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Date: 20010419

Dossier: 2000-1118-EI

ENTRE :

TINO CONSTRUCTION LTÉE,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Somers, C.C.I.

[1]            L'appel a été entendu à Montréal, Québec, le 6 mars 2001.

[2]            Dans une lettre datée du 24 septembre 1999, le ministre du Revenu national (le « ministre » ) informait l'appelante que Gerard Lecours, le travailleur, avait bien occupé un emploi assurable du 1er juin 1998 au 29 janvier 1999, étant donné l'existence d'une relation employeur-employé entre le travailleur et l'appelante. En outre, il a été décidé que, pendant la période durant laquelle il avait occupé un emploi auprès de l'appelante, le travailleur avait accumulé 577 heures assurables et que sa rémunération assurable pour la période s'élevait à 3 950 $.

[3]            L'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'assurance-emploi dispose que :

5.(1) Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable :

                                a)             l'emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d'un contrat de louage de services ou d'apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l'employé reçoive sa rémunération de l'employeur ou d'une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

[...]

[4]            Le fardeau de la preuve repose sur l'appelante. Elle doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que le ministre a commis des erreurs de faits et de droit en rendant sa décision. Chaque affaire est un cas d'espèce.

[5]            En rendant sa décision, le ministre s'est fondé sur les hypothèses suivantes, que l'appelante admet ou nie ou à l'égard desquelles elle omet de se prononcer.

[TRADUCTION]

a)              L'appelante a refusé de donner les renseignements demandés au représentant de l'intimé; (nié)

b)             le 1er juin 1998, l'appelante a signé une entente écrite avec le travailleur; (admis)

c)              le travailleur a été engagé à titre de gestionnaire et de concierge de l'immeuble situé au 4430, avenue Verdun; (admis)

d)             les tâches du travailleur étaient énumérées dans l'entente écrite; (admis)

e)              en contrepartie de ses services, le travailleur occupait le logement numéro 14 sans frais et recevait un salaire mensuel de 50 $; (admis)

f)              la valeur du loyer mensuel du logement était de 450 $; (admis)

g)             le travailleur relevait d'Ernest Perlini et d'Anna Perlini; (admis)

h)             le travailleur travaillait de 20 à 30 heures par semaine; (nié)

i)               le travailleur devait être disponible en tout temps pendant la semaine; (nié)

j)               l'appelante fournissait tout le matériel et les outils au travailleur; (admis)

k)              le travailleur a été payé par chèque une fois à la fin de décembre 1998; (admis)

l)               le travailleur a été mis à pied par l'appelante, par lettre datée du 6 janvier 1999; la mise à pied prenait effet le 29 janvier 1999; (admis)

m)             le salaire de janvier 1999 n'a jamais été versé au travailleur; (admis)

n)             les revenus totaux du travailleur étaient les suivants :

                loyer                                        450 $        X              8 mois                      3 600 $

                salaire mensuel      50 $         X              7 mois                      350 $

                total                                                                                                         3 950 $

(omis de se prononcer)

o)             pendant la période en litige, le salaire minimum était de 6,80 $ l'heure jusqu'au 1er octobre 1998 et de 6,90 $ l'heure après le 1er octobre 1998; (omis de se prononcer)

p)             pour la période du 1er juin au 1er octobre 1998, le travailleur comptait 294 heures de travail (2 000 $ divisé par 6,80 $ = 294 heures); (omis de se prononcer)

q)             pour la période du 1er octobre 1998 au 29 janvier 1999, le travailleur comptait 283 heures de travail (1 950 $ divisé par 6,90 $ = 283 heures); (omis de se prononcer)

r)              pendant la période en litige, le travailleur comptait 577 heures assurables. (omis de se prononcer)

[6]            L'appelante était propriétaire d'un immeuble de 29 logements. L'appelante a signé une entente écrite (pièce A-3) avec le travailleur, engageant ce dernier à titre de gestionnaire et de concierge. L'entente a été signée par Ernest Perlini, en tant que directeur de l'appelante, par le travailleur et par Ginette Vaillancourt, conjointe de fait du travailleur.

[7]            Le travailleur a exécuté le travail prévu dans l'entente écrite. Ses tâches de concierge consistaient, notamment, à garder l'immeuble en bon état : il devait laver et nettoyer l'entrée et les corridors, jeter les ordures, faire les réparations mineures courantes dans les logements et tondre la pelouse autour de l'immeuble. Ces tâches s'étalaient sur sept jours.

[8]            Selon l'entente, le travailleur et sa conjointe habitaient, sans frais, un logement dans l'immeuble, dont le loyer mensuel était évalué à 450 $, et le travailleur recevait un salaire mensuel de 50 $.

[9]            Le travailleur et sa conjointe ont témoigné sans hésiter et de façon honnête. Leurs témoignages étaient crédibles. La Cour n'a aucune raison de ne pas les croire. Ils ont déclaré devant le tribunal et à l'agent des appels que le travailleur a exécuté le travail conformément aux conditions de l'entente écrite. La conjointe du travailleur n'a exécuté aucune tâche si ce n'est de répondre au téléphone à l'occasion en raison d'un grave problème d'audition du travailleur, problème que la Cour a constaté lors du témoignage de ce dernier.

[10]          La conjointe du travailleur avait un emploi à temps plein ailleurs; elle travaillait 33,75 heures par semaine comme femme de ménage à la Place Bonaventure. En outre, à compter du 1er septembre 1998, elle a cessé de travailler en raison d'une dépression nerveuse; elle prenait des médicaments et n'était pas en mesure de travailler dans l'immeuble à logements.

[11]          Tant Anna Perlini, qui tenait les livres, qu'Ernest Perlini ont déclaré que la conjointe du travailleur, et non ce dernier, effectuait le travail. On ne peut se fier et à leur témoignage puisqu'ils n'habitaient pas l'immeuble et qu'ils n'y travaillaient pas. L'appelante avait le fardeau de prouver que le ministre avait commis des erreurs de faits et de droit en rendant sa décision, mais elle a échoué.

[12]          La jurisprudence reconnaît sans exception quatre facteurs permettant de distinguer un contrat de louage de services d'un contrat d'entreprise. Dans l'affaire Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553 (87 DTC 5025), la Cour d'appel fédérale a énoncé les quatre facteurs de base suivants :

le degré, ou l'absence, de contrôle exercé par le prétendu employeur;

la propriété des instruments de travail;

les chances de bénéfice et les risques de perte;

l'intégration des travaux effectués par les prétendus employés dans l'entreprise du prétendu employeur.

Le contrôle

[13]          Le travailleur a signé une entente écrite préparée par l'appelante. Le travailleur assumait les responsabilités de concierge tel qu'énoncées dans ladite entente. Le travailleur relevait de l'appelante par l'entremise d'Ernest Perlini. Le travailleur était en service sept jours par semaine; il habitait l'immeuble et y travaillait. Le travail était effectué par le travailleur et par personne d'autre.

La propriété des instruments de travail

[14]          Le travailleur vivait et travaillait dans l'immeuble. L'appelante fournissait au travailleur tout le matériel et les produits nécessaires à l'exécution de son travail.

Les chances de bénéfice et les risques de perte

[15]          Le travailleur a reçu, comme il a été admis, un salaire mensuel de 50 $ et l'usage d'un logement dont le loyer mensuel était évalué à 450 $. Un chèque daté du 21 décembre 1998 au montant de 300 $ (pièce A-4), signé par Ernest Perlini au nom de l'appelante, a été remis au travailleur et à sa conjointe; le chèque représentait le salaire versé au travailleur pour les mois de juillet à décembre 1998.

L'intégration

[16]          Le travailleur était assurément intégré à l'entreprise de l'appelante; il s'agissait en outre de l'unique emploi du travailleur au cours de la période en question.

[17]          L'analyse des quatre facteurs de base susmentionnés est concluante : la relation de travail entre l'appelante et le travailleur était fondée sur un contrat de louage de services.

[18]          Par lettre datée du 21 janvier 1999 (pièce A-5), l'avocat de l'appelante informa le travailleur et sa conjointe que l'entente était révoquée et qu'ils devaient quitter leur logement avant le 23 janvier 1999. Dans son témoignage, le travailleur a déclaré avoir exécuté ses fonctions jusqu'à la fin de janvier 1999 mais ne pas avoir reçu son salaire de 50 $.

[19]          L'appelante a omis de se prononcer sur les sous-paragraphes n) à r) du paragraphe 6 de la réponse à l'avis d'appel. Au cours de l'audience, l'appelante n'a fait aucun état de la méthode de calcul des heures travaillées ou du total de la rémunération assurable. Les calculs en question sont réputés exacts.

[20]          En tenant compte de toutes les circonstances, notamment des témoignages et de la preuve documentaire, la Cour est convaincue que l'appelante ne s'est pas déchargée de son fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que le ministre a commis des erreurs de faits et de droit en rendant sa décision.

[21]          En rendant sa décision, le ministre s'est fondé sur l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'assurance-emploi et sur le paragraphe 10(4) du Règlement sur l'assurance-emploi.

[22]          Pendant la période à l'étude, le travailleur exerçait un emploi assurable au sens de cette expression donné à l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'assurance-emploi.

[23]          L'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour d'avril 2001.

"J.F. Somers"

J.S.C.C.I.

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