Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 20000621

Dossier: 1999-2756-IT-I

ENTRE :

ROBERT BABONAU,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Rip, C.C.I.

[1] L'appelant, Robert Babonau, interjette appel, en vertu de la procédure informelle, à l'encontre des cotisations d'impôts établies pour les années d'imposition 1994, 1995 et 1996. L'appelant a déduit des dépenses dans le calcul de son revenu provenant d'une entreprise parce qu'il croyait comprendre qu'il exploitait une entreprise. Le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) a refusé les déductions au motif que les dépenses n'étaient pas liées à une entreprise exploitée par l'appelant.

[2] Comme on pourra le constater, les cotisations visées auraient pu être évitées si une société et son actionnaire avaient correctement transféré les actifs de la première au deuxième.

[3] En juin 1992, M. Babonau a constitué en personne morale la Centennial Hockey League Ltd. (la “ société ”) afin d'exploiter une entreprise de location de patinoires à des équipes de hockey de la région de Calgary. M. Babonau était l'unique actionnaire, administrateur et dirigeant de la société. La société louait de la ville de Calgary et d'exploitants privés des patinoires dans des arénas. M. Babonau a déclaré que la société souscrivait une assurance-responsabilité ainsi qu'une assurance de soins dentaires pour les joueurs, avantages que les concurrents de la société n'offraient pas.

[4] Un an après la constitution en personne morale, le comptable de M. Babonau a proposé que, puisque l'entreprise perdait de l'argent, la société transfère cette dernière à M. Baboneau personnellement. De cette manière, M. Babonau serait en mesure de radier les pertes provenant de son autre revenu. M. Babonau a indiqué dans son témoignage qu'il croyait que la société lui avait transféré l'entreprise de location de patinoires en juillet 1993.

[5] M. Babonau a déclaré avoir donné à son comptable tous les “ papiers ” qu'il possédait afin de l'aider à transférer l'entreprise. Le comptable devait aviser les autorités gouvernementales, dont les autorités fiscales, du transfert. De toute évidence, le comptable n'a pas fait le nécessaire pour effectuer un transfert véritable de l'entreprise. Le comptable, M. Kevin Neil, a indiqué dans son témoignage qu'au moment du procès il était un “ stagiaire ” étudiant pour devenir un comptable général licencié. (Je suppose que pendant les années en cause en l'espèce il était également un “ stagiaire ”.) Il a confirmé que durant toute la période pertinente, mais non au moment du procès, il était le comptable de M. Babonau et de la société. M. Neil avait discuté du transfert proposé de l'entreprise avec M. Babonau et ce dernier lui a indiqué de [TRADUCTION] “ créer une entreprise individuelle ” qui posséderait et exploiterait Centennial Hockey League, comme serait connue l'entreprise individuelle.

[6] Selon M. Neil, les actifs de l'entreprise ont été vendus à M. Babonau. Les parties ne semblent pas avoir discuté d'un paiement ou d'une contrepartie pour le transfert. Aucun document n'a été préparé. M. Neil a préparé une facture pour le transfert du matériel de bureau de la société à M. Babonau, apparemment pour l'application des dispositions touchant la taxe sur les produits et services (“ TPS ”) de la Loi sur la taxe d'accise. Selon lui, une demande de crédits de taxe sur intrants a été faite et le compte a été fermé. Ensuite, M. Neil a indiqué avoir [TRADUCTION] “ créé un compte de TPS pour l'entreprise individuelle ”.

[7] Les avocats de l'appelant ont produit une copie d'une déclaration de TPS pour les inscrits au nom de Centennial Hockey League Ltd. Elle concernait la période de déclaration allant du 1er juillet 1993 au 30 juin 1994. M. Neil a rayé le mot “ Ltd. ” du formulaire et a ajouté [TRADUCTION] “ pas limitée, agissant en tant qu'entreprise individuelle ”. C'est de cette manière que M. Neil semble avoir “ créé le compte de TPS ”. M. Neil a calculé que “ Centennial Hockey League ” devait un montant de TPS de 986,28 $. Par avis daté du 15 février 1995, Revenu Canada a envoyé à M. Babonau une déclaration des arriérés pour la période allant du 1er juillet 1993 au 30 juin 1994. Le moment où M. Neil a retourné la déclaration de TPS originale pour les inscrits et le paiement à Revenu Canada n'est pas clairement déterminé par la preuve, quoiqu'il pense qu'il se situait vers janvier 1995, avant la réception de la déclaration des arriérés.

[8] La modification apportée à la déclaration de TPS était la seule que Mr. Neil ait faite aux livres et aux registres de la société ou de ceux de M. Babonau. Rien d'autre (le compte bancaire et l'assurance, par exemple) n'a été modifié parce que M. Neil [TRADUCTION] “ croyai[t] qu'[il] n'avai[t] pas besoin de le faire [...] [et] ne voyai[t] pas pourquoi [il] l'aurai[t] fait ”. Tous ces éléments sont demeurés au nom de la société. Le nom Centennial Hockey League a continué d'être utilisé. M. Neil a déclaré qu'il n'était [TRADUCTION] “ pas nécessaire de faire appel à un avocat ”. Il “ croyait ” qu'il pourrait conclure le transfert de l'entreprise lui-même.

[9] Pendant les années visées en l'espèce, M. Babonau a personnellement payé toutes les dettes que la société ne pouvait pas rembourser. Si un montant d'argent était nécessaire pour “ compléter ” les locations de patinoires, M. Babonau faisait un chèque ou utilisait sa carte Visa. Il était parfois remboursé par la société. Les pertes de l'entreprise s'élevaient à 32 614 $, à 38 126 $ et à 41 825 $ en 1994, 1995 et 1996 respectivement. Ce sont les montants que M. Babonau a déduit du calcul de son revenu pour les années visées en l'espèce.

[10] Le ministre a considéré les dépenses payées par M. Babonau comme des avances faites par l'actionnaire.

[11] M. Babonau n'a pas avisé la compagnie d'assurance de la modification apportée à la propriété de l'entreprise ni du fait que c'était lui et non la société qui possédait et exploitait Centennial Hockey League. Le 16 septembre 1996 encore, le courtier d'assurance qui a établi l'assurance de l'entreprise a écrit à la société afin de l'aviser qu'elle avait une police d'assurance à son nom et qu'elle y était inscrite comme assurée. De plus, en juin 1998 une personne qui était employée pour arbitrer des parties de hockey et qui aurait été agressée par un joueur de hockey a intenté une action devant la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta, et ce joueur ainsi que la société étaient désignés comme les défendeurs. Aucune défense n'a été produite, mais M. Babonau a témoigné que ses avocats l'ont avisé qu'il ne [TRADUCTION] “ participerait pas personnellement au procès ”.

[12] Les avocats de M. Babonau ont déclaré qu'il y avait deux questions dont la Cour était saisie: (a) les dépenses ont-elles été engagées pour l'entreprise de Centennial Hockey League? (b) la société était-elle mandataire de M. Babonau et a-t-elle engagé les dépenses en son nom?

[13] En dépit des efforts herculéens des avocats de l'appelant, je ne souscris pas à l'idée selon laquelle la société était le mandataire ou le fiduciaire de l'appelant et que les dépenses ont été engagées au nom de M. Babonau. Il n'y a aucun doute que l'entreprise a été exploitée à perte et que M. Babonau compensait les pertes. Toutefois, selon mon appréciation de la preuve, M. Babonau avançait des fonds à la société. Il n'a pas engagé de dépenses relativement à une entreprise exploitée par lui.

[14] Je ne peux trouver aucun élément de preuve à l'appui de la thèse voulant que la société était le mandataire de M. Babonau ou qu'elle était son fiduciaire. Il a traité avec le courtier d'assurance, par exemple, et n'a rien fait pour corriger l'impression de ce dernier selon laquelle la société possédait l'entreprise. Le compte bancaire était également au nom de la société. Lorsque cette dernière a été poursuivie, aucun effort ne semble avoir été fait par M. Babonau ou la société afin de rayer le nom de la société comme défenderesse et de le remplacer par celui de M. Babonau. De fait, M. Babonau a indiqué que son avocat lui avait dit qu'il ne participerait pas personnellement au procès.

[15] Malheureusement, rien n'indique qu'un transfert des actifs de la société à M. Babonau a été effectué. Au cours des années en appel, M. Babonau a continué de faire valoir auprès de différentes personnes, dont l'assureur et la banque, que la société était la propriétaire de l'entreprise. M. Babonau s'est fié à un comptable inexpérimenté pour effectuer ce que ce dernier n'avait ni les connaissances ni la compétence de faire. Je ne sais pas ce que M. Neil a fait valoir auprès de M. Babonau, mais selon le témoignage de M. Neil, il semble avoir adopté la position selon laquelle il pouvait exécuter le travail qu'un avocat aurait été plus en mesure de faire qu'un stagiaire étudiant pour devenir comptable.

[16] Dans les circonstances, les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de juin 2000.

“ Gerald J. Rip ”

J.C.C.I

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 28e jour de décembre 2000.

Benoît Charron, réviseur

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.