Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 20000721

Dossier: 1999-3284-IT-I

ENTRE :

MICHEL LARABIE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge en chef adjoint Bowman

[1] L'appel est interjeté contre une cotisation pour l'année d'imposition 1997 de l'appelant. La question est de savoir si l'appelant est en droit de déduire dans le calcul de son revenu la somme de 4 800 $ payée à sa fille Debbie au cours de cette année-là.

[2] En 1994, l'appelant et sa femme Doreen se sont séparés. Ils avaient deux enfants, dont Debbie, née le 9 août 1978. Ils ont conclu un accord de séparation le 20 décembre 1996. Le paragraphe 3 des attendus se lit comme suit :

[TRADUCTION]

3. Les parties ont précédemment présenté une demande pour que soient réglées toutes les questions relatives à la séparation, y compris celles concernant la pension alimentaire pour enfants, la pension alimentaire pour conjoint, la garde des enfants et l'accès à ceux-ci, la division des biens et l'égalisation des actifs familiaux nets des parties. Par suite de mesures préparatoires et après des négociations, les parties ont convenu de renoncer à la demande et de mettre un terme à l'obligation de paiement de pensions alimentaires pour conjoint et enfants de la part de l'époux envers l'épouse dans cette instance (numéro du dossier de la Cour 6983/95) après le versement dû pour décembre 1996 à titre de pension. Les parties conviennent que l'accord de séparation règle maintenant toutes les questions en suspens quant à leur séparation et qu'elles désirent déterminer tous leurs droits existants et établir tous leurs droits et obligations futurs de part et d'autre.

[3] Les paragraphes 3, 4 et 5 de l'accord se lisent comme suit :

[TRADUCTION]

3. ENFANTS

Garde et accès

Les parties reconnaissent que l'enfant Debbie habite actuellement avec l'épouse, qui en a la garde et qui s'occupe d'elle, et que l'accès à l'enfant Debbie est déterminé directement entre cette dernière et l'époux.

4. PENSION ALIMENTAIRE POUR ENFANTS

A. Le 1er janvier 1997, puis le premier jour de chaque mois subséquent jusqu'au premier jour de septembre 1997 inclusivement, l'époux paiera une pension alimentaire pour l'enfant Debbie d'un montant total de QUATRE CENTS DOLLARS (400 $) par mois. Cette pension sera réputée être payable non pas à l'épouse mais directement à l'enfant Debbie Larabie et à son profit. Elle sera payable en deux versements égaux de DEUX CENTS DOLLARS (200 $) chaque mois, et il est expressément convenu que cette pension pour cette période sera déposée dans un compte en fiducie au nom de l'enfant Debbie, que l'époux sera nommé fiduciaire, que cette pension restera dans ce compte jusqu'au mois de septembre 1997, puis que les fonds en fiducie seront alors débloqués en faveur de Debbie pour qu'elle s'en serve pour suivre un programme d'études postsecondaires à temps complet. Cependant, quoi qu'il advienne, le montant sera débloqué en faveur de Debbie.

B. Si l'enfant Debbie est alors inscrite à temps complet dans un établissement d'enseignement, l'époux continuera à lui payer directement la somme de QUATRE CENTS DOLLARS (400 $) par mois, tant qu'elle demeurera inscrite à temps complet dans un établissement d'enseignement. Lorsqu'elle ne le sera plus ou lorsqu'elle aura vingt et un (21) ans, soit à la première de ces deux éventualités, la pension alimentaire pour enfant prendra fin.

C. Si l'enfant Debbie n'est pas inscrite à temps complet dans un établissement d'enseignement au mois de septembre 1997, la pension alimentaire pour enfant prévue dans la présente disposition prendra fin, et il n'y aura aucune autre obligation de payer une pension alimentaire pour enfant.

5. PENSION ALIMENTAIRE POUR CONJOINT

A. Au mois de janvier 1977, puis à chaque mois subséquent, l'époux paiera à l'épouse comme pension alimentaire pour conjoint la somme de MILLE DOLLARS (1 000 $) par mois, et ce :

a) jusqu'au décès de l'épouse;

b) jusqu'à ce qu'il y ait un changement de circonstances important selon ce qui est indiqué ci-après.

B. Les parties conviennent que la question du droit à la pension alimentaire pour conjoint et du montant de cette pension sera réexaminée dans cinq (5) ans ou plus tôt s'il se produit un changement de circonstances important.

C. Si l'époux meurt et que la pension alimentaire pour conjoint est encore payable à l'épouse, cette obligation (sous réserve expresse de la modification ou cessation de la pension après cinq ans ou lors d'un changement de circonstances important) sera à la charge à la succession de l'époux. Une telle charge représentera la seule et unique réclamation de l'épouse. Comme l'indique le présent accord, l'épouse n'aura contre la succession de l'époux aucune autre réclamation, y compris en vertu de la Loi portant réforme du droit des successions ou de toute loi remplaçant celle-ci.

D. Cette pension mensuelle sera payable en deux versements égaux de CINQ CENTS DOLLARS (500 $) chaque mois, et les parties conviennent que la perception ou l'exécution de la pension alimentaire pour conjoint ne se fera pas dans le cadre du Régime des obligations alimentaires envers la famille du ministère du Procureur général. L'époux prendra les dispositions nécessaires pour que cette pension soit automatiquement déposée dans un compte qui sera déterminé par l'épouse et qui sera commode pour l'époux aux fins du virement bancaire automatique. En cas de problème de perception, l'épouse pourra ultérieurement choisir de faire appel au Régime des obligations alimentaires envers la famille aux fins du présent accord, auquel cas les arrangements relatifs au dépôt de la pension alimentaire pour enfant qui sont prévus au présent paragraphe prendront fin.

[4] Les deux parties avaient des avocats. En 1997, l'appelant a payé 12 000 $ à sa conjointe et 4 800 $ à sa fille Debbie en vertu de l'accord et a déduit le montant intégral de 16 800 $ dans le calcul de son revenu. Le ministre a admis la déduction des 12 000 $ payés à Doreen et a refusé la déduction des 4 800 $ payés à Debbie.

[5] En 1997, l'alinéa 60b) de la Loi de l'impôt sur le revenu a été modifié, applicable à des sommes payées après 1996, pour se lire comme suit :

(b) le total des montants représentant chacun le résultat du calcul suivant :

       A - (B + C)

où :

A représente le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a payée après 1996 et avant la fin de l'année à une personne donnée dont il vivait séparé au moment du paiement;

B le total des montants représentant chacun une pension alimentaire pour enfants qui est devenue payable par le contribuable à la personne donnée aux termes d'un accord ou d'une ordonnance à la date d'exécution ou postérieurement et avant la fin de l'année relativement à une période ayant commencé après cette date.

C le total des montants représentant chacun une pension alimentaire que le contribuable a payée à la personne donnée après 1996 et qui est déductible dans le calcul de son revenu pour une année d'imposition antérieure;

[6] En 1997, l'article 56.1 a été modifié, applicable à des sommes payées après 1996. Le paragraphe 56.1(4) a été ajouté. Il incluait les définitions suivantes :

“ pension alimentaire ” Montant payable ou à recevoir à titre d'allocation périodique pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d'enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion et, selon le cas :

a) le bénéficiaire est le conjoint ou l'ancien conjoint du payeur et vit séparé de celui-ci pour cause d'échec de leur mariage et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent ou d'un accord écrit;

b) le payeur est le père naturel ou la mère naturelle d'un enfant du bénéficiaire et le montant est à recevoir aux termes de l'ordonnance d'un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois d'une province.

“ pension alimentaire pour enfants ” Pension alimentaire qui, d'après l'accord ou l'ordonnance aux termes duquel elle est à recevoir, n'est pas destinée uniquement à subvenir aux besoins d'un bénéficiaire qui est soit le conjoint ou l'ancien conjoint du payeur, soit le père ou la mère d'un enfant dont le payeur est le père naturel ou la mère naturelle.

[7] L'article d'application relatif à ces modifications a été modifié en 1998, mais il ne l'a pas été à l'égard de quoi que ce soit de pertinent aux fins de l'espèce. Les définitions figurant au paragraphe 56.1(4) s'appliquent aux articles 60 et 60.1. Les 12 000 $ payés à la conjointe de l'appelant, Doreen, représentent une “ pension alimentaire ” selon la définition de cette expression. Le montant de 4 800 $ payé à Debbie n'est pas une “ pension alimentaire ” selon la définition de cette expression. En effet, Doreen n'en est pas le bénéficiaire et ne pouvait assurément pas utiliser le montant à sa discrétion.

[8] Comme ce dernier montant n'est pas une “ pension alimentaire ” selon la définition de cette expression, il ne peut être une pension alimentaire pour enfants. Le paragraphe 60.1(1) se lit comme suit :

Pour l'application de l'alinéa 60b) et du paragraphe 118(5), dans le cas où une ordonnance ou un accord, ou une modification s'y rapportant, prévoit le paiement d'un montant par un contribuable à une personne ou à son profit, à des enfants confiés à sa garde ou à la fois à la personne et à ces enfants, le montant ou une partie de celui-ci est réputé

a) une fois payable, être payable à la personne et à recevoir par elle

b) une fois payé, avoir été payé à la personne et reçu par elle.

[9] Pour l'essentiel, en vertu du paragraphe 60.1(1), des paiements de pension alimentaire faits à un tiers au profit d'une personne ou d'enfants de la personne sont réputés avoir été faits à la personne et reçus par elle pourvu que l'ordonnance ou l'accord le stipule.

[10] Loin de stipuler cela, l'accord de séparation dispose expressément que la somme destinée à Debbie

sera réputée être payable non pas à l'épouse mais directement à l'enfant Debbie Larabie et à son profit.

[11] D'après M. Larabie, les paiements devaient aller directement à Debbie parce que la conjointe n'utilisait pas ce qu'elle recevait au profit de Debbie.

[12] Vu le libellé de l'accord de séparation, je ne pense pas que soit utile le jugement de notre cour dans l'affaire Chute c. R., C.C.I., no 97-2870(IT)I, 24 mars 1999 ([1999] 2 C.T.C. 2864), qui se fondait sur le jugement Hak c. R., C.C.I., no 97-2572(IT)I, 16 octobre 1998 ([1999] 1 C.T.C. 2633). Les paiements faits à Debbie n'entrent pas dans le cadre de l'alinéa 60b). L'appel doit donc être rejeté.

[13] Et maintenant, je ne peux passer sous silence la conduite des avocats de M. Larabie, Lanthier & Lehoux. Le document qui était à ce que je comprends un avis d'appel, pour peu qu'il puisse être appelé de la sorte, était une lettre en date du 28 juin 1999 adressée à : Revenu Canada, Cour canadienne de l'impôt, 200, rue Kent, Ottawa (Ontario) K1A 0M1. Il y est dit que le client désire déposer “ une objection officielle ” pour l'année d'imposition 1997. Cette lettre a été signée non pas par Me David Lanthier mais pour lui, par une personne dont les initiales sont “ NR ”. La lettre comporte une note très insolente, qui dit : “ Dicté mais non lu ”. Cette sorte d'arrogance est inacceptable dans une lettre ordinaire. Dans un document soi-disant introductif d'une instance devant notre cour ou un autre tribunal ou dans une communication avec un tribunal, cette sorte d'arrogance frise l'outrage.

[14] Le 20 avril 2000, Me Lanthier a écrit à la Cour canadienne de l'impôt pour demander une réponse à sa lettre du 20 août 1999, dont il joignait une copie. Cette lettre est une lettre à la division des appels de Revenu Canada de Shawinigan-Sud (Québec). Elle n'est pas signée et comporte la même note insolente disant : “ Dicté mais non lu ”. Le fonctionnaire du ministère du Revenu national à qui la lettre était adressée, Mme Chauvette, avait manifestement décidé de ne pas accorder à cette lettre plus d'importance que n'y avait attaché Me Lanthier.

[15] Ce qui est évident, c'est que Me Lanthier n'était absolument pas au courant du fait que notre cour n'a rien à voir avec le ministère du Revenu national et qu'il croyait qu'une lettre à ce ministère était une communication avec notre cour. Dans le cas d'appelants non représentés par un avocat, cette confusion est occasionnelle. Dans le cas d'un membre du barreau, elle est inexcusable. Lorsqu'un contribuable retient les services d'un membre du barreau aux fins d'un appel interjeté devant notre cour, ce contribuable est en droit de s'attendre à un minimum de compétence et à un minimum de connaissance des règles de la Cour. La lettre à Revenu Canada en date du 28 juin 1999 ne précise pas que le contribuable demande que son appel soit régi par la procédure informelle, mais le greffe de la Cour doit avoir présumé que tel était le cas, vu que la lettre incluait des droits de dépôt de 100 $. À cause de l'omission de Me Lanthier d'apporter cette précision, son client aurait pu se voir imposer l'obligation de payer des dépens.

[16] Et ce n'est pas tout. Le jour du procès, Me Lanthier n'a pas comparu. Il semble qu'il avait envoyé le dossier à un cabinet d'avocats de Sudbury, Weaver, Simmons. Il n'a pas communiqué avec la Cour ou pris de mesures pour ne plus être l'avocat inscrit au dossier. Le matin du procès a comparu M. Krys, un stagiaire en droit ayant terminé ses études deux semaines plus tôt. Il n'avait jamais comparu devant un tribunal et n'avait manifestement pas reçu d'instructions de qui que ce soit. Il avait essayé sans succès de contacter Me Lanthier. Il n'avait aucune idée de ce à quoi s'attendre et ignorait, semble-t-il, qu'il s'agissait d'une instance devant un tribunal. Je lui ai fourni toute l'aide que je pouvais, comme je l'aurais fait pour un appelant non représenté par un avocat. Les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu pertinentes dans le présent appel sont notablement compliquées, et je comprends très bien M. Krys, qui a été lancé dans l'arène sans préparation. Je ne le critique nullement. Il a lutté vaillamment pour s'acquitter de la responsabilité mise sur ses épaules d'une manière aussi abusive. Par contre, je critique bel et bien ses directeurs, qui l'ont envoyé au tribunal. Me Lanthier et le cabinet d'avocats Weaver, Simmons ont en fait abandonné M. Larabie. Des avocats qui acceptent de représenter un client devant un tribunal ont une responsabilité envers le client et envers le tribunal. La conduite adoptée ici était irresponsable et répréhensible. Elle ne correspond même pas au niveau minimum de responsabilité professionnelle auquel on peut raisonnablement s'attendre de membres du barreau. Notre cour a été traitée d'une manière outrageante, et M. Larabie a été jeté dans la fosse aux lions. J'ai envisagé de signifier une assignation à Me Lanthier pour qu'il démontre pourquoi il ne devrait pas être déclaré coupable d'outrage. Toutefois, il convient davantage que la question soit traitée par le Barreau du Haut-Canada. J'attendrai deux semaines avant de déférer la question au Barreau du Haut-Canada pour permettre aux avocats d'expliquer leur conduite à la Cour et d'énoncer les raisons pour lesquelles la question ne devrait pas être déférée au Barreau du Haut-Canada.

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de juillet 2000.

“ D. G. H. Bowman ”

J.C.A.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 16e jour de janvier 2001.

Mario Lagacé, réviseur

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.