Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19990615

Dossier: 98-1040-IT-I

ENTRE :

FRANÇOIS J. SUERMONDT,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Bowman, C.C.I.

[1] Il s'agit d'un appel de la cotisation établie à l'égard de l'appelant pour l'année d'imposition 1991. La question en litige consiste à déterminer si l'appelant doit payer de l'impôt sur la somme de 72 500 $ qu'il a reçue à la suite du règlement d'une action pour congédiement abusif.

[2] Avant 1991, l'appelant a été licencié par une société connue sous le nom de Datapoint Canada Inc. L'appelant a intenté une action en dommages-intérêts, et un règlement a été conclu en 1991.

[3] Des avocats le représentaient, mais il a négocié personnellement le règlement définitif. D'après son témoignage, il a cru comprendre que le montant du règlement s'élevait à 111 540 $, que l'impôt y afférent ainsi que les cotisations au Régime de pension du Canada et celles d'assurance-chômage seraient retenus et versés au Receveur général, et qu'il recevrait la somme nette de 72 500 $.

[4] Les choses ne se sont pas passées ainsi. Le 4 février 1991, le président de Datapoint, M. George D. Oyagt, a écrit ce qui suit à l'avocate de la société, Me Chantal C. Beaulieu, d'Ogilvy Renault :

Objet : François Suermondt c. Datapoint Canada Inc.

Vous trouverez ci-joint deux chèques payables à l'ordre de « Godin, Raymond, Harris, Thomas – en fidéicommis » au montant de 72 500 $ et 500 $, ce qui représente respectivement le montant du règlement conclu avec M. Suermondt et les honoraires d'avocat de M. Suermondt.

Je crois que le règlement est réaliste étant donné les circonstances. Nous avons reconnu que nous devions à François des commissions impayées au montant de 36 000 $ (il avait réclamé 44 000 $) plus un montant présumé de vingt-deux journées de congé en souffrance. Si nous ajoutons à cela sa réclamation pour des intérêts perdus sur les commissions qui lui étaient dues à partir d'août 1989, les six à neuf journées-personne de David Cunningham et le temps que je perdrais à présenter notre cause devant les tribunaux, ainsi que le montant qu'une cour pourrait lui adjuger pour congédiement abusif (la réclamation totale de Suermondt au montant de 115 000 $), le règlement fait moins mal. J'ai obtenu l'accord de Me Philip Freeman, vice-président principal et principal avocat d'Intelogic Trace Inc., pour ce règlement.

En plus d'une quittance pleine et entière de la part de M. Suermondt, auriez-vous l'obligeance de vous assurer qu'on s'occupe de toutes les incidences du règlement relatives à l'assurance-chômage, à l'impôt sur le revenu (québécois et fédéral) et à toute autre obligation légale ou envers le gouvernement avant la remise des chèques afin de garantir contre toute responsabilité Datapoint Canada Inc. et Intelogic Trace Canada Inc. en rapport avec M. Suermondt.

C'était un plaisir de traiter avec vous sur cette question juridique. Je vous remercie de toute votre aide dans la négociation de ce règlement à l'amiable.

[5] Cette lettre est quelque peu étrange. Pour quelle raison le président enverrait-il un chèque de 72 500 $ à ses avocats, payable aux avocats de M. Suermondt, et leur donnerait-il l'ordre de s'assurer « qu'on s'occupe de toutes les incidences du règlement relatives à l'assurance-chômage, à l'impôt sur le revenu (québécois et fédéral) et à toute autre obligation légale ou envers le gouvernement avant la remise des chèques... » ? Le chèque n'était pas payable à l'ordre d'Ogilvy Renault et, par conséquent, Me Beaulieu n'aurait pu retenir aucun impôt.

[6] Me Beaulieu a témoigné, mais étant donné que huit années s'étaient écoulées et que les dossiers n'étaient pas disponibles, elle ne pouvait apporter aucun éclaircissement sur le règlement.

[7] Il ne semble pas que le règlement ait été consigné par écrit.

[8] Le ministère du Revenu national a reçu un formulaire T4A pour 1991 d'Intelogic Trace Canada Inc (qui avait acquis Datapoint Canada Inc.) indiquant le paiement à M. Suermondt de 72 500 $ comme allocation de retraite, sans retenues.

[9] Le ministère du Revenu national a communiqué avec l'appelant qui n'avait pas encore produit une déclaration de revenus en 1994; dans celle qu'il a produite par la suite, il n'a pas déclaré la somme de 72 500 $.

[10] Le ministre a établi une cotisation à son égard en fonction de cette somme.

[11] La principale prétention de l'appelant n'est pas à l'effet que la somme n'était pas une allocation de retraite, mais plutôt qu'il devait, en vertu des conditions du règlement, recevoir cette somme nette d'impôt et que la responsabilité du versement d'impôt sur la somme de 111 540 $ incombait à Datapoint. Il a tenté d'obliger Datapoint à respecter ce qu'il croyait être leur règlement, mais il a découvert qu'entre-temps cette société avait quitté le Canada.

[12] Je n'hésite aucunement à croire M. Suermondt quand il affirme que, selon ce qu'il a cru comprendre du règlement, il devait recevoir 72 500 $ net d'impôt et des autres retenues applicables.

[13] Malheureusement, le règlement n'a pas été consigné par écrit et, si tel était le règlement, Datapoint a manqué à sa promesse.

[14] Quand un employeur retient de l'impôt du traitement ou du salaire d'un employé et qu'il néglige de le verser, il est clair que le ministre ne peut poursuivre l'employé pour l'impôt non versé. Une fois qu'il est retenu, l'impôt est détenu en fiducie pour Sa Majesté.

[15] Ce n'est pas la situation dans laquelle il y a une entente verbale en vertu de laquelle l'employé recevra son salaire ou son traitement (ou, comme c'est le cas en l'espèce, un montant forfaitaire imposable) « net d'impôt » . Une telle entente ne lie pas le ministre et n'équivaut pas au type de retenue qui pourrait créer une fiducie en faveur de Sa Majesté ou un moyen de défense dont l'employé peut se servir contre une demande de la part du ministre que l'employé paie de l'impôt sur le montant qu'il a reçu.[1]

[16] Je regrette d'être obligé d'en arriver à cette conclusion. M. Suermondt a été trompé par Datapoint qui n'a pas respecté son entente avec lui. Toutefois, ce fait ne peut pas avoir des retombées qui nuisent à la position de l'intimée.

[17] L'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de juin 1999.

« D.G.H. Bowman »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 19e jour de janvier 2000.

Stephen Balogh, réviseur



[1] Un autre exemple des problèmes liés à des ententes orales et non écrites en vertu desquelles un employé doit recevoir un salaire net d'impôt, de cotisations au Régime de pension du Canada et de celles d'assurance-chômage se trouve dans l'arrêt Skold (c.o.b. Grand Forks Recycling & Metals) v. Canada, [1999] T.C.J. no 179 (QL).

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