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Date : 19990429

Dossiers : 98-50-UI; 98-7-CPP

ENTRE :

CHANTLER PACKAGING INC.,

appelante,

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

WILLIAM J. BURCHELL,

intervenant.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Watson, C.C.I.

[1] Ces appels ont été entendus sur preuve commune avec le consentement des parties à Toronto (Ontario) le 23 avril 1999. La question est de savoir si l’appelante a raison de soutenir que, pendant la période en cause, du 1er janvier 1993 au 31 juillet 1995, William J. Burchell, le travailleur, a occupé un emploi assurable et ouvrant droit à pension, conformément à la Loi sur l’assurance-chômage et au Régime de pensions du Canada, chez l’appelante (le payeur).

[2] La question est de savoir si les fonctions du travailleur sont conformes aux critères bien établis par la jurisprudence, compte tenu de « l'ensemble des divers éléments qui composent la relation entre les parties » , c’est-à-dire le contrôle exercé par le payeur, la propriété des instruments de travail, les chances de bénéfices et les risques de perte ainsi que l’intégration du travailleur à l’entreprise du payeur. Ces éléments ne sont pas exhaustifs et l’importance qu’on doit leur accorder varie selon le cas.

[3] Le fardeau de la preuve incombe à l’appelante. Elle doit faire la preuve, selon la prépondérance des probabilités, que la décision du ministre du Revenu national (le « ministre » ), rendue le 7 octobre 1997, était erronée en fait et en droit. Chaque cause est jugée comme un cas d’espèce.

[4] La décision du ministre était fondée sur les allégations de fait suivantes :

[TRADUCTION]

a) l’appelante est une entreprise de fabrication de matériel d’emballage et de produits connexes;

b) le 26 novembre 1991, le travailleur a été embauché par l’appelante comme représentant pour vendre les produits de l’entreprise;

c) jusqu’en novembre 1993 environ, le travailleur recevait un salaire de base de 30 000 $ par année, plus une commission de 3 p. 100 sur les ventes qu'il réalisait ainsi qu’une allocation pour frais de 500 $ par mois;

d) en novembre 1993 environ, l’appelante a fait passer, de façon arbitraire, le statut du travailleur de celui d’employé à celui d’entrepreneur indépendant;

e) le 14 juillet 1995, le travailleur a été congédié par l’appelante;

f) pendant la période en cause, le travailleur avait droit aux divers régimes d'avantages sociaux de l’entreprise tels que l’assurance-vie, l’assurance-soins dentaires et l’assurance-maladie, dont les coûts étaient payés par l’appelante;

g) le travailleur exerçait ses fonctions pour l’appelante au bureau de cette dernière, sur la route et à son domicile;

le travailleur était tenu d’exercer ses fonctions à temps plein;

i) le travailleur était tenu d’exercer ses fonctions cinq jours par semaine, de 8 h 30 à 17 h;

j) le travailleur était tenu de produire deux relevés d’appels et de visites-clients et de les remettre tous les vendredis;

k) les relevés mentionnés à l’alinéa j) comprenaient le nom du client, le jour de l’appel ou de la visite, le nom de la personne jointe et les détails de la conversation;

l) les relevés mentionnés aux alinéas j) et k) servaient également à établir le budget annuel du travailleur;

m) le travailleur était en contact quotidien avec l’appelante, en personne ou par téléphone;

n) le travailleur ne pouvait pas vendre les produits des concurrents de l’appelante;

o) le prix des produits vendus aux clients était fixé par l’appelante et le travailleur n’achetait pas le produit à l’appelante ni ne fixait le prix des produits vendus;

p) le travailleur a dû suivre une formation de dix jours en gestion du temps, qui a été payée par l’appelante;

q) le travailleur était tenu d’atteindre certains objectifs de vente;

r) le travailleur devait assister à des réunions du personnel de vente avec l’appelante pour discuter des stratégies de vente;

s) l’appelante a congédié le travailleur parce qu’il était prétendument déloyal;

t) le travailleur faisait partie intégrante des activités de l’appelante puisqu’il était représentant, chargé de vendre les produits de l’appelante;

u) le travailleur a exercé ses fonctions de façon répétitive et récurrente pendant environ trois ans et demi;

v) le travailleur ne s’est pas présenté, que ce soit par de la publicité, de la formation ou autrement, comme travailleur indépendant;

w) le travailleur était employé par l’appelante en vertu d’un contrat de louage de services.

[5] Lors de l’audition de l’appel, l’avocate de l’appelante a admis les allégations figurant aux alinéas a) à c), e), o) et s) et nié toutes les autres allégations.

[6] Le directeur commercial de l’appelante pendant la période en cause, qui avait embauché le travailleur en novembre 1991, a été le seul témoin à comparaître à l’audience.

[7] L’appelante est une petite entreprise familiale prospère qui fabrique du matériel d’emballage en plastique souple et s’occupe de la vente de ses produits. L’entreprise, située à Mississauga (Ontario), a été fondée en 1930. En novembre 1991, le travailleur a été embauché en tant que vendeur d’expérience pour occuper un poste à temps plein, devenant ainsi l’un des quatre représentants de l’entreprise; il recevait un salaire annuel fixe, plus une allocation pour usage d’une automobile et une commission sur les ventes qu'il réalisait au-delà d’un montant déterminé, le tout faisant l'objet des retenues habituelles, notamment au titre de l’impôt sur le revenu et des cotisations à l’assurance-chômage et au Régime de pensions du Canada. Le travailleur avait aussi droit à divers avantages sociaux dont le coût était pris en charge par l’appelante comme une assurance-vie, une assurance-soins dentaires et une assurance-maladie complémentaire. Environ trente-huit personnes travaillaient à temps plein pour l’appelante, y compris les quatre représentants. Pendant l’été 1993, le salaire annuel fixe et l’allocation pour usage d’une automobile du travailleur ont été graduellement remplacés par une augmentation correspondante du taux de commission sur les ventes, qui est passé à 6 p. 100; étant donné qu’on ne le considérait plus comme un employé, le chèque de commission sur les ventes incluait un montant au titre de la TPS mais ne faisait plus l'objet des retenues habituelles au titre de l’impôt sur le revenu et des cotisations à l’assurance-chômage et au Régime de pensions du Canada. Toutefois, le travailleur, grâce à la bienveillance de l’appelante, a continué d'avoir droit à l’assurance-vie, à l’assurance-soins dentaires et à l’assurance-santé payées par l’appelante jusqu’à ce qu’il soit congédié le 31 juillet 1995.

[8] Le témoin se souvient que la modification du statut ainsi que du mode de rétribution du travailleur, en novembre 1993, a eu très peu d’effet sur la manière dont ce dernier s’acquittait de ses fonctions pour l’appelante, sauf que le montant de ses ventes a presque doublé par rapport à l’année précédente. En juillet 1995, l’appelante a perdu confiance dans le travailleur à cause de son comportement à l’endroit de certains clients et elle l’a congédié le 31 juillet 1995 pour « manque de loyauté » .

[9] Une « note de service » du président, en date du 22 novembre 1994, produite à l'audience sous la cote R-1 lors du contre-interrogatoire conduit par l’avocat de l’intimé, qui avait été adressée à tous les représentants de l’appelante, y compris au travailleur, avec copie au directeur commercial, spécifiait que dorénavant les représentants devraient remplir deux relevés d’appels et de visites-clients chaque semaine et les lui remettre « sans faute » ; un relevé porterait sur la semaine terminée et l’autre sur la semaine à venir. On faisait valoir l’importance de ces relevés, qui devaient servir à établir le budget annuel des représentants.

[10] Une autre « note de service » , en date du 5 décembre 1994 (pièce R-2), adressée aux mêmes destinataires que la pièce R-1, y compris au travailleur, annonçait une réunion du personnel de vente à la salle de réunion de l’appelante, le 13 décembre 1994, visant à déterminer « [Nos] buts et objectifs pour l’année à venir » ; selon le point 2 de l’ordre du jour, le travailleur devait présenter un « Exposé sur l’utilité des relevés d’appels et de visites-clients : 4 minutes » . Le point 5 consistait à fixer une date pour la réunion de janvier 1995 et à établir un ordre du jour pour cette réunion. La note de service dit encore :

[TRADUCTION]

Passons en revue ce dont nous aurons besoin pour aborder la question du budget. Chaque personne devrait avoir préparé de l’information sur ses comptes-clients : nom du client, trousse de produits, feuille continue, etc.; chiffre d’affaires mensuel; potentiel de croissance du compte. Ensuite, chacun devrait avoir une liste des clients potentiels, avec toute l’information pertinente ainsi que la stratégie pour décrocher le compte. Nous examinerons 5 des comptes de chacun des représentants. Ensuite, nous remplirons nos feuilles de budget mensuelles pour fixer nos objectifs et disposer d’un outil pour l’avenir.

N’oubliez pas que nous examinerons nos progrès à chaque réunion et que c’est en équipe que nous travaillerons à atteindre nos objectifs.

[11] Selon le témoin, ces deux notes de service n'ont jamais été mises en application et, dans les faits, la direction n’en a pas tenu compte.

[12] La question sur laquelle la Cour doit se prononcer est de savoir si, de novembre 1993 au 31 juillet 1995, le travailleur a exercé ses fonctions de représentant pour l’appelante en vertu d’un contrat de louage de services créant une relation employeur-employé ou en vertu d’un contrat d’entreprise, en tant qu’entrepreneur indépendant.

[13] Dans ce genre d’appel, on est rarement en présence d’une situation claire. Une partie de la preuve fait pencher en faveur d’un contrat d’entreprise et l'autre en faveur d’un contrat de louage de services. Bien que le doute soit permis dans le cas présent, je suis convaincu, compte tenu de toutes les circonstances, y compris la déposition du témoin, les faits reconnus par les deux parties et les documents présentés en preuve, et à la lumière de la jurisprudence, que l’appelante a failli à son obligation de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la décision du ministre était erronée en fait et en droit et que le travailleur n’exerçait pas ses fonctions de représentant pour l’appelante en vertu d’un contrat de louage de services créant une relation employeur-employé.

[14] En conséquence, pour toutes ces raisons, les appels sont rejetés et la décision du ministre, rendue le 7 octobre 1997, est confirmée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour d’avril 1999.

« D.R. Watson »

J.S.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 18e jour de février 2000.

Mario Lagacé, réviseur

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