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Date: 20000328

Dossiers: 1999-4356-IT-I; 1999-4471-IT-I

ENTRE :

JONG WOOK CHO, HYUNG BUN SHIN,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

Motifs du jugement

Le juge en chef adjoint Bowman, C.C.I.

[1] Ces affaires ont été entendues ensemble. Elles soulèvent une question qui relève uniquement de l'interprétation de la loi.

[2] M. Cho exploitait, avec des associés, une épicerie appelée 5th Ave Grocery. Mme Shin exploitait, avec des associés, une entreprise nommée Sevenoaks Shoe Service.

[3] Dans les deux cas, l'appel vise l'année d'imposition 1997. À l'audience, Mme Shin a renoncé à l'appel visant l'année d'imposition 1996 puisqu'elle n'avait pas déposé d'avis d'opposition.

[4] Les exercices respectifs des deux entreprises se terminaient le 31 mars.

[5] Dans ces deux affaires, le problème découle de l'article 34.1. Cette disposition est entrée en vigueur dans le cadre du budget de 1995 et devait s'appliquer après 1994. De façon générale, les modifications apportées aux articles 34.1, 34.2 et 249.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu avaient pour objectif de mettre un terme à la pratique de certaines personnes, sociétés de personnes et sociétés professionnelles qui présentaient un exercice se terminant après la fin de l'année civile, ce qui avait pour résultat, de façon pratique, de différer le revenu gagné au cours d'un exercice jusqu'à l'année civile au cours de laquelle l'exercice prenait fin (paragraphes 11(1) et 96(1)). La solution a tout simplement consisté à modifier la définition d'un “ exercice ”; c'est précisément ce que fait l'article 249.1. Cet article, qui s'applique aux exercices qui débutent après 1994, prévoit que, dans le cas des particuliers, des sociétés de personnes ou des sociétés professionnelles, aucun exercice ne peut prendre fin après la fin de l'année civile au cours de laquelle cet exercice a débuté.

[6] S'il n'y avait eu aucun moyen d'en atténuer les effets au cours de la première année, la définition d'un exercice que donne l'article 249.1 aurait pu avoir pour résultat que, en 1995, un particulier, une société de personnes ou une société professionnelle aurait pu se voir assujetti à l'impôt sur deux années de revenu au cours d'une seule année. Si le ou la propriétaire unique d'une entreprise présentait un exercice se terminant le 31 janvier, il ou elle aurait pu être assujetti en 1995 à l'impôt sur le revenu pour l'exercice à la fois du 1er février 1994 au 31 janvier 1995, et du 1er février 1995 au 31 décembre 1995.

[7] Par conséquent, le paragraphe 249.1(4) permet aux particuliers, dans certaines circonstances, de faire un choix sur un formulaire prescrit afin que l'alinéa 249.1(1)b) ne s'applique pas (l'“ autre méthode ”) ou, autrement dit, afin de conserver un exercice qui ne se termine pas le 31 décembre.

[8] Les deux appelants ont choisi l'autre méthode pour 1997 et ont calculé leur revenu d'entreprise selon la partie 2 du formulaire prescrit T1139. Ce choix a pour résultat de faire en sorte que les dispositions de l'alinéa 34.1(1) s'appliquent. Cet alinéa se lit ainsi :

(1) Le particulier, sauf une fiducie testamentaire, qui exploite, au cours d'une année d'imposition, une entreprise dont un exercice commence dans l'année et se termine après la fin de l'année (appelé “exercice donné” au présent paragraphe) et qui a fait le choix prévu au paragraphe 249.1(4) relativement à l'entreprise, lequel choix n'a pas été révoqué, est tenu d'inclure le résultat du calcul suivant dans le calcul de son revenu pour l'année tiré de l'entreprise :

C

(A – B) x —

   D

où :

A représente le total du revenu du particulier tiré de l'entreprise pour les exercices de celle-ci qui se terminent dans l'année;

B le moins élevé des montants suivants :

(i) le total des montants représentant chacun un montant, compris dans le calcul de l'élément A relativement à l'entreprise, qui est réputé être un gain en capital imposable pour l'application de l'article 110.6,

(ii) le total des montants déduits en application de l'article 110.6 dans le calcul du revenu imposable du particulier pour l'année;

C le nombre de jours où le particulier exploite l'entreprise qui tombent à la fois dans l'année et dans l'exercice donné;

D le nombre de jours où le particulier exploite l'entreprise qui tombent dans les exercices de celle-ci se terminant dans l'année.

[9] Le calcul (A-B) x du paragraphe 34.1(1) s'applique de la façon suivante :

Prenons par exemple un exercice se terminant le 31 mars 1997. En plus du revenu de l'exercice terminé le 31 mars 1997 (disons 100 000 $), un revenu d'entreprise supplémentaire (“ RES ”), calculé de la façon indiquée plus haut, doit être inclus. Posons la prémisse que B égale 0.

Nombre de jours depuis la fin de l'exercice terminé le 31 mars 1997 jusqu'à la fin de l'année civile 1997

100 000 $

x

Nombre de jours au cours de l'exercice terminé le 31 mars 1997

soit : 100 000 $ x = 75 342 $

[10] Le revenu inclus est de 175 342 $ (arrondissons ce nombre à 175 000 $). Si l'on devait s'arrêter ici, l'anomalie serait apparente puisque le RES pour l'exercice raccourci se terminant le 31 décembre 1997 se fonde non sur ce qui est réellement gagné au cours de cet exercice (ni même sur une proportion de ce qui est gagné au cours de l'exercice se terminant le 31 mars 1998 (qui peut être encore inconnu lorsque le contribuable prépare sa déclaration de 1997)), mais plutôt sur le revenu de l'exercice précédent. Il ne s'agit pas d'un montant théorique. Le résultat est néanmoins rééquilibré par la réserve permise.

[11] Ce système est entré en vigueur en 1995. Par conséquent, si l'on tient pour acquis qu'un choix a été effectué en vertu du paragraphe 249.1(4) pour cette année, et si l'on suppose un revenu du contribuable, pour les exercices se terminant les 31 mars 1995, 1996 et 1997, qui reste constant à 100 000 $, son revenu pour 1995 serait :

100 000 $ + 75 000 $ (RES) (34.1(1)) = 175 000 $

moins la réserve (95 % de 75 000 $ = 71 250 $) = 103 750 $

[12] En 1996, son revenu serait :

100 000 + RES de 1996 (75 000 $) = 175 000 $

moins le RES de 1995 (75 000 $) = 100 000 $

plus la réserve de 1995 (71 250 $) = 171 250 $

moins la réserve de 1996 (85 % de 75 000 $ (RES de 1995) = 63 750 $) = 107 500 $

[13] Le calcul suivant s'appliquerait pour 1997 :

100 000 $ + RES (75 000 $) = 175 000 $

moins le RES de 1996 (75 000 $) = 100 000 $

plus la réserve de 1996 (71 250 $) = 171 250 $

moins la réserve de 1997 (75 % du RES de 1995 = 56 250 $) = 115 000 $

[14] La différence fondamentale entre les arguments du représentant de l'appelant, M. Sunwoo, et ceux de l'intimée est que, selon M. Sunwoo, l'article 34.1 ne s'applique pas à un contribuable dont l'entreprise a démarré avant 1995 (comme c'est le cas pour les deux appelants en l'instance). C'est pour cette raison qu'il soutient qu'aucun revenu d'entreprise supplémentaire ne devrait être inclus pour 1995. La différence entre les deux positions est apparente lorsque l'on procède à la comparaison des calculs effectués par M. Sunwoo et M. Edward Blair, l'agent des appels chargé de l'année d'imposition 1997 de M. Cho aux fins du formulaire T1139.

Calcul de

M. Sunwoo

Calcul

de M. Blair

Revenu net (perte nette) pour l'exercice terminé en 1997

   24 939 $

M

24 939 $

Revenu d'entreprise supplémentaire

----

N

18 789 $

(24 939 $ x )

Réserve déduite l'année précédente

9 968,50 $

(Dans les faits, ce chiffre provient de la déclaration de M. Cho pour 1996. L'origine du chiffre de M. Blair est incertaine.)

O

9 004 $

Sous-total (M+N+O)

34 907,50 $

P

52 732 $

Revenu d'entreprise supplémentaire de l'année précédente

--

Q

10 594 $

(ce qui concorde avec        la déclaration de 1996)

Sous-total (P-Q)

    34 907 $

R

42 138 $

Calcul de la réserve

Revenu au 31 décembre 1995

11 862,50

S

10 594 $

Pour 1995, M. Sunwoo a calculé un RES de 11 862,50 $ pour chaque associé

75 % de S

8 896 $

T

7 945 $

Réserve de l'année précédente

9 968 $

U

9 004 $

Revenu pour l'année

34 907 $

V

42 138 $

Réserve (ne doit pas dépasser le plus élevé de T, U ou V)

8 888,50 $

W

7 945 $

Revenu

26 019 $

34 193 $

[15] Bien que les chiffres diffèrent quelque peu, les calculs sont les mêmes en principe pour Mme Shin.

[16] La différence entre les calculs de M. Sunwoo et ceux de M. Blair est que, en 1996 et en 1997, M. Sunwoo n'a ajouté aucun revenu d'entreprise supplémentaire en vertu du paragraphe 34.1(1), et n'a pas déduit le revenu d'entreprise supplémentaire de l'année précédente. Cela fait abstraction de la formulation directe de l'article 34.1. Le paragraphe 34.1(3) a trait à la déduction, l'année suivante, du revenu supplémentaire ajouté en vertu du paragraphe 34.1(1) au cours de l'année précédente.

[17] Le postulat de M. Sunwoo veut que l'article 34.1 n'aurait pas pour effet d'exiger l'inclusion du revenu supplémentaire dans le revenu, puisque l'entreprise des deux appelants a démarré avant la fin de 1994. Avec égards, je ne vois aucune restriction à ce titre dans la formulation du paragraphe 34.1(1).

[18] Les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour de mars 2000.

“ D. G. H. Bowman ”

J.C.A.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 22e jour de novembre 2000.

Mario Lagacé, réviseur

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