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Date: 19981113

Dossiers: 92-1124-IT-G; 94-3007-IT-G

ENTRE :

FRANÇOIS LANGLOIS,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Garon, C.C.I.

[1] Il s'agit d'appels de cotisation d'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1990 et 1991. Par ses cotisations pour les années en cause, le ministre du Revenu national a réduit à zéro la déduction pour dons de bienfaisance à l'égard de certaines oeuvres d'art réclamés par l'appelant dans chacune des années en cause. L'appelant conteste aussi la pénalité établie par la cotisation pour l'année d'imposition 1991.

[2] Les deux appels de l'appelant ont été entendus sur preuve commune. En outre, il y a eu audition commune d'une partie de la preuve et des plaidoiries dans les présents appels et dans les appels de cotisations d'impôt sur le revenu de monsieur Alain Côté (92-2773(IT)G), madame Louise Marcoux (93-3160(IT)G), monsieur Amédée Duguay (94-1081(IT)G) et de madame Diane L. Duguay (94-1084(IT)G). À ce point-ci, il y a lieu de noter que l'appelant dans les présentes affaires aussi bien que les quatre personnes qui viennent d'être mentionnées font partie d'un groupe d'environ 200 personnes qui ont acheté divers objets d'art et d'autres biens dans le but de les donner à des organismes de bienfaisance enregistrés.

[3] Dans un premier temps, pour les fins de ces appels, il me paraît important de fournir un récit assez détaillé des témoignages de l'appelant. Ce récit sera suivi d'un exposé circonstancié de la déposition de monsieur Marc Levert, un acteur clef dans le déroulement des événements qui sont au coeur de ce litige. La version d'un dirigeant d'un organisme bénéficiaire de dons, monsieur Julien Carignan, sera étudiée assez longuement. Finalement, le témoignage de monsieur Jacques Demers, agent des appels à Revenu Canada, vu son rôle important dans l'émission des cotisations dont appel, sera l'objet d'un rapport assez long. L'enquête menée par ce dernier a été complétée à l'égard d'un sujet seulement par monsieur Réjean Juneau.

[4] Je me réfère à la déposition de l'appelant.

[5] Ce dernier a été membre de la Sûreté du Québec pendant 32 ans. L'appelant a été informé par monsieur Robert Wright en septembre 1990 de l'existence d'un avantage fiscal lié aux dons de bienfaisance. Par la suite, il a demandé des renseignements supplémentaires sur cet avantage fiscal au bureau de Revenu Canada à Québec. Lors de sa visite à ce bureau, une dame lui a remis une brochure traitant des dons de bienfaisance. L'appelant n'avait pas toutefois mentionné tout le contexte de la transaction, notamment que la même personne recevait le prix de l'oeuvre d'art, procédait à l'évaluation et fournissait le reçu.

[6] En septembre 1990, l'appelant a rencontré monsieur Robert Wright qui l'a informé que monsieur Marc Levert de la Galerie des Maîtres Anciens vendait des oeuvres d'art. L'appelant s'est rendu au bureau de monsieur Levert qui lui a montré de la correspondance que ce dernier avait reçu de Revenu Canada établissant que l'achat d'oeuvres d'art dans le but de les donner à des organismes de bienfaisance était en conformité avec la Loi de l'impôt sur le revenu. La décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire The Queen v. Friedberg, 92 DTC 6031, fut portée à sa connaissance. Il a obtenu copie de cette documentation après que le ministre du Revenu national eut établi des cotisations réduisant à zéro la déduction réclamée par l'appelant à l'égard des oeuvres d'art.

[7] L'appelant a choisi trois tableaux et monsieur Levert lui a indiqué qu'il vendait des tableaux au tiers du prix de leur valeur marchande. L'appelant lui a indiqué qu'il voulait acquérir des tableaux ayant une valeur d'environ 10 500 $ car il savait que ce montant représentait la valeur maximale à l'égard de laquelle il pouvait réclamer une déduction au titre du crédit pour dons. L'appelant a consulté le Guide Vallée fourni par monsieur Levert qui indiquait le prix des oeuvres d'art que l'appelant avait choisies dans le but de s'assurer que les tableaux qu'il a acquis étaient mentionnés dans le Guide Vallée et que leur valeur correspondait à celle qui figurait dans le Guide Vallée. L'appelant a choisi l'Univers du Rail Inc. à la suggestion de monsieur Levert qui lui a fourni les coordonnées de monsieur Julien Carignan de l'Univers du Rail Inc. avec qui il a communiqué. Monsieur Carignan a suggéré à l'appelant qu'il laisse trois tableaux en consignation chez monsieur Levert.

[8] Avant de conclure la transaction, l'appelant est retourné à Revenu Canada pour s'assurer de la légalité des dons et un fonctionnaire dont il n'a pas demandé le nom lui a confirmé la conformité avec la Loi. Il n'a pas mentionné à ce fonctionnaire que le vendeur des tableaux était la même personne que l'évaluateur et le fournisseur de reçus. Vers la fin d'octobre 1990, l'appelant a confirmé à monsieur Levert qu'il voulait donner trois tableaux et il a alors obtenu les reçus et évaluations relatifs à l'achat des trois tableaux de monsieur Levert.

[9] L'appelant a aussi interrogé monsieur Levert au sujet du prix qu'il payait les tableaux par rapport à leur valeur. Ce dernier lui a répondu qu'il n'était pas obligé de vendre les tableaux à leur juste valeur marchande comme il est marchand. L'appelant a mentionné que cela lui paraissait étrange que monsieur Levert vende quelque chose à un prix inférieur à la juste valeur marchande mais il dit s'être fié à l'avis obtenu de Revenu Canada. Il a ajouté qu'il a négocié pour en arriver au prix de 3 253,50 $ pour les tableaux en question.

[10] L'appelant a ajouté qu'il ne se souvenait pas de ce que les tableaux représentaient. Il n'a pas emporté les tableaux chez lui et n'est jamais allé à l'intérieur du local de l'Univers du Rail Inc.

[11] Le 28 juin 1991, l'appelant a communiqué avec Revenu Canada et il a appris d'une dame Levasseur que son dossier a été acheminé à la section des Enquêtes spéciales à Québec. Il s'est entretenu de nouveau avec monsieur Levert. À la suite de ses discussions, l'appelant, son avocat et monsieur Levert sont allés rencontrer monsieur Chabot qui les informe qu'il y avait quatre ou cinq districts au Québec où les dons de bienfaisance avaient été « coupés » .

[12] Le 15 novembre 1991, l'appelant a rencontré madame Morin de Revenu Canada au sujet du fait que Revenu Canada déterminait que l'appelant avait fait un gain en capital sur la disposition de tableaux mais en même temps réduisait le don à zéro. Après une révision effectuée le 15 novembre 1991, établissant le don à 1 139,05 $ et un gain en capital à zéro et une autre visite de l'appelant à Revenu Canada, Revenu Canada décidait finalement le 30 janvier 1992 d'annuler le gain en capital imposable et de réduire le don à zéro pour l'année d'imposition 1990. Aucune pénalité ne fut imposée à l'appelant pour cette même année d'imposition.

[13] En ce qui a trait au don fait par l'appelant en 1991, le tribunal fut informé que l'appelant était membre d'un groupe « Association des donateurs aux organismes de charité » (ADOC). Ce sont messieurs Robert Wright et Jean-Yves Gagnon, des acheteurs de tableaux, qui ont formé ce groupement en 1990. L'appelant a été convoqué à cette réunion où il y avait plusieurs policiers.

[14] En 1990, messieurs Robert Wright et Jean-Yves Gagnon ont acquis des oeuvres d'art. L'appelant est devenu propriétaire de certains dessins de Fielding Downes d'une valeur de 10 000 $ en payant 2 500 $ à ADOC. De fait, l'appelant a payé 400 $ en décembre 1990, a fait 11 chèques de 100 $ le premier de ces chèques porte la date du 31 janvier 1991 et a versé le solde en espèces. L'appelant a affirmé qu'il est allé voir les tableaux à la Galerie Des Maîtres Anciens. Ce sont Messieurs Robert Wright et Jean-Yves Gagnon qui s'occupaient des paiements qui devaient être faits à monsieur Levert et de choisir l'organisme de bienfaisance auquel ces tableaux étaient donnés. L'appelant n'a pas pris de photographies des tableaux ni vérifié la chaîne de propriété des tableaux. Il n'a pas non plus reçu de factures d'achat des dessins de cet artiste avant la fin de l'année 1991 ou le début de l'année 1992; ADOC détenait ces pièces justificatives.

[15] L'appelant a communiqué avec monsieur St-Laurent au mois de décembre 1991 après avoir appris que les quatre dessins de Fielding Downes avaient été donnés à la Fondation Amérindienne Tecumseh plutôt qu'à l'Univers du Rail Inc. Monsieur St-Laurent a confirmé qu'il acceptait le don des tableaux en question. Au sujet de l'évaluation des tableaux, l'appelant s'est fié sur le Guide Vallée. À cet égard, il avait appelé aux bureaux de la compagnie d'assurance, la Capitale, pour savoir sur quoi cette compagnie s'appuyait si un tableau était volé ou brûlé. On lui a répondu qu'on se fondait sur des guides comme le Guide Vallée.

[16] Les évaluations furent remises à l'appelant par monsieur Robert Wright après une communication de Revenu Canada avec l'appelant. À cet égard, l'appelant ajoute que la documentation de Revenu Canada, comme la brochure « Dons en nature » mentionne que lorsqu'un contribuable fait sa déclaration de revenu, il garde ses reçus et évaluations en cas de demande par Revenu Canada.

[17] L'appelant a aussi reçu une lettre de madame Boucher de Revenu Canada après s'être informé de nouveau sur la légalité des dons aux organismes de bienfaisance. Le 16 février 1994, l'appelant écrit de nouveau à Revenu Canada pour savoir sur quoi il devait s'appuyer pour évaluer les dons faits à des organismes de bienfaisance. Madame Savard de Revenu Canada lui a alors expédié deux brochures « Dons en nature » et le « Guide – Gains en capital » .

[18] J'aborde maintenant la déposition de monsieur Marc Levert.

[19] Monsieur Levert était sans emploi au moment où il a donné son témoignage. Il était vérificateur pour le Comité paritaire « sur les services automobiles » de la région de Québec depuis les années 1970. En 1995, il quittait cet emploi. Il a fondé la Galerie des Maîtres Anciens Inc. en 1987 ainsi que la Tourelle, Maison d’encans Inc. La Tourelle, Maison d'encans et la Galerie des Maîtres Anciens ont été constituées en sociétés par actions en mars 1987. Depuis 1987, il s'est occupé de l'administration de ces deux maisons, avec sa femme, madame Denise Boily.

[20] Monsieur Levert affirme qu'il a commencé à s'intéresser aux oeuvres d'art comme collectionneur au début des années 1970. Il était particulièrement intéressé aux huiles sur toile et aux aquarelles. Il s’est aussi intéressé aux antiquités comme le bronze ou la porcelaine. Monsieur Levert a aussi indiqué qu’il a fait de nombreux déplacements pour fréquenter les galeries surtout au Québec pour acquérir des connaissances dans le domaine des peintures. De plus, il consultait des ouvrages sur ce sujet. Par la suite, monsieur Levert a commencé à acheter des tableaux en galeries, par exemple, de la Galerie Charles Huot ou la Galerie de Michel Décardo. Grâce aux catalogues d'encans qu'il recevait des maisons Fraser ou Sotheby's, il a commencé à fréquenter des maisons d’encans à Montréal comme les maisons Pinney's, Fraser et Empire. De plus, il se rendait aux encans à Toronto et recevait des catalogues d'oeuvres d'art de New York.

[21] Monsieur Levert affirme que depuis qu'il est dans le domaine de l'art, il évalue des tableaux surtout pour fins d'assurances et de dons. Durant les années 1983 et suivantes, il a commencé à évaluer des tableaux lorsqu'il était un agent à Québec de la Maison Pinney's de Montréal.

[22] Monsieur Levert affirme qu'il était particulièrement intéressé aux périodes comprenant le 17e siècle, le 18e, le 19e et le début du 20e siècle, jusque vers 1930. Il a dû s'adapter au marché car les personnes de la région concernée étaient plus familières avec les artistes de la période contemporaine qui va de 1920 à aujourd’hui. On le consulte toujours aujourd'hui en ce qui a trait à la période ancienne pour savoir notamment si la période mentionnée est bien la période en cause, si le tableau peut être restauré ou si le marché pour les oeuvres d’un artiste donné est bon. Il était consulté fréquemment par les antiquaires.

[23] Monsieur Levert a constaté, d’après son expérience, qu'il y avait deux marchés : le marché en galerie et le marché à l'encan; deux marchés complètement distincts. Dans le marché en galerie, on va y retrouver beaucoup plus les tableaux de l'artiste contemporain qui est actif actuellement ou qui est décédé dans une période relativement récente. Par exemple, Jean-Paul Lemieux est un artiste contemporain même s'il est décédé. Fielding Downes est aussi un artiste contemporain mais « à la limite » .

[24] Le marché à l'encan de tableaux peut être celui de maisons internationales comme Sotheby's à Toronto qui a des bureaux à Londres et à New York; ces maisons ont un système très sophistiqué. Dans ces encans, on utilise des catalogues de photographies en couleur où est estimé le prix du tableau à l'encan et non la valeur marchande. La deuxième catégorie d'encans est constituée de maisons locales comme à Montréal ou à Toronto qui n'ont pas le calibre des grosses maisons et leurs catalogues ne sont pas en couleur mais on publie plutôt une liste de ventes à l'encan. La troisième catégorie est constituée de petites maisons qui font des ventes à l'encan à l'occasion.

[25] La différence entre ces maisons c'est que plus la maison est importante, plus la publicité est forte, plus le nombre de clients qui est rejoint est élevé et plus le prix va se rapprocher du prix en galerie pour certains artistes. Aux encans importants on ne vend pas des tableaux d’artistes locaux.

[26] Monsieur Levert a indiqué qu’en ce qui concerne les années 1988, 1989 et 1990, ses deux commerces, c'est-à-dire la Galerie des Maîtres Anciens et la Tourelle, Maison d'encans, étaient exploités dans une même bâtisse. La Galerie des Maîtres Anciens après la vente de cette bâtisse a emménagé dans un autre endroit. Sur le plan des affaires, l'objectif de monsieur Levert était l'exploitation d'une maison d'encans où il s'occupait de communiquer avec différentes personnes pour leur demander de lui apporter les tableaux qu'elles désiraient revendre. De plus, la Galerie des Maîtres Anciens achetait des tableaux à l'occasion et ces tableaux étaient confiés à La Tourelle, Maison d'encans, pour être revendus dans une vente aux enchères publiques. La Galerie des Maîtres Anciens faisait aussi des ventes privées.

[27] Monsieur Levert a expliqué ce qui l'a amené à vendre des tableaux pour fins de dons en substance comme suit :

1. il avait fait des dons et des ventes directement aux gouvernements et à différents organismes avant 1986;

2. lorsque son employeur, le Comité paritaire, a cessé ses opérations temporairement, ses amis lui ont demandé de faire de la vente de tableaux pour fins de dons.

Par la suite, en 1986, monsieur Levert et son épouse sont allés au bureau du représentant de Revenu Canada à Ottawa pour s'informer sur la légalité de cette opération. Un dénommé Boutet (apparemment un avocat du Gouvernement fédéral) leur a dit que « c'est tout à fait légal » . C'est à partir de ce moment que monsieur Levert a commencé à vendre des tableaux ouvertement à des gens dans son entourage avant d'ouvrir son commerce.

[28] En 1987, monsieur Levert a ouvert la Tourelle, Maison d'encans, et la Galerie des Maîtres Anciens et les dons qu'il effectuait à ce moment-là n'étaient pas l'élément principal de ses activités. Il était convaincu que l'achat de tableaux dans le but de faire des dons était tout à fait légitime. Il a mentionné que durant les années 1987 à 1991, la partie de son chiffre d'affaires reliée à des dons de bienfaisance ne représentait pas plus de dix ou 15 pour cent du chiffre total de ses ventes. En outre, monsieur Levert a témoigné n’avoir jamais fait de la publicité concernant les dons mais il existe un document avec le logo de la Galerie des Maîtres Anciens où une telle publicité a été faite. D'après lui, ce sont ses associés qui se sont chargés de cette publicité.

[29] En général, la façon de procéder de monsieur Levert avec les clients auxquels il vendait des tableaux pour fins de donation était la suivante : les clients étaient dirigés vers lui, il contactait alors un organisme de bienfaisance ou un musée et demandait au responsable de l'organisme ou du musée s'il était intéressé à une telle catégorie de tableaux. Ensuite, lorsqu'il trouvait un tableau qui était acceptable à un musée ou à un organisme de charité, il informait le donateur de la possibilité d'acquisition de quelques tableaux que monsieur Levert pourrait revendre. Le montant était habituellement déterminé d'avance à 25 pour cent de la valeur normale du tableau en galerie. Monsieur Levert incluait dans les factures montrant le prix de vente qui avait été négocié les frais professionnels qui étaient chargés aux clients.

[30] Monsieur Levert expliquait aussi aux donateurs la façon de procéder et il les encourageait à vérifier auprès de Revenu Canada la légitimité de l'opération. Il a aussi mentionné que plusieurs personnes lui ont posé des questions par rapport à la légitimité de l'opération relativement à la différence entre le montant de l'évaluation d'une oeuvre d'art et son prix de vente. Les évaluations de monsieur Levert, selon son témoignage, s'appuyaient sur les principaux volumes de référence, surtout le Guide Vallée. De plus, lorsque monsieur Levert avait un doute sur la valeur d'un tableau selon un guide donné, il téléphonait à la galerie qui représentait l'artiste ou il consultait d'autres galeries, par exemple, à Montréal. Par contre, il a reconnu qu’il y avait des variations importantes dans les guides, comme le Guide Vallée, en ce qui concerne les prix de peintures. Il a aussi mentionné que le Guide Vallée est simplement un « guide » qui suggère des prix.

[31] Monsieur Levert a reconnu qu'en règle générale, il remettait le reçu, l'évaluation et la facture à ses clients. Il a ajouté qu'il n'avait pas de raison particulière pour laquelle lui-même plutôt que l'organisme concerné acheminait au donateur le reçu de cet organisme. Il a mentionné que dans la majorité des cas, c'était lui qui remettait le reçu au donateur.

[32] Monsieur Levert n'a pas contesté le fait que les mêmes tableaux se retrouvaient plusieurs fois dans les différents organismes de bienfaisance car ces organismes revendaient les peintures à l'encan ou même privément. Ces tableaux pouvaient être « redonnés » à d'autres organismes de bienfaisance.

[33] Monsieur Levert affirme que la principale activité de son commerce était d'acheter des tableaux en très grande quantité à bas prix et de les vendre en gros plutôt que de les vendre au détail à plein prix par l'entremise de la Galerie des Maîtres Anciens. La vente aux encans constituait la principale activité de son commerce. De plus, il a ajouté qu'il vendait aussi à des marchands, à des galeries et à des collectionneurs qui à leur tour revendaient les peintures de 20 à 40 fois leur prix d'acquisition. Il explique qu'il vendait à un quart de la valeur en galerie ou de la valeur mentionnée dans le Guide Vallée parce qu'il s'était fixé un barème de 25 pour cent à cet égard pour le prix de vente de tableaux pour fins de dons. Il ajoute qu'il a dirigé des clients vers une quinzaine d'organismes de bienfaisance différents au cours des années.

[34] Monsieur Levert a décrit la procédure relative aux dons faits à l'Univers du Rail Inc. de la façon suivante : il appelait le président de l'organisme de bienfaisance et lui expliquait qu'il avait une personne désireuse de faire un don de tel tableau et le don serait de tel montant. Par la suite, le président de l'organisme émettait le reçu à la personne concernée qui le recevait de monsieur Levert. Ce dernier ajoute que c'était lui qui procédait à l'évaluation pour l'Univers du Rail Inc. Il y avait une copie de l'évaluation qui était remise à cet organisme avec une liste indiquant que telle personne avait donné tel tableau pour tel prix. De plus, monsieur Carignan de l'Univers du Rail Inc. est allé dans certains cas seulement voir les tableaux. Au sujet de la documentation relative à ces dons, monsieur Levert a été l'objet d'une demande péremptoire de production de documents. Il a reconnu qu'il a détruit les listes dont il vient d'être question, listes qu'il avait conservées pendant un certain temps et qu'il fournissait à l'Univers du Rail Inc. relativement aux transactions faites aux encans.

[35] En ce qui concerne la Fondation Amérindienne Tecumseh, monsieur Levert a été approché par monsieur Jacques St-Laurent qui lui a demandé s'il pouvait lui envoyer des clients. Il s'agit d'une opération de même nature que celle qui concernait l'Univers du Rail Inc. Cependant, monsieur Levert a ajouté que dans les jours ou semaines qui suivaient le don, soit un représentant de la Fondation Amérindienne Tecumseh venait chercher les tableaux ou encore monsieur Levert allait leur livrer. Les tableaux n'étaient pas entreposés. De plus, monsieur St-Laurent, président de cette fondation, avait son propre évaluateur mais monsieur Levert reconnaît qu'il a sûrement fait des évaluations pour cette dernière.

[36] Monsieur Levert affirme que le marché d'une maison d'encans se fait à un moment précis dans le temps. Les personnes intéressées ont une ou deux journées pour visiter et voir les tableaux et par la suite, la vente a lieu. La garantie est limitée à 15 ou 30 jours pour confirmer la valeur du tableau. En ce qui concerne le marché en galerie, il y a une exposition et le client peut visiter la galerie à loisir. De plus, le client n'est pas tenu de payer la peinture au complet lors de l'achat; il peut conclure des arrangements au sujet des modalités de paiement. La garantie est aussi supérieure à celle offerte par une maison d'encans. L'encan est un marché où on achète dans le but de revendre.

[37] Le prix à l'encan peut être jusqu'à 25 fois moins élevé que le prix habituel en galerie, autant pour des artistes réputés que pour les autres. Plus le tableau est de valeur inférieure, plus la marge entre le prix à l'encan et le prix en galerie est élevée. Au regard du prix en galerie, c'est soit l'artiste qui le suggère ou la galerie. Les clients d'une galerie ne sont pas nécessairement les mêmes que ceux qui se rendent aux ventes à l'encan.

[38] Monsieur Levert a connu l'appelant par l'intermédiaire de monsieur Robert Wright. Lors d'une rencontre entre monsieur Levert et l'appelant, monsieur Levert relate que l'appelant voulait obtenir des renseignements généraux sur le processus relatif à l'acquisition d'une oeuvre d'art dans le but d'en faire un don et sa légalité. À cet égard, monsieur Levert s'est souvenu lui avoir montré de la correspondance qu'il avait reçu de Revenu Canada et lui avoir fait voir, en particulier, une lettre qu'il avait écrit à monsieur Guy Drolet de Revenu Canada et une réponse de monsieur Jacques Demers. Monsieur Levert mentionne que finalement l'appelant a transigé avec lui et a accepté de faire un don à l'Univers du Rail Inc. vers la fin d'octobre 1990. C'est monsieur Levert qui a fait les évaluations des tableaux acquis par l'appelant et les a remises à l'Univers du Rail Inc. Le reçu de l'Univers du Rail Inc. fut transmis à monsieur Levert qui l'a à son tour remis à l'appelant.

[39] Monsieur Levert affirme qu'il a bien connu messieurs Robert Wright et Jean-Yves Gagnon et a conclu des transactions avec eux. Il a relaté que messieurs Robert Wright et Jean-Yves Gagnon ont formé un groupement (ADOC) qui achetait des peintures pour fins de dons et monsieur Levert les assistait dans leur recherche de tableaux. Le but du groupement, selon lui, était d'acheter des tableaux et de les revendre peu de temps après. Monsieur Levert les informait du prix et du nombre de tableaux en galerie. Pour le compte d'ADOC, monsieur Levert s'est occupé de faire les dons à la Fondation Amérindienne Tecumseh et la Fondation Artrix. Monsieur Levert témoigne qu'il appelait le responsable de l'organisme de bienfaisance qui venait voir les tableaux. Dans certains cas, a-t-il dit, l'organisme laissait les tableaux à la Galerie des Maîtres Anciens et un représentant de l'organisme venait les chercher plus tard. C'est seulement l'Univers du Rail Inc., selon monsieur Levert, qui laissait les peintures à la galerie de ce dernier pour une longue période. Monsieur Levert a aussi mentionné qu'il est possible qu'il ait fait des évaluations pour le groupe ADOC et la Fondation Artrix concernant le cartable de Fielding Downes en se basant sur le Guide Vallée 1993 non encore publié en 1992.

[40] Au sujet du cartable Fielding Downes, il a été vendu par la Tourelle, Maison d'encans. Selon monsieur Levert, à peu près la moitié du cartable avait été acquise par lui de monsieur Jacques Morin, une autre portion de monsieur Sanchez et le reste de particuliers.

[41] Monsieur Levert a aussi indiqué qu'il a vendu au groupe ADOC un grand nombre de tableaux à un prix représentant 25 pour cent de son prix d'acquisition. Le groupe a acheté de monsieur Levert 80 pour cent des 100 tableaux du cartable de l'artiste en question, que monsieur Levert détenait. Ces tableaux étaient entreposés à la Galerie des Maîtres Anciens. C'est monsieur Levert qui a évalué ces tableaux.

[42] Monsieur Levert a relaté qu'au printemps 1988, il y a eu une perquisition à sa résidence, sur les lieux de ses commerces, chez son comptable et chez d'autres personnes à Québec, notamment des évaluateurs et marchands. Cette perquisition s'est faite dans le cadre d'une enquête portant, selon Revenu Canada, sur un stratagème fiscal. Monsieur Levert a alors écrit à madame Boucher de Revenu Canada à Ottawa, le 14 novembre 1988. Monsieur Levert avait auparavant communiqué avec madame Boucher par téléphone étant donné qu'un fonctionnaire de la Division des Organismes de charité de Revenu Canada l'avait dirigé vers cette dernière. De plus, il affirme avoir fait une autre démarche par la suite auprès de monsieur Carl Juneau de Revenu Canada, ayant été dirigé vers ce dernier par un responsable de la Division des Organismes de charité. Enfin, il a été aussi en contact avec monsieur Laval Mailhot du bureau de Revenu Canada à Québec pour lui demander ce qui constituait, selon lui, la juste valeur marchande d'un bien et monsieur Mailhot de lui répondre que, selon la loi, la juste valeur marchande est le prix le plus élevé qui est négocié entre une personne intéressée à vendre et non obligée et un acheteur intéressé à acheter mais non obligé. Il affirme qu'il a continué à vendre des tableaux pour fins de donation malgré l'enquête du Ministère parce qu'il était persuadé que tout était conforme à la loi et même encouragé par la loi. Il a aussi refusé l'accès aux enquêteurs de Revenu Canada à plusieurs reprises car il leur demandait d’indiquer par écrit ce qu'ils voulaient obtenir et Revenu Canada ne se conformait pas à ces demandes. Il était harcelé par Revenu Canada, selon son témoignage.

[43] Avant de clore le résumé du témoignage de monsieur Levert, il importe de noter que quatre accusations distinctes ont été portées contre monsieur Levert. À la suite de certaines dispositions prises avec les procureurs du Gouvernement, il a été convenu qu’il n’y aurait qu'un seul procès sur la base suivante : si monsieur Levert était acquitté, cela mettrait fin aux poursuites, dans le cas contraire, il plaiderait coupable à l'égard des autres accusations. La Cour du Québec, chambre criminelle, conclut à la culpabilité de monsieur Levert sur la base qu'il n'avait pas déclaré tous ses revenus pour l'année 1986. Le 7 avril 1997, monsieur Levert s’est vu infligé une peine d'emprisonnement de dix mois et une période de probation de deux ans. Il ne devait pas agir directement ou indirectement à titre d'évaluateur, promoteur, agent ou consultant relativement à des donations d'oeuvres d'art auprès d'organismes sans but lucratif, notamment les organismes de bienfaisance, les musées et les fabriques. Cependant, l'ordonnance de probation n'était exécutoire qu'à compter de la date d'expiration de la peine d'emprisonnement de monsieur Levert, peine qui n'a pas encore entièrement été purgée. À ce sujet, monsieur Levert a ajouté que son plaidoyer de culpabilité visait plutôt le « back-dating » , pour utiliser son expression, que la question d'évaluations de tableaux.

[44] Le témoignage de monsieur Julien Carignan est intéressant parce qu'il nous fait connaître la version des faits d'un dirigeant d'un organisme qui a bénéficié du système de dons dont il est question dans ces appels.

[45] Monsieur Carignan est devenu membre de l'Univers du Rail Inc. en 1986 et est devenu membre du Conseil d'administration de cette société en 1987. L'Univers du Rail Inc. possédait un genre de musée ferroviaire qui avait été établi à Charny en 1978. Cet organisme était composé de membres qui étaient des anciens employés des sociétés ferroviaires ou des « mordus » de chemin de fer. Entre 1978 et 1986, la source principale de financement provenait de la vente de pièces de monnaie qui rapportait environ 4 000 $ ou 5 000 $ par année. En 1987, l'Univers du Rail Inc. acquérait deux wagons grâce à des fonds fournis par cinq membres.

[46] L'Univers du Rail Inc. est devenu un organisme de bienfaisance enregistré en 1987 lorsque monsieur Jacques Lamy, un administrateur et un ancien ingénieur du Canadien Pacifique Ltée, fut mis au courant de la possibilité que cet organisme puisse recevoir des dons de bienfaisance et émettre des reçus. L'Univers du Rail Inc. pourrait ainsi avoir une plus grande envergure. D'après monsieur Carignan, bien qu'il fût administrateur, c'est monsieur Alain St-Amand, le président de l'Univers du Rail Inc. à l'époque pertinente, qui s'est occupé de la demande d'enregistrement auprès des autorités fiscales.

[47] Monsieur Carignan a rencontré monsieur Levert en 1988 lors d'une visite de ce dernier à la résidence de monsieur St-Amand. C'est monsieur Levert qui les a informés qu'il pouvait obtenir des dons pour l'Univers du Rail Inc. Monsieur Carignan a affirmé qu'une entente verbale fut conclue selon laquelle monsieur Levert solliciterait des dons pour l'Univers du Rail Inc. et que cet organisme recevrait dix pour cent de la valeur des tableaux. C'est monsieur Jacques Lamy qui a pris l'initiative de communiquer avec monsieur Levert. Monsieur Levert vendait des tableaux à des donateurs et non à l'Univers du Rail Inc. C'est monsieur Levert qui procédait à l'évaluation des tableaux.

[48] Monsieur Carignan témoigne qu'il faisait entièrement confiance à monsieur Levert et se fiait à la brochure de Revenu Canada qui traitait de la légalité de faire des dons de bienfaisance. Personne à l'Univers du Rail Inc. n'avait des raisons de croire qu'il était illégal ou frauduleux de faire des dons jusqu'au moment où Revenu Canada a informé la direction de l'Univers du Rail Inc. que cet organisme devrait normalement recevoir 90 pour cent du produit de la vente des tableaux. Monsieur Carignan a informé Revenu Canada que l'Univers du Rail Inc. ne recevait que dix pour cent de ce produit. Comme personne à l'Univers du Rail Inc. ne connaissait le domaine de l'art, les dirigeants de cet organisme avaient confié à monsieur Levert le côté financement des opérations relatives à l'acquisition des oeuvres d'art. Monsieur Levert leur avait expliqué que le Guide Vallée était un répertoire de la juste valeur marchande des tableaux. Monsieur Carignan affirme qu'il croyait que les montants indiqués sur les reçus représentaient la juste valeur marchande des tableaux.

[49] Monsieur Carignan témoigne que les dirigeants de l'Univers du Rail Inc. auraient pu voir les tableaux qui étaient donnés à cet organisme s'ils l'avaient voulu. Monsieur Carignan s'est rendu à plusieurs reprises à la Galerie des Maîtres Anciens et n'aurait pas cependant pu identifier les tableaux qui ont été donnés à cet organisme. Ces tableaux étaient entreposés à la Galerie des Maîtres Anciens parce que l'Univers du Rail Inc. n'avait pas de locaux adéquats pour les remiser. Il a ajouté que la Galerie des Maîtres Anciens faisait des ventes à l'encan à l'automne et une partie du produit de ces ventes à l'encan était acheminée à l'Univers du Rail Inc. Le nombre des dons de tableaux à cet organisme s'est élevé à cinq ou six en 1987 pour augmenter plus tard à une trentaine.

[50] En janvier 1992, Revenu Canada a reproché aux dirigeants de l'Univers du Rail Inc. de ne pas avoir de contrôle sur leurs dons. Ces dirigeants ont alors décidé de louer un entrepôt chauffé où ils devaient entreposer toutes les peintures avant de les retourner à monsieur Levert à l'automne pour qu'elles soient vendues à l'encan. Ce plan de l'Univers du Rail Inc. ne s'est jamais concrétisé parce que Revenu Canada est venu prendre possession des peintures en février 1992 et les a remisées à la gare maritime Champlain. Monsieur Carignan n'était plus alors président de l'Univers du Rail Inc. Les peintures ont été finalement retournées à l'Univers du Rail Inc. et ont été vendues au marché aux puces pour un prix dérisoire.

[51] Monsieur Carignan mentionne que pendant les années où il était l'un des dirigeants de l'Univers du Rail Inc., un policier a communiqué avec lui pour s'enquérir au sujet de la légalité des dons. Monsieur Carignan lui a alors indiqué que, d'après lui, tout était conforme à la loi. L'Univers du Rail Inc. n'a jamais émis de reçus frauduleux. Monsieur Carignan a admis avoir fait de la publicité à la télévision en novembre 1991 pour l'Univers du Rail Inc. et ainsi avoir sollicité avec succès des dons d'oeuvres d'art pour cet organisme. La révocation par Revenu Canada de l'enregistrement de l'Univers du Rail Inc. s'est faite en 1992.

[52] Monsieur Carignan déclare aussi que monsieur Levert lui indiquait ce qui devait être écrit sur les reçus, à qui les reçus devaient être faits et à l'égard de quelles oeuvres d'art ces reçus se rapportaient. Durant une certaine période, les évaluations étaient remises à l'Univers du Rail Inc. en même temps que certains autres documents relatifs à ces transactions. Plus tard, l'Univers du Rail Inc. devait demander qu'on lui remette les évaluations.

[53] Monsieur Carignan indique que l'Univers du Rail Inc. faisait entièrement confiance à monsieur Levert. Pendant deux ou trois ans, l'Univers du Rail Inc. a obtenu dix pour cent du produit de la vente des tableaux, comme il avait été convenu. Par la suite, la situation s'est détériorée.

[54] En s'appuyant sur les états financiers de l'Univers du Rail Inc. pour les années indiquées ci-après, le total des montants des reçus, selon monsieur Carignan, s'établissait ainsi :

Années d'imposition    Reçus

1988    100 000 $

1989    250 000 $

1990    500 000 $

1991 1 000 000 $

Monsieur Carignan informe le tribunal que la vente des tableaux que l'Univers du Rail Inc. avait reçus en dons avait rapporté à ce dernier organisme les sommes suivantes pour les années ci-après mentionnées :

Années d'imposition Reçus

1989 15 020 $

1990 23 500 $

1991 15 400 $

[55] La déposition de monsieur Jacques Demers jette un éclairage sur la nature de l'enquête conduite par Revenu Canada et sur les éléments d'ordre factuel et juridique qui sous-tendent les cotisations émises à l'égard de l'appelant pour les années en cause.

[56] Monsieur Demers est agent des appels à Revenu Canada depuis avril 1994. Son poste précédent était celui d'enquêteur à la Section des enquêtes spéciales au même Ministère. Monsieur Demers s'est familiarisé avec les dossiers de l'appelant pour les années d'imposition 1990 et 1991.

[57] L'enquête qui fut menée par monsieur Demers a comporté trois phases. La phase I visait les années d'imposition 1986 et 1987, la phase II, les années d'imposition 1988, 1989 et 1990 et la phase III, les années d'imposition 1991 et 1992.

[58] Dans le cadre de la phase I, l'enquête visait les organismes de bienfaisance comme la Société protectrice des animaux, le Musée Louis-Hémon de Péribonka et le Musée Pierre-Boucher de Trois-Rivières. Le Ministère procéda à une enquête après qu'il se fut rendu compte qu'un stratagème fiscal avait été mis en place par des promoteurs, stratagème qui consistait à vendre des oeuvres d'art dont la valeur était gonflée aux fins de donations à des organismes de bienfaisance. Selon Revenu Canada, ce stratagème comportait spécifiquement la vente de reçus de charité à 20 ou 25 pour cent des montants qui figuraient sur ces reçus. Les experts retenus par Revenu Canada ont établi que les évaluations des oeuvres d'art étaient démesurées.

[59] En ce qui concerne les cotisations pour les années d'imposition 1986 et 1987, à l'égard de contribuables qui avaient fait des dons pour ces deux années et qui avaient participé à la sorte d'arrangements prévus au paragraphe précédent, Revenu Canada a réduit la valeur des dons tout en reconnaissant qu'il y avait eu des véritables dons.

[60] Quant aux cotisations pour les années d'imposition 1988, 1989 et 1990, à l'égard des contribuables qui ont fait des dons pour ces années et qui ont été visés par cette enquête, Revenu Canada a adopté la position qu'il avait absence d'intention libérale au moment du don en s'appuyant sur les décisions de cette Cour dans les affaires Guy Dutil c. R. et Réjean Gagnon c. R., toutes deux datées du 25 juillet 1991.

[61] Selon monsieur Demers, monsieur Levert était l'un des promoteurs qui étaient visés dans l'enquête. D'après lui, monsieur Levert vendait des oeuvres d'art à des prix qui représenteraient généralement 20 pour cent des montants inscrits sur les reçus. Monsieur Demers croyait que les organismes de bienfaisance en question n'agissaient pas en pleine connaissance de cause et se faisaient manipuler par monsieur Levert. Le fait que monsieur Levert soit, dans bien des cas, à la fois le vendeur des oeuvres d'art et l'évaluateur de ces mêmes oeuvres a fortement influencé monsieur Demers.

[62] Dans le cas de la phase II de l'enquête, Revenu Canada a ciblé les organismes de bienfaisance et a monté des dossiers sur des contribuables pour constituer une banque de données où devaient être consignés les reçus, les preuves d'achat, les factures, les preuves de paiement et les chèques. Cette cueillette de données avait comme but de déterminer ceux qui faisaient partie du stratagème de vente de reçus pour fins fiscales et ceux qui étaient de véritables donateurs, c'est-à-dire ceux qui possédaient les oeuvres d'art depuis un certain nombre d'années. Dans le cas des véritables donateurs, Revenu Canada ne contesterait que la valeur des oeuvres d'art tandis que dans le cas des autres contribuables, Revenu Canada ne reconnaîtrait pas qu'il avait eu de véritables dons.

[63] D'après monsieur Demers, en s'appuyant sur les décisions Dutil et Gagnon, précitées, une distinction devait être faite entre les contribuables qui possédaient les oeuvres pendant un certain temps et en étaient donc les véritables propriétaires et les contribuables qui achetaient ces oeuvres pour fins de dons. Monsieur Demers a fait valoir le point de vue que pour faire une donation, il faut être propriétaire du bien, le détenir et avoir une intention libérale. Les cotisations dont appel s'appuient sur deux éléments, l'absence d'intention libérale et le fait que l'organisme ne devenait pas propriétaire des tableaux aux fins d'en disposer à sa guise. Revenu Canada mettait en doute l'opération selon laquelle monsieur Levert vendait les tableaux, était mandataire pour la consignation des tableaux aux fins de la revente et les donateurs ne choisissaient pas les organismes de bienfaisance. Monsieur Demers a souligné qu'au cours de son enquête à partir de 1987 il n'est jamais arrivé qu'un donateur ait payé pour une oeuvre le montant qui était inscrit sur le reçu obtenu pour fins fiscales.

[64] Monsieur Demers a mentionné qu'il y a eu enquête dans le cas de dons faits à la Fondation Amérindienne Tecumseh, la Société protectrice des animaux et l'Univers du Rail Inc.

[65] L'enquête impliquant la Fondation Amérindienne Tecumseh a pris fin à la suite du décès de monsieur Alain St-Laurent, son président. Quant à l'enquête portant sur l'Univers du Rail Inc., elle s'est terminée par révocation de son enregistrement comme organisme de bienfaisance. Aucune poursuite pénale ne fut prise contre l'un ou l'autre de ces trois organismes. Aucun organisme de bienfaisance ne fut cotisé en vertu de la Partie V de la Loi qui établit un impôt dans certaines circonstances à l'égard d'un organisme de bienfaisance dont l'enregistrement est révoqué.

[66] Monsieur Demers témoigne qu'à la suite de son enquête relative à la Fondation Amérindienne Tecumseh, il était venu à la conclusion que les prix des oeuvres d'art étaient basés sur des reçus non officiels, numérotés (qu'on avait pu obtenir dans une papeterie), où étaient indiqués « le numéro du dossier, le genre de système qui avait été vendu et le prix de vente » . Les évaluations sur la base desquelles étaient émis les reçus pour fins fiscales avaient été obtenues à la suite d'une rencontre ultérieure de monsieur Demers avec monsieur St-Laurent.

[67] Monsieur Demers relate qu'à la suite de sa demande, monsieur St-Laurent de la Fondation Amérindienne Tecumseh lui avait fourni 50 reçus, le livre de procès-verbaux de cet organisme, les dossiers des donateurs qui ne contenaient pas cependant les évaluations. Les oeuvres d'art n'étaient plus disponibles chez la Fondation lors de sa vérification. En août 1991, monsieur Demers a examiné les livres comptables de la Fondation et a noté qu'en 1988, 50 reçus avaient été émis pour une valeur globale de 373 984 $, qu'en 1989, 108 reçus avaient été émis pour une valeur de 731 158 $ et qu'en 1990 des reçus avaient été fournis pour une valeur totale de 1 728 593,57 $.

[68] Monsieur Demers a obtenu des renseignements de monsieur Guy Drolet, de la section des Enquêtes spéciales de Revenu Canada, qui avait été mandaté par son Ministère pour mener une enquête qui a porté sur la Galerie des Maîtres Anciens, six mois après la vérification qui avait été faite à l'Univers du Rail Inc. Ces renseignements lui ont permis de constater qu'il avait un lien entre la Galerie des Maîtres Anciens et la Fondation Amérindienne Técumseh. Monsieur Demers a en effet associé certaines factures de ventes de la Galerie des Maîtres Anciens à des reçus de la Fondation Amérindienne Técumseh. Les factures de ventes de la Galerie des Maîtres Anciens pour l'année 1988 visaient des oeuvres qui avaient fait l'objet de dons à la Fondation Amérindienne Técumseh et avaient été vendues à des prix représentant 25 pour cent des montants indiqués sur les reçus. Monsieur Demers n'a pu obtenir les factures de la Galerie des Maîtres Anciens pour les années 1989 et 1990. Monsieur Demers ajoute à ce sujet que les démarches pour obtenir de la documentation concernant la vente d'oeuvres d'art de la Galerie des Maîtres Anciens, n'ont pas porté fruit. Des demandes péremptoires de production de documents ont été faites mais sans succès par Revenu Canada. Des accusations ont été portées par la suite contre les entités, propriétaires de la Galerie des Maîtres Anciens, la Tourelle, Maison d'encans, et monsieur Levert en sa qualité d'administrateur de ces sociétés. Des condamnations pour destruction de documents ont été prononcées par le tribunal.

[69] Quant à l'enquête relative à l'Univers du Rail Inc. elle a débuté à l'automne 1989. Dans le cadre de cette enquête, monsieur Demers a rencontré messieurs Alain St-Amand et Julien Carignan respectivement président et gérant de cet organisme. L'état des résultats de cet organisme pour l'année se terminant le 31 décembre 1988 montre un revenu de 10 000 $ au poste de ventes à l'encan. Monsieur St-Amand informe monsieur Demers qu'il existait une entente verbale selon laquelle les oeuvres d'art données à l'Univers du Rail Inc. devaient être vendues à des prix qui ne devaient pas être inférieurs à dix pour cent des montants indiqués sur les reçus. Cet arrangement constituait une source de financement pour l'Univers du Rail Inc. C'est monsieur Levert qui recrutait les donateurs d'oeuvres d'art à l'Univers du Rail Inc. et les dirigeants de cette dernière société ne les rencontraient pas. Monsieur Levert fournissait les reçus et des évaluations au nom de la Galerie des Maîtres Anciens.

[70] Monsieur Demers a aussi fait état du fait qu'une demande péremptoire et certaines autres démarches furent faites auprès de l'Univers du Rail Inc. Malgré ces initiatives, il a obtenu peu de renseignements de cet organisme. En particulier, monsieur Demers n'a pu voir aucun des tableaux qui furent donnés à l'Univers du Rail Inc. lorsqu'il a fait une visite des lieux.

[71] Monsieur Demers a aussi établi un lien entre les factures de la Galerie des Maîtres Anciens et l'Univers du Rail Inc. Ce dernier organisme a émis 14 reçus le même jour, soit le 7 décembre 1988. Les évaluations étaient également datées du 7 décembre 1988. Les montants sur les factures de biens acquis par l'appelant, y compris celles concernant plusieurs autres contribuables, représentaient le même pourcentage de 25 pour cent des montants figurant sur les reçus.

[72] Durant le mois d'août 1991, monsieur Demers a rencontré de nouveau monsieur Julien Carignan et ce dernier lui a remis les états financiers des années 1989, 1990 et 1991 de l'Univers du Rail Inc. Monsieur Demers a fait le bilan au niveau des reçus émis par cet organisme en 1988. Il a conclu qu'en 1988, 34 reçus ont été émis pour une valeur globale de 207 200 $ et que la contrepartie figurant aux états financiers de cet organisme à l'époque était de 10 000 $, montant qui représente quatre pour cent des montants reçus. Quant à l'année 1989, monsieur Demers a constaté que 39 reçus avaient été émis pour une valeur globale de 215 895 $ et que la contrepartie figurant aux états financiers était de 10 020 $, soit quatre pour cent des montants figurant sur les reçus. Finalement, pour l'année 1990, monsieur Demers a noté que 59 reçus avaient été émis pour une valeur totale de 621 394 $ et que la contrepartie obtenue par l'organisme en question était de 23 500 $, ce qui représente trois pour cent des montants des reçus.

[73] Dans le cadre de son enquête, monsieur Demers ne s'est pas préoccupé d'établir la juste valeur marchande des oeuvres d'art, qui ont été l'objet de dons à des organismes de bienfaisance, selon le point de vue des contribuables concernés, au motif que Revenu Canada ne reconnaissait pas la validité de ces dons d'oeuvres d'art. Selon le Ministère, les contribuables n'achetaient pas des oeuvres d'art mais plutôt des reçus. Il y avait absence d'intention libérale de la part de l'appelant. Le ministère n'a pas fait une contre-expertise à l'égard des valeurs des oeuvres d'art établies par monsieur Levert. Ainsi, la valeur des oeuvres d'art n'a pas été déterminée par Revenu Canada aux époques pertinentes au cours de l'enquête en question.

[74] En ce qui concerne le groupe ADOC ci-dessus mentionné, monsieur Demers a obtenu des reçus de la Fondation Artrix lors d'une enquête au mois de juin 1992. Lors de cette visite, monsieur Demers n'a vu qu'un seul tableau dans les locaux de la Fondation Artrix. Les évaluations n'étaient pas datées et aucune mention du donateur n'était faite.

[75] Le travail de l'enquêteur, monsieur Réjean Juneau, de la section des enquêtes spéciales de Revenu Canada, complète l'enquête de monsieur Demers. Elle a porté notamment sur la provenance des dessins de Fielding Downes. À Revenu Canada, on avait noté les montants élevés des reçus relatifs aux dons de bienfaisance portant sur ces dessins. Monsieur Juneau a été le seul à mener l'enquête sur cette question. En ce qui concerne la détermination de la valeur des tableaux de Fielding Downes, ses recherches se sont limitées au Guide Vallée. Il a déterminé que le total des montants des reçus relatifs aux dons de tableaux de l'artiste Fielding Downes s'établissait à 1 058 050 $. Les organismes de bienfaisance qui ont bénéficié de ces dons étaient l'Univers du Rail Inc., la Fondation Amérindienne Tecumseh, la Société protectrice des animaux et la Fondation Artrix.

[76] Toutes les évaluations de ces tableaux faisaient référence au Guide Vallée et il était fait mention de la Galerie, l'Oeuvre, dont le propriétaire était monsieur John Sanchez. Lors d'une visite à cette galerie, monsieur Juneau a remarqué qu'il y avait quatre tableaux de Fielding Downes qui étaient en vente, que le plus grand tableau mesurait 14 po x 18 po et que le prix demandé était 325 $. Le prix affiché pour cette aquarelle était légèrement en bas du prix mentionné dans le Guide Vallée. Monsieur Sanchez l'a informé que le prix indiqué dans le Guide Vallée devait être réduit de 20 pour cent pour en arriver au « bon prix » . Monsieur Juneau n'est pas allé dans d'autres galeries pour vérifier la justesse des prix de tableaux établis de la façon indiquée par monsieur Sanchez. Monsieur Juneau ne s'était pas présenté lors de cette visite comme agent de Revenu Canada.

[77] Par la suite, monsieur Juneau a rencontré monsieur Félix Vallée, l'éditeur du Guide Vallée, et lui a dévoilé qu'il était agent de Revenu Canada. Monsieur Vallée était accompagné de son avocat. Monsieur Vallée a refusé de montrer ses dossiers.

[78] Quelques semaines plus tard, monsieur Juneau a rencontré monsieur Jacques Morin, agent de Fielding Downes, selon le Guide Vallée. Monsieur Morin l'a informé qu'il avait accepté de vendre, avec l'aide de monsieur John Sanchez, des tableaux de Fielding Downes pour le compte de madame Suzanne Moisan et que la majorité d'entre eux avait été vendus à monsieur Levert. Monsieur Morin ne lui a pas fourni de listes de ventes des tableaux de Fielding Downes mais un document indiquait que monsieur Morin avait vendu des tableaux pour 7 519 $ et que sa commission représentait 20 pour cent de ce montant, sans fournir des détails.

[79] Un peu plus tard, monsieur Juneau est retourné à la Galerie l'Oeuvre en s'identifiant cette fois comme enquêteur de Revenu Canada. Monsieur Sanchez lui a fourni des factures de ventes mais aucune de ces factures n'avait trait aux tableaux de l'artiste Fielding Downes. Monsieur Juneau a conclu qu'étant donné qu'il n'a pas reçu de factures ni de monsieur Morin ni de monsieur Sanchez concernant les tableaux de Fielding Downes qu'il n'y avait pas eu de ventes. Monsieur Juneau a reconnu qu'il n'avait pas fait une enquête approfondie concernant les ventes de monsieur Morin et de monsieur Sanchez. Il a aussi reconnu qu'il n'avait pas fait de vérification aux fins de déterminer si les prix des peintures dans d'autres galeries se comparaient à ceux figurant dans le Guide Vallée. Aucun autre enquêteur à Revenu Canada a fait une étude plus poussée que la sienne sur les tableaux de l'artiste Fielding Downes. Il mentionne que le testament de Fielding Downes fait voir que les biens de ce dernier en grande partie ont été légués à madame Suzanne Moisan.

[80] En sus des témoignages des principaux acteurs dans ces dossiers donnés par l'appelant, messieurs Levert, Demers et Juneau, il y a lieu, dans le but de compléter la preuve, de résumer de façon succincte les dépositions de certains autres témoins.

[81] La Cour a aussi eu l'avantage d'avoir la déposition de monsieur David Kelsey un encanteur chez Pinney's. Monsieur Kelsey a indiqué que cette maison fait des ventes par catalogue deux fois par année. La liste de prix qui est utilisée fait état des prix des ventes aux encans. Pour ces objets, il s'agit d'un marché de reventes alors que le prix dans une galerie d'art est un prix de détail. Il est possible que les prix dans les galeries soient plus élevés que les prix aux encans. La pratique courante dans cette industrie est d'établir le prix minimum d'un tableau à 15 pour cent ou 20 pour cent plus bas que le prix auquel on estime pouvoir vendre le tableau en question. Monsieur Kelsey a ajouté que le prix minimum n'est pas toujours connu et que certains objets d'art n'ont même pas un prix minimum.

[82] Le témoignage de monsieur Jules Harvey, propriétaire d'une galerie d'art depuis 25 ans, a fourni certains éléments d'information sur le marché d'art. Il a donné sa déposition à titre de témoin expert. Pour déterminer la valeur des tableaux, il s'appuie sur des guides qui dans bien des cas reflètent les prix déterminés par l'artiste. Il affirme que le prix vendu en galerie détermine la valeur marchande d'un tableau.

[83] À la demande de monsieur Levert, le 22 avril 1992, il a évalué à 2 800 $ et 2 500 $ respectivement deux tableaux de Fielding Downes. Il s'est appuyé sur le Guide Vallée pour en arriver à ces évaluations. Il affirme catégoriquement que le prix de vente à l'encan n'est pas déterminant pour l'établissement de la valeur marchande d'une peinture. Il a ajouté que la plupart des peintures dans le marché du Québec se vendent dans les galeries d'art. Il a aussi mentionné qu'il vend les tableaux des artistes inscrits dans un guide, comme le Guide Vallée, au prix inscrit dans le guide.

[84] La déposition de monsieur Jean-Yves Gagnon, un policier à l'emploi de la Sûreté du Québec depuis 1969, va apporter un complément d'information sur la formation et le fonctionnement du groupe ADOC dont l'appelant était l'un des membres. Monsieur Jean-Yves Gagnon connaissait aussi très bien l'appelant, ayant travaillé ensemble pendant 14 ans.

[85] Durant l'été 1990, monsieur Jean-Yves Gagnon, monsieur Levert et monsieur Robert Wright se sont rencontrés pour discuter de l'achat d'une collection de tableaux Fielding Downes qui avait une valeur de 250 000 $. Monsieur Jean-Yves Gagnon mentionne que monsieur Levert a acquis cette collection d'une succession à l'automne 1990. Monsieur Levert les a informés que s'ils formaient un groupe dans le milieu de la police il pourrait leur faire un prix représentant 25 pour cent de la valeur des oeuvres d'art qu'ils pourraient donner à un organisme de bienfaisance. Le nombre de membres de ce groupement proposé par monsieur Levert pourrait être de 25 et chacun des membres pourrait ainsi détenir une part de ces oeuvres d'art d'une valeur de 10 000 $. Ces 25 membres pourraient ainsi globalement posséder des oeuvres d'une valeur de 250 000 $. Le prix que devrait payer chaque membre serait de 2 500 $. C'est au cours de l'automne 1990 que monsieur Jean-Yves Gagnon et monsieur Robert Wright ont formé le groupement en question. Monsieur Jean-Yves Gagnon et monsieur Robert Wright étaient les principaux dirigeants de ce groupement. Monsieur Jean-Guy Châteauvert pouvait remplacer l'un ou l'autre en cas d'urgence. ADOC a ouvert un compte de banque et messieurs Jean-Yves Gagnon, Robert Wright et Jean-Guy Châteauvert étaient autorisés à faire des transactions sur ce compte. Dix neuf personnes de la Sûreté du Québec sont devenues membres de ce groupe. Monsieur Levert les a avisés qu'étant donné qu'ils n'étaient pas 25, il retiendrait certaines peintures et il allait les « passer ailleurs » .

[86] Monsieur Jean-Yves Gagnon mentionne aussi que pour que chacune des 19 personnes devienne propriétaire d'une part des oeuvres d'art dans le cartable, chacune d'elles devrait payer 400 $ en décembre 1990 et 100 $ par mois par la suite jusqu'au remboursement d'impôt (découlant de la déduction fiscale relative aux dons de bienfaisance) alors que le total de 2 500 $ par personne serait acquitté. Le groupement voulait acheter les tableaux en 1990 de façon à s'assurer que la déduction fiscale relative aux dons puisse s'appliquer à l'année d'imposition 1990. Certains chèques étaient faits à la Galerie des Maîtres Anciens et d'autres à la Tourelle, Maison d'encans. À la connaissance de monsieur Jean-Yves Gagnon, chaque membre du groupement a versé 2 500 $ et messieurs Jean-Yves Gagnon et Robert Wright s'occupaient de tenir la comptabilité pour le groupement en question. Les membres d'ADOC n'ont reçu aucune preuve de l'acquisition des tableaux par ADOC. Chaque membre du groupe recevrait un reçu de l'organisme de bienfaisance plus d'un an après la transaction.

[87] Monsieur Jean-Yves Gagnon affirme que lui-même et monsieur Robert Wright effectuaient les paiements voulus à monsieur Levert en tirant des chèques à l'ordre de la Galerie des Maîtres Anciens au fur et à mesure de la réception des fonds provenant des membres du groupe. Monsieur Jean-Yves Gagnon témoigne que messieurs Levert et Wright déterminaient les organismes de bienfaisance auxquels les tableaux seraient donnés. Le groupement en question était intéressé à faire des dons à des organismes de bienfaisance qui feraient des ventes à l'encan des tableaux en question, ce qui leur permettait de réaliser des gains. Monsieur Levert devait s'assurer que les peintures étaient donnnées aux organismes de bienfaisance comme l'Univers du Rail Inc., la Fondation Amérindienne Tecumseh et la Fondation Artrix. Monsieur Jean-Yves Gagnon informait les membres du groupement du nom des organismes auxquels les oeuvres d'art avaient été donnés.

[88] Monsieur Jean-Yves Gagnon déclare aussi que monsieur Levert a fait part aux dirigeants du groupe ADOC qu'il utilisait le Guide Vallée pour déterminer la valeur des 100 peintures de Fielding Downes. Il ajoute que les évaluations sans être absolument catégorique n'ont pas été faites par monsieur Levert mais par messieurs Guy Gagnon, André Lessard et Jules Harvey. Monsieur Levert remettait les évaluations à messieurs Jean-Yves Gagnon et Robert Wright qui les transmettaient aux membres du groupement. Monsieur Jean-Yves Gagnon n'a pu produire, bien requis de le faire, la facture relative à l'achat de peintures par le groupement ADOC de la Galerie des Maîtres Anciens. Monsieur Jean-Yves Gagnon a aussi indiqué qu'il est allé à la Galerie des Maîtres Anciens voir les 100 peintures acquises par le groupe ADOC. Il n'a pu cependant identifier les quatre peintures que lui-même a données parmi celles qu'il a vues à la Galerie des Maîtres Anciens. Il n'a jamais eu de réunion formelle du groupe ADOC et, par conséquent, il n'a pas eu de réunion pour effectuer le partage entre les membres des oeuvres d'art du cartable en question.

[89] Monsieur Guy Gagnon a aussi témoigné à titre d'expert.

[90] Monsieur Guy Gagnon, qui a été pompier au ministère de la Défense nationale depuis 1966, a commencé à collectionner des tableaux en 1972. En 1985 il a ouvert une galerie d'art, la Galerie Feuille d'Érable, qu'il a exploitée jusqu'en juin 1995. Cette galerie était ouverte sept jours par semaine. Monsieur Guy Gagnon travaillait lui-même à la galerie les soirs et les fins de semaine. Sa galerie vendait dans une proportion à peu près égale des oeuvres de deux types d'artistes, c'est-à-dire ceux qui étaient peu connus, des débutants aussi bien qu'à ceux qui étaient bien connus, des artistes contemporains. Lors de l'ouverture de sa galerie, l'inventaire de la galerie de monsieur Guy Gagnon comprenait environ 150 tableaux de sa collection personnelle. La plus grande partie de l'inventaire de sa galerie provenait des galeries d'art et le tiers de l'inventaire provenait des achats à l'encan effectués à Québec ou à Montréal. Entre 1987 et 1992, monsieur Guy Gagnon était actif dans le marché de l'art au Québec. Il visitait notamment des galeries et se rendait aux ventes aux enchères à Québec et à Montréal. Il était souvent l'un des acheteurs. Il fréquentait aussi deux marchés aux puces dans la région de la ville de Québec.

[91] Monsieur Guy Gagnon indique que sa galerie était une petite galerie. Durant les années 1987 à 1993, monsieur Gagnon estime qu'il avait vendu environ 35 tableaux par année, soit à sa galerie, aux maisons d'encans ou par l'entremise d'autres galeries. Les recettes de ses ventes s'établissaient à environ 20 000 $ sur une base annuelle.

[92] Il affirme que les prix auxquels il avait vendu des tableaux à sa galerie étaient généralement le double des prix payés lors d'encans. Donc, s'il payait 1 000 $ à l'encan pour un tableau, il essayait de le revendre à sa galerie pour 2 000 $. Cependant, dans certains cas, la marge pouvait avoir triplé ou même moins que doublé selon le prix payé pour la peinture. Selon lui, deux tiers des ventes à l'encan étaient faites à des propriétaires de galeries.

[93] Monsieur Guy Gagnon mentionne qu'il établissait le prix de ses peintures en galerie en considérant les prix indiqués à la demande des artistes dans le Guide Vallée. Le guide n'était pas toujours à jour et il se tenait au courant de l'évolution des prix en consultant une revue comme « Le Collectionneur » ou en visitant des galeries d'art. En ce qui concerne les artistes hors cote, par exemple, ceux qui sont décédés, il se fondait sur la qualité du tableau et sur son expérience pour établir le prix.

[94] Monsieur Guy Gagnon a fait une évaluation d'un cartable pour monsieur Levert d'une série dessins exécutés par Lionel Fielding Downes. Monsieur Levert pourrait ainsi avoir une évaluation certifiée d'une autre galerie. Monsieur Levert s'est rendu chez monsieur Guy Gagnon pour obtenir cette évaluation. Après un examen d'une heure, monsieur Guy Gagnon a procédé à une évaluation générale, basée sur son expertise, le Guide Vallée, le prix établi aux encans et le regain d'intérêt pour les tableaux Fielding Downes au début des années 1990. Il n'a pas facturé monsieur Levert pour cette évaluation et il n'a pas pris de photographie des tableaux. Selon monsieur Guy Gagnon, il y avait de tout dans ce cartable de tableaux. La grandeur moyenne des tableaux se situait entre 18 po et 24 po. C'étaient des oeuvres sur papier et non sur toile. Certains dessins étaient des dessins préparatoires. Il est possible que le papier de certains dessins ait été jauni.

[95] Monsieur Guy Gagnon a eu la visite des représentants de Revenu Canada à deux reprises au sujet des évaluations qu'il a faites. Il a fourni toutes ses évaluations aux enquêteurs qui lui furent remises par la suite.

[96] Il a aussi été mis en preuve que monsieur Guy Gagnon a fait environ 35 évaluations pour monsieur St-Laurent de la Fondation Amérindienne Tecumseh. Les factures étaient au nom de ce dernier organisme. Cette organisme lui a fait un chèque de 875 $ pour son travail relatif aux évaluations soit 25 $ par évaluation. À la suggestion de monsieur St-Laurent, monsieur Guy Gagnon a annulé son chèque moyennant un reçu pour fins fiscales du même montant. En outre, monsieur Guy Gagnon a acheté des tableaux de la Fondation Amérindienne Tecumseh.

[97] Monsieur Guy Gagnon a aussi mentionné qu'il ne savait pas que l'évaluation des dessins du cartable de Fielding Downes intéressait le groupe ADOC. Il témoigne qu'il n'a jamais rencontré monsieur Robert Wright ou monsieur Jaques Morin. Il était aussi au courant que certaines personnes achetaient des tableaux pour fins de dons mais quant à lui il n'a fait que vendre des tableaux qui faisaient partie de son inventaire.

[98] Du témoignage de monsieur Charles Rinfret, à titre de témoin expert, il y a lieu de retenir les éléments suivants :

a) dans le cas de l'artiste Fielding Downes, les ventes de ses tableaux se faisaient plutôt dans les maisons d'encans. Les tableaux de cet artiste représentant des personnages se vendaient moins chers que ceux qui représentent des payages;

b) les huiles sont généralement plus chères que les aquarelles. Les pastels et les aquarelles ont des valeurs semblables;

c) il admet qu'avant la fermeture de la Galerie Zanettin, les artistes qui étaient représentés par cette galerie mettaient des annonces dans le Guide Vallée. Parfois l'artiste consultait cette galerie avant de fixer son prix;

d) il affirme qu'il y a des écarts entre les prix indiqués dans le Guide Vallée et les prix réels;

e) il mentionne que le marché d'un artiste peut être soit celui des galeries ou des encans. Le marché approprié est celui où l'on peut se procurer le plus de tableaux d'un artiste donné.

[99] Du témoignage de madame Nicole Moisan, le tribunal a appris qu'une entente avait été conclue entre sa soeur, madame Suzanne Moisan, qui demeurait en Floride après le décès de l'artiste Fielding Downes, le conjoint de cette dernière, que monsieur Morin et monsieur Sanchez étaient chargés de vendre les toiles de Fielding Downes pour le compte de madame Suzanne Moisan à laquelle elles avaient été léguées. Madame Nicole Moisan mentionne que messieurs Morin et Sanchez ont travaillé ensemble jusqu'en 1991. Monsieur Sanchez était celui qui s'occupait des tableaux. Madame Nicole Moisan a témoigné qu'elle a reçu de la vente des tableaux les sommes suivantes : 4 300 $, 1 670 $ et 1484 $. Ni elle ni sa soeur, madame Suzanne Moisan, n'a su à qui les tableaux ont été vendus. Madame Nicole Moisan a aussi mentionné qu'elle a recouvré certaines oeuvres lorsqu'elle et madame Suzanne Moisan ont mis fin à l'entente avec monsieur Sanchez. Certaines oeuvres n'ont pu être récupérées et monsieur Sanchez leur a expliqué qu'il faisait face à des problèmes financiers et à des saisies. Il ne pouvait pas ainsi lui remettre les autres tableaux qui restaient. Madame Nicole Moisan a dit qu'elle était au courant que d'autres peintures de Fielding Downes ont été vendues par une galerie mais elle n'a pu vérifier ce qui en était au sujet des transactions en question.

[100] Le témoignage de monsieur Jacques Morin apporte certains éléments factuels relatifs aux tableaux de Fielding Downes. Monsieur Morin après avoir été agent immobilier puis écrivain et journaliste fut un consultant en art de 1989 à 1991 ou 1992. Monsieur Morin est devenu gestionnaire de certaines galeries pendant un certain temps.

[101] Selon l'édition 1989 du Guide Vallée, monsieur Morin est indiqué comme étant l'agent de l'artiste Fielding Downes, ce dernier étant décédé en 1992. Monsieur Morin, selon son témoignage, a reçu un appel téléphonique de madame Suzanne Moisan à la suite d'une annonce publicitaire qu'il avait fait paraître dans un journal pour la vente d'un tableau. À cette époque, monsieur Morin n'avait pas de galerie d'art; il était simplement collectionneur de peintures.

[102] Monsieur Morin affirme que madame Suzanne Moisan l'a autorisé à mettre en vente les tableaux appartenant à la succession de l'artiste Fielding Downes. De fait, madame Suzanne Moisan lui a laissé une cinquantaine de tableaux en consignation qui ont été entreposés par lui à la galerie l'Oeuvre, propriété de monsieur Sanchez. L'entente conclue entre madame Suzanne Moisan, monsieur Sanchez et monsieur Morin portait sur le partage du prix de vente de ces tableaux dans la proportion suivante : messieurs Morin et Sanchez auraient chacun 20 pour cent et la succession 60 pour cent. Monsieur Morin mentionne que les prix qu'il proposait étaient inscrits dans le Guide Vallée et représentaient, selon lui, la juste valeur marchande des tableaux. Il ajoute qu'il s'était informé auprès des gens qui étaient dans le milieu des oeuvres d'art pour établir cette juste valeur marchande mais il ne pouvait se souvenir de leurs noms.

[103] Monsieur Morin s'est référé à deux documents en sa possession; l'un montre que l'entente ci-dessus mentionnée a été respectée quant à madame Suzanne Moisan qui a reçu une partie du produit des ventes des tableaux et l'autre document fait état des ventes de tableaux du cartable Fielding Downes. Il a semblé que monsieur Morin fut le seul à recevoir sa commission de 20 pour cent. Il n'y a pas d'indication que monsieur Sanchez ait obtenu sa commission au taux de 20 pour cent du produit des ventes. Monsieur Morin ne se souvient pas précisément à qui les ventes ont été faites; il affirme toutefois que la majorité des tableaux ont été achetés par monsieur Levert. Il ajoute que les prix de vente mentionnés dans le Guide Vallée étaient plus élevés que les prix de vente réellement payés par monsieur Levert pour ces tableaux.

[104] Monsieur Morin a aussi indiqué qu'il n'avait plus en mars 1991, ou peut-être avant, le mandat de s'occuper de vendre les tableaux du cartable de Fielding Downes. Il mentionne que le prix mentionné était augmenté d'environ 10 pour cent par rapport au prix indiqué dans l'édition 1989 du Guide Vallée. Les prix de la deuxième édition du Guide Vallée ne reflétaient plus le marché, la troisième édition n'ayant pas encore été publiée. Monsieur Morin indique aussi qu'il avait informé madame Suzanne Moisan qu'il ne s'occupait plus de vendre le cartable Fielding Downes.

[105] Monsieur Jean-Guy Châteauvert, un policier à la Sûreté du Québec, a fait état des motifs qui sous-tendent la formation du groupe et du rôle qu'il avait au sein d'ADOC. Il confirme à cet égard le témoignage de monsieur Jean-Yves Gagnon. Il a aussi déclaré qu'il n'a jamais pris connaissance des oeuvres d'art qui faisaient partie du cartable de l'artiste Fielding Downes. Monsieur Châteauvert n'a pas choisi l'organisme de bienfaisance auquel il a fait des dons. Il n'a pas non plus vu les quatre tableaux qu'il a achetés et qu'il a donnés à la Fondation Amérindienne Tecumseh.

[106] Le témoignage de monsieur Dominique Blais, un membre du groupe ADOC, confirme qu'il a, comme les autres membres de ce groupe, fait un don à la Fondation Amérindienne Tecumseh de quatre tableaux de Fielding Downes. Il a obtenu un reçu accompagné de certificats d'évaluations basés sur le Guide Vallée. Il faisait ses paiements par chèques postdatés. Il a adhéré à ce groupe parce qu'il avait la possibilité de faire des dons à des organismes de bienfaisance. Il a dit s'être renseigné chez son comptable et auprès du ministère au sujet de la légalité de cette façon de procéder.

[107] Monsieur Sanchez, qui était à l'époque pertinente, un encadreur à son propre compte et propriétaire de la galerie d'art, l'Oeuvre, confirme que ses relations avec monsieur Morin se limitaient à la fourniture de locaux de façon à permettre à ce dernier d'exposer les tableaux de Fielding Downes. Il a reconnu que durant les années 1989 et 1990, il a vendu des tableaux du cartable Fielding Downes mais la majorité des clients communiquaient avec monsieur Morin pour faire les transactions. Sa commission sur ces ventes était d'environ 20 pour cent du prix de vente. Il a mentionné que monsieur Morin et lui-même décidaient conjointement des prix de vente des tableaux de Fielding Downes. Lorsque monsieur Morin a décidé de ne plus vendre les tableaux de Fielding Downes, il a retourné les tableaux à madame Suzanne Moisan.

[108] Monsieur Pierre Scalabrini, un policier de la Sûreté du Québec affecté à l'escouade des crimes économiques, a effectué des dons au cours des années 1990 et 1991. C'est à la suite d'explications fournies par monsieur Robert Wright qu'il a été amené à faire ces dons. D'après lui, monsieur Robert Wright n'a pas fait état des problèmes que certains policiers avaient avec Revenu Canada au sujet de ces dons. Monsieur Scalabrini a d'abord recueilli des renseignements sur monsieur Levert, de l'escouade des crimes économiques à Québec qui l'a informé qu'elle n'avait aucun dossier sur monsieur Levert. En deuxième lieu, il s'est informé auprès de Revenu Canada qui l'a avisé que les donations aux organismes de bienfaisance étaient une opération légale après qu'il leur a fourni des explications sur la nature de l'opération. Finalement, il a contacté Revenu Québec et on lui a confirmé que l'opération était valable.

[109] Monsieur Scalabrini et son épouse ont adhéré au groupe ADOC en 1990. Il a déboursé 2 500 $ pour se joindre au groupe. Monsieur Scalabrini a fait un don en 1990 à la Société protectrice des animaux. Monsieur Scalabrini confirme que chacun des membres du groupe avait une part des tableaux du cartable Fielding Downes. Monsieur Scalabrini ne savait pas quels tableaux il avait acquis pour 2 500 $ et à l'égard desquels il a obtenu un reçu de 10 000 $. Il a pris pour acquis que monsieur Levert transmettait les oeuvres d'art à l'organisme de bienfaisance en question.

Prétentions de l'appelant

[110] Dans ses actes de procédure dans les deux dossiers, l'appelant allègue qu’il a effectué des donations d’oeuvres d’art durant les années d’imposition en question. Il prétend notamment qu’un reçu pour fins d’impôt a été émis par des organismes de bienfaisance en sa faveur. Ces organismes de bienfaisance étaient détenteurs d’un numéro d’enregistrement officiel et étaient habilités à émettre des reçus pour les fins de la Loi de l’impôt sur le revenu.

[111] Dans les mêmes actes de procédure, on a fait valoir que l’évaluation des oeuvres d’art en question faite par les experts de l'appelant reflète leur juste valeur marchande.

[112] L'appelant s’oppose dans ses actes de procédure à ce que lui soit imposée pour l'année 1991 une pénalité en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu puisqu’il n’a, en aucune façon, fait sciemment ou dans des circonstances qui justifient l'imputation d'une faute lourde un faux énoncé ou une omission dans sa déclaration de revenu ou dans tout autre écrit qui est mentionné.

[113] Au cours de la plaidoirie de l'un des avocats de l'appelant, il a été souligné que le marché des oeuvres d’art est différent parce qu’on peut s’approvisionner de différentes manières, à différents endroits et à différents prix. On a soutenu que les appelants ont profité d’un avantage fiscal parce qu’ils ont transigé avec des vendeurs de peintures qui étaient prêts à renoncer à une partie substantielle de leur profit pour créer un volume de transactions qui leur permettrait de trouver leur compte. Les acheteurs et les commerçants de tableaux ont tout simplement passé leur escompte de professionnels à leurs clients. Donc, lorsque les clients donnaient des peintures à des organismes de bienfaisance, ils faisaient alors un profit. On a ajouté, pour le compte de l'appelant, qu’il achetait des biens de consommation au prix du gros, presque au prix coûtant et quand il faisait des dons on utilisait le prix du marché.

[114] Pour l'appelant, on a fait valoir que les peintures ont d'abord été identifiées par monsieur Levert qui les a vendues à l'appelant. Il y a alors eu transfert du droit de propriété d'un bien pour un prix en argent. Par la suite, est intervenu un contrat de donation. Dans le cas de l'appelant, il y eu contrat entre deux personnes, le donateur, c’est-à-dire l'appelant et le donataire, c’est-à-dire l’organisme de bienfaisance en question. Entre ces parties, il y a eu transfert du droit de propriété d’un bien et il n’y a eu aucune contrepartie versée par l’organisme qui a reçu le bien.

[115] L’un des avocats de l'appelant s’est référé à ce sujet à la décision de The Queen v. Lagueux & Frères Inc.,74 DTC 6569. Cette décision enseigne que pour déterminer les conséquences fiscales qui s’appliquent à une transaction, il faut déterminer sa nature sous l’angle du droit civil. Le fait que le donateur ait pu retirer de ces transactions un avantage pécuniaire accessoirement est sans conséquence parce que le donataire n’a pas versé de contrepartie.

[116] On s'est référé aussi aux décisions de cette Cour dans l’affaire The Queen v. Construction Bérou, 96 DTC 6177 et R. Francoeur c. Canada, [1993] 2 C.T.C. 2440. Pour le compte de l'appelant, on s'est appuyé particulièrement sur le passage suivant de la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’espèce The Queen v. Friedberg, 92 DTC 6031, à la page 6033:

It is clear that it is possible to make a "profitable" gift in the case of certain cultural property. Where the actual cost of acquiring the gift is low, and the fair market value is high, it is possible that the tax benefits of the gift will be greater than the cost of acquisition. A substantial incentive for giving property of cultural and national importance is thus created through these benefits. But not every gift will be found to benefit from these provisions.

[117] La Cour d’appel fédérale, souligne l’un des avocats de l’appelant, mentionne que le système de donations de biens culturels est conçu pour produire un avantage fiscal plus grand que celui qui existe pour la simple donation mais ce sont les circonstances qui produisent l’avantage.

[118] Il a été fait mention qu’en vertu de l’article 69 de la Loi, il y a disposition à la juste valeur marchande des biens qui sont donnés. Ainsi l'appelant aurait réalisé un gain en capital provenant de ses dons, lequel gain pourrait être exonéré.

[119] Il a été également indiqué qu’en ce qui concerne le marché de l’art, contrairement à d’autres marchés, il y a une source d’approvisionnement assez stable d’oeuvres d’art pour des prix inférieurs à leur juste valeur marchande et l'appelant a bénéficié de cette circonstance.

[120] Dans le cas de l'appelant, Monsieur Levert connaissait bien le marché et savait comment s’approvisionner en oeuvres d’art. Il les achetait à bon marché et les vendait rapidement à un bas prix et les acheteurs effectuaient des dons. Monsieur Levert y trouvait son compte même s’il vendait à un prix qui comportait une marge bénéficiaire inférieure.

[121] Le présent cas, selon les avocats de l'appelant, ressemble à celui de l’arrêt Friedberg, précité, en ce que les donateurs pouvaient réaliser un avantage pécuniaire provenant de leurs dons de charité.

[122] Selon l'appelant, il y a une intention mixte dans ces donations mais en ce qui concerne le donateur et le donataire, l’intention est pure et elle respecte les dispositions de l’article 1806 du Code civil du Québec.

[123] En ce qui a trait au caractère factuel des transactions, on a porté à l’attention de la Cour que l'appelant comprenait ce qu’il faisait. L'appelant savait qu’il achetait des peintures pour un prix moins élevé que leur valeur marchande car monsieur Levert leur avait fourni des explications à ce sujet. L'appelant avait vérifié les prix dans le Guide Vallée. Il connaissait la provenance de ses peintures. Il se rendait compte qu’il profitait d’une aubaine. L'appelant ne pouvait pas croire qu’il était illégal de participer aux transactions dont il est ici question.

[124] L'un des avocats de l'appelant a fait état de la décision du juge Mogan de cette Cour dans l’affaire Whent v. R., [1996] 3 C.T.C. 2542 où il s'agissait d'avocats qui avaient acheté un inventaire assez considérable de peintures.

[125] Au sujet de la juste valeur des tableaux, l'appelant a pris la précaution de s’assurer que les reçus qu’on lui émettait n’étaient pas émis pour un montant supérieur à la juste valeur marchande des oeuvres d’art en question. Il a obtenu des évaluations des peintures qui confirmaient le principe des transactions dans lesquelles il s’était engagé. De plus, la question d’évaluation indépendante est tout simplement une affaire d’appréciation. On a argué qu’il n’est écrit nulle part dans la Loi qu’il faut que l’évaluateur n’ait aucun intérêt d’aucune manière dans l’évaluation d’un bien.

[126] Concernant la valeur marchande des oeuvres d’art, l'appelant soutient que l’intimée a offert peu de preuve sur la question. Certains témoins de l’intimée ont retenu, comme une indication de la juste valeur marchande, les ventes aux encans. Là-dessus, les parties ont des divergences fondamentales. L'appelant prétend que le marché dans les galeries est celui qui est le plus habituel et c’est celui qui doit être retenu comme marché représentant la juste valeur marchande. Le marché le plus important est celui des galeries. On ajoute que très peu de personnes possèdent l’assurance, le temps ou l’intérêt de suivre les encans. C’est un marché très marginal. Tous les témoins sont unanimes sur ce point. Le Guide Vallée est un répertoire de prix en galeries avant tout. C’est le marché en galeries qui représente le plus fidèlement la définition de la juste valeur marchande.

[127] L'appelant a soutenu que le ministre du Revenu national par son comportement lui avait donné toutes les raisons de croire qu’il était justifié de faire des dons dans la mesure où il s’assurait que la valeur des biens était exacte pour les fins du reçu. Tout le litige, selon lui, est une question d'évaluation.

[128] À l’égard de la question de la pénalité pour l'année d'imposition 1991, l'appelant a fait valoir que le ministre du Revenu national a eu un comportement inacceptable. On a fait état de la correspondance de monsieur Levert et cela a créé un lien indirect entre les clients de monsieur Levert et le ministre du Revenu national. La situation n’est pas différente de celle d’un autre promoteur d’abris fiscaux qui aurait obtenu une décision anticipée avant de mettre en exécution ses transactions. L'appelant n’accepte pas la position de l’intimée qui a vu un stratagème dans ces transactions à savoir l’achat de reçus. Cette prétention du ministre du Revenu national implique que l'appelant n’a pas acheté des peintures. Selon l'appelant, il a été démontré hors de tout doute qu’il y avait achat des biens donnés et qu’il avait donation de ces mêmes biens. Personne n’a acheté des reçus de charité et l'appelant n’a pas obtenu de contrepartie ou quoique ce soit des organismes accrédités.

[129] Pour le compte de l'appelant, on a avancé que ce dernier avait été prudent avant d'effectuer les transactions relatives aux dons de tableaux. Il s'est même informé à deux reprises auprès de Revenu Canada de la légalité de ses transactions. L'appelant n'a pas retiré d'avantage fiscal relié à ces dons vu qu'il avait des pertes cumulatives sur placement. En conclusion, sur la question de pénalité, le comportement de l'appelant n'est pas le comportement d'une personne qui a été grossièrement négligente ou a tenté d'éluder l'impôt. La conduite de l'appelant n'est pas différente de celle de milliers de contribuables qui utilisent toutes sortes d'abris fiscaux.

Prétentions de l'intimée

[130] Pour le compte de l'intimée, on a tout d'abord soutenu qu'il n'y a pas eu de la part de l'appelant de véritables dons dans les deux années d'imposition en litige.

[131] Après s’être référée aux éléments essentiels à l’existence d’un don, l’une des avocates de l’intimée a plaidé, comme il appert des notes soumises au tribunal à l'appui de sa plaidoirie, que le premier élément essentiel à la donation, l’intention libérale de la part du donateur, n’existait pas au motif que l'appelant dans le cas actuel n’a acquis les biens et n'a accepté de payer pour ces biens que conditionnellement à ce que ces biens soient immédiatement ou quasi-simultanément l’objet d’une donation à un organisme de bienfaisance pour un montant quatre fois supérieur au prix payé, dans l’unique but d’obtenir un avantage fiscal. Sur ce point, l’intimée s’est appuyée sur les décisions du juge Dussault de cette Cour dans l’affaire Guy Dutil c. R., du 25 juillet 1991 et dans l’affaire Réjean Gagnon c. R., C.C.I., également du 25 juillet 1991 et de la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire The Queen v. Friedberg, 92 DTC 6031. La décision du juge Mogan de cette Cour dans la cause Whent v. The Queen, [1996] 3 C.T.C. 2542, de même que celle du juge Archambault également de cette Cour dans l’espèce Paradis c. R., [1997] 2 C.T.C. 2557 ont été aussi mentionnées.

[132] De l’examen de la preuve relative à l’absence d’intention libérale, les faits démontrent, selon l’intimée, que la seule intention de l’appelant était de réduire son impôt grâce à des reçus pour dons de bienfaisance et qu’il n’avait aucune intention de nature philanthropique liée à cette intention de réduire son impôt. Selon l’intimée, le supposé don est assujetti à l’obtention d’un avantage fiscal. Pour le compte de l’intimée, on a mis l’accent sur les éléments suivants qui sont déduits de la preuve, selon elle :

1. les tableaux en cause n’étaient pas choisis par l'appelant mais par monsieur Levert ou par les responsables du groupe ADOC, selon le cas. L'appelant n’a jamais eu en sa possession les tableaux en question.

2. L'appelant n’a pas choisi les organismes présumés donataires et n’a fait aucune démarche auprès de ces organismes.

3. Sans les reçus, l’appelant n’était pas prêt à conclure les transactions relatives aux dons en question.

[133] L’intimée a aussi soutenu que la délivrance de choses mobilières, qui constitue un autre élément essentiel au don manuel, lorsque la donation n’est pas constatée par acte notarié, n’a pas eu lieu parce qu’il n’y a pas eu ici remise physique du bien au donataire, lequel donataire doit être mis en possession de façon non équivoque.

[134] Au sujet de la délivrance et de la possession des tableaux donnés à l'Univers du Rail Inc., l’intimée s’appuie notamment sur les éléments suivants de la preuve :

1. L'appelant n'est pas allé porter les tableaux à la Fondation Amérindienne Tecumseh et à l’Univers du Rail Inc. et les organismes n'ont jamais eu la possession physique des tableaux.

2. « L’Univers du Rail avait conclu une entente verbale avec monsieur Levert selon laquelle ce dernier sollicitait des donateurs, avec des tableaux, et selon laquelle l’Univers du Rail aurait un minimum de dix pour cent du montant des reçus » . Monsieur Levert avait, selon monsieur Carignan, « le mandat pour cet aspect des activités de financement de l’Univers du Rail. Monsieur Levert disait quoi mettre sur les reçus et remettait son évaluation à l’Univers du Rail parfois en même temps que ses instructions, parfois plus tard » . Les reçus étaient ensuite remis à monsieur Levert. À l’époque, les tableaux n’allaient pas à l’Univers du Rail Inc. « Ils étaient à la Galerie des Maîtres Anciens avant l’achat, l’étaient encore après l’achat et y demeuraient après les supposés dons » .

3. « Il n’y avait pas de liste des tableaux mis en consignation par l’Univers du Rail chez monsieur Levert ou sa galerie » . « L’Univers du Rail n’avait aucun contrôle sur les tableaux » .

4. L’Univers du Rail Inc. « ne recevait que quelques chèques de temps à autre qui ne correspondaient même pas à 10 pour cent du total des montants figurant sur les reçus » .

[135] De ces éléments, l’intimée a conclu qu’il n’y a eu aucune délivrance des biens en cause à l’Univers du Rail Inc. et la possession des biens que monsieur Levert aurait pu avoir pour le compte de l’Univers du Rail Inc. était une possession équivoque dans les circonstances.

[136] Quant aux biens qui ont été prétendument donnés par l'appelant en 1991 à la Fondation Amérindienne Tecumseh, la preuve démontre, selon l'intimée, qu'il n'y avait possession du cartable de dessins de Fielding Downes par le groupe ADOC. La description vague des dessins vient confirmer qu'il n'y a pas eu « individualisation des dessins » , selon l'intimée.

[137] Pour l’intimée, on a aussi attiré l’attention de la Cour sur le paragraphe 118.1(2) de la Loi qui prévoit qu’aucun don ne peut être réclamé s’il n’est pas attesté par un reçu contenant les renseignements prescrits, produit au ministre du Revenu national. Les renseignements prescrits sont énoncés au paragraphe 3501(1) du Règlement de l’impôt sur le revenu et le paragraphe 3501(6) du même Règlement ajoute que tout reçu dans lequel la date de réception du don, l’année du don ou le montant du don est inexact doit être considéré comme gâché. L’intimée a fait valoir que l’existence d’un reçu ne confère pas un droit au crédit d’impôt pour dons, si le contenu du reçu est inexact ou incomplet. À cet égard, l’avocate de l’intimée a fait en substance les remarques suivantes :

1. Le reçu de l'Univers du Rail Inc. du 1er novembre 1990 soumis à Revenu Canada par l'appelant n'a pas été entièrement fait par l'Univers du Rail Inc. Ce qui a été ajouté sur la dernière ligne (10 500 $ rayé, et 10 150 $ avec les initiales DB) n'est pas de la main de monsieur Carignan, mais de la main de madame Denise Boily, épouse de monsieur Levert, comme l'a reconnu monsieur Levert. Le nom et l'adresse de l'évaluateur (qui était Marc Levert) ne sont pas indiqués, ni la date de réception du don.

2. Le reçu du 25 novembre 1991 de la Fondation Amérindienne Tecumseh indique qu'il existe un certificat, mais ne donne ni le nom, ni l'adresse de l'évaluateur. Aucun certificat, provenant de la Fondation Amérindienne Tecumseh, correspondant à ce reçu n'a été produit. La date de réception du don n'est pas indiquée sur le reçu.

[138] De ce qui précède, l’intimée a tiré la conclusion que comme les reçus ne contiennent pas tous les renseignements prescrits, à supposer qu’il s’agisse de véritables dons, ceux-ci ne peuvent être inclus dans le total des dons en application du paragraphe 118.1(2) de la Loi.

[139] Comme l'un des moyens principaux, l’intimée a prétendu aussi que les montants inscrits sur les reçus ne reflétaient pas la valeur des biens en cause.

[140] L’intimée s’est référée à la décision de la Cour fédérale du Canada dans l’affaire Henderson Estate and Bank of New York v. M.N.R., 73 DTC 5471, quant à la définition de la juste valeur marchande. À la lumière de cette décision, on a fait état à la fois de la méthode de la parité et du prix d’achat payé par le propriétaire du bien aux fins de la détermination de la valeur d’un bien.

[141] Au sujet du Guide Vallée, l’intimée, dans ses notes soumises en même temps que la plaidoirie, s’est exprimée ainsi :

174. Les prix affichés dans des guides comme le Guide Vallée, ne constituent pas nécessairement des prix de ventes réels.

175. Le Guide Vallée est un instrument de publicité, dans lequel n’importe qui peut acheter une pleine page couleur, contre une somme de 300 $ (selon M. Guy Gagnon) à 400-500 $ (selon M. Jules Harvey).

176. Ce guide ne tient pas compte de la période à laquelle les oeuvres ont été exécutées, ni du sujet traité par l’artiste, ni de la qualité intrinsèque des oeuvres, ni de leur état de conservation. Les prix sont basés sur un calcul au pouce carré, qui ne fait pas les distinctions qui s’imposent (témoignage de M. Rinfret).

177. De plus, ce genre de guide n’est pas fiable, car les renseignements qui y sont contenus ne sont pas contrôlés. Il arrive que des artistes, ou des agents d’artistes, surévaluent le prix affiché des oeuvres, avec l’espoir que le marché suivra. Le cas de Lionel Fielding Downes en est la meilleure illustration. Les faits prouvés relatifs à cet artiste montrent combien les prix réels de vente ne correspondent pas aux prix indiqués dans le Guide Vallée. Il faut donc vérifier, dans chaque cas, si l’information est ou non exacte, comme l’a indiqué à plusieurs reprises M. Rinfret.

[142] La plaidoirie pour le compte de l'intimée a aussi touché à l’importance à attacher pour fins d’évaluation aux ventes en galerie et aux ventes aux enchères.

[143] Au sujet des ventes en galerie, l’intimée a mis de l’avant ce qui suit : « si le marché identifié par l’expert est celui en galerie pour un artiste donné, encore faut-il que l’expert identifie clairement les galeries en question, les tableaux comparables dans ces galeries, et que l’expert ait vérifié si ces galeries ont vendu réellement aux prix qu’elles affichaient ces tableaux comparables. Il est possible que les tableaux récents ou nouveaux d’un artiste vivant se vendent plus chers en galerie, si l’artiste est représenté par cette galerie » .

[144] Concernant les ventes aux enchères, on lit notamment ce qui suit dans les notes soumises par l’intimée :

179. Si le marché identifié par l’expert est celui des enchères pour un artiste donné (marché de revente), les index qui répertorient les ventes (tels le Canadian Art Sales Index ou l’Annuaire des Cotes International Bordas) ainsi que les factures de vente des salles de vente constituent une preuve objective de ces ventes.

180. À supposer qu’il y ait, dans ces index, des ventes aux enchères fictives pour mousser les ventes d’un artiste, comme l’a laissé entendre M. Levert, encore faut-il prouver que ce soit le cas pour les artistes en cause. Il semble en fait douteux que ce le soit, car les prix des enchères seraient alors beaucoup plus élevés (témoignage de M. Rinfret). M. Kelsey a indiqué, lors de son témoignage le 22 mai 1997, que les Encans Pinney’s ne permettaient pas aux vendeurs d’enchérir sur leurs propres tableaux, c’était contraire à la loi.

[145] L’intimée a tenu pour acquis lors de l'émission des cotisations que la valeur des oeuvres d’art déclarée par l'appelant ne reflétaient pas leur juste valeur marchande. L’intimée a aussi retenu lors des cotisations dont appel que monsieur Levert, dans la mesure où il avait évalué les tableaux en cause, n’était pas un expert indépendant. Cette conclusion, selon l’intimée, se fonde sur la façon d’agir de monsieur Levert durant les années 1985, 1986 et 1987 « où un barème systématique de 20 ou 25 pour cent entre le montant payé par les contribuables et le montant des évaluations à la base des reçus de dons pour fins fiscales avait été constaté » . Une surévaluation systématique de biens décrits dans les reçus utilisés pour fins fiscales avait été constatée par Revenu Canada et par des experts indépendants.

[146] Au sujet de monsieur Levert, il a été fait mention que ce dernier a plaidé coupable après un long procès à des accusations d’avoir volontairement éludé le paiement de l’impôt sur le revenu pour les années 1986 et 1987 en permettant à un certain nombre de contribuables, dont les appelants, de déduire de leurs déclarations de revenu des dons d’oeuvres d’art surévalués. Monsieur Levert a été aussi reconnu coupable de ne pas avoir déclaré les revenus provenant de ses transactions avec des « donateurs » pour les années 1985, 1986 et 1987. L’intimée a aussi souligné que monsieur Levert manquait d’objectivité. « Selon monsieur Levert, le montant à payer par ses clients était déterminé à l’avance : 25 pour cent de la valeur mentionnée dans le Guide Vallée ou de la valeur en galerie » . Monsieur Levert oppose le marché en galerie au marché aux enchères. Il tient pour acquis que les tableaux de n'importe lequel artiste pourraient se vendre en galerie. Il considère également que les prix suggérés par le Guide Vallée constituent, sans autre vérification, des prix de vente réels en galerie. Selon l'intimée, « ce faisant, il propose des valeurs complètement artificielles qui n’ont rien à voir avec le marché réel » . Comme monsieur Rinfret l’a indiqué, il s’agit plutôt de situer le marché pour un artiste donné et pour une oeuvre donnée : est-ce en galerie, ou est-ce aux enchères, aux marchés aux puces, ou ailleurs? À l’intérieur de ce marché-là, il faut voir s’il y a des ventes réelles comparables, ce que monsieur Levert n’a pas fait. On a aussi fait mention pour le compte de l'intimée que monsieur Levert et la Galerie des Maîtres Anciens ont été reconnus coupables de destruction volontaire de documents pour les années d'imposition de la galerie se terminant le 31 mars 1989, le 31 mars 1990, 31 mars 1991 et 31 mars 1992.

[147] À la base de la prétention de l’intimée que monsieur Levert n’était pas un expert indépendant, on a fait état du fait que monsieur Levert était partie à toutes les opérations en ce qui concerne particulièrement l'appelant pour les biens qu'il a donnés en 1990 en tant que vendeur, évaluateur aux fins de l’établissement des reçus et fournisseur de reçus.

[148] Au sujet de l'affirmation de monsieur Levert, selon laquelle le prix de vente à l’encan ne se rapprocherait de la juste valeur marchande, ou ne la dépasserait qu’occasionnellement, l'intimée a fait le commentaire suivant : « cette affirmation est fondée sur une prémisse fausse, voulant que le prix de vente aux enchères ne reflète jamais la juste valeur marchande. C’est ignorer complètement le marché de la revente, dans un but qui n’est que trop évident : justifier des surévaluations systématiques » .

[149] Après avoir mentionné que l'année d'imposition 1991 était la seule année où une pénalité avait été établie, l'une des avocates de l'intimée a fait état notamment à l'appui de l'imposition d'une pénalité des faits suivants relatés dans les paragraphes qui suivent que je reproduis presque litéralement.

[150] Malgré que le crédit pour don ait été refusé pour l'année d'imposition 1990, l'appelant a indiqué le 28 novembre 1991 à madame Diane Morin, au stade de l'opposition concernant l'année d'imposition 1990, qu'il allait encore donner en 1991. Selon l'appelant, madame Morin lui aurait alors suggéré d'aller voir une personne honnête dans une galerie pour faire évaluer ses tableaux. L'appelant n'a visiblement pas suivi ce conseil.

[151] Pour l'année d'imposition 1991, l'appelant ne prend aucune précaution, ni ne fait aucune vérification auprès d'un expert indépendant, ni au moment où il achète sa part dans le cartable de dessins de Lionel Fielding Downes (le 28 décembre 1990), ni au moment où un reçu est établi à son nom par la Fondation Amérindienne Tecumseh (le 25 novembre 1991). Il se rallie au groupe ADOC, mais ne pose aucune question sur la supposée valeur de 10 000 $ de sa part.

[152] De plus, il ne sait pas à quels dessins correspond sa part; aucune facture n'est faite pour constater l'achat de sa part; aucun partage n'est fait.

[153] L'appelant laisse les responsables du groupe ADOC choisir l'organisme de bienfaisance en question, la Fondation Amérindienne Tecumseh.

[154] Ce n'est que 1993, quand le ministre du Revenu national a demandé des preuves d'achat et de paiement et des évaluations à l'appelant (lettre de madame Lapointe du 17 août 1993), que l'appelant a obtenu de monsieur Robert Wright des évaluations (entre le 17 août 1993 et le 15 septembre 1993). Il fait alors parvenir au ministre du Revenu national deux photocopies des deux évaluations de monsieur Harvey datées du 22 avril 1992 (pour faire quatre oeuvres), ainsi qu'une photocopie de l'évaluation de monsieur Lessard pour un seul dessin, et de l'évaluation générale de monsieur Guy Gagnon du 15 décembre 1991.

[155] De même, ce n'est qu'après avoir eu son reçu qu'il aurait vérifié à la Galerie des Maîtres Anciens dans le Guide Vallée. Or, il n'y a pas de prix indiqué dans le Guide Vallée de 1989 pour des dessins de Fielding Downes, et l'appelant n'a obtenu qu'en 1993 une photocopie de la lettre du 14 mars 1991 de monsieur Morin, donnant des prix pour des « oeuvres sur papier » .

Analyse

[156] Des prétentions de l'appelant et de l’intimée formulées dans les actes de procédure, il est manifeste qu’il y a trois questions principales en litige :

1. Est-ce que l'appelant a fait ou non des donations de biens en cause ou encore s’il s’agit d’un trompe-l’oeil?

2. À supposer qu’il s’agisse de véritables dons, est-ce que la valeur attribuée par l'appelant dans sa déclaration de revenu à chacun des biens qui furent donnés représente leur juste valeur marchande?

3. Est-ce que le ministre du Revenu national a, en application du paragraphe 163(2) de la Loi, validement imposé les pénalités à l'appelant pour l'année d’imposition 1991?

[157] La première question qu'il importe de résoudre, c'est de savoir si l'appelant dans les circonstances a fait don des biens en question à l'Univers du Rail Inc. et à la Fondation Amérindienne Tecumseh.

[158] Comme il a été nettement établi dans la décision Lagueux & Frères, mentionnée ci-dessus, il faut en premier lieu déterminer, à la lumière du Code civil du Bas-Canada, la nature des opérations intervenues entre les appelants et l'Univers du Rail Inc. et la Fondation Amérindienne Tecumseh. Il faut se référer alors aux articles 755 et 776 de l’ancien Code civil qui se lisent ainsi :

Art. 755. La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille à titre gratuit de la propriété d'une chose, en faveur du donataire dont l'acceptation est requise et rend le contrat parfait. Cette acceptation la rend irrévocable, sauf les cas prévus par la loi, ou une condition résolutoire valable.

[...]

Art. 776. Les actes portant donations entre vifs doivent être notariés et porter minute, à peine de nullité. L'acceptation doit avoir lieu en la même forme.

Cependant la donation de choses mobilières, accompagnées de délivrance, peut être faite et acceptée par acte sous seing privé, ou par convention verbale.

Sont exemptées de la forme notariée les donations validement faites hors du Québec.

Comme cette Cour l’a indiqué dans l’affaire Paradis, précitée, trois conditions essentielles sont requises pour l’existence d’une donation, à savoir l’intention libérale, la remise du bien et l’acceptation par le donateur.

[159] Quant à la première condition, je partage entièrement le point de vue du juge Archambault dans l’affaire Paradis selon lequel cette question doit se décider strictement dans le cadre de la relation juridique établie entre l'appelant et l’organisme qui devait bénéficier des dons en question. La preuve est claire ici que l'appelant n’a pas reçu de contrepartie sous quelque forme que ce soit de l’organisme à qui les biens devaient être donnés. Il n’importe pas, selon moi, que la motivation principale de l'appelant ait été l’obtention d’un avantage fiscal. Cette approche a été confirmée dans une certaine mesure, au moins, par la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire The Queen v. Friedberg, 92 DTC 6031. Le passage suivant de ce jugement à la page 6032 est particulièrement intéressant :

Thus, a gift is a voluntary transfer of property owned by a donor to a donee, in return for which no benefit or consideration flows to the donor (see Heald, J. in The Queen v. Zandstra [74 DTC 6416] [1974] 2 F.C. 254, at p. 261.) The tax advantage which is received from gifts is not normally considered a "benefit" within this definition, for to do so would render the charitable donations deductions unavailable to many donors.

L’obtention du reçu de la part de l’organisme bénéficiaire ne peut être considérée comme une contrepartie bien que la production du reçu soit nécessaire pour avoir droit au crédit d’impôt pour les dons. Le reçu est simplement, dans les circonstances, l'attestation d'un fait matériel, la réception du bien qui y est décrit par l'organisme en question. Je suis donc d’avis que l'appelant possédait l’intention libérale requise à l’égard des oeuvres d’art destinés aux organismes concernés.

[160] Même si je suis d'avis, comme je l'expliquerai plus loin dans ces motifs, que l'appelant a fait preuve d'une certaine négligence à l'égard de ses obligations fiscales, je ne crois pas que la doctrine du trompe-l'oeil s'applique ici. L'appelant avait réellement l'intention de faire des dons à des organismes de bienfaisance et il a réellement fait des dons même si, en ce faisant, il a pu faire preuve de négligence en utilisant des reçus portant sur des évaluations démesurées aux fins d'obtenir le crédit d'impôt pour dons de bienfaisance.

[161] Après un examen soigneux de la preuve, j'ai conclu que les objets d'art dont il est question ici dans ces appels ont été suffisamment déterminés et qu'ils sont en droit devenus en la possession des organismes de bienfaisance en question par l'intermédiaire de personnes autorisées par ces organismes. Le poids de la preuve établit que monsieur Levert détenait un double mandat à l'égard des biens donnés par l'appelant en 1990. Il agissait à la fois pour l'appelant qui, comme donateur, acceptait de transférer les biens en cause à l'organisme de bienfaisance choisi par monsieur Levert et pour le donataire qui confiait à monsieur Levert la possession des biens donnés. En tirant ces conclusions de fait, je m'appuie particulièrement sur le témoignage de monsieur Carignan, qui m'a paru un témoin tout à fait crédible, quant aux biens donnés à l'Univers du Rail Inc. La même façon de procéder en substance a été adoptée quant aux biens donnés en 1991 à la Fondation Amérindienne Tecumseh. Les biens donnés par l'appelant en 1991, les dessins de Fielding Downes, avaient été acquis de monsieur Levert, par l'intermédiaire du groupe ADOC. Ce n'est toutefois pas monsieur Levert qui avait choisi l'organisme de bienfaisance à qui les biens ont été acheminés. Ce choix a été fait par les responsables du groupe ADOC, messieurs Robert Wright et Jean-Yves Gagnon. J'ai conclu que les biens en question ont été suffisamment identifiés.

[162] J’aborde maintenant la deuxième question relative à la juste valeur marchande des biens donnés aux organismes, l'Univers du Rail Inc. et la Fondation Amérindienne Tecumseh.

[163] Cette notion de la juste valeur marchande a été considérée par les tribunaux, notamment dans l’arrêt Henderson Estate and Bank of New York v. M.N.R., 73 DTC 5471. Le passage qui suit à la page 3476 me paraît bien pertinent :

[Traduction] La Loi ne donne aucune définition de l'expression « juste valeur marchande » . Je ne pense pas qu'il faille chercher à définir exactement l'expression employée dans la Loi. Dans son sens courant, me semble-t-il, cette expression désigne le prix le plus élevé que le propriétaire d'un bien peut raisonnablement s'attendre à en tirer s'il le vend de façon normale et dans le cours ordinaire des affaires, le marché n'étant pas soumis à des pressions inhabituelles et étant constitué d'acheteurs disposés à acheter et de vendeurs disposés à vendre, qui n'ont pas entre eux aucun lien de dépendance et qui ne sont en aucune façon obligés d'acheter ou de vendre. J'ajouterais que cette interprétation, exprimée de façon générale, comprend ce que j'estime être l'élément essentiel, soit un marché libre de toutes restrictions où le prix est établi par le jeu de la loi de l'offre et de la demande entre des acheteurs et des vendeurs avertis et désireux d'acheter et de vendre. [je souligne]

[164] Tout d’abord, j’attache peu de poids aux évaluations de monsieur Levert. Il était partie à ces transactions et il avait un intérêt à ce que les ventes soient conclues. Il était à la fois vendeur et évaluateur.

[165] Dans sa déclaration de revenu pour l'année 1990, l'appelant a attribué une valeur de 10 150 $ aux fins du crédit d'impôt pour dons de bienfaisance à trois tableaux donnés à l'Univers du Rail Inc.

[166] L'un des tableaux de Claude Carette a été évalué à 2 400 $ par monsieur Levert. Le tableau est décrit par monsieur Levert comme une huile sur toile de 16 po x 24 po et représente un paysage. Selon le GuideVallée de 1989, le prix suggéré pour une huile ayant les dimensions susmentionnées est de 2 050 $ et non pas 2 400 $. La différence s'expliquerait par le prix de l'encadrement. L'édition immédiatement postérieure du Guide Vallée suggère un prix de 1 250 $. Monsieur Levert a suggéré qu'il y avait eu erreur. Monsieur Levert a reconnu que dans les ventes aux enchères on trouve régulièrement des tableaux de Claude Carette. Dans les ventes à l'encan, les tableaux de même médium, de même dimensions et de même sujet se vendent au maximum à 350 $.

[167] Eu égard à la preuve quant au prix auquel se sont vendus des tableaux de cet artiste dans des ventes à l'enchère et aux données sur l'encadrement, j'ai conclu qu'une valeur de 500 $ pouvait être attribuée à ce tableau au moment du don.

[168] Je me réfère à la question de la valeur du tableau de Gilles Gingras. Le tableau est décrit par monsieur Levert comme une huile sur toile de 20 po x 24 po. Monsieur Levert s'est fondé sur le Guide Vallée, édition de 1989, où un prix de 3 500 $ est suggéré et par l'ajout du prix d'un cadre d'environ 225 $, selon lui.

[169] Monsieur Levert reconnaît que l'on trouve de nombreuses ventes de tableaux aux enchères pour des tableaux de même sujet et de dimensions comparables au tableau en cause. Il a été fait état de nombreuses ventes aux enchères des tableaux de cet artiste durant une période de 1987 à 1991, les prix oscillant entre 325 $ et 1 100 $. Tout compte fait, eu égard à la preuve, j'évaluerais ce tableau à l'époque pertinente à 1 000 $.

[170] Le troisième tableau donné par l'appelant en 1990 est une aquarelle de 20.5 po x 24.5 po de Fielding Downes. Il s'agit d'une aquarelle sur papier « La Haute Ville Québec » . L'évaluation de monsieur Levert mentionne une valeur de 3 750 $. Elle serait basée sur le Guide Vallée, édition de 1989. Monsieur Levert a aussi affirmé avoir communiqué avec monsieur Jacques Morin qui lui aurait donné le prix de cette aquarelle en 1990. Le prix suggéré par monsieur Morin en 1991 pour une oeuvre sur papier de 20 po x 24 po est de 3 500 $. Les prix réalisés par messieurs Sanchez et Morin pour les ventes d'aquarelles se situeraient entre 90 $ et 467 $. Eu égard en particulier au témoignage du témoin expert, monsieur Charles Rinfret, j'évaluerais cette aquarelle à 400 $.

[171] Dans sa déclaration de revenu pour l'année d'imposition 1991, l'appelant a attribué une valeur de 10 000 $ à des tableaux donnés à la Fondation Amérindienne Tecumseh.

[172] Les évaluations qui ont été retrouvées dans les organismes de la Fondation Amérindienne Tecumseh et Fondation Artrix en rapport avec les membres du groupe ADOC sont uniquement des évaluations effectuées par la Galerie des Maîtres Anciens.

[173] Les deux évaluations repérées à la Fondation Amérindienne Tecumseh donnent 2 500 $ par oeuvre. C'est l'évaluation qui figure à l'édition de 1989 du Guide Vallée. J'ai aussi considéré les évaluations faites par messieurs Guy Gagnon et Jules Harvey de même que le témoignage de monsieur Charles Rinfret.

[174] Eu égard à la preuve, j'évalue les dessins de Fielding Downes donnés par l'appelant à la Fondation Amérindienne Tecumseh à 2 500 $.

[175] L'intimée, dans ses notes à l'appui de sa plaidoirie dans le cadre de la deuxième question telle que libellée par elle, a aussi soulevé la question de la non-conformité des reçus avec la Loi de l'impôt sur le revenu et le Règlement de l'impôt sur le revenu. Cette question fait l'objet d'une allégation parmi les hypothèses retenues par le ministre du Revenu national mais ne figure pas dans les deux dossiers dans la partie « B » des actes de procédure du ministre du Revenu national énonçant les questions en litige.

[176] Je ne ferai que quelques observations sur cette question.

[177] Tout d'abord, le paragraphe 118.1(2) de la Loi édicte la non-inclusion de dons qui ne sont pas attestés par un reçu (présenté au ministre) qui contient les renseignements prescrits. C'est le paragraphe 3501(1) du Règlement de l'impôt sur le revenu qui précise les renseignements qui doivent figurer sur le reçu. Ce paragraphe mentionne notamment que tout reçu officiel doit indiquer des renseignements sous dix rubriques distinctes. D'autre part, le paragraphe 3501(4) du même Règlement prévoit le cas où un reçu officiel est délivré pour remplacer un reçu officiel délivré antérieurement. Finalement, le paragraphe 3501(6) de ce décret dispose qu'une formule de reçu officiel qui contient des mentions inexactes ou illisibles à l'égard de trois types de renseignements seulement doit être considérée comme gâchée.

[178] Il semble que les dispositions précitées du Règlement de l'impôt sur le revenu permettent, du moins dans certains cas, de remplacer un reçu qui est inexact, illisible ou peut-être même incomplet.

[179] À tout événement, je ne me crois pas tenu de me prononcer sur cette question.

[180] Il me reste à considérer la question de la pénalité imposée par le ministre du Revenu national pour l'année d'imposition 1991.

[181] La preuve démontre que l'appelant a pris un certain nombre de précautions et a fait un certain nombre de démarches avant de faire les dons en question aux organismes de bienfaisance. Ces précautions et démarches sont pertinentes dans le cadre de l'examen global de la conduite du contribuable non seulement pour les fins de l'année d'imposition 1990 à l'égard de laquelle le ministre du Revenu national n'a pas imposé une pénalité mais également à l'égard de l'année d'imposition 1991.

[182] Compte tenu de toutes les circonstances, j'ai conclu que la conduite de l'appelant n'atteignait pas le degré de négligence grave à l'égard de ses obligations fiscales visé par le paragraphe 163(2) de la Loi. À cet égard, le ministre du Revenu national ne s'est pas déchargé du fardeau qui lui incombait.

[183] Je conclus donc que l'imposition de la pénalité par le ministre du Revenu national est mal fondée.

[184] Pour ces motifs, les appels des cotisations pour les années d’imposition 1990 et 1991 sont admis et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations sur la base que l'appelant a droit à la déduction prévue par l’article 118.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu au titre de dons en tenant compte de la valeur des dons retenue dans ces motifs. L'exonération des gains en capital doit être prise en compte, le cas échéant. La cotisation pour l'année d'imposition 1991 quant à l'élément pénalité est annulée.

[185] Les dépens seront adjugés plus tard à la suite d’une audition commune aux présents appels et aux appels dans les dossiers Amédée Duguay (94-1081(IT)G), Diane L. Duguay (94-1084(IT)G) et les dossiers Alain Côté (92-2773(IT)G) et Louise Marcoux (93-3160(IT)G). Le mode et la date d’audition commune portant sur la question des dépens seront déterminés en consultation avec les avocats des parties.

Signé à Ottawa, Canada, ce 13e jour de novembre 1998.

« Alban Garon »

J.C.C.I.

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