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Date: 19980702

Dossier: 96-1815-UI

ENTRE :

CLAUDE GUAY o/s GARAGE CLAUDE GUAY,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Prévost, C.C.I.

[1] Cet appel a été entendu à Québec (Québec) les 2, 4 et 5 juin 1998.

[2] Il s'agit d'un appel d'une décision du ministre du Revenu national (le « Ministre » ), en date du 13 juin 1996, déterminant que l'emploi de Marguerite Guay chez Claude Guay, propriétaire de Garage Claude Guay, le payeur, du 14 janvier 1993 au 28 février 1995, n'était pas assurable car c'était un emploi où l'employée et l'employeur avaient entre eux un lien de dépendance.

[3] Les paragraphes 5, 6, 8, 9, 10, 11 et 12 de la Réponse à l'avis d'appel se lisent ainsi :

« 5. En rendant sa décision, l'intimé, le ministre du Revenu national, s'est basé, inter alia, sur les faits suivants :

a) au cours de la période en litige, l'appelant exploitait une entreprise de vente et de réparation de véhicules usagés; (A)

b) le chiffre d'affaires de l'appelant a été de 233 589,11 $ en 1993, de 207 160,33 $ en 1994 et de 153 134,26 $ en 1995; (A)

c) la travailleuse est l'épouse de l'appelant; (A)

d) la place d'affaires de l'appelant est située au 795, chemin Pintendre à St-Louis de Pintendre; (A)

e) la travailleuse rendait ses services principalement dans un bureau aménagé dans la résidence familiale située au 878 Robertson à St-Louis de Pintendre; (ASAP)

f) la travailleuse est l'unique employée de l'appelant; (A)

g) la travailleuse a commencé à travailler pour l'appelant au début des années 1980 mais est rémunérée seulement depuis l'année 1987; (NTQR)

h) jusqu'en juillet 1993, une partie importante du chiffre d'affaires de l'appelant provenait d'un contrat de récupération de voitures accidentées avec la compagnie d'assurance Wawanesa; (A)

i) les tâches de la travailleuse consistaient principalement à répondre au téléphone, à préparer les soumissions pour Wawanesa, à tenir le livre des salaires, à compléter les dossiers pour la vente et l'acquisition d'automobiles et à effectuer les remises gouvernementales; (A)

j) au cours de la période du 14 janvier 1993 au 14 janvier 1994, la travailleuse travaillait à plein temps pour l'appelant; (A)

k) au cours de cette période, la travailleuse recevait une rémunération de 400,00 $ par semaine; (A)

l) au cours de la période du 14 janvier 1994 au 28 février 1995, la travailleuse prétend qu'elle travaillait une seule semaine par mois, alors que dans les faits, elle continuait à travailler à toutes les semaines mais un nombre réduit d'heures; (NTQR)

m) les heures de travail de la travailleuse n'étaient ni contrôlées ni comptabilisées; (NTQR)

n) au cours de cette période, la rémunération de la travailleuse était de 400,00 $ par mois; (A)

o) depuis mai 1996, la travailleuse continue de rendre des services à l'appelant sans recevoir de rémunération. (ASRDSP)

6. À ce stade-ci des procédures, l'intimé admet que la travailleuse occupait un emploi assurable pour la période du 14 janvier 1993 au 14 janvier 1994 alors qu'elle travaillait à plein temps pour l'appelant.

...

8. À ce stade-ci des procédures, l'intimé invoque que la travailleuse occupait un emploi assurable, conformément à l'alinéa 3(1)a) de la Loi, du 14 janvier 1993 au 14 janvier 1994.

9. Relativement à la période du 14 janvier 1994 au 28 février 1995, l'intimé soutient que l'emploi exercé par la travailleuse était exclu des emplois assurables pour le motif qu'il existait un lien de dépendance entre l'appelant et la travailleuse, conformément aux dispositions de l'alinéa 3(2)c) de la Loi et des articles 251 et 252 de la Loi de l'impôt sur le revenu.

10. L'intimé soutient qu'il a exercé, à bon droit, son pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré en vertu de l'alinéa 3(2)c) de la Loi.

11. L'intimé soutient que pour la période entre le 14 janvier 1994 et le 28 février 1995, les conditions de travail n'auraient pas été semblables si l'appelant et la travailleuse n'avaient pas eu, entre eux, de lien de dépendance.

12. L'intimé soutient en conséquence que l'appelant n'a pas exercé un emploi assurable au sens de ladite Loi durant la période du 14 janvier 1994 et le 28 février 1995. »

[4] Dans le texte qui précède du paragraphe 5 de la Réponse à l'avis d'appel, la Cour a indiqué ainsi, entre parenthèses, après chaque sous-paragraphe, les commentaires du procureur de l'appelant à l'ouverture de l'audience :

(A) admis

(ASAP) admis sauf à parfaire

(NTQR) nié tel que rédigé

(ASRDSP) admis sous réserve de sa pertinence

Le paragraphe 6 est aussi évidemment admis

La preuve de l'appelant

Selon lui :

[5] Il est garagiste depuis longtemps et il a aussi fait du transport.

[6] Son épouse a commencé à oeuvrer pour lui lorsqu'il a eu le contrat de la Wawanesa qu'il a conservé pendant 13 ans.

[7] Aux termes de celui-ci il ramassait des véhicules accidentés ici et là et pouvait le faire dans des régions aussi éloignées que Gaspé, Baie-Comeau et Sept-Îles.

[8] Il fallait absolument quelqu'un entre autres pour répondre au téléphone et il a engagé son épouse.

[9] Pendant une semaine il pouvait être deux ou trois jours sur la route.

[10] Du temps du contrat avec la Wawanesa, il pouvait travailler de 60 à 70 heures par semaine.

[11] En plus d'agir pour Wawanesa, il achetait des voitures et les revendait.

[12] C'est le 9 juillet 1993 qu'il a perdu le contrat avec Wawanesa: les trois quarts de sa « business » ont alors été perdus.

[13] Il a continué à acheter et à vendre des voitures et en plus il a fait des réparations.

[14] Il a dû, en conséquence, à un moment donné réduire le travail de son épouse à une semaine par mois.

[15] Elle faisait sa comptabilité et s'occupait de la facturation et du paiement des comptes sous sa supervision et son contrôle.

[16] Il a seulement une sixième année, il ne peut écrire une lettre et n'étant pas à l'aise dans les calculs, il ne peut s'occuper de sa comptabilité.

[17] En 1994, son chiffre d'affaires a baissé et il n'a pas fait d'argent.

[18] En 1996, il a même fait un déficit.

[19] À compter de 1994 son épouse a toujours eu une paie par mois.

[20] Quant à lui il travaillait toujours 60 heures par semaine, mais il n'allait plus sur la grande route.

[21] Son comptable est Pierre Cantin, C.G.A. et c'est lui qui prépare ses rapports d'impôt: c'est son épouse qui est qualifiée en comptabilité pour l'avoir étudiée qui communique avec lui.

[22] Il peut lire assez facilement, mais ça dépend des mots.

[23] En 1993, après la perte du contrat Wawanesa, son épouse a quand même continué à travailler pour lui à plein temps car il faisait plus de réparations et qu'il fallait terminer les affaires commencées avec cet assureur.

[24] Les concessionnaires d'automobiles de la région l'appelaient, il allait voir les autos usagées dont ils voulaient disposer, il en achetait et les revendait ensuite à ses clients.

[25] Sa femme s'occupait de la paperasse et entre autres des dépôts bancaires.

[26] Elle oeuvrait généralement à la maison et au garage de 8 h à 17 h.

[27] En 1994, cependant elle travaillait à la maison et était en conséquence plus libre; elle pouvait s'occuper des travaux ménagers durant la journée; elle faisait le gros de son travail durant sa semaine rémunérée.

[28] Elle s'occupait aussi un peu des papiers durant les autres semaines; les dépôts bancaires pouvaient généralement attendre à la fin du mois sauf quelques rares exceptions.

[29] Un premier relevé d'emploi (pièce I-1) indique comme « fin de la dernière période de paie » le 31 décembre 1994, il fait voir qu'il est dû à un manque de travail, il indique comme « premier jour de travail » le 25 janvier 1994 et il a été signé le 21 février 1995.

[30] Un deuxième (pièce I-1 également) indique comme premier jour de travail le 1er janvier 1995 et comme dernier le 28 février 1995; il fait voir la même raison et est daté du 2 mars 1995; il fait état de deux semaines de travail seulement.

[31] C'est elle qui a préparé ces deux relevés et qui les a remis au bureau de l'assurance-chômage.

[32] Si elle avait été payée à plein temps à compter de 1994 ses bénéfices auraient baissé d'autant.

Selon Marguerite Guay :

[33] Elle a bien commencé à travailler pour son mari avec l'arrivée du contrat de la Wawanesa.

[34] Elle a suivi un cours de commis-comptable jusqu'en 1991.

[35] Pendant la durée du contrat Wawanesa, elle recevait la plupart des téléphones et tenait un dossier pour chaque auto accidentée en y indiquant le prix de leur revente etc...

[36] Elle s'occupait aussi de la tenue des livres pour le commerce de voitures usagées de son mari.

[37] Le compte de la Wawanesa l'occupait les trois quarts de son temps et parfois elle devait même faire plus que ses 40 heures de travail par semaine.

[38] Elle gérait le compte de banque de l'entreprise, s'occupait des remises de taxes, des dépôts, des chèques et des paies.

[39] Lors de la perte du contrat Wawanesa, elle a continué à oeuvrer pour son mari mais son travail a diminué dans une proportion de 75 %.

[40] À compter du 14 janvier 1994, elle « faisait » seulement une semaine par mois pour 30 heures d'ouvrage et oeuvrait également pour son mari 10 autres heures alors qu'elle n'était pas sur la liste de paie.

[41] Le livre des salaires 1994, (pièce A-1) indique bien ses 13 semaines rémunérées au cours de cette année.

[42] C'est elle qui a rempli le grand livre des opérations (pièce A-2) pour 1994 et elle le faisait durant sa semaine rémunérée.

[43] Les livres de dépôts (A-3) font bien voir que c'est elle qui les remplissait.

[44] Ils font voir en moyenne trois dépôts par mois, mais du temps du contrat avec Wawanesa il y en avait plus.

[45] Pendant la durée de ce contrat, elle devait rencontrer les experts en sinistres de cet assureur et cela prenait pas mal de son temps.

[46] Les simples contrats d'achat et de vente de voitures usagées sont plus simples à compléter.

[47] Elle a déposé ses deux relevés d'emploi au bureau de l'assurance-chômage en même temps.

[48] En 1994, l'entreprise n'a pas fait de déficit mais par après les affaires ont diminué à tous les ans et elle pouvait aisément faire le travail à la maison.

[49] Lorsqu'elle est allée au bureau de l'assurance-chômage la première fois, il lui a été dit qu'il lui manquait deux semaines et quand elle y est retournée elle avait ses deux relevés d'emploi.

[50] Le livre de paie (pièce A-1) n'indique pas, il est vrai, le détail de ses heures travaillées à chaque jour: elle « faisait » des heures suivant le travail à réaliser mais généralement de 8 h à 17 h.

[51] Elle est propriétaire de la maison où est situé le bureau mais le garage ne lui payait cependant pas de loyer.

[52] Elle a fait deux demandes de prestations d'assurance-chômage (pièces I-2 et I-3), une le 24 janvier 1994 et une autre le 5 janvier 1995: les deux y indiquent qu'elle a cessé de travailler par manque de travail.

[53] Ses chèques de paie (pièce I-4) indiquent tous sauf un, à l'endos après sa signature, le numéro de folio 852, à savoir celui du compte bancaire de son mari, l'autre mentionnant le numéro de son compte personnel.

[54] En cours d'audience il y a une admission à l'effet que si la directrice de la Caisse populaire où le payeur fait ses affaires venait témoigner elle dirait qu'à sa connaissance les chèques de paie de Marguerite Guay n'ont pas été redéposés au folio numéro 852.

Toujours selon Marguerite Guay :

[55] Après l'été 1993, le garage de son mari n'avait plus à traiter les dossiers ouverts pour le compte de la Wawanesa.

[56] Si du mois d'août au mois de décembre elle a eu pourtant son plein salaire, c'est qu'il y avait encore suffisamment de travail à exécuter, le chiffre d'affaires ayant commencé à diminuer seulement en 1994.

Selon Pierre Cantin :

[57] Ça fait plus de 20 ans qu'il agit à titre de comptable pour l'appelant.

[58] Jusqu'à la perte du contrat Wawanesa, il y allait quatre fois pas année mais ensuite il y est allé seulement deux fois par an.

[59] S'il y avait des problèmes, c'est l'épouse de l'appelant qui communiquait avec lui.

[60] L'état des résultats (pièce A-4) fait voir au 31 décembre 1993 un bénéfice net de 21 165,75 $, avec sous la rubrique « salaires et bénéfices sociaux » 23 143,58 $; au 31 décembre 1994, il fait voir un bénéfice net de 19 070,54 $ avec sous la même rubrique 5 712,70 $; au 31 décembre 1995, il montre un bénéfice net de 1 788,03 $ avec sous la même rubrique 5 322 $.

[61] La perte du contrat avec Wawanesa a été un point tournant dans l'entreprise car c'est celui-ci qui générait le plus d'écritures comptables et de papiers étant donné les exigences de cet assureur.

[62] Il a même dû faire des démarches auprès de Wawanesa au nom du payeur pour tenter de simplifier la papeterie qu'elle exigeait de son client.

[63] En 1994, Marguerite Guay n'avait plus qu'à traiter les contrats d'achats et de ventes de voitures, mais il était quand même impossible au payeur de fonctionner sans l'aide de son épouse à titre de contrôleure.

[64] Celle-ci avait la compétence voulue et la valeur d'une semaine par mois était suffisante pour accomplir le travail requis.

[65] L'appelant n'aurait d'ailleurs pu s'occuper de la paperasse lui-même.

[66] Il y a beaucoup de compétition en ce domaine et de tels petits garages, il y en a plein le territoire.

[67] Si le payeur a perdu Wawanesa, c'est que cet assureur voulait avoir une entité unique pour tout le Québec.

[68] Marguerite Guay lui a dit que Wawanesa avait offert à son mari un tel contrat élargi mais que c'était vraiment trop gros pour une telle petite entreprise.

[69] Les chèques de paie (pièce I-4) n'ont pas été redéposés au compte du payeur car il a vérifié toutes les opérations et s'en serait vite aperçu s'il en avait été ainsi.

[70] Le livre de comptabilité (pièce A-5) pour 1993 compte trois pages d'entrées en janvier 1993 alors que dans ce même livre (pièce A-2) pour 1994 il y a seulement une page et quart de telles écritures.

[71] Celui de 1995 (pièce A-6) n'a même pas une pleine page d'entrées pour le mois de janvier de cette année.

[72] Le contrat Wawanesa « amenait » d'autres choses, à savoir la possibilité d'acheter plus facilement des véhicules que sur le marché.

Selon le payeur entendu de nouveau :

[73] À Pintendre la population est de 6 000 âmes et il y a une dizaine de petits garages comme le sien.

[74] L'intimé ne fait entendre aucun témoin.

Les plaidoiries :

Selon le procureur de l'appelant :

[75] Marguerite Guay est diplômée à titre de commis-comptable et elle est rémunérée pour son travail et sa compétence.

[76] Après la fin du contrat Wawanesa, il lui a fallu terminer les affaires en cours.

[77] Ses semaines d'emploi ont ensuite été réduites car il en fut de même pour les activités de l'entreprise.

[78] Ce contrat Wawanesa générait beaucoup de paperasse.

[79] Le Ministre s'est ravisé en admettant au paragraphe 6 précité que la travailleuse occupait un emploi assurable du 14 janvier 1993 au 14 janvier 1994 alors qu'elle travaillait à plein temps pour l'appelant et ce nonobstant le fait qu'il y avait un lien de dépendance.

[80] Pour la période qui suit il invoque cependant ce lien au paragraphe 9 précité.

[81] Pourquoi ce changement d'attitude de la part du Ministre?

[82] Même après le 14 janvier 1994, Marguerite Guay a exécuté son travail, elle a été payée de son salaire qui n'a pas été redéposé au compte du payeur.

[83] Son expérience est prouvée, elle faisait du bon travail, selon Pierre Cantin, et celui-ci était nécessaire à l'entreprise.

[84] Si en 1994 le salaire avait été de 23 143,58 $ comme en 1993, le bénéfice net de 19 070,54 $ aurait presqu'été réduit à néant.

[85] La rémunération hebdomadaire n'était pas exagérée et il y avait contrôle.

[86] Au point de vue des outils de travail il s'agissait seulement de crayons et en conséquence ce critère n'est pas pertinent.

[87] Il n'y avait pas de participation aux profits et pertes car un seul salaire était payé à Marguerite Guay.

[88] Il y avait intégration.

[89] Dans sa première demande de prestations elle a bien indiqué que le payeur était son mari et elle a reçu quand même ses prestations.

[90] Pendant la seule période maintenant en litige elle « faisait » 30 heures dans sa semaine rémunérée et 10 heures dans le reste du mois.

[91] Ces gens-là ne sont pas des spécialistes en gestion industrielle, ils ont trouvé cet arrangement et il n'y a rien de mal là-dedans.

[92] En 1994, elle faisait la même chose qu'en 1993 mais le volume des affaires était considérablement réduit.

[93] Ça faisait 13 ans qu'elle oeuvrait ainsi pour son mari qui travaillait, lui, 60 heures par semaine et sa fonction était essentielle.

[94] Le Ministre a changé d'idée pour la première année et il aurait dû faire de même pour la deuxième.

[95] En 1993, il a fallu terminer le contrat Wawanesa et lorsque les affaires baissent on ne coupe généralement pas tout de suite les dépenses espérant toujours une reprise, en l'instance avec les réparations.

[96] En matière d'assurance-chômage il s'agit toujours de cas par cas.

[97] Dans la cause de Johanne Caron et M.R.N. (92-1056(UI)), l'honorable juge Tremblay de notre Cour écrit (page 4) :

« L'appelante, qui depuis 1981 aide son époux dans ce travail, connaît bien ce métier et est à même de répondre adéquatement aux clients. »

il en va de même en l'instance.

[98] Il écrit aussi (page 5) :

« M. Caron dit que lui, il n'a pas d'aptitude dans les chiffres. Si son épouse tombait malade, il lui faudrait absolument une autre secrétaire au moins pour s'occuper de répondre au téléphone, recevoir les clients et tenir les livres. »

là encore il en va de même en l'instance.

[99] Il écrit aussi (page 7) :

« De l'ensemble de la preuve, il ressort que le travail de l'appelante n'est pas un travail fictif mais un travail réel. La description détaillée qu'elle en a fait ne laisse aucun doute sur le travail effectué. D'ailleurs, la bonne foi et la crédibilité des témoins ne sont pas mises en doute par personne incluant la procureure de l'intimé.

De plus, la fonction exercée était absolument nécessaire pour le payeur, avec quatre compétiteurs ... et le fait que le président du payeur travaillait de 8 h 00 à 20 h 00. »

c'est la même chose en l'instance.

[100] Dans la cause de Charlene Derkson et M.N.R. (93-438(UI)), l'honorable juge Kempo de notre Cour écrit (page 7) :

« Based on the evidence, and having due regard to all of the aforenoted circumstances of the employment including the remuneration paid, the terms and conditions of the employment and the duration and nature and importance of the work performed, the Court finds that it is reasonable to conclude that the Appellant, and her husband operating through his sole proprietorship, would have entered into a substantially similar contract of employment if they had been dealing with each other at arm's length. »

la même conclusion s'impose en l'instance.

[101] Dans la cause de Barbara Cockwill et M.N.R. (91-317(UI)), l'honorable juge Beaubier de notre Cour écrit (page 4) :

« The result is that the Court finds that Barbara Cockwill was engaged in insurable employment ... »

après avoir écrit (page 2) :

« Barbara Cockwill's salary is determined by the accountant of the corporation based upon the profits of the corporation ... »

[102] Dans l'affaire sous étude le salaire de l'épouse de l'appelant était fixe et le même à toutes les semaines

[103] Dans la cause de Linda Grégoire et M.R.N. (87-728(UI)), l'honorable juge Lamarre Proulx de notre Court écrit (page 4) :

« Il est vrai que l'horaire de l'appelante était flexible. Ce qui importait était la prestation de services tels la tenue des livres, la préparation des feuilles de paie, les courses à faire pour les fins du bureau et du camion et les communications téléphoniques. Elle remplissait toutes les formules exigées par les gouvernements ... faisait les entrées aux livres tel qu'exigé et ceci lui demandait du temps et de l'application. Les commissions pour les fins de la banque, du comptable et des achats prenaient aussi beaucoup de son temps. »

après avoir écrit (page 2) :

« Il s'agit ici d'un cas d'emploi où l'employeur et l'employée sont des conjoints. »

[104] L'intimé avait déterminé que l'emploi n'était pas assurable et l'honorable juge Lamarre Proulx a infirmé cette décision.

[105] En l'instance l'horaire de Marguerite Guay était aussi flexible alors qu'elle oeuvrait 30 heures dans sa semaine rémunérée et 10 heures durant le reste du mois.

[106] Dans la cause d'Oneita Simmonds et M.R.N. (92-444(UI)), l'honorable juge Mogan de notre Court écrit (page 3) :

« The Appellant is not experienced in office work. She had worked before as a housekeeper and chambermaid and she does not have any bookkeeping skills. »

et il modifie quand même la décision entreprise en tenant compte du fait que l'appelante avait un emploi assurable du 5 juin au 16 août 1991 et non par la suite après avoir écrit (page 5) :

« Having regard to remuneration, the Appellant has failed to prove that she was paid any remuneration after August 16, 1991. »

[107] Dans l'affaire sous étude la compétence de Marguerite Guay est largement prouvée.

[108] Il n'y a rien de scandaleux dans le fait qu'elle travaillait principalement une semaine par mois.

[109] Après tant d'années le payeur n'avait pas à la suivre pas à pas: elle savait ce qu'elle avait à faire, elle le faisait bien et il voyait le résultat.

[110] Ce qui s'est passé à compter du mois de mai 1996 n'est pas pertinent pour la solution du présent litige.

Selon le procureur de l'intimé :

[111] Tous les jugements cités par la partie adverse sont antérieurs aux arrêts de la Cour d'appel fédérale dans Procureur Général du Canada et Jencan Ltd., 215 N.R. 352, et Sa Majesté la Reine et Bayside Drive-In Ltd. et al., 218 N.R. 150.

[112] Dans Derkson (supra) la Cour a écrit qu'il était raisonnable de conclure que les parties auraient fait un contrat semblable sans l'existence d'un lien de dépendance mais il n'en va pas de même en l'instance.

[113] Dans Jencan (supra), l'honorable juge en chef de la Cour d'appel fédérale écrit (page 17) que notre Cour est justifiée de modifier la décision lorsqu'il est établi selon le cas, que le Ministre : (i) a agi de mauvaise foi ou dans un but ou un mobile illicites; (ii) n'a pas tenu compte de toutes les circonstances pertinentes, comme l'exige spécifiquement le sous-alinéa 3(2)c)(ii); (iii) a tenu compte d'un facteur non pertinent mais, là encore, ce n'est pas le cas en l'instance.

[114] En matière d'assurance-chômage chaque cas en est un d'espèce; pour 1993 il a été plus généreux, il est vrai, mais il n'est pas lié par ses décisions antérieures.

[115] Le contrôle, il n'y en avait à peu près pas.

[116] Après la perte du contrat Wawanesa, Marguerite Guay est demeurée en fonction à plein temps même si le chiffre d'affaires avait baissé dès le mois d'août.

[117] Elle admet avoir réparti 10 heures de travail au cours des trois semaines alors qu'elle n'était pas rémunérée.

[118] Monsieur dit que madame oeuvrait à la maison et au garage alors que celle-ci dit qu'elle travaillait à la maison.

[119] Elle ne lui chargeait pas de loyer pour le bureau aménagé à la maison.

[120] Elle ne semblait pas faire de distinction entre le compte de banque de son mari et le sien.

[121] Sur le premier relevé d'emploi elle a indiqué qu'elle a cessé de travailler le 31 décembre 1994 par manque de travail et sur le deuxième, elle a déclaré qu'elle avait repris le travail le 1er janvier 1995; c'est lorsqu'elle a réalisé qu'il lui manquait deux semaines pour être admissible aux prestations qu'elle a rempli le second relevé d'emploi.

[122] Le Ministre a regardé tous les éléments et il a fait un usage judiciaire de sa discrétion.

[123] L'appelant ne s'est pas déchargé de son fardeau de preuve.

[124] L'intimé reconnaît que l'épouse de l'appelant a fait du travail mais il faut voir toutes les circonstances de celui-ci à compter du 14 janvier 1994.

[125] Dans la cause de Bayside (supra), il est écrit (page 5) :

« ...Dans les motifs de son jugement ... le juge a statué qu'il était en droit d'entendre les appels comme « des procès de novo » parce que, à son avis, le ministre n'avait pas accordé suffisamment de poids aux faits dont il était saisi;... »

et (page 9)

« ...L'opinion selon laquelle l'omission du ministre de donner « suffisamment d'importance » (c'est-à-dire suffisamment de poids) à des faits précis constitue un motif permettant de conclure qu'il a commis une erreur pouvant donner lieu à examen n'est pas appuyée par la jurisprudence de la présente Cour et, en toute déférence, est erronée sur le plan des principes. »

[126] En conséquence la Cour n'a pas à donner un poids particulier aux faits ou éléments considérés par le Ministre.

[127] Il y a beaucoup d'admissions au paragraphe 5 de la Réponse à l'avis d'appel et au surplus en son début les mots « inter alia » sont utilisés.

Selon le procureur de l'appelant en réplique :

[128] Si le Ministre s'était donné la peine d'avoir tous les éléments en main sa décision aurait été différente.

[129] Dans sa Réponse à l'avis d'appel, il ne traite même pas des chèques de paie dont son procureur a fait, au départ, grand état.

[130] Pendant le contrat avec Wawanesa, Marguerite Guay allait aussi travailler au garage de l'appelant.

[131] Quant aux demandes de prestations d'assurance-chômage ce n'est pas à la Cour d'en décider mais bien au Conseil arbitral.

Le Délibéré

[132] Au départ le Ministre déclare non assurable toute la période en litige. Par après, il se ravise, trouve assurable la période du 14 janvier 1993 au 14 janvier 1994 parce que la travailleuse oeuvrait à plein temps pour le payeur mais maintient sa première décision pour la période qui suit alors qu'elle n'occupait plus un emploi à plein temps.

[133] Le Ministre n'a pas agi dans un but ou un mobile illicites; il reste à décider s'il n'a pas tenu compte de toutes les circonstances pertinentes et s'il a par ailleurs tenu compte d'un facteur non pertinent.

[134] Il est sans importance que la travailleuse ait été l'unique employée du payeur.

[135] Il importe peu aussi qu'elle n'ait été rémunérée que depuis l'année 1987 étant donné le changement d'ordre législatif qui est survenu alors.

[136] Il est certain que c'est la perte du contrat avec Wawanesa qui a été à l'origine de la diminution du chiffre d'affaires du payeur.

[137] Il est vrai que la travailleuse a continué à travailler à plein temps ensuite jusqu'au 14 janvier 1994, mais la preuve non contredite révèle que le payeur a dû alors s'intéresser plus aux réparations espérant ainsi renflouer l'entreprise, ce qui n'a pas été cependant le cas, et qu'il a dû alors terminer les affaires entreprises du temps de ce contrat.

[138] Les tâches de la travailleuse sont bien décrites et son salaire est raisonnable; elle avait la compétence pour agir dans ce poste et son emploi était nécessaire, le comptable, Pierre Poulin le confirmant bien.

[139] La preuve non contredite est à l'effet qu'elle travaillait au cours de la seule période maintenant en litige 30 heures durant sa semaine rémunérée et 10 heures le reste du mois: il s'agit là de l'arrangement que les époux Guay ont trouvé et qui répondait bien aux besoins réduits de l'entreprise.

[140] Le travail sur une base occasionnelle n'est pas défendu.

[141] La travailleuse oeuvrait pour le payeur depuis longtemps, elle faisait bien son travail et n'avait pas à être contrôlée pas à pas: son mari voyait ce qu'elle avait réalisé et il avait le plein pouvoir de contrôle.

[142] Il n'est par pertinent pour l'intimé de se baser sur le fait que depuis mai 1996 la travailleuse rend des services au payeur sans recevoir de rémunération d'autant plus que pour l'année terminée le 31 décembre 1995 le bénéfice net n'a été que de 1 788,03 $ et qu'en 1996 il y eut un déficit.

[143] Les époux Guay ont paru à la Cour comme de braves gens toujours soucieux de dire la vérité et la Cour les croit parfaitement.

[144] Il n'y a pas de contradiction dans leur témoignage, la Cour étant d'avis que du temps du gros contrat la travailleuse oeuvrait à la maison et au garage alors que par après elle travaillait à la maison seulement.

[145] Dans Jencan (supra) il est écrit (page 22) :

« ...Ayant conclu que certaines des hypothèses de fait sur lesquelles le ministre s'était fondé avaient été réfutées au procès, le juge suppléant de la Cour de l'impôt aurait dû se demander si les autres faits qui avaient été établis au procès étaient suffisants en droit pour justifier la conclusion du ministre ... S'il existe suffisamment d'éléments pour justifier la décision du ministre, il n'est pas loisible au juge suppléant de la Cour de l'impôt d'infirmer la décision du ministre du simple fait qu'une ou plusieurs des hypothèses du ministre ont été réfutées au procès et que le juge en serait arrivé à une conclusion différente selon la prépondérance des probabilités.

[146] La question des relevés d'emploi n'est pas suffisante pour justifier la décision ministérielle entreprise vu l'ensemble de la preuve et la Cour, en conséquence, n'élaborera pas plus là-dessus.

[147] Il en va de même pour la question du local que la travailleuse fournissait à son mari à titre de bureau dans sa maison étant donné qu'il s'agit là d'un service que des époux peuvent se rendre sans qu'il faille nécessairement en tirer des conséquences juridiques.

[148] Vu l'admission qui précède, il n'y a pas lieu de tenir compte des numéros de folio écrits à l'endos des chèques de paie de la travailleuse.

[149] Le témoignage du comptable est éloquent et il permet à la Cour de conclure comme elle le fait ci-après

[150] Il dit bien que la valeur d'une semaine de travail par mois était suffisante après le 14 janvier 1994.

[151] Les jugements Caron, Derkson, Cockwill, Grégoire et Simmonds (supra) ont été rendus, il est vrai, avant les arrêts Jencan et Bayside (supra), mais les principes y émis demeurent lorsqu'il n'y a pas assez d'éléments pour justifier la conclusion du ministre.

[152] L'affaire Caron (supra) ressemble bien à celle sous étude et il faut conclure dans le même sens.

[153] En l'instance le raisonnement utilisé dans Derkson (supra) peut aussi être utilisé.

[154] Dans Cockwill (supra), il n'y avait pas de salaire fixe et l'emploi a quand même été jugé assurable.

[155] Dans Grégoire (supra) l'horaire était aussi flexible et la décision a été infirmée.

[156] Dans Simmonds (supra), l'appelante n'avait pas de connaissances dans le travail de bureau et son appel a quand même été accueilli pour le temps pendant lequel elle a été rémunérée.

[157] Pour conclure ci-après, il n'est pas nécessaire de donner un poids particulier aux éléments considérés par le Ministre, il suffit de constater qu'il n'a pas tenu compte de toutes les circonstances pertinentes et qu'il a par ailleurs tenu compte de facteurs non pertinents.

[158] L'appel est donc accueilli et la décision entreprise annulée.

Signé à Laval (Québec), ce 2e jour de juillet 1998

« A. Prévost »

J.S.C.C.I.

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