée au paragraphe (1) lorsqu’il a agi avec le degré de soin, de diligence et d’habileté pour prévenir le manquement qu’une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans des circonstances comparables.

(4) Prescription - L’action ou les procédures visant le recouvrement d’une somme payable par un administrateur d’une société en vertu du paragraphe (1) se prescrivent par deux ans à compter de la date à laquelle l’administrateur cesse pour la dernière fois d’être un administrateur de cette société.

(5) Montant recouvrable - Dans le cas du défaut d’exécution visé à l’alinéa (2)a), la somme qui peut être recouvrée d’un administrateur est celle qui demeure impayée après l’exécution.

223. (1) Sens de “ montant payable ” - Pour l’application du paragraphe (2), le montant payable par une personne peut être constitué d’un ou plusieurs des montants suivants :

a) un montant payable par elle en application de la présente loi;

b) un montant payable par elle en application de la Loi sur l’assurance-chômage;

c) un montant payable par elle en application du Régime de pensions du Canada;

d) un montant payable par elle en application d’une loi provinciale et que le ministre doit recouvrer aux termes d’un accord conclu par le ministre des Finances pour le recouvrement des impôts payables à la province en vertu de cette loi.

(2) Certificat - Le ministre peut, par certificat, attester qu’un montant ou une partie de montant payable par une personne - appelée “ débiteur ” au présent article - mais qui est impayé est un montant payable par elle.

(3) Enregistrement à la cour - Sur production à la Cour fédérale, un certificat fait en application du paragraphe (2) à l’égard d’un débiteur est enregistré à cette cour. Il a alors le même effet que s’il s’agissait d’un jugement rendu par cette cour contre le débiteur pour une dette du montant attesté dans le certificat, augmenté des intérêts courus jusqu’à la date du paiement comme le prévoient les lois visées au paragraphe (1) en application desquelles le montant est payable, et toutes les procédures peuvent être engagées à la faveur du certificat comme s’il s’agissait d’un tel jugement. Dans le cadre de ces procédures, le certificat est réputé être un jugement exécutoire rendu par cette cour contre le débiteur pour une dette envers Sa Majesté du montant attesté dans le certificat, augmenté des intérêts courus jusqu’à la date du paiement comme le prévoient ces lois.

Historique :Le paragraphe 223(3) a été modifié par L.C. 1994, ch. 7, ann. VIII, art. 129, réputé entré en vigueur le 10 juin 1993. Le paragraphe 223(3) se lisait antérieurement comme suit :

(3) Sur production à la Cour fédérale, un certificat fait en application du paragraphe (2) à l’égard d’un débiteur est enregistré à cette cour. Il a alors le même effet que s’il s’agissait d’un jugement rendu par cette cour contre le débiteur pour une dette du montant attesté dans le certificat, augmenté des intérêts courus jusqu’à la date du paiement comme le prévoit la loi, et toutes les procédures peuvent être engagées à la faveur du certificat comme s’il s’agissait d’un tel jugement. Dans le cadre de ces procédures, le certificat est réputé être un jugement exécutoire rendu par cette cour contre le débiteur pour une dette envers Sa Majesté du montant attesté dans le certificat, augmenté des intérêts courus jusqu’à la date du paiement comme le prévoit la loi.

Loi sur la Cour fédérale

Article 56 Analogie avec les moyens de contrainte des tribunaux provinciaux - Moyens de contrainte visant une personne - Moyens de contrainte visant des biens meubles ou immeubles - Opposition à saisie

56. (1) Outre les brefs de saisie-exécution ou autres moyens de contrainte prescrits par les règles pour l’exécution des jugements ou ordonnances de la Cour, celle-ci peut délivrer des moyens de contrainte visant la personne ou les biens d’une partie et ayant la même teneur et le même effet que ceux émanant d’une cour supérieure de la province dans laquelle le jugement ou l’ordonnance doivent être exécutés. Si, selon le droit de la province, le moyen de contrainte que doit délivrer la Cour nécessite l’ordonnance d’un juge, un juge de la Cour peut rendre une telle ordonnance.

(2) La délivrance, par la Cour, d’un bref de saisie-exécution pour dette ne peut donner lieu à incarcération.

(3) Sauf disposition contraire des règles, les brefs de saisie-exécution ou autres moyens de contrainte visant des biens - qu’ils soient prescrits par les règles ou autorisés aux termes du paragraphe (1) - sont, quant aux catégories de biens saisissables et au mode de saisie et de vente, exécutés autant que possible de la manière fixée, pour des moyens de contrainte semblables émanant d’une cour supérieure provinciale, par le droit de la province où sont situés les biens à saisir. Ils ont les mêmes effets que ces derniers, quant aux biens en question et aux droits des adjudicataires.

(4) Sauf disposition contraire des règles, l’instruction et le jugement de toute contestation en matière de saisie effectuée en vertu d’un moyen de contrainte de la Cour, ou de toute prétention sur le produit des biens saisis, suivent autant que possible la procédure applicable aux revendications semblables concernant des biens saisis en vertu de moyens de contrainte similaires émanant des tribunaux provinciaux.

(5) [Abrogé, 1990, ch. 8, art. 18]

Règle 2008

2008. (1) Toute partie qui a fait décerner un bref d’exécution peut signifier au shérif auquel le bref a été adressé un avis indiquant qu’il est requis, dans un délai raisonnable spécifié dans l’avis, d’inscrire sur le bref un procès-verbal indiquant de quelle manière il l’a exécuté et d’envoyer à cette partie une copie de ce procès-verbal.

(2) Si un shérif auquel un tel avis est signifié en vertu de l’alinéa (1) ne s’y conforme pas, la partie qui le lui a fait signifier peut demander à la Cour une ordonnance prescrivant au shérif de se conformer à l’avis.

Règles de procédure civile de l’Ontario

Rapport du shérif sur l’exécution du bref

60.14 (1) La partie ou le procureur qui a déposé un bref d’exécution auprès d’un shérif peut lui demander par écrit de faire rapport sur la façon dont il l’a exécuté, auquel cas le shérif fait immédiatement parvenir son rapport (formule 60N), par la poste, à la partie ou au procureur qui le lui a demandé.

Bref retiré

(2) La partie ou le procureur qui a déposé un bref auprès d’un shérif peut le retirer en ce qui concerne un ou plusieurs des débiteurs dont les noms figurent dans le bref en donnant par écrit des directives en ce sens au shérif. Règl. de l’Ont. 560/84, règle 60.15(2); 478/85, par. 1.

(3) Si un bref est retiré, le shérif inscrit la date et l’heure du retrait sur le bref, et, s’il est retiré en ce qui concerne tous les débiteurs dont les noms y figurent, le sort de ses dossiers et le renvoie à la personne qui l’a retiré. Règl. de l’Ont. 560/84, règle 60.15(3); 478/85, par. 1.

Formule 60N

Rapport du shérif

(Titre général)

RAPPORT DU SHÉRIF

À la suite de votre demande du (date) concernant l’exécution du bref de saisie-exécution (ou de restitution, de délaissement ou de mise sous séquestre judiciaire) contre (nom de la partie) déposée auprès de moi, je déclare que j’ai pris les mesures suivantes et qu’elles ont donné les résultats suivants : (préciser).

(Date)     (Signature du shérif)

DESTINATAIRE : (nom et adresse

du créancier ou du procureur)

Loi sur les sociétés par actions de l’Ontario

[TRADUCTION]

242.(1) Malgré la dissolution d’une société aux termes de la présente loi :

a) les actions ou instances de nature civile, pénale ou administrative introduites par la société ou contre elle avant sa dissolution peuvent être poursuivies comme si la dissolution n’avait pas eu lieu;

b) des actions ou instances de nature civile, pénale ou administrative peuvent être introduites contre la société dans les cinq ans de la dissolution comme si celle-ci n’avait pas eu lieu;

c) les biens qui auraient servi à satisfaire à un jugement, à une ordonnance ou à un ordre, si la société n’avait pas été dissoute, restent disponibles à cette fin. 1982, ch. 4, par. 241(1); 1986, ch. 57, art. 19.

Thèse de l’appelant

[17] L’appelant affirme qu’un administrateur n’est responsable selon l’article 227.1 de la Loi que si l’une des conditions du paragraphe 227.1(2) est remplie et que le Ministre a le fardeau de la preuve à cet égard. L’appelant allègue que, comme le rapport de 1993 du shérif n’est pas daté, il n’était pas responsable suivant l’alinéa 227.1(2)a) de la Loi le 17 novembre 1994, date de l’établissement de la cotisation.

[18] Un avis de cotisation a été transmis à l’appelant avant celui de la société sur lequel il est fondé et l’avis de cotisation de la société a été transmis après la dissolution de la société.

[19] L’appelant affirme que, selon l’article 56 de la Loi sur la Cour fédérale, en Cour fédérale, un processus analogue à celui de la Cour supérieure de la province peut être utilisé outre les brefs d’exécution et le processus prescrits par les Règles fédérales. L’appelant allègue que, selon les Règles de l’Ontario, le shérif doit remplir son rapport en utilisant la formule 60N. On lit expressément dans la formule 60N que le rapport du shérif doit être daté et signé par le shérif. Le rapport de 1993 du shérif n’est pas conforme puisqu’il ne porte pas de date.

[20] L’appelant allègue que, selon l’article 2008 des Règles fédérales, le shérif est tenu d’indiquer dans le bref de quelle manière il l’a exécuté et d’envoyer à la partie intéressée une copie de ce procès-verbal. Par conséquent, le rapport de 1993 du shérif n’est pas conforme suivant les Règles fédérales car le shérif n’a pas indiqué dans le bref de fieri facias même de quelle manière il l’a exécuté comme l’exige l’article 2008.

[21] L’appelant allègue que le rapport non daté du shérif n’est pas conforme puisque le shérif ne s’est pas acquitté de ses fonctions lorsqu’il a rempli le rapport parce que son rapport ne montre pas qu’il a fait toutes les recherches raisonnables pour savoir quels éléments d’actif la société devait saisir pour se conformer au bref de 1993 avant d’inscrire “ nulla bona ” sur le rapport.

[22] Le Ministre ne peut expliquer ces lacunes dans le rapport non daté du shérif et l’appelant prétend que ces lacunes montrent que le rapport non daté du shérif ne s’appuie pas sur des faits. Par conséquent, l’appelant allègue que le Ministre n’a pas su prendre les mesures nécessaires prévues à l’alinéa 227.1(2)a) de la Loi car il n’a pas épuisé tous ses recours contre la société avant de communiquer avec l’appelant, qui n’est pas directement responsable de l’impôt sur le revenu de la société.

[23] En outre, le Ministre ne peut invoquer l’article 166 de la Loi. Autrement dit, l’absence de date et les lacunes décrites ci-dessus l’emportent sur la protection accordée au Ministre par l’article 166.

[24] La Loi sur les sociétés par actions de l’Ontario ne contient pas de mécanisme permettant à un créancier d’établir le bien-fondé d’une créance et il a été impossible au Ministre d’établir le bien-fondé d’une créance au montant de la dette fiscale de la société en vertu de la Loi dans les six mois suivant le premier en date du jour où les procédures de dissolution selon la Loi sur les sociétés par actions de l’Ontario ont été engagées et du jour de la dissolution.

[25] La société n’a pas fait de cession de biens ni n’a-t-elle fait l’objet d’une ordonnance de séquestre suivant la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (Canada), de sorte que le Ministre n’a pas établi le bien-fondé d’une créance au montant de la dette fiscale de la société selon la Loi dans les six mois suivant le premier en date du jour où une telle cession a eu lieu et du jour où l’ordonnance de séquestre a été rendue.

[26] L’appelant prétend en outre qu’aucune créance au montant de la dette de la sociétémentionnée au paragraphe 227.1(1) n’a été établie conformément à l’alinéa 227.1(2)b) ou c) de la Loi.

[27] L’appelant a cessé d’exercer ses fonctions d’administrateur le 15 mai 1995 et le Ministre ne peut, pour cause de prescription, intenter une action ou une poursuite contre l’appelant en invoquant son rôle d’administrateur de la société après le 15 mai 1997 en raison de la prescription mentionnée au paragraphe 227.1(4) de la Loi.

[28] Par ailleurs, l’appelant allègue qu’il n’est pas responsable selon le paragraphe 227.1(1) de la Loi parce qu’il a agi avec le degré de soin, de diligence et d’habileté exigé par le paragraphe 227.1(3).

Thèse du Ministre

[29] Le Ministre allègue qu’il a dûment établi une cotisation à l’égard de l’appelant conformément aux articles 227 et 227.1 de la Loi du fait que la société n’a pas versé au Receveur général un montant d’impôt sur le revenu fédéral, avec les pénalités et les intérêts sur cet impôt, comme l’exige l’article 153 de la Loi.

[30] Le Ministre allègue que l’appelant n’a pas agi avec le degré de soin, de diligence et d’habileté requis pour prévenir l’omission par la société de remettre le montant, ce qu’aurait fait une personne raisonnablement prudente dans des circonstances comparables.

[31] Le Ministre allègue que la cotisation établie à l’égard de l’appelant conformément aux articles 227 et 227.l de la Loi est justifiée car, avant qu’elle ne soit établie, les exigences de la condition préalable énoncées à l’alinéa 227.1(2)a) de la Loi avaient été remplies, c’est-à-dire qu’un certificat portant le montant de la dette de la société a été enregistré à la Cour fédérale du Canada en vertu de l’article 223 de la Loi et que ce montant est resté impayé.

[32] Le Ministre allègue que la cotisation établie à l’égard de l’appelant en vertu des articles 227 et 227.1 de la Loi est justifiée malgré l’omission par le shérif d’indiquer une date dans son rapport nulla bona. Il allègue en outre que le paragraphe 56(3) de la Loi sur la Cour fédérale n’incorpore pas par renvoi toutes les Règles de l’Ontario portant sur les moyens de contrainte visant des biens meubles ou immeubles, de sorte que l’omission par le shérif de remplir avec exactitude la formule 60N prévue aux Règles de l’Ontario et de dater son rapport nulla bona n’annule pas la responsabilité solidaire de l’appelant à l’égard de la société selon les articles 227 et 227.1 de la Loi.

[33] Le Ministre allègue que le bref de fieri facias est conforme car, selon l’article 2008 des Règles fédérales, il n’est pas nécessaire que le shérif mentionne dans le bref de fieri facias même la manière dont il l’a exécuté sauf si la partie, sur l’initiative de qui le bref de fieri facias a été délivré, en fait la demande. En outre, l’avis de cotisation est réputé valable suivant l’article 166 de la Loi.

[34] Le Ministre allègue que, comme la société a été dissoute conformément à l’article 241 de la Loi sur les sociétés par actions de l’Ontario, il lui a été impossible de satisfaire aux exigences de la condition préalable à l’alinéa 227.1(2)b) de la Loi avant d’établir la cotisation à l’égard de l’appelant en vertu des articles 227 et 227.1 de la Loi et que, par conséquent, il a procédé dans les règles selon l’alinéa 227.1(2)a) de la Loi.

[35] Le Ministre allègue qu’il n’existe dans la Loi aucune condition préalable qui l’oblige à établir pour une société une cotisation à l’égard de ses retenues à la source non remises avant d’établir une cotisation à l’égard de l’administrateur de la société en vertu des articles 227 et 227.1 de la Loi.

[36] Le Ministre allègue que, conformément à l’article 242 de la Loi sur les sociétés par actions de l’Ontario, une poursuite civile, criminelle ou administrative peut être intentée contre une société dissoute dans les cinq ans suivant sa dissolution comme si la société n’avait pas été dissoute.

Analyse et décision

[37] Pour ce qui est du rapport du shérif ne portant aucune date et des autres lacunes alléguées dans les mesures prises par le shérif, je suis d’avis que l’opinion du Ministre énoncée ci-dessus est justifiée.

[38] J’ai de la difficulté à croire que l’absence de date et les autres irrégularités invoquées par l’appelant suffisent à annuler l’avis de cotisation. En outre, il est manifeste selon l’ensemble de la preuve que l’entreprise n’avait aucun élément d’actif et que les allégations suivant lesquelles le shérif ne s’est pas bien acquitté de ses fonctions dans l’évaluation de l’actif n’ont pas une si grande importance. En outre, j’estime que l’article 166 de la Loi protège le Ministre. Le rapport du shérif mentionne effectivement la date où il s’est rendu dans les locaux, soit le 19 octobre 1993, ce qui devrait être satisfaisant pour l’établissement d’une date.

[39] Il se peut très bien en outre que les irrégularités dans ce processus régi par la Loi sur la Cour fédérale doivent faire l’objet d’un jugement par la Cour fédérale. Voir Curylo v. M.N.R., 92 DTC 1250 (C.C.I.) où le juge Beaubier a dit :

La Cour conclut que si le certificat déposé à la Cour fédérale du Canada par le Ministre du Revenu Canada le 10 février 1986 nomme la mauvaise corporation, ou si la modification que celui-ci a voulu faire est inopérante, il y a alors lieu de saisir la Cour fédérale du Canada d’une action en révocation du certificat en question. Pour reprendre les mots utilisés par le juge Cattanach dans l’affaire Her Majesty The Queen v. Star Treck Holdings Ltd., et al., 77 DTC 5311 (C.F. 1ère instance) à la page 5313 :

[VERSION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Au contraire, il étaye l’hypothèse qu’une personne touchée par l’enregistrement d’un tel certificat peut demander que la Cour exerce sa compétence en jugeant, par exemple, de l’opportunité de l’enregistrement et que la personne contre qui le certificat a été enregistré peut l’attaquer au moyen d’une procédure indépendante requérant que le certificat ou l’enregistrement soit déclaré invalide.

La Cour canadienne de l’impôt a été créée par une loi et elle n’a aucune compétence inhérente. Il semblerait donc que la Cour fédérale soit l’instance qui devrait déterminer le bien-fondé de l’argument de l’appelant selon lequel le Ministre, et le shérif, n’ont pas bien suivi les règles de procédure établies dans la Loi sur la Cour fédérale.

[40] Les seules conditions préalables dans la Loi qui doivent être remplies avant qu’un administrateur ne soit tenu responsable des retenues à la source non remises d’une société sont celles qui sont énoncées au paragraphe 227.1(2). Rien dans ce paragraphe n’énonce que la société doit être imposée pour les retenues à la source non remises avant que l’administrateur ne soit imposé. Selon le paragraphe 223(3) de la Loi, le dépôt du certificat à la Cour fédérale a le même effet qu’un jugement obtenu auprès de cette Cour. C’est sur le certificat mentionné dans ce paragraphe que la responsabilité de l’appelant est fondée, et non sur l’avis de cotisation original de la société.

[41] Selon la Loi sur les sociétés par actions de l’Ontario, une poursuite civile, criminelle ou administrative peut être intentée contre une société dissoute dans les cinq ans après sa dissolution comme si la société n’avait pas été dissoute.

[42] Pour ce qui est de la position de l’appelant relativement à l’interprétation des alinéas 227.1(2)a), b) et c), je pense que la décision du juge en chef adjoint Christie dans Kennedy v. M.N.R., 91 DTC 1037 (C.C.I.) est tout à fait à propos. Il affirme à la page 1040 que :

L’appelant fait valoir que la satisfaction à l’exigence prévue à l’alinéa 227.1(2)a) n’équivaut pas à l’observation des conditions préalables dans tous les cas. L’observation de l’alinéa 227.1(2)a), b) ou c), à cette fin, dépend des faits de l’espèce. Si la corporation a entrepris des procédures de liquidation ou de dissolution ou a été dissoute, ce sont les dispositions de l’alinéa 227.1(2)b) qu’il faut suivre. Si la corporation a fait une cession ou qu’une ordonnance de séquestre a été rendue contre elle en vertu de la Loi sur la faillite, c’est l’alinéa 227.1(2)c) qui prévaut. Dans les autres cas, l’alinéa 227.1(2)a) s’applique. Je crois que c’est la façon appropriée de procéder.

Travel Consultants ayant été dissoute, on fait valoir que l’appelant doit avoir gain de cause parce que le Ministre s’est conformé à l’alinéa 227.1(2)a) et non, comme il aurait dû le faire, à l’alinéa 227.1(2)b). Cet argument n’est valable que si, en l’espèce, il était possible au ministre de se conformer à l’alinéa 227.1(2)b), lequel stipule que, lorsqu’une corporation a été dissoute sans avoir entrepris de procédures de liquidation ou de dissolution, ce qui a été le cas pour Travel Consultants, une réclamation de la somme à l’égard de laquelle la corporation encourt la responsabilité en vertu du paragraphe 227.1(1) doit être établie dans les six mois de la date de dissolution. Dans le cas, cependant, où la corporation est dissoute par le registraire aux termes de l’article 205, la loi ne prévoit pas la nomination d’un liquidateur à qui on pourrait prouver l’existence de la somme due par la corporation et, en fait, aucun liquidateur n’a été nommé relativement à la dissolution de Travel Consultants. La situation est différente si, aux termes de l’article 205, le registraire demande à la Cour du banc de la Reine de l’Alberta de rendre une ordonnance de dissolution d’une corporation parce que celle-ci a omis de produire ses déclarations annuelles. Dans ce cas, l’article 210 de la Business Corporations Act s’applique. Il traite des pouvoirs de la Cour en matière de dissolution de corporations, pouvoirs qui comprennent celui de rendre une ordonnance de nomination d’un liquidateur. L’alinéa 214a), sous-alinéa 214b)(iii) et l’alinéa 214c) stipulent :

214. Le liquidateur doit :

a) donner avis, sans délai, de sa nomination au registraire et aux réclamants et créanciers connus de lui;

b) insérer sans délai, dans le périodique du registraire et, une fois par semaine pendant deux semaines consécutives, dans un journal publié ou diffusé au lieu du siège social de la corporation, tout en prenant des mesures raisonnables pour lui donner une certaine publicité dans chaque province du Canada où la corporation exerce ses activités commerciales, un avis obligeant :

...

(iii) les créanciers de la corporation à lui fournir par écrit un relevé détaillé de leur créance, qu’elle soit ou non liquidée, future ou éventuelle, dans les deux mois de la première publication de l’avis;

c) prendre sous sa garde et sous son contrôle tous les biens de la corporation;

L’alinéa 227.1(2)b) n’étant pas applicable en l’espèce et le Ministre s’étant conformé aux exigences de l’alinéa 227.1(2)a) comme le permet l’alinéa 219(2)b) de la Business Corporations Act, ce qui était la seule ligne de conduite valide dont il disposait d’après le paragraphe 227.1(2), cet appel ne peut être admis.

[43] L’appelant a clairement indiqué dans son avis d’appel que le Ministre n’a pas établi le bien-fondé de sa créance selon l’alinéa 227.1(2)b) ou c) ou que le Ministre n’a pas été capable d’en établir le bien-fondé. Toutefois, si l’on suit le raisonnement du juge en chef adjoint Christie dans le jugement Kennedy précité, le Ministre s’est parfaitement conformé aux exigences de l’alinéa 227.1(2)a) de la Loi.

[44] Pour ce qui est de la prescription de deux ans, l’avis de cotisation d’impôt sur le revenu qui établit la responsabilité de l’appelant et dont il fait appel porte la date du 17 novembre 1994. La date à laquelle l’appelant aurait cessé d’être administrateur est le 15 mai 1995. La cotisation a été établie dans la période de deux ans.

[45] Quant à savoir si l’établissement d’une cotisation est une action ou une procédure, la question a été abordée par le juge Kempo dans Jose Cortes Manago v.M.N.R., 90 DTC 1889 (C.C.I.). L’argument pertinent dans l’affaire Manago précitée est expliqué par le juge Kempo à la page 1891 :

L’analyse du premier motif présentée au nom de l’appelant fait valoir que la prescription de l’“action ou des procédures visant le recouvrement d’une somme payable” telle que décrite au paragraphe 227.1(4) ne s’applique pas à un avis de cotisation ou à une réévaluation de la responsabilité, pour le motif que celles-ci sont de nature purement administrative et qu’elles consistent simplement à établir le montant dû. Le recouvrement de ce montant, dans l’esprit de la clause de prescription, serait impossible tant que la responsabilité ou le montant n’ont pas été définitivement déterminés par leur acceptation de la part du contribuable, laquelle se manifeste par le fait qu’il ne s’oppose pas ou qu’il abandonne l’appel, ou par la décision judiciaire. Selon le libellé utilisé par le Parlement, celui-ci aurait choisi de faire commencer le délai de prescription à la date d’abandon du poste d’administrateur et de le faire terminer à la date du début de l’instance ou des mesures de recouvrement des sommes dues.

[46] Le juge Kempo tranche la question à la page 1892 :

La conséquence première et très étonnante de l’analyse de l’appelant est qu’elle permettrait au contribuable d’utiliser ses droits d’opposition ou d’appel pour annuler complètement les clauses de prescription qui jouent contre l’intimé et qui, peut-on dire, ont été inscrites dans la Loi en faveur du contribuable. Deuxièmement, il surgit immédiatement une anomalie, du fait que cette interprétation ne laisse aucun délai à l’intérieur duquel la cotisation elle-même pourrait être établie; ce qui, toutefois, peut se révéler un vain exercice, étant donné que les appels judiciaires s’étendent souvent sur de longues périodes de temps.

[47] Et à la page 1893 :

Le fait que le paragraphe (10) de l’article 227.1, qui habilite l’intimé à établir la cotisation, insère le processus d’opposition et les droits d’appel dans les divisions I et J, démontre l’intention du législateur que l’expression l’“action ou les procédures visant le recouvrement” du paragraphe (4) ne soit pas nécessairement de nature restrictive et inefficace. Après mûre réflexion, je conclus que cette expression comprend une cotisation établie en vertu du paragraphe (10) de l’article 227.1. Le bon sens veut qu’il y ait d’abord nécessairement une certaine dette qui soit cristalisée par la détermination de la responsabilité sous la forme d’une cotisation; s’ensuivent les moyens de recouvrement, et le fait que, aux fins de la prescription et en l’absence de tous termes de nature restrictive ou modificatrice, l’expression l’“action ou les mesures visant le recouvrement” ne vise pas seulement les mesures de nature judiciaire. L’expression en question est libellée de façon suffisamment large pour englober l’acte administratif du recouvrement consistant en l’avis de cotisation ou en la nouvelle cotisation. De toute façon, je suis incapable de trouver un principe ou une règle d’interprétation qui fasse ou devrait faire préférer une interprétation libérale à une interprétation étroite et technique. Comme je l’ai déjà mentionné, l’interprétation étroite donne lieu à des anomalies qui détonnent complètement de l’esprit de la Loi.

[Remarque : il s’agit non pas du paragraphe (1) de l’article 227.1, mais plutôt du paragraphe (10) de l’article 227.]

[48] Il peut encore subsister un doute dans certains esprits quant à savoir si l’établissement d’une cotisation est “ une action ou une procédure légale ”. À mon avis toutefois, il est sûr que l’enregistrement du certificat le 6 juillet 1993, soit la première étape d’une procédure contre un administrateur, constituait une procédure légale et, comme elle a été intentée dans la période de deux ans, la position de l’appelant sur ce point ne peut tenir.

[49] Pour ce qui est de la diligence, le paragraphe 227.1(3) autorise un administrateur à invoquer une telle défense.

[50] Je dois donc décider si l’appelant a agi comme une personne raisonnablement prudente l’aurait fait dans des circonstances semblables pour tenter de prévenir l’omission par la société de remettre la retenue d’impôt exigée.

[51] Voici ce qu’a écrit le juge Rip, de cette cour, dans Cosmas V. Ho v. M.N.R., 91 DTC 76 (C.C.I.), à la page 80 :

Le mot “prevent” (prévenir en français) est défini dans le The Shorter Oxford Dictionary On Historical Principals [sic] comme suit :

1. To act in anticipation of or in preparation for (a future event, or a point in time); to act as if the event or time had already come ... b. To meet beforehand ... 3. To stop, keep or hinder from doing something. ... 4. To provide beforehand against the occurrence of (something); to preclude, stop, hinder ... 6. To frustrate, defeat, bring to naught ... 7. To use preventative measures. ...

Dans la version française, le mot “prévenir” apparaît au paragraphe 227.1(3). Le Petit Robert I définit le mot “prévenir” comme suit :

1. Devancer (qqn) dans l'accomplissement d'une chose, agir avant (un autre).... 2. Aller au-devant de (qqch.) pour hâter l'accomplissement. ... 3. Aller au-devant pour faire obstacle; empêcher par ses précautions. ...

Les mots “prevent” et “prévenir” veulent dire la même chose : empêcher l’accomplissement d’une chose. Lorsque l’omission a eu lieu, il n’est plus possible de la prévenir. Après le mois de novembre 1986, il était trop tard pour que M. Ho, Mme Lawlor ou le procureur de M. Ho puissent prévenir les omissions qui avaient déjà eu lieu.

[52] Le juge Rip a constaté que la mesure prise par l’appelant, après qu’il eut constaté que la retenue d’impôt n’avait pas été remise comme l’exigeait la Loi, ne répondait pas au critère d’une défense de diligence raisonnable. Il a affirmé que l’appelant doit prendre des mesures concrètes pour prévenir l’omission par la société de remettre la retenue d’impôt.

[53] Dans Soper v. The Queen, 97 DTC 5408, une décision de la Cour d’appel fédérale, le juge d’appel Robertson a analysé les exigences de la défense de diligence raisonnable pour les administrateurs qui essaient de se soustraire à leur responsabilité à l’égard des retenues à la source non remises.

[54] Le juge d’appel Robertson a dit du critère qu’il s’agit d’un critère “ objectif-subjectif ”. Il a déclaré à la page 5417 que :

... il est difficile de nier que les administrateurs internes, c’est-à-dire ceux qui s’occupent de la gestion quotidienne de la société et qui peuvent influencer la conduite de ses affaires, sont ceux qui auront le plus de mal à invoquer la défense de diligence raisonnable. Pour ces personnes, ce sera une opération ardue de soutenir avec conviction que, malgré leur participation quotidienne à la gestion de l’entreprise, elles n’avaient aucun sens des affaires, au point que ce facteur devrait l’emporter sur la présomption qu’elles étaient au courant des exigences de versement et d’un problème à cet égard, ou auraient dû l’être. Bref, les administrateurs internes auront un obstacle important à vaincre quand ils soutiendront que l’élément subjectif de la norme de prudence devrait primer l’aspect objectif de la norme.

[55] Le juge d’appel Robertson, en classant les administrateurs comme administrateurs soit internes, soit externes, a sérieusement limité l’élément subjectif du critère de diligence raisonnable pour les contribuables qui ont un rôle à jouer dans l’exploitation courante d’une entreprise.

[56] Le juge d’appel Robertson a également affirmé, en parlant d’un administrateur externe, que

... l’obligation expresse d’agir prend naissance lorsqu’un administrateur obtient des renseignements ou prend conscience de faits qui pourraient l’amener à conclure que les versements posent, ou pourraient vraisemblablement poser, un problème potentiel. En d’autres termes, il incombe vraiment à l’administrateur externe de prendre des mesures s’il sait, ou aurait dû savoir, que la société pourrait avoir un problème avec les versements. La situation typique dans laquelle un administrateur est, ou aurait dû être, au courant de cette éventualité est celle de la société qui a des difficultés financières.

[57] Pour ce qui est de la diligence raisonnable, le fardeau incombe à l’appelant. Il était l’un des deux seuls administrateurs à toutes les époques pertinentes, il détenait 70 % des actions et il avait un intérêt direct dans la rentabilité de la société et de toutes ses entreprises. Il était président et était directement responsable de l’obtention de contrats qui produiraient les résultats nets pour la société. Aussi, la société a versé de gros salaires à l’appelant et à sa soeur. L’appelant doit être considéré comme un administrateur interne et le fardeau qui lui incombe, comme l’explique la décision Soper de la Cour d’appel fédérale, est lourd. Il faut faire un acte de foi que je crois trop important à tous égards pour conclure qu’il n’a jamais été au courant des problèmes de retenue à la source.

[58] Pour toutes ces raisons, l’appel est rejeté avec frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de mai 1998.

“ T.P. O’Connor

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 10e jour de septembre 1998.

Mario Lagacé, réviseur

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