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Date: 19981214

Dossier: 96-2531-IT-G

ENTRE :

BOIS AISÉ DE ROBERVAL INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge McArthur, C.C.I.

FAITS

[1] L’appelante interjette appel à l’encontre d’une cotisation datée du 8 décembre 1994 pour l’année d’imposition se terminant le 18 avril 1993. Elle conteste cette cotisation sous le prétexte que le ministre du Revenu national (le “Ministre”) a erronément inclus une somme de 308 397,82 $ à son revenu.

[2] Les faits ne sont pas contestés par les parties. Il y a eu une entente sur les faits déposés lors du procès. L’appelante se spécialise dans la production d’éléments de cadres de sommier à ressorts pour les lits. Elle produit également différentes sortes de bois.

[3] Le 30 décembre 1986, le Canada et les États-Unis ont signé une entente relative à l’exportation de certains produits de bois d’oeuvre (ci-après, “ Entente ”). Cette Entente vise le règlement des différends existant entre le Canada et les États-Unis relativement à l’exportation de certains produits de bois canadien aux États-Unis. Elle conclut à l’évitement des droits compensatoires par les États-Unis sur les exportations canadiennes.

[4] La Loi sur le droit à l’exportation de produits de bois d’oeuvre[1] fut édictée peu après la signature de l’Entente. L’article 6 de cette Entente imposait les exportateurs de produits de bois d’oeuvre un droit de 15% sur la valeur du bois d’oeuvre.

[5] Par interprétation de ladite loi et de l’Entente par les autorités gouvernementales, l’appelante a été forcée de payer des droits de 218 397,82 $ pour la période du 8 janvier 1987 au 31 décembre 1987. Elle a alors déduit cette somme de son revenu pour l’année d’imposition se terminant le 31 octobre 1988 à titre de dépense. Une somme de 90 000 $ a également été déduite de son revenu pour l’année d’imposition prenant fin le 31 octobre 1987. Ce montant représentait une estimation que l’appelante avait calculée devoir à titre de taxe à l’exportation à ce moment.

[6] Un amendement de l’Entente en date du 16 décembre 1987 a été introduit pour inclure spécifiquement les cadres de sommier exportés par l’appelante. L’annexe de la Loi sur le droit à l’exportation de produits de bois d’oeuvre a également été modifiée.

[7] Ainsi, le 31 mars 1988, le Ministre a cotisé l’appelante pour des droits additionnels de 659 905,17 $, montant représentant les exportations effectuées par l’appelante durant la période du 8 janvier 1987 au 31 décembre 1987. Le 24 mai 1988, l’appelante a déposé un avis d’opposition et une demande de remboursement à l’encontre de ladite cotisation. Durant son exercice financier prenant fin le 18 avril 1992, l’appelante a versé un montant de 162 500 $ à titre de paiement partiel de la cotisation du 31 mars 1988.

[8] Enfin, le 20 mars 1992, le Tribunal Canadien du Commerce intérieur a décidé que la Loi sur le droit à l’exportation de produits de bois d’oeuvre ne visait pas l’exportation des cadres de sommier vendus par l’appelante. Par conséquent, il ordonne l’annulation de ladite cotisation et reconnaît que l’appelante a payé par erreur les droits de 218 397,82 $.

[9] Le Ministre a alors remboursé à l’appelante la somme de 218 397,82 $. Il a également remboursé le montant de 162 500 $ payé par l’appelante comme paiement partiel de la cotisation en date du 31 mars 1988. Des intérêts totalisant 131 608,44 $ ont également été remboursés. Ces sommes totalisant 512 506,26 $ ont été versées à l’appelante au cours de son exercice financier prenant fin le 18 avril 1993. Les intérêts reçus par l’appelante sont inclus dans le revenu de l’appelante pour l’année d’imposition 1993. Cette dernière ne conteste pas ce montant.

[10] Cependant, elle conteste le montant de 218 397,82 $, représentant le remboursement reçu par elle au titre de droits payés par erreur, que le Ministre a inclu dans son revenu pour l’année d’imposition 1993. De la somme de 162 500 $, le Ministre a inclu 90 000 $ dans le revenu de l’appelante pour l’année d’imposition 1993. L’appelante conteste cette inclusion. Quant à la différence, soit le montant de 72 500 $, le Ministre ne l’a pas inclu dans le revenu de l’appelante parce qu’elle ne l’avait pas déduit de ses revenus à titre de dépense. En somme, le Ministre a inclu la somme de 218 397,82 $ et la somme de 90 000 $, pour un montant total de 308 397,82 $, dans le revenu de l’appelante pour l’année d’imposition 1993.

Position de l’appelante

[11] L’appelante soumet que les montants remboursés étaient initialement des pénalités à l’exportation et qu’ils n’étaient pas une forme d’avantage, de concession, d’aide, ou de toute autre forme de paiements décrits à l’alinéa 12(1)x) de la Loi de l’impôt sur le revenu[2] (ci-après, la “Loi”). En effet, l’appelante argumente que ces sommes étaient versées dans le but de décourager l’exportation de bois d’oeuvre canadien aux États-Unis en vertu de l’Entente. Elle ajoute que l’interprétation du terme “remboursement” se trouvant à l’alinéa 12(1)x) de la Loi ne doit pas être interprété comme visant un remboursement d’une pénalité à l’exportation.

Position de l’intimée

[12] Le Ministre plaide essentiellement que l’ajout du mot “refund” au texte anglais de l’alinéa 12(1)x) de la Loi démontre que le législateur a voulu viser toute forme de remboursement sans égard au but ou à la nature des montants remboursés.

QUESTION EN LITIGE

[13] Le Ministre a-t-il correctement inclu le montant de 308 397,82 $ au revenu de l’appelante pour son année d’imposition prenant fin le 18 avril 1993?

ANALYSE

[14] La question en litige concerne essentiellement l’interprétation de l’alinéa 12(1)x) de la Loi. Il se lit ainsi :

“12. Éléments à inclure — (1) Sommes à inclure dans le revenu —Sont à inclure dans le calcul du revenu tiré par un contribuable d'une entreprise ou d'un bien, au cours d'une année d'imposition, celles des sommes suivantes qui sont applicables:

[...]

x) Paiements incitatifs et autres — un montant (à l'exclusion d'un montant prescrit) reçu par le contribuable au cours de l'année pendant qu'il tirait un revenu d'une entreprise ou d'un bien:

[...]

(iii) soit à titre de paiement incitatif, sous forme de prime, de subvention, de prêt à remboursement conditionnel, de déduction de l'impôt ou d'indemnité, ou sous toute autre forme,

(iv) soit à titre de remboursement, de contribution ou d'indemnité ou à titre d'aide, sous forme de prime, de subvention, de prêt à remboursement conditionnel, de déduction de l'impôt ou d'indemnité, ou sous toute autre forme, à l'égard, selon le cas :

(A) d'une somme incluse dans le coût d'un bien ou déduite au titre de ce coût,

(B) d'une dépense engagée ou effectuée,

dans la mesure où le montant, selon le cas :

(v) n'a pas déjà été inclus dans le calcul du revenu du contribuable ou déduit dans le calcul, pour l'application de la présente loi, d'un solde de dépenses ou autres montants non déduits, pour l'année ou pour une année d'imposition antérieure,

(vi) sous réserve des paragraphes 127(11.1), (11.5) ou (11.6), ne réduit pas, pour l'application d'une cotisation établie en vertu de la présente loi, ou pouvant l'être, le coût ou le coût en capital du bien ou le montant de la dépense,

(vii) soit il ne réduit pas, en application du paragraphe (2.2) ou 13(7.4) ou de l'alinéa 53(2)s), le coût ou coût en capital du bien ou le montant de la dépense,

(viii) soit on ne peut raisonnablement le considérer comme un paiement fait au titre de l'acquisition par le débiteur ou par l'administration d'un droit sur le contribuable, sur son entreprise ou sur son bien.”

[15] Cette disposition a été modifiée par L.C. 1998, c. 19, art. 71. La version anglaise a connu des modifications qui inclut dorénavant le mot “refund” au sous-alinéa 12(1)x)(iv) de la Loi, qui se lit ainsi :

“12. (1) Income inclusions — There shall be included in computing the income of a taxpayer for a taxation year as income from a business or property such of the following amounts as are applicable:

[...]

(x) inducement, reimbursement, etc. — any particular amount (other than a prescribed amount) received by the taxpayer in the year, in the course of earning income from a business or property, from

[...]

(iii) as an inducement, whether as a grant, subsidy, forgivable loan, deduction from tax, allowance or any other form of inducement, or

(iv) as a refund, reimbursement, contribution or allowance or as assistance, whether as a grant, subsidy, forgivable loan, deduction from tax, allowance or any other form of assistance, in respect of

(A) an amount included in, or deducted as, the cost of property, or

(B) an outlay or expense,

to the extent that the particular amount

(v) was not otherwise included in computing the taxpayer's income, or deducted in computing, for the purposes of this Act, any balance of undeducted outlays, expenses or other amounts, for the year or a preceding taxation year,

(vi) except as provided by subsection 127(11.1), (11.5) or (11.6), does not reduce, for the purpose of an assessment made or that may be made under this Act, the cost or capital cost of the property or the amount of the outlay or expense, as the case may be,

(vii) does not reduce, under subsection (2.2) or 13(7.4) or paragraph 53(2)(s), the cost or capital cost of the property or the amount of the outlay or expense, as the case may be, and

(viii) may not reasonably be considered to be a payment made in respect of the acquisition by the payer or the public authority of an interest in the taxpayer or the taxpayer's business or property.[3]

[Je souligne.]

[16] L’argument principal de l’appelante est que les modifications portées à la version anglaise du texte ne change pas la nature du remboursement visé. Elle est d’avis que cette disposition fait une distinction entre la nature du remboursement. Cependant, selon elle, ces modifications sont si mineures qu’elles n’affectent pas l’état du droit. Elle soumet que tous les remboursements ne sont pas visés par cette disposition. Au soutien de son argument, elle réfère la Cour au sous-alinéa 12(1)x)(viii) de la Loi qui énonce un critère raisonnable. Par conséquent, l’avocat pour l’appelante plaide que ce qui découle de ce critère est que le législateur n’a pas voulu inclure toutes les sortes de remboursements. Il est d’avis que si le législateur avait voulu inclure tous les remboursements, il n’aurait pas introduit ce critère subjectif et aurait tout simplement dit “tous les remboursements de taxes” de façon claire et certaine.

[17] De plus, en définissant chacun des termes (contribution, indemnité, aide, prime, subvention), l’avocat de l’appelante conclut que cette disposition vise essentiellement des paiements incitatifs, des avantages ou toute autre somme ayant un effet positif. Or, selon lui, en l’espèce, le montant remboursé était une pénalité à l’exportation ayant pour but de restreindre l’importation. Ce remboursement n’est pas un crédit d’impôt. La nature de ce remboursement diffère de la nature des autres sortes de paiements énumérés à cette disposition. Selon l’avocat de l’appelante, un examen du contexte du remboursement est nécessaire parce que l’alinéa 12(1)x) de la Loi ne vise pas tous les remboursements.

[18] Enfin, l’appelante admet que l’ajout du mot “refund” dans la version anglaise a un impact important sur le courant jurisprudentiel mené par Canada Safeway Limited c. La Reine, 98 DTC 6060 de la Cour d’appel fédérale.

[19] Quant à l’intimée, l’avocat du Ministre établit tout d’abord que l’alinéa 12(1)x) de la Loi vise traditionnellement deux genres de paiements. Premièrement, il y a les paiements incitatifs que l’on associe généralement aux paiements incitatifs pour locataire. Deuxièmement, il y a les paiements sous forme d’assistance. Cependant, il soumet que le Ministre a tout récemment ajouté une troisième forme de paiement : les “refunds”. Selon lui, cette catégorie de paiement englobe les “refunds” à titre de droit et de taxe qui ont été payés par erreur. Il argumente que c’était l’intention du législateur d’inclure les “refunds” dans le revenu du contribuable. Il s’ensuit que c’était également l’intention du législateur d’écarter les arrêts La Reine c. Johnson & Johnson Inc., 94 DTC 6125, [1994] 2 C.F. 137 et La Reine c. Canada Safeway Ltd., 98 DTC 6060.

[20] Dans La Reine c. Johnson & Johnson Inc. (supra), le contribuable oeuvre dans l’industrie des produits hygiéniques, entre autres les serviettes sanitaires. Il avait payé des taxes de vente sur ces produits au gouvernement fédéral, alors que ces produits étaient exemptés. C’est alors que le Ministre a remboursé les taxes payées par le contribuable tout en incluant cette somme dans le revenu du contribuable pour l’année du remboursement. L’avocat de l’intimée suggère que l’inclusion des “refunds” est reconnue dans ce jugement, mais que la seule question demeure à savoir quand les inclure. Il est vrai que le juge Hugessen ne nie pas que les “refunds” reçus par un contribuable font partie de son revenu, néanmoins il juge que ces sommes doivent être incluses dans le revenu du contribuable dans l’année où celui-ci a payé ces sommes. S’exprimant au nom de la Cour, il écrit à la page 6129 (page 148) :

[TRADUCTION OFFICIELLE]

“À mon avis, le juge de première instance avait raison. J'irais même jusqu'à dire que même "dans un sens très strict", la remise de sommes payées et indiquées comme des dépenses faites dans le cadre de l'entreprise de l'intimée provient de cette entreprise et doit être incluse dans le calcul du revenu qu'elle en tire. Si la remise avait été reçue l'année où la taxe de vente a été indûment payée, cela ne fait aucun doute qu'on doit en tenir compte cette année-là. Un changement dans les dates ne change pas la "nature" du paiement.

[...]

En temps normal, évidemment, et en règle générale, les rentrées et les dépenses sont incluses dans le calcul du revenu au cours de l'année où elles sont reçues ou engagées. La situation est différente, cependant, lorsqu'une entreprise reçoit un paiement, non pas comme rétribution au titre des marchandises ou des services qu'elle fournit, mais plutôt comme remboursement d'une dépense qu'elle n'avait pas à payer et n'aurait jamais dû payer. Ce qui est arrivé en fait, c'est que ce qui avait été pris pour une dépense n'est maintenant plus considéré comme tel. Par conséquent, ce n'est pas l'année de la réception qui est pertinente pour calculer le bénéfice, mais l'année où a été faite la dépense qui n'en est plus une.”

[21] Or, le résultat de cette conclusion mène à exclure ces sommes de l’application de l’alinéa 12(1)x) de la Loi. L’effet est telle que ces sommes ne seront pas incluses dans le revenu du contribuable en vertu de l’alinéa 12(1)x) de la Loi, à moins que le contribuable ait payé ces sommes et les ait reçues de nouveau dans la même année, ce qui semble être peu probable. Fort souvent, à cause des longues procédures d’appel et d’opposition d’une cotisation, le moment de la réception des “refunds” par un contribuable aurait déjà prescrit la période d’une nouvelle cotisation, laissant le Ministre sans aucun redressement. Sans vraiment adresser l’application de l’alinéa 12(1)x) de la Loi aux “refunds”, le juge Hugessen en arrive à une conclusion semblable.

[22] En effet, le juge Hugessen s’appuie sur le principe du rattachement. Ce principe prévoit que si des déductions ont été faites des revenus dans une année d’imposition, ces déductions qui ont été subséquemment remboursées devront être incluses dans le revenu de cette année-là. Toutefois, l’alinéa 12(1)x) de la Loi a pour effet d’inclure une somme dans le revenu du contribuable dans l’année où elle a été reçue, peu importe si une déduction a été faite dans une année d’imposition antérieure. Ainsi, dans une année donnée, un contribuable peut ne payer aucun impôt à cause des déductions qu’il a faites de son revenu imposable. Donc, il semble juste que la somme reçue soit incluse dans l’année où elle a été déduite en premier lieu. Or, il y a également le problème de la prescription de la période de cotisation. En visant l’inclusion des “refunds” dans le revenu du contribuable dans l’année de la réception de ceux-ci, le principe du rattachement n’est pas respecté. À cette fin, j’estime que le non-respect du principe du rattachement est contre-balancé par le problème de la prescription. De plus, la Cour suprême du Canada s’est prononcée tout récemment dans Ikea Ltd. c. La Reine, [1998] 1 R.C.S. 196, sur la validité du principe de rattachement. Le juge Iacobucci écrit à la page 217 :

[TRADUCTION]

“Toutefois, ainsi qu'a statué notre Cour aujourd'hui dans ces deux autres pourvois, la bonne façon d'aborder la question de la détermination du bénéfice aux fins de l'impôt est que le contribuable doit adopter une méthode de calcul qui soit conforme à la Loi, aux autres règles de droit établies et aux principes bien reconnus de la pratique courante des affaires, et qui donne une image fidèle du revenu du contribuable pour l'année d'imposition en question. Le “ principe du rattachement ” n'est pas une règle de droit dominante, et il n'y a aucune raison de l'appliquer comme principe supplantant ou remplaçant le “ principe de réalisation ”, qui revêt une importance clé dans les présentes circonstances.”

[23] Un jugement tout récent de la Cour d’appel fédérale prononce de façon claire que l’alinéa 12(1)x) ne comprend pas l’inclusion des “refunds” dans le revenu du contribuable. Sous la plume du juge Létourneau, la Cour d’appel fédérale a considéré l’argument du contribuable qu’une distinction doit être faite entre les mots anglais “reimbursement” et “refund” dans La Reine c. Canada Safeway Limited (supra). Les faits sont similaires à ceux dans Johnson & Johnson (supra). Il s’agit d’un remboursement des taxes de ventes fédérales payées par erreur par le contribuable.

[24] Ce jugement a été rendu la veille des modifications portées à l’alinéa 12(1)x) de la Loi. Le mot “refund” ne s’y trouve nulle part dans cette disposition. Dans cet arrêt, le contribuable plaide qu’une distinction importante doit être faite entre un “refund” et un “reimbursement”. Il suggère que dès qu’il y a une remise de taxes payées par erreur, ces sommes sont des “refunds” et non pas des “reimbursements” au sens de l’alinéa 12(1)x) de la Loi. Aux pages 6062 et suivantes, le juge Létourneau étudie les problèmes que ces deux mots semblent créer :

[TRADUCTION]

Le sens du mot reimbursement (remboursement)

Il ne fait pas de doute que le mot “reimbursement” a un sens large et que, dans le langage ordinaire, le terme est assez général pour comprendre le mot “refund”. Les dictionnaires tant français qu'anglais donnent à ce terme un premier sens associé à l'indemnisation au moyen du paiement à quelqu'un d'une dépense engagée ou d'une perte subie ainsi qu'un deuxième ou troisième sens de simple paiement ou remise. Inversement, le mot “refund” a le sens premier de restitution ou remise d'une somme d'argent reçue ou prise et un deuxième sens de remboursement.

Toutefois, je suis d'accord avec le juge de la Cour de l'impôt pour dire que le terme “reimbursement” doit s'interpréter selon le contexte dans lequel il est utilisé et à partir duquel il peut acquérir une précision plus grande et appropriée.

[...]

Dans le cas de la remise de sommes versées par erreur, il n'existe pas, à mon avis, d'échange d'avantages entre les parties respectives : l'argent est simplement remis au payeur. De plus, bien que la notion de “reimbursement” implique généralement l'intervention d'un tiers, celle de “refund” implique la simple remise d'argent entre deux parties.

[...]

Il est clair dans les deux lois (la Loi sur la taxe d'accise et la Loi de l'impôt sur le revenu) que le législateur a envisagé la remise de sommes d'argent versées par erreur par un contribuable comme un refund et non pas comme un reimbursement. Je suis donc convaincu que le mot “reimbursement” figurant au sous-alinéa (iv) de l'alinéa 12(1)x) de la Loi n'était pas censé inclure et n'inclut pas effectivement le mot “refund”. Cette interprétation est conforme au texte législatif et a pour effet de promouvoir l'objectif législatif formulé dans les débats parlementaires.”

[25] À cet égard, la Cour d’appel fédérale a jugé qu’un remboursement des taxes payées par erreur n’est pas visé par l’alinéa 12(1)x) de la Loi. Cette décision va beaucoup plus loin que celle dans Johnson & Johnson (supra). Le juge Létourneau est d’avis que les sommes reçues à titre de “refunds” ne sont pas visées par l’alinéa 12(1)x) de la Loi. Il ne rejette pas la décision dans Johnson & Johnson (supra); il ne fait que simplement qualifier la nature de ces sommes. Ceci étant dit, le Ministre ne pourra pas inclure ces sommes dans le revenu du contribuable parce qu’il ne s’agit pas de sommes d’argent visées par le sous-alinéa 12(1)x)(iv) de la Loi.

[26] Dans le “Concise Oxford Dictionary of Current English”, 8e édition, le terme “refund” est défini comme “pay back (money or expenses)”. À l’inverse, le même dictionnaire définit le mot “reimbursement” comme “1. repay (a person who has expended money). 2. repay (a person’s expenses).” Il s’ensuit que la seule différence importante se situe au niveau de ce que la Cour d’appel fédérale avait qualifié dans Canada Safeway Ltd. (supra), c’est-à-dire d’une part, pour qu’un “reimbursement” ait lieu, il doit nécessairement avoir eu des frais ou dépenses engagés par le contribuable qui se voit rembourser par la suite par une autre partie. Donc, il y a trois parties en jeu. Le “refund”, d’autre part, ne consiste que de deux parties : le contribuable qui avait payé quelque chose qui se voit maintenant rembourser ce montant par une autre partie. Le “refund” ressemble alors au principe de la restitution des prestations en droit civil prévu à l’article 1699 du Code civil du Québec. En l’espèce, les sommes reçues par l’appelante ne peuvent être autre chose qu’un “refund” puisque le Ministre lui a remis tous les droits et intérêts qu’elle avait versés par erreur.

[27] L’avocat de l’appelante n’admet pas de prime abord que les sommes reçues par l’appelante sont des “refunds”. Il tente d’interpréter le sens du mot “remboursement” en soulignant à plusieurs reprises que le mot “remboursement” doit être interprété selon le contexte dans lequel il est utilisé. Il s’appuie sur le principe de nocitur a sociis, c’est-à-dire que “le sens d’un terme peut être révélé par son association à d’autres termes”[4]. Il procède par la suite aux définitions des mots qui suivent le mot “remboursement” en concluant que ce mot ne peut pas comprendre la remise des taxes reçues par l’appelante à cause de son effet négatif. En effet, observe-t-il, les taxes payées par l’appelante sont sous la forme d’une pénalité, d’un découragement à l’importation des bois d’oeuvre, tandis que les mots qui suivent “remboursement”, tels que “aide, subvention”, ont un effet positif, qui est encouragé et incité le contribuable à entreprendre certaines activités.

[28] Je suis d’avis que cet argument ne peut être soutenu. Il est indéniable que les mots “aide” et “subvention” ont un effet positif parce qu’ils dénotent une action positive de la part du gouvernement. Cependant, “remboursement” ne peut pas être interprété de la même manière. Je ne crois pas qu’il est approprié de regrouper les mots selon leur effet positif ou négatif. Le mot “remboursement” lui-même est neutre. L’avocat de l’appelante a soumis à la Cour la définition de ce mot tirée du Grand Dictionnaire Encyclopédique Larousse qui se lit comme suit : “Action de rembourser; somme à rembourser.”. “Rembourser” est défini ainsi : “Lui rendre l’argent qu’il a déboursé, le faire rentrer dans ses débours.”. Par conséquent, rembourser quelqu’un d’une somme d’argent ne fait que remettre cette personne dans la position avant même qu’elle n’ait déboursé cette somme : voir Ransom v. M.N.R., 67 D.T.C. 5235 (C. de l’É.). Dans une certaine mesure, un remboursement peut être vu de façon positive, en ce sens que quelque chose est remis au contribuable. Il importe peu la raison pour laquelle une somme a été payée.

[29] Par ailleurs, le langage de l’alinéa 12(1)x) de la Loi prévoit deux genres de paiements : les paiements incitatifs et les remboursements. Le sous-alinéa 12(1)x)(iii) de la Loi prévoit les paiements incitatifs. L’élément positif s’y trouve. Quant au sous-alinéa 12(1)x)(iv) de la Loi, le législateur énumère des sommes qui se rapportent à un remboursement. Ainsi, un caractère neutre s’y trouve plutôt. Afin de faciliter la discussion, je reproduis la disposition pertinente :

“(iv) soit à titre de remboursement, de contribution ou d'indemnité ou à titre d'aide, sous forme de prime, de subvention, de prêt à remboursement conditionnel, de déduction de l'impôt ou d'indemnité, ou sous toute autre forme, à l'égard, selon le cas :

(A) d'une somme incluse dans le coût d'un bien ou déduite au titre de ce coût,

(B) d'une dépense engagée ou effectuée,”

[30] Cette disposition prévoit précisément la situation où une dépense a été engagée ou effectuée et qu’un remboursement a eu lieu subséquemment. L’effet est neutre puisqu’il ne fait que remettre la partie dans l’état où elle se trouvait avant le paiement de quelque somme que ce soit. De même, par l’expression “ou sous toute autre forme”, le législateur n’a pas voulu créer une liste exhaustive.

[31] Enfin, le professeur Côté avise le danger de cette règle du noscitur a sociis. Il note à la page 295 de son ouvrage :

“Au sujet de l’application de la règle noscitur a sociis, le juge Anglin [référant à l’arrêt A.G. for B.C. c. The King] s’exprima ainsi (à la page 638) (traduction) :

Sans diminuer l’importance de la règle d’interprétation invoquée de la part de l’intimé, --noscitur a sociis—il faut toujours prendre soin que son application n’aille pas à l’encontre de l’intention véritable de la législature.”

[32] L’avocat de l’appelante ajoute que la rétroactivité d’une disposition législative doit être interprétée de façon restrictive. À cet égard, il cite le professeur Côté :

“Le principe général est que la loi rétroactive est d’interprétation restrictive, c’est-à-dire que, dans le doute, on est justifié de choisir le sens qui limite le plus les effets rétroactifs d’une loi : “ il ne faut pas donner à un article une portée rétroactive plus considérable que celle que la législature a manifestement voulu lui donner ”.”

[33] À la lumière de ces commentaires, pour interpréter une disposition de manière restrictive, cette disposition doit répondre à certaines conditions. Il importe tout d’abord de connaître l’intention du législateur et ensuite de conclure que la disposition est ambiguë et qu’un doute sur sa portée rétroactive plane. En l’espèce, selon moi, le sous-alinéa 12(1)x)(iv) de la Loi est loin d’être ambigu. L’ajout du mot “refund” vient justement corriger l’ambiguïté qui existait auparavant et qui avait généré de longs débats. À cause des conclusions dans les arrêts Johnson & Johnson (supra) et Canada Safeway Ltd. (supra), le législateur a ajouté le mot “refund” pour mettre fin à ces longs débats à savoir si le remboursement des taxes payées par erreur constitue un remboursement au sens du sous-alinéa 12(1)x)(iv) de la Loi. Il est maintenant clair que ces montants sont visés par cette disposition.

[34] Quant au fardeau que l’effet rétroactif de la disposition crée, je ne crois pas qu’il est excessif. L’avocat de l’intimée avait suggéré le “principe de la symétrie”. Selon lui, il est tout à fait juste d’inclure ces montants dans le revenu de l’appelante puisque celle-ci avait alors fait des déductions à titre de dépenses de son revenu. Ceci avait pour effet de diminuer le revenu de l’appelante et ainsi moins de revenu imposable pour cette année d’imposition.

[35] Les parties ont également essayé de démontrer l’intention du législateur d’inclure les remises des taxes payées par erreur. Il est bien établi comme “théorie officielle de l’interprétation des lois”[5] que l’objectif premier est la recherche de l’intention du législateur.

[36] L’avocat de l’intimée a passé en revue des notes explicatives ainsi que l’avis de motion des voies et moyens concernant le projet de loi C-28 qui a été sanctionné le 18 juin 1998. Les notes explicatives en date de décembre 1997 prévoient des modifications à l’alinéa 12(1)x) de la Loi :

“Selon l’alinéa 12(1)x), certains paiements incitatifs, remboursements, contributions, indemnités et montants d’aide qu’un contribuable reçoit pendant qu’il tire un revenu d’une entreprise ou d’un bien sont à inclure dans son revenu d’une entreprise ou d’un bien sont à inclure dans son revenu dans la mesure où ils n’ont pas par ailleurs été appliqués en réduction du coût d’un bien ou du montant d’une dépense engagée ou effectuée. La modification apportée à cet alinéa a pour objet d’ajouter l’exigence voulant que le montant reçu ne soit à inclure dans le revenu que dans la mesure où il n’a pas donné lieu à une cotisation qui tenait compte d’une réduction du coût d’un bien ou du montant d’une dépense engagée ou effectuée. Cette modification s’applique aux montants reçus après 1990.”

[37] La version anglaise de ces notes se lit comme suit :

“Paragraph 12(1)(x) provides that certain inducements, reimbursements, contributions, allowances and assistance received by a taxpayer in the course of earning income from a business or property will be included in income to the extent that they have not otherwise reduced the cost of a property or the amount of an outlay or expense. This amendment adds a reference to amounts refunded as well as the condition that the amount received will only be included in income to the extent that it has not resulted in an assessment that reflected a reduction in the cost of a property or the amount of an outlay or expense. This amendment applies to amounts received after 1990.”

[Je souligne.]

[38] Ainsi, il appert de ces notes explicatives que le Ministre a l’intention de modifier la version anglaise du sous-alinéa 12(1)x)(iv) de la Loi pour inclure les “refunds” que la Cour d’appel fédérale a jugé comme étant exclus de cette disposition. La raison pour laquelle la version française de la Loi n’a pas eu de changement est simplement parce qu’il n’existe pas d’autre terme équivalent au mot “refund”.

[39] Il s’ensuit que l’ajout de ce terme vient corriger une lacune au sous-alinéa 12(1)x)(iv) de la Loi. La Loi de 1997 modifiant l’impôt sur le revenu[6] à son paragraphe 71(7) stipule que les modifications portées à l’alinéa 12(1)x)(iv) s’appliqueront aux montants reçus par le contribuable après 1990, donc applicable en l’espèce.

[40] Selon le “principe de symétrie” soumis par l’avocat de l’intimée, l’appelante avait déduit les montants qu’elle avait payé à titre de taxes comme dépenses de son revenu, il est alors tout à fait normal que ces montants soient inclus dans son revenu lorsqu’ils sont remboursés. Je suis d’accord. Comme je l’ai mentionné plus haut, l’effet d’un remboursement ou d’un “refund” est de remettre la personne à la même position avant le paiement de ces montants.

[41] En conclusion, les montants reçus par l’appelante sont des “remboursements” ou des “refunds” au sens du sous-alinéa 12(1)x)(iv) de la Loi. Le paragraphe 12(1) de la Loi stipule :

“12. Éléments à inclure — (1) Sommes à inclure dans le revenu — Sont à inclure dans le calcul du revenu tiré par un contribuable d'une entreprise ou d'un bien, au cours d'une année d'imposition, celles des sommes suivantes qui sont applicables :”

[42] L’appelante devra inclure ces sommes dans son revenu dans l’année d’imposition où elle a reçu ces sommes. En l’espèce, ces montants sont à inclure dans l’année d’imposition 1993.

[43] Par ailleurs, l’effet de l’ajout du mot “refund” a principalement pour effet d’écarter les arrêts Johnson & Johnson (supra) et Canada Safeway Ltd. (supra). À cet effet, le fiscaliste David Sherman a fait cette observation à l’égard des notes explicatives de décembre 1997:

“This will effectively reverse Johnson & Johnson, [1994] 1 C.T.C. 244 (F.C.A.) and Canada Safeway, [1998] 1 C.T.C. 120 (F.C.A.) ---ed.[7]

[44] J’accepte cette interprétation pour les présents motifs. L’ajout du mot “refund” au sous-alinéa 12(1)x)(iv) de la Loi a pour effet d’inclure le remboursement des montants en l’espèce au revenu de l’appelante pour l’année d’imposition 1993. Je suis d’avis que cet appel doit être rejeté. Le Ministre a correctement inclu le montant de 308 397,82 $ au revenu de l’appelante dans l’année d’imposition 1993.

[45] L’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1993 est rejeté, avec frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de décembre 1998.

“ C.H. McArthur ”

J.C.C.I.



[1] L.R.C. 1985 (3e supp.), c. 12.

[2] L.R.C. 1985 (5e supp.), ch.1, tel que modifié.

[3] Le passage de l'alinéa 12(1)x) de la Loi de l'impôt sur le revenu suivant le sous-alinéa (iii) et précédant le sous-alinéa (vii) a été remplacé par L.C. 1998, ch. 19, art. 71(3), applicable aux montants reçus après 1990.

[4] P.A. Côté, Interprétation des lois, Montréal, Les Éditions Yvon Blais Inc., 1990, p. 293.

[5] Expression utilisée par P.A. Côté dans son ouvrage, supra, à la page 4.

[6] L.C. 1998, c. 19 (sanctionnée le 18 juin 1998)

[7] D.M. Sherman, éd., Income Tax Act, Department of Finance, Technical Notes, 10e éd., Toronto, Carswell, 1998.

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