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Date: 19990608

Dossier: 98-866-IT-I

ENTRE :

THÉRÈSE LESSARD CARTIER,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge P.R. Dussault, C.C.I.

[1] L'appelante conteste une cotisation émise par le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) en vertu de l'article 160 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) dont l'avis est en date du 22 novembre 1996 et porte le numéro 08488. Par cette cotisation, le Ministre réclame à l'appelante un montant de 7 060,66 $ suite à un transfert par son conjoint, monsieur Roger Cartier, de la demie indivise d'une résidence située au 78, rue Des Chênes à Ste-Thérèse de Blainville (Québec) vers le 13 juin 1991.

[2] À l'alinéa 3.a) de la Réponse à l'avis d'appel on fait état que la dette fiscale de monsieur Cartier était de 7 060,66 $ pour ses années d'imposition 1989, 1990 et 1991. Ce montant n'est pas contesté bien que l'appelante signale que monsieur Cartier aurait fait certains paiements en rapport avec cette dette.

[3] L'appelante et monsieur Cartier se sont mariés sous le régime de la séparation de biens aux termes de leur contrat de mariage signé devant notaire le 18 juin 1969. L'article 4 de ce contrat (pièce A-2) contient, outre une donation entre vifs irrévocable par monsieur Cartier à l'appelante des biens meubles d'une valeur de 2 000,00 $, une semblable donation d'une somme de 20 000,00 $ dans les termes suivants :

Une somme de VINGT MILLE DOLLARS ($20,000.00) -------------- que le futur époux s'engage de payer à la future épouse, en tout temps au cours du mariage, en tout ou en partie, au moyen de biens meubles ou immeubles de son choix, et dès qu'il estimera ses moyens suffisants à l'acquitter. S'il ne l'a point payé de son vivant, la future épouse pourra la réclamer de la succession du futur époux, de préférence à tout légataire ou héritier, mais selon l'ordre de la réalisation la plus facile, d'après lequel elle prendra d'abord le produit des polices d'assurance-vie, les biens meubles, puis, à défaut, les immeubles.

[4] En 1986, l'appelante et monsieur Cartier ont acquis ensemble la résidence dont il est ici question pour une somme d'environ 92 000,00 $. Aux fins de cette acquisition, ils ont contracté un prêt garanti par hypothèque pour un montant d'environ 73 000,00 $ auprès de La Société d'Hypothèques CIBC.

[5] En 1988, monsieur Cartier aurait emprunté une somme additionnelle dans le but de consolider ses dettes. Le montant total des prêts garantis par l'hypothèque sur la résidence aurait alors été augmenté à 90 000,00 $.

[6] Au printemps 1991 et alors que les versements à l'égard du prêt hypothécaire étaient en retard depuis quelques mois, l'appelante et son conjoint ont reçu un avis de 60 jours de la part du créancier hypothécaire, La Société d'Hypothèques CIBC.

[7] Suite à un arrangement avec cette société et le paiement d'arrérages de 3 300,00 $ par l'appelante, il fut convenu que monsieur Cartier transférerait à l'appelante sa partie indivise de la résidence et que celle-ci assumerait la totalité de la dette garantie par hypothèque.

[8] Vers la même période, monsieur Cartier aurait cessé de vivre avec l'appelante. L'appelante a intenté une action en divorce en octobre 1998.

[9] Le 13 juin 1991, par acte notarié (pièce A-1), monsieur Cartier transférait à l'appelante sa moitié indivise de la résidence pour un prix libellé dans les termes suivants :

La présente vente est faite pour le prix et moyennant la somme de UN DOLLAR ($1.00) que le vendeur reconnaît avoir reçue de l'acquéreur, à la signature des présentes, dont quittance générale et finale.

La présente vente est également faite à la charge par l'acquéreur, qui s'y oblige, de payer pour et à l'acquit du vendeur, toute somme due à LA SOCIETE D'HYPOTHEQUES CIBC, 300 Boulevard Sicard, Ste-Thérèse, Qc J7E 3X5, en vertu de l'acte de prêt reçu par le notaire Jean Blanchard, le trente et un mars mil neuf cent quatre-vingt-huit (1988) et enregistré au bureau d'enregistrement de Terrebonne sous le numéro 822207.

Cette somme est remboursable selon les termes et conditions stipulés dans l'acte de prêt ci-dessus mentionné et enregistré sous le numéro 822207, que l'acquéreur déclare bien connaître.

Le vendeur, par les présentes, renonce à son privilège de vendeur.

[10] Selon l'appelante, en date du 13 juin 1991, la dette envers La Société d'Hypothèques CIBC s'élevait à une somme d'environ 71 000,00 $ soit 84 891,00 $ moins une somme de 13 203,00 $ payée par elle quelques jours plus tôt.

[11] La valeur établie au contrat pour la partie indivise de la résidence cédée par monsieur Cartier à l'appelante est de 61 750,00 $, la valeur totale de la résidence étant établie à la somme de 123 500,00 $. Il s'agit là des valeurs sur lesquelles s'est appuyé le Ministre pour établir la cotisation à l'égard de l'appelante et que l'on retrouve aux alinéas f) et g) du paragraphe 3. de la Réponse à l'avis d'appel. Ces valeurs ne sont pas contestées.

[12] Comme le souligne l'avocat de l'intimée, on constate donc que le transfert a entraîné un bénéfice de 19 304,00 $ pour l'appelante qui a fourni une contrepartie de 42 446,00 $ (soit 84 891,00 $ ÷ 2 + 1,00 $) pour un bien d'une valeur de 61 750,00 $. Toutefois, la cotisation a été limitée au montant de 7 060,66 $ soit le montant que monsieur Cartier était tenu de payer pour ses années d'imposition 1989, 1990 et 1991 au moment de la cotisation.

[13] Bien que l'appelante invoque la donation par contrat de mariage de 20 000,00 $, l'avocat de l'intimée estime que le prix indiqué au contrat de vente du 13 juin 1991 ne permet par d'inférer qu'il était de l'intention des parties de tenir compte de cette donation aux fins de la transaction.

[14] Je suis d'accord avec l'avocat de l'intimée. Le libellé de la clause de prix dans le contrat de vente du 13 juin 1991 est clair et ne prête nullement à interprétation. Si les parties avaient voulu inclure comme considération le paiement de la dette contractée par monsieur Cartier suite à l'acceptation par l'appelante de la donation entre vifs irrévocable d'une somme de 20 000,00 $ par contrat de mariage, ils l'auraient fait. En effet, le transfert à l'appelante aurait pu être effectué par monsieur Cartier pour une contrepartie comprenant le paiement de sa dette de 20 000,00 $ envers elle et celle-ci lui aurait alors donné quittance pour autant.[1] Manifestement, les parties n'y ont pas pensé et il est évident qu'elles n'ont pas été conseillé par le notaire sur ce point. Je ne peux malheureusement pas, aujourd'hui, pallier à leur oubli. D'ailleurs, je remarquerai en terminant sur cette question que dans son action en divorce contre monsieur Cartier, l'appelante demande au tribunal dans les conclusions de son action de « [condamner] le défendeur à verser à la demanderesse la somme de 20 000,00 $, en exécution de la donation contenue au contrat de mariage » (voir pièce A-3, page 5). À preuve que l'appelante considère toujours que cette dette n'a pas encore été acquittée.

[15] J'ajouterai simplement qu'il n'est pas possible non plus d'interpréter le contrat de vente du 13 juin 1991 comme étant un accord écrit de séparation de façon à pouvoir invoquer l'application de la règle d'exception du paragraphe 160(4) de la Loi. Aucune référence n'y est faite quant à la séparation des époux et l'adresse indiquée comme étant leur domicile est la même soit celle de la résidence dont il est ici question. Le contrat prévoit également que l'appelante devient propriétaire absolue à compter de la date du contrat avec possession et occupation à compter de la même date.[2]

[16] En conséquence de ce qui précède, l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de juin 1999.

« P.R. Dussault »

J.C.C.I.



[1]           Dans l'affaire Furfaro-Siconolfi v. The Queen, 89 DTC 5519 (C.F. 1ère inst.), il a été établi que le transfert de biens dans le cas d'une donation entre vifs par contrat de mariage a lieu aux fins de l'article 160 de la Loi à la date de la signature du contrat et que le donateur devient dès lors simplement débiteur de la somme donnée.

[2]           Sur ce point, on peut se référer à la décision que j'ai rendue dans l'affaire Barroso v. The Queen, 97 DTC 223. Cette décision a été confirmée par la Cour d'appel fédérale, 98 DTC 6272.

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