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Date: 19980622

Dossier: 96-507-GST-G

ENTRE :

WILLOW POND SERVICES LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Hamlyn, C.C.I.

[1] Un exposé conjoint des faits a été déposé. En voici le libellé :

[TRADUCTION]

EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS

1. L'appelante est, entre autres choses, une compagnie de gestion immobilière qui gère les biens immobiliers dont elle est propriétaire et fournit des services de gestion immobilière à d'autres propriétaires d'immeubles à plusieurs unités;

2. conformément à l'entente conclue avec les propriétaires des immeubles, l'appelante versait les salaires des gérants résidant dans les immeubles et ceux d'autres employés (les “ salaires ”);

3. pour la période du 1er janvier au 31 août 1991, en calculant la taxe sur les produits et services (la “ TPS ”) payable sur les honoraires qu'elle a facturés pour les services qu'elle a fournis aux propriétaires, l'appelante n'a pas traité les salaires comme une fourniture taxable aux fins de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, et ses modifications (la “ Loi ”) et, par conséquent, elle n'a pas perçu ni versé la TPS relativement aux salaires;

4. aux fins du présent appel seulement, l'appelante admet que, pour la période du 1er janvier au 31 août 1991, les salaires sont des fournitures taxables;

5. à l'hiver et au printemps de 1992, des représentants du ministère du Revenu national (“ Revenu Canada ”) se sont rendus aux bureaux de l'appelante pour examiner un certain nombre de questions, notamment celle de savoir si les salaires étaient des fournitures taxables; à la demande de Revenu Canada, l'appelante a fourni des documents et des renseignements relatifs aux salaires pour la période du 1er janvier au 31 août 1991 (onglet 1);

6. compte tenu de ces demandes, l'appelante a supposé que Revenu Canada s'intéressait à la période du 1er janvier au 31 août 1991;

7. à la suite de sa vérification, Revenu Canada a établi à l'égard de l'appelante un avis de cotisation en date du 15 avril 1992 (l'“ avis ”) (onglet 2);

8. l'avis mentionnait que la cotisation portait sur la période du 1er au 31 août 1991;

9. l'avis indiquait que le montant de 29 955,55 $ était dû, dont 17 105,10 $ se rapportaient à la TPS payable sur les salaires de 244 358,53 $ versés au cours de la période du 1er janvier au 31 août 1991;

10. du 1er janvier au 31 août 1991, l'appelante a versé des salaires totalisant 244 358,53 $ et elle ne conteste pas que le montant de la TPS payable relativement à ces salaires est de 17 105,10 $. Cependant, les salaires que l'appelante a effectivement versés du 1er au 31 août 1991 représentaient approximativement un huitième de 244 358,53 $;

11. conformément à la Loi, l'appelante a payé au complet, sur réception de l'avis, le montant dû de 29 955,55 $;

12. après avoir établi l'avis et à la demande de l'appelante, Revenu Canada a fourni à celle-ci ses documents de travail relatifs à la question des salaires, lesquels documents portaient la mention “ Willow Pond Services Inc. - 01/01/91 au 31/08/91 ” (onglet 3);

13. au mois de juin 1992, l'appelante s'est opposée à la cotisation en ce qui concerne les salaires (onglet 4) et, en novembre 1995, la cotisation a été confirmée (onglet 5);

14. au mois d'août 1997, l'appelante a pour la première fois souligné le fait que l'avis indiquait que la cotisation portait sur la période du 1er au 31 août 1991;

15. relativement à la TPS payable pour la période du 1er janvier au 31 août 1991, le seul avis reçu par l'appelante est celui daté du 15 avril 1992, lequel indiquait qu'il se rapportait à la période du 1er au 31 août 1991;

16. l'appelante a reconnu lors de son interrogatoire préalable que le seul préjudice qu'elle a subi du fait de l'incompatibilité entre le montant de la cotisation (17 105,10 $) et la période de cotisation indiquée (du 1er au 31 août 1991) est d'avoir dû payer au complet la TPS de 17 105,10 $ sur les salaires.

QUESTION EN LITIGE

[2] Il s'agit de déterminer si la cotisation établie par le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) à l'égard de l'appelante pour la période du 1er janvier au 31 juillet 1991 est valide même si l'avis de cotisation indique que la cotisation se rapporte à la période du 1er au 31 août 1991.

THÈSE DE L'APPELANTE

[3] L'avis de cotisation daté du 15 avril 1992, sur lequel il était indiqué qu'il se rapportait à la période du 1er au 31 août 1991, est le seul avis de cotisation reçu par l'appelante relativement à toute la période du 1er janvier au 31 août 1991.

[4] Pour ce qui est de la période du 1er janvier au 31 juillet 1991, l'appelante soutient que, du fait de l'article 298 de la Loi sur la taxe d'accise (la “ Loi ”), il n'est plus possible au ministre d'établir à son égard une nouvelle cotisation de taxe sur les produits et services (“ TPS ”) au titre des salaires versés au cours de la période en question. L'alinéa 298(1)c) limite le délai dans lequel une cotisation peut être établie à l'égard d'une personne en vertu de l'article 296 de la Loi à “ quatre ans après le jour où la taxe est devenue payable ”. En l'espèce, ce délai est expiré.

[5] En conséquence, l'appelante a payé trop de TPS sur les salaires versés au cours de la période du 1er au 31 août 1991, et il devrait être ordonné au ministre d'établir une nouvelle cotisation à l'égard de l'appelante pour cette période.

THÈSE DU MINISTRE

[6] L'avis de cotisation daté du 15 avril 1992 était libellé en des termes qui informaient clairement l'appelante de la cotisation établie par le ministre, car il indiquait le montant de taxe payable.

[7] L'erreur est une question de degré. On ne peut dire de l'erreur signalée à propos de l'avis de cotisation daté du 15 avril 1992 qu'elle est “ substantielle et fondamentale ” de sorte que les dispositions réparatrices de la Loi ne peuvent y remédier.

[8] Le libellé du paragraphe 299(4) de la Loi est clair : “ [...] une cotisation est réputée valide et exécutoire malgré les erreurs, vices de forme ou omissions [...] dans une procédure [...] en vertu de la présente partie. ” Il y a lieu d'accorder à ces termes un certain poids. Accepter l'argument de l'appelante selon lequel l'avis de cotisation ne serait pas valide du seul fait qu'il mentionne uniquement le dernier mois de la période de huit mois faisant l'objet de la cotisation équivaut à demander à la Cour de considérer l'avis de cotisation sous un angle excessivement formaliste.

ANALYSE

[9] La prétention de l'appelante selon laquelle, conformément à l'alinéa 298(1)c) de la Loi, le délai dans lequel le ministre peut établir une nouvelle cotisation à son égard au titre de la TPS payable relativement aux salaires versés au cours de la période du 1er janvier au 31 juillet 1991 est expiré, suppose qu'en raison de l'erreur commise quant à la période pour laquelle la taxe était payable, le ministre est tenu d'établir une nouvelle cotisation à l'égard de la contribuable. Évidemment, le ministre ne peut aujourd'hui établir de nouvelle cotisation à l'égard de la contribuable puisque le délai de prescription prévu par la Loi est expiré. Par conséquent, l'appelante demande en fait à la Cour de conclure que le ministre est tenu d'établir une nouvelle cotisation à son égard.

[10] Suivant la prétention de l'appelante, le ministre est tenu d'établir une nouvelle cotisation à son égard parce qu'il a commis une erreur dans l'avis de cotisation. Le ministre invoque la décision rendue par le juge Cullen dans l'affaire The Queen v. Riendeau[1]. Dans cette affaire, le juge Cullen a statué qu'une cotisation incorrecte ou incomplète ne change rien à l'assujettissement à l'impôt, de sorte que le fait qu'une nouvelle cotisation soit fondée sur une disposition abrogée de la loi en question n'était pas fatal. Voici ce qu'il a dit dans une opinion incidente exprimée à la page 6079 :

L'erreur est une question de degré. Il résulte du rapprochement des paragraphes 152(3) et 152(8) et de l'article 166 que cette erreur du ministre du Revenu national est loin d'être fatale. La jurisprudence ne restreint la portée de ces dispositions que lorsque l'erreur est substantielle et fondamentale; en pareil cas, la cour ne permettra pas au ministre de se réfugier derrière les dispositions.[2]

[11] Il s'agit de déterminer si l'erreur commise dans l'avis de cotisation, à savoir le fait que le ministre n'a pas indiqué correctement la période pour laquelle l'appelante devait de la taxe, constitue une erreur “ substantielle et fondamentale ” qui rend la cotisation nulle.

[12] Je conclus que la cotisation est valide en dépit de l'erreur. Il est bien établi qu'une cotisation peut être valide même si le motif donné par le ministre pour justifier cette cotisation est erroné. Le fait qu'une erreur a été commise dans l'avis de cotisation ne compromet pas la validité de la cotisation : M.N.R. v. Minden[3]. D'autres jugements sont venus confirmer cette thèse. Il est clair que des erreurs telles que le défaut d'indiquer la disposition législative applicable[4] ou le fait de citer une disposition qui a été abrogée[5], de modifier les motifs sur lesquels repose une cotisation[6] ou de ne pas préciser clairement l'obligation du contribuable en vertu de lois fiscales diverses[7], ne sont pas fatales à la cotisation.

[13] En outre, l'erreur du ministre n'a pas été commise dans la cotisation, mais simplement dans l'avis de cotisation. Un appel interjeté à l'encontre d'une cotisation établie par le ministre est un appel interjeté contre le montant précisé dans la cotisation : Vineland Quarries and Crushed Stone Ltd., précité. En l'espèce, le ministre a établi correctement la cotisation relative à la contribuable : c'est-à-dire qu'il a établi l'existence d'une obligation de payer la TPS en vertu de la Loi, et il a déterminé le montant total conformément aux dispositions de celle-ci. Cependant, il n'a pas indiqué correctement dans l'avis de cotisation la période pour laquelle la taxe était payable. Or, il est bien établi en droit que l'avis de cotisation est un document qui ne fait qu'informer le contribuable de l'existence d'une cotisation. Lorsque saisie d'un appel d'une cotisation, la Cour canadienne de l'impôt s'intéresse à l'exactitude de cette dernière au regard de la Loi et non à la décision du ministre telle qu'elle est formulée dans l'avis de cotisation : Nicholson Ltd. v. M.N.R.[8]

[14] Enfin, je fais remarquer que l'appelante a toujours su quel montant de taxe était payable et qu'elle n'a subi aucun préjudice du fait de l'erreur du ministre, si ce n'est l'obligation de payer un montant de taxe supérieur si elle n'obtient pas gain de cause en l'espèce. Il ressort clairement des paragraphes 5, 8 et 12 de l'exposé conjoint des faits que, pour établir la cotisation à l'égard de l'appelante, le ministre s'est fondé sur la période au cours de laquelle l'obligation de payer la taxe est effectivement née. Lorsqu'il a rédigé l'avis de cotisation, il a commis une erreur quant à cette période. Si, pour établir la cotisation, le ministre s'était fondé sur des dates incorrectes, il se peut bien que j'eusse conclu qu'il avait ainsi commis une erreur fondamentale et substantielle de sorte que la cotisation était invalide. Ce n'était toutefois pas le cas en l'espèce.

[15] Compte tenu de tout ce qui précède, je conclus que le fait d'avoir indiqué incorrectement la période au cours de laquelle l'obligation de payer la taxe est née n'est pas une erreur fatale à la cotisation.

[16] L'appel est rejeté avec frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de juin 1998.

“ D. Hamlyn ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 16e jour de décembre 1998.

Erich Klein, réviseur



[1] 90 DTC 6076 (C.F. 1re inst.), conf. par 91 DTC 5416 (C.A.F.).

[2] Le paragraphe 152(8) de la Loi de l'impôt sur le revenu est très semblable au paragraphe 299(4) de la Loi sur la taxe d'accise, qui est en cause en l'espèce. Le paragraphe 299(4) est ainsi libellé :

299(4) Sous réserve d'une nouvelle cotisation et d'une annulation prononcée lors d'une opposition ou d'un appel fait selon la présente partie, une cotisation est réputée valide et exécutoire malgré les erreurs, vices de forme ou omissions dans la cotisation ou dans une procédure y afférente en vertu de la présente partie.

Bien que la jurisprudence citée porte sur des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, il n'y a aucune raison pour que les mêmes principes ne s'appliquent pas aux cotisations et aux appels en matière de TPS.

[3] 62 DTC 1044 (C. de l'É.).

[4] Belle-Isle v. M.N.R., 63 DTC 347 (C.A.I.), conf. par 64 DTC 5041 (C. de l'É.), et 66 DTC 5100 (C.S.C.).

[5] Stafford, Stafford and Jakeman v. The Queen, [1995] G.S.T.C. 7 (le juge Bowman, C.C.I.).

[6] Vineland Quarries and Crushed Stone Ltd. v. M.N.R., 70 DTC 6043 (C. de l'É.).

[7] The Queen v. Leung, 93 DTC 5467 (C.F. 1re inst.).

[8] 2 DTC 735 (C. de l'É.).

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