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Date: 20020606

Dossier: 2001-3626-IT-I

ENTRE :

HUGUETTE PAYETTE,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

La juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'un appel par voie de la procédure informelle concernant les années d'imposition 1997 à 1999.

[2]            La question en litige est de savoir si l'appelante doit inclure dans son revenu les montants de pension alimentaire qu'elle a reçus de son ex-conjoint, pour le bénéfice de ses enfants dans les années en litige aux montants respectifs de 5 575 $, 9 220 $ et 11 932 $.

[3]            Les faits sur lesquels le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) s'est fondé pour établir ses nouvelles cotisations sont décrits au paragraphe 5 de la Réponse à l'avis d'appel (la « Réponse » ) comme suit :

a)              l'appelante et Brian Nault ( « l'Ancien Conjoint » ) se sont séparés le ou vers le 31 décembre 1991;

b)             durant les années d'imposition 1997, 1998 et 1999, l'appelante et l'Ancien Conjoint ont quatre enfants; Sébastien, né le 1er novembre 1980, Jean-François, né le 1er janvier 1983, Caroline, née le 1er avril 1984 et David, né le 1er avril 1984;

c)              en vertu d'une ordonnance provisoire datée du 13 décembre 1996 ( « l'Ordonnance » ), la Cour Supérieure du Québec a ordonné à l'Ancien Conjoint de payer à l'appelante, à titre de pension alimentaire pour le bénéfice de ses enfants, un montant de 1 500 $ par mois et ce à compter du 15 décembre 1996;

d)             durant les années d'imposition 1997, 1998 et 1999, l'appelante a reçu 5 575 $, 9 220 $ et 11 932 $ respectivement à titre de pension alimentaire pour enfants, conformément à l'Ordonnance;

e)              l'appelante et l'Ancien Conjoint vivaient séparés au moment où les paiements de la pension alimentaire pour enfants ont été effectués et durant le reste des années 1997, 1998 et 1999;

f)              l'Ordonnance a été établie avant mai 1997 pour les fins du paragraphe 56.1(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » );

g)             l'appelante et l'Ancien Conjoint n'ont pas présenté au Ministre un choix conjoint sur le formulaire et selon les modalités prescrites tel que prévu au sous-alinéa 56.1(4)b)(i) de la Loi, sous la définition « date d'exécution » ;

h)             l'Ordonnance n'a pas été annulée ou remplacée par une ordonnance subséquente;

i)               l'Ordonnance n'a pas une date d'exécution selon la définition au paragraphe 56.1(4) de la Loi; et

j)               durant les années d'imposition 1997, 1998 et 1999, l'appelante n'a pas inclus le revenu de pension alimentaire pour enfants au montant de 5 575 $, 9 220 $ et 11 932 $ respectivement.

[4]            L'avis d'appel mentionnait notamment ceci :

...

Suite à un entretien téléphonique avec M. Tremblay, j'ai appris sans surprise que mon ex-conjoint Brian Nault s'oppose à ce que j'ai déclaré dans mon premier avis d'opposition fait le 01-05-00, et que j'avais gagné le 25-01-01. Donc, c'est à recommencer.

...

[5]            L'appelante exerce le métier de cuisinière. Elle a admis les alinéas 5a) et 5c) à 5f) de la Réponse. En ce qui concerne l'alinéa 5b), l'appelante informe la Cour que Sébastien est né le 7 novembre 1980, Jean-François est né le 16 janvier 1983 et David et Caroline sont nés le 12 avril 1984.

[6]            L'ordonnance mentionnée à l'alinéa 5c) de la Réponse a été déposée comme pièce A-1.

[7]            L'appelante présente comme pièce A-2 un document en date du 29 octobre 1997, apparemment signé par Brian Nault et Huguette Payette et qui se lit comme suit :

Moi, Brian Nault consent à ne pas déclarer ou déduire ma pension alimentaire, que je donne à mon ex-épouse Huguette. C'est une entente pour nos enfants puisque ça nuirait à mes enfants du côté monétaire. Je ne déclarerai pas aucune pension alimentaire sur mes rapports d'impôt, je m'y engage vraiment.

[8]            L'appelante présente aussi comme pièce A-3 la formule du Québec concernant le choix relatif à un jugement ou à une entente écrite. Ce document est également daté du 20 octobre 1997 et serait signé également par les deux ex-conjoints. Ce document a aussi été déposé comme pièce I-1.

[9]            La pièce A-3 comprend également une copie d'un avis d'opposition de l'appelante, en date du 17 août 2000, qui dit entres autres choses :

... J'ai eu un jugement de cour pour une pension alimentaire le 13 déc. 96, j'ai reçu un premier chèque le 20 oct. 97. Donc, j'ai pris engagement avec Brian Nault mon ex-conjoint le 29 oct. 97 de ne pas déclarer ma pension alimentaire et lui de ne pas la déduire. ...

[10]          La présumée entente de modifier le régime de l'inclusion et de l'exclusion n'avait pas été discutée entre avocats. Elle n'aurait été discutée qu'entre les deux ex-conjoints. L'appelante relate qu'il est difficile de rejoindre son mari et qu'il aurait été difficile de rédiger une nouvelle entente pour obtenir une nouvelle ordonnance. L'appelante explique aussi que monsieur Nault ne déclarait pas son revenu et qu'il ne prenait pas les déductions d'impôt relatives au paiement des pensions alimentaires. C'est pour cela qu'il aurait accepté de signer ce document.

[11]          Monsieur Brian Nault a témoigné à la demande de l'avocate de l'intimée. Cette dernière lui présente la pièce A-1 soit le jugement de la Cour supérieure en date du 13 décembre 1996 et lui demande quelle était son interprétation de l'ordonnance du paiement de la pension alimentaire.

[12]          Selon monsieur Nault l'entente qui avait été discutée entre les parties prévoyait l'inclusion par l'appelante de la pension alimentaire et la déduction par monsieur Nault. Il y a production d'un jugement de la cour supérieure en date du 26 janvier 2001, comme pièce I-2. Ce jugement prévoit que la pension alimentaire sera de 578,84 $ par mois à partir du 1er septembre 2000. Depuis cette ordonnance, monsieur Nault dit qu'il ne peut plus déduire les montants de pension alimentaire payés pour les enfants.

[13]          L'avocate montre à monsieur Nault la note manuscrite qui est la pièce A-2. Il dit qu'il n'a pas signé ce document car il aurait d'abord consulté son avocat. Il payait la pension alimentaire, pourquoi aurait-il payé les impôts de son ex-conjointe? Il a également affirmé qu'il avait déduit ces montants dans ses déclarations de revenu.

[14]          La pièce I-3 est une lettre de monsieur Nault adressée à l'Agence Canadienne des douanes et du revenu. On y voit sa signature. C'est une lettre contestant l'affirmation de l'appelante qu'elle n'avait pas à inclure les montants de pension alimentaire. La signature ressemble beaucoup à celle apposée à la pièce A-2.

[15]          Lors de l'audition, l'appelante a fait référence à un avis d'opposition qu'elle aurait produit et de nouvelles cotisations à sa satisfaction, puis de nouvelles cotisations, celles actuelles dont elle appelle. La Réponse ne faisant aucune mention de cette phase intermédiaire, je demande donc à l'appelante de me faire parvenir ces documents. L'avocate de l'intimée ne semble pas savoir de quoi il s'agit non plus. L'appelante m'a fait parvenir des documents établissant de nouvelles cotisations en date du 25 janvier 2001. Ces cotisations excluent le montant des pensions alimentaires.

[16]          Par l'intermédiaire du greffe de cette Cour, je demande alors à l'avocate de l'intimée de m'expliquer les raisons de ces nouvelles cotisations et de leur modification. L'avocate me donne alors, par sa lettre en date du 1er mai 2002, une explication complète du dossier que je crois utile de reproduire ici :

...

La présente vise à répondre à la question de madame la juge Lamarre Proulx dans le dossier cité en rubrique. La question telle que vous me l'avez transmise est :

Pourquoi la réponse à l'avis d'appel ne traite-elle pas des allégations de l'appelante au deuxième paragraphe de son avis d'appel, ainsi que des montants de pension alimentaire exclus du calcul du revenu de l'appelante pour les années en litige, figurant sur les avis de nouvelles cotisations en date du 25 janvier 2001?

L'appelante n'avait pas inclus la pension alimentaire reçue dans ses déclarations de revenus pour les années 1997, 1998 et 1999. Par avis de nouvelle cotisation en date du 1er mai 2000, les revenus de pension alimentaire qu'elle n'avait pas déclarés ont été ajoutés dans le calcul de son revenu pour les trois années en litige.

L'appelante s'est opposée à cette nouvelle cotisation le 23 août 2000. Ses représentations étaient à l'effet qu'elle avait une entente avec son ancien conjoint selon laquelle il s'engageait à ne pas déduire les montants de pension alimentaire reçus dans le calcul de son revenu. C'est à ce moment qu'elle a envoyé à l'Agence des douanes et du revenu (l'ADRC) un formulaire de choix concernant les nouvelles mesures fiscales relatives à la pension alimentaire versée pour le bénéfice d'un enfant qui selon ses prétentions, a été signé le 29 octobre 1997 par les deux conjoints. Le formulaire de choix que l'appelante a envoyé est le formulaire provincial, accompagné d'une note signée par son ancien conjoint (M. Nault) attestant qu'il s'engageait à ne pas déduire la pension alimentaire versée pour l'entretien de ses enfants dans le calcul de son revenu. Malgré les irrégularités de ces documents, le Chef des Appels était prêt à les accepter s'ils reflétaient l'intention des parties.

À la suite de ces représentations, l'appelante fut recotisée le 4 janvier 2001 afin d'exclure la pension alimentaire du calcul de son revenu. Par conséquent, son ancien conjoint fut lui aussi recotisé en date du 22 janvier 2001 afin de lui refuser la déduction de la pension alimentaire payée pour les années en litige.

L'ancien conjoint de l'appelante s'est opposé à sa nouvelle cotisation. Il a invoqué notamment, qu'il avait une ordonnance datée du 13 décembre 1996 qui stipulait le montant de pension alimentaire qu'il devait payer et qui prévoyait que ces montants seraient déductibles dans le calcul de son revenu. Confronté avec l'allégation qu'il avait conclu une entente avec son ancienne conjointe, M. Nault a nié avoir signé quelque document que ce soit.

En présence de ces renseignements contradictoires, le Chef des Appels a conclu qu'il devait se fier sur le document le plus probant pour prendre une décision. Puisque l'ancien conjoint niait avoir signé le formulaire de choix ainsi que l'entente, et que le formulaire de choix était le formulaire provincial, l'ordonnance en date du 13 décembre 1996 s'avérait être le document le plus probant.

Par conséquent, l'appelante a été recotisée le 28 juin 2001 pour inclure la pension alimentaire dans le calcul de son revenu et l'ancien conjoint a été recotisé à la même date pour permettre la déduction de la pension alimentaire payée.

Compte tenu de ce qui précède, la réponse à l'avis d'appel ne traite pas du deuxième paragraphe de l'avis d'appel ainsi que les avis de cotisation en date du 25 janvier 2001 soumis par l'appelante, puisque l'appel devant la Cour canadienne de l'impôt résulte de la dernière cotisation de l'appelante, soit celle du 28 juin 2001.

...

Argument

[17]          L'avocate de l'intimée fait valoir que l'ordonnance en vertu de laquelle les paiements ont été faits est d'avant mai 1997 et qu'ainsi le régime d'inclusion exclusion s'appliquait. Elle se réfère à une décision de cette cour dans Kovaric c. Canada, [2001] A.C.I. no 181 (Q.L.) aux paragraphes 8 et 9 :

En vertu de ce que je pourrais décrire comme l'ancien régime (antérieur à mai 1997), les conjoints effectuant des paiements à leurs conjoints dont ils étaient séparés ou à leurs anciens conjoints à titre d'aliments pour les enfants pouvaient déduire ces paiements et les bénéficiaires devaient les inclure dans leur revenu. À la suite de la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Thibaudeau c. Canada, [1995] 2 R.C.S. 627, la loi a changé. Tant qu'un accord antérieur à mai 1997 demeurait inchangé, le système de déduction et d'inclusion en vertu de l'ancien régime prévalait.

Si un nouvel accord était conclu ou si un ancien accord était modifié d'une manière particulière, le régime de déduction et d'inclusion cessait, et seuls les paiements effectués à la « date d'exécution » , ainsi qu'elle est définie, étaient déductibles par le payeur et devaient être inclus par le bénéficiaire dans son revenu.

[18]          L'avocate fait valoir qu'il est difficile de croire que l'ex-conjoint de l'appelante aurait signé les documents produits par cette dernière comme pièces A-2 et A-3 sans l'avis d'un avocat ou sans une autre ordonnance de la Cour. Les relations entre les parties sont tendues et acrimonieuses et il n'est pas plausible de croire que le 29 octobre 1997, ces relations auraient été à un tel point d'amabilité pour permettre la signature d'un tel document.

Conclusion

[19]          Différemment de ce que suggère l'avocate de l'intimée au dernier paragraphe de sa lettre reproduite au paragraphe 16 de ces motifs, je crois que tous les faits relatifs à une cotisation et utiles à sa compréhension doivent être présentés dans la Réponse. C'est à partir de cette réponse que la Cour peut décider de la complexité d'un appel. Cela évite la confusion au moment de l'audience et permet de prendre les bonnes décisions dans la gestion du dossier avant l'audition. Ainsi dans cette affaire, un avocat nouvellement constitué par l'appelante avait fait quelques jours avant l'audition une demande pour la remise de l'audition pour prendre connaissance du dossier, demande qui a été refusée par la Cour. La demande de remise n'a pas été renouvelée à l'audience et l'appelante se représentait elle-même. La décision de la Cour aurait-elle été la même si tous les faits avaient été relatés?

[20]          À la lecture de la Réponse, il n'était pas possible de savoir que le litige consisterait à savoir si un ou des documents relatifs au choix conjoint d'application des nouvelles mesures fiscales relatives à la pension alimentaire versée pour le bénéfice d'un enfant, choix prévu au paragraphe 56.1(4) de la Loi, étaient des documents véritablement signés par le payeur. Les faits concernant les nouvelles cotisations de janvier 2001 étaient importants. Leur description aurait attiré l'attention de la Cour sur le véritable point en litige, soit l'authenticité de la pièce A-2 et aurait ainsi permis un débat entier et éclairé tant sur les faits que sur le droit.

[21]          Je reviens maintenant aux faits plus spécifiques de cet appel. Il est vrai que l'ordonnance du 13 décembre 1996 (pièce A-1) calcule la pension alimentaire en se fondant sur l'impact fiscal de l'inclusion dans le revenu. Cette même ordonnance établissait toutefois le montant de la pension alimentaire à 1 500 $ par mois. Or en 1997, l'appelante a reçu 5 575 $. Selon son avis d'opposition déposé comme pièce A-3, elle n'aurait reçu le premier chèque que le 20 octobre 1997. L'entente prise avec son ex-conjoint le 27 octobre 1997 de ne pas déclarer ce montant et que lui n'en réclamerait pas la déduction est donc dans une certaine mesure plausible.

[22]          De plus, l'appelante a mentionné au cours de son témoignage que monsieur Nault avait signé le document en question parce qu'à ce moment il ne déclarait pas son revenu de toute façon et qu'il ne réclamait pas les pensions alimentaires. Cela paraît être corroboré par les déclarations de revenu de monsieur Nault. Celle de 1996 ne fait pas cette demande. Les autres le font très explicitement, mais ces déclarations ont toutes été produites en retard, soit le 8 mars 2000, donc longtemps après le 27 octobre 1997. Par la suite, les premiers avis de nouvelles cotisations ont été envoyés à l'appelante le 1er mai 2000.

[23]          Comme l'authenticité de l'entente du 27 octobre 1997 est dans une certaine mesure plausible et comme la Réponse a manqué à son rôle d'établissement des faits pertinents à une cotisation, ce qui n'a pas permis un débat judiciaire approprié, je suis d'avis, dans ces circonstances, que les appels doivent être accordés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de juin 2002.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :        2001-3626(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                 Huguette Payette et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                    le 12 mars 2002

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :         l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

DATE DU JUGEMENT :                      le 6 juin 2002

COMPARUTIONS :

Pour l'appelante :                                  l'appelante elle-même

Pour l'intimée :                                       Me Marlyse Dumel

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

                                Nom :                      

                                Étude :                    

Pour l'intimée :                                       Morris Rosenberg

                                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                                Ottawa, Canada

2001-3626(IT)I

ENTRE :

HUGUETTE PAYETTE,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 12 mars 2002 à Ottawa (Ontario) par

l'honorable juge Louise Lamarre Proulx

Comparutions

Pour l'appelante :                                          L'appelante elle-même

Avocate de l'intimée :                                    Me Marlyse Dumel

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1997, 1998 et 1999 sont accordés, sans frais, et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de juin 2002.

« Louise Lamarre Proulx »

J.C.C.I.

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