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Date: 19980504

Dossier: 97-271-UI

ENTRE :

LIVIU ION LESSERU,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Somers, C.C.I.

[1] Cet appel a été entendu le 30 mars 1998 à Montréal (Québec).

[2] L’appelant interjette appel de la décision du ministre du Revenu national (le « Ministre » ), selon laquelle l’emploi exercé au cours de la période en cause, soit du 5 juin 1994 au 18 août 1995, auprès de 9001 0406 Québec Inc., opérant Cara Pizza, le payeur, n'était pas assurable pour le motif qu'il n'existait pas de relation employeur-employé entre lui et le payeur durant la période en cause.

[3] Le paragraphe 3(1) de la Loi sur l'assurance-chômage se lit en partie comme suit :

« 3(1) Un emploi assurable est un emploi non compris dans les emplois exclus et qui est, selon le cas :

a) un emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, en vertu d’un contrat de louage de services ou d’apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l’employé reçoive sa rémunération de l’employeur ou d’une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

[...] »

[4] Le fardeau de la preuve incombe à l'appelant. Ce dernier doit établir, selon la prépondérance de la preuve, que la décision du Ministre est mal fondée en fait et en droit. Chaque cas est un cas d'espèce.

[5] Le Ministre s'est fondé, pour rendre sa décision, sur les faits suivants que l'appelant a admis ou niés :

« a) L’appelant est citoyen de la Roumanie. (admis)

b) L’appelant est assujetti aux lois de l’immigration qui obligent un étranger à obtenir un permis de travail pour avoir le droit de travailler au Canada. (admis)

c) L’appelant a travaillé pour le payeur du 28 mars 1994 au 13 août 1995. (admis)

d) L’appelant avait obtenu un permis de travail au Canada valide du 4 février 1994 au 4 juin 1994 et par la suite, en a obtenu un second valide du 26 septembre 1995 au 25 septembre 1996. (admis)

e) Durant la période du 5 juin 1994 au 25 septembre 1995, l’appelant n’avait aucun permis de travail valide. (admis)

f) Durant la période en litige, l’appelant travaillait sans permis de travail au Canada. (admis)

g) Il n’existait pas de contrat de louage de services entre l’appelant et le payeur durant la période en litige.” (nié)

[6] Le Ministre s’appuie, inter alia, sur l’alinéa 3(1)(a) et le paragraphe 61(3) de la Loi sur l’assurance-chômage et sur l’article 18 de la Loi sur l’immigration ainsi que sur les articles 9, 1385 et ss. du Code Civil du Québec.

[7] L’appelant a admis tous les faits allégués au paragraphe 5 de la Réponse à l’avis d’appel, sauf l’alinéa g). L’appelant déclare qu’il est arrivé au Canada en septembre 1992, ayant obtenu un permis de travail pour cette année. Sachant qu’il devait obtenir un permis annuel de travail, il en a fait la demande en juin 1994, mais ne l’a pas obtenu. Il a obtenu des permis de travail pour les périodes alléguées à l’alinéa d) de la Réponse à l’avis d’appel. L’appelant est résident canadien depuis octobre 1996; cependant ce fait n’a pas de pertinence dans ce litige.

[8] L’intimé prétend que l’objet du contrat d’emploi auprès du payeur, durant la période en cause, est que l’appelant n’avait pas la capacité de conclure un tel contrat. L’intimé s’appuie, entre autres, sur l’article 18 de la Loi sur l’immigration.

[9] L’article 18 de cette Loi se lit comme suit :

« 18. (1) Sous réserve des paragraphes 19(1) à (2.2), il est interdit à quiconque, à l’exception d’un citoyen canadien ou d’un résident permanent, de prendre ou de conserver un emploi au Canada sans une autorisation d’emploi en cours de validité.

18. (2) Une personne titulaire d’une autorisation d’emploi en cours de validité ne peut conserver un emploi au Canada que si elle respecte toutes les conditions du permis. »

[10] Puisque l’appelant a rendu des services au payeur dans la province de Québec ce sont les dispositions du Code Civil du Québec qui doivent s’appliquer pour rendre un contrat valide. Les dispositions pertinentes de l’ancien code pour la période en cause qui doivent s’appliquer sont les suivantes :

« art. 13. On ne peut déroger par des conventions particulières aux lois qui intéressent l’ordre public ou les bonnes moeurs.

art. 14. Les lois prohibitives emportent nullité, quoiqu’elle n’y soit pas prononcée.

art. 984. Quatre choses sont nécessaires pour la validité d’un contrat :

Des parties ayant la capacité légale de contracter.

Leur consentement donné légalement;

Quelque chose qui soit l’objet du contrat;

Une cause ou considération licite.

art. 985. Toute personne est capable de contracter, si elle n’en est pas expressément déclarée incapable par la loi.

art. 989. Le contrat sans considération, ou fondé sur une considération illégale, est sans effet; mais il n’est pas moins valable quoique la considération n’en soit pas exprimée ou soit exprimée incorrectement dans l’écrit qui le constate.

art. 990. La considération est illégale quand elle est prohibée par la loi, ou contraire aux bonnes moeurs ou à l’ordre public.

art. 1062. L’objet d’une obligation doit être une chose possible, qui ne soit ni prohibée par la loi, ni contraire aux bonnes moeurs.”

[11] Dans la cause Abdoulaye Kante et M.R.N. (95-1153(UI)), l’honorable juge Pierre Archambault de notre Cour s’exprime ainsi :

« Qu’il s’agisse de l’ancien ou du nouveau code, une des conditions essentielles de la validité d’un contrat est l’existence d’un objet qui ne soit pas prohibé par la loi ou contraire à l’ordre public. L’ancien et le nouveau code reconnaissent qu’un contrat ayant une considération illégale ou dont l’objet est prohibé par la loi ou contraire à l’ordre public est nul et sans effet (art. 989 ancien code et 1413 nouveau code). »

[12] Dans la cause Kathleen Still et M.R.N., [1997] A.C.F. no 1622, décision en date du 24 novembre 1997, la Cour d’appel fédérale s’exprime ainsi au paragraphe 39 :

« Un contrat qui est soit explicitement, soit implicitement interdit par une loi est normalement considéré comme nul ab initio. C’est-à-dire qu’à première vue, aucune des parties n’a le droit de demander l’aide des tribunaux. Il en est ainsi même si la partie qui demande réparation a agi de bonne foi. L’ignorance de la loi n’est pas une excuse. Cependant, un tribunal ne devrait pas être prompt à en déduire l’existence d’une interdiction, et ne doit pas le faire si l’interdiction se rapporte à l’exécution d’un contrat par opposition à sa formation. Si l’interdiction se rapporte aux modalités de l’exécution, alors un cocontractant innocent peut avoir droit à l’exécution du contrat. »

[13] La Cour d’appel fédérale, à la lumière de cette décision, n’est pas prête à accepter que le contrat est nul ab initio dans toutes les circonstances. Cette Cour soulève l’aspect de bonne foi de la part du contractant. Elle ajoute que si le contrat ayant une considération illégale ou dont l’objet est prohibé par la loi ou contraire à l’ordre public est nul ou sans effet, il faut considérer les conséquences de cette nullité.

[14] Dans cette décision la Cour d’appel fédérale donne des exemples de l’application de l’aspect de bonne foi. Dans la cause sous étude, l’appelant savait qu’il devait obtenir un permis de travail annuellement. L’appelant avait déjà obtenu un permis de travail, donc il aurait dû prévoir les conséquences, d’être en défaut.

[15] Pour ces motifs, l’appel est rejeté et la décision rendue par le Ministre est confirmée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 4e jour de mai 1998.

« J.F. Somers »

J.S.C.C.I.

Jurisprudence consultée

David Pena, propriétaire de Entretien Amedav Enr. et M.R.N. et America Allendes, 94-14(UI), l’honorable juge suppléant G. Charron, Cour canadienne de l’impôt

Kathleen Still et M.N.R., [1997] A.C.F. no 1622, l’honorable juge J.T. Robertson, Cour d’appel fédérale

Abdoulaye Kante et M.R.N., 95-1153(UI), l’honorable juge P. Archambault, Cour canadienne de l’impôt

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