Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 20000621

Dossiers: 2000-3306-IT-I, 2000-3307-IT-I,

2000-3308-IT-I

ENTRE :

ARTHUR BALLEGEER, LINDA BALLEGEER,

A & L CONSULTING LTD.

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

Intimée.

Motifsdu jugement

Le juge Bell, C.C.I.

GÉNÉRALITÉS :

[1]            Les causes de A & L Consulting Ltd. ( « Ltd. » ), d'Arthur Ballegeer ( « Arthur » ) et de Linda Ballegeer ( « Linda » ) ont été entendues ensemble sur preuve commune.

QUESTIONS :

[2]            Il s'agit de savoir :

1.              si Ltd. a conféré à Arthur et à Linda, pendant les années d'imposition 1995 et 1996, un avantage au sens du paragraphe 15(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ), selon les montants suivants :

1995

1996

Arthur

14 565,71 $

7 257,81 $

Linda

14 565,71 $

7 257,81 $

2.              si le ministre du Revenu national a à bon droit imposé une pénalité à Arthur et à Linda pour chacune des années d'imposition 1995 et 1996 en application du paragraphe 163(2) de la Loi;

3.              si Ltd. avait le droit, pour ses années d'imposition 1995 et 1996, de déduire les montants qui suivent à titre de dépenses engagées par elle en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien au sens de l'alinéa 18(1)a) de la Loi :

1995

1996

Ltd.

34 436,07 $

14 358,11 $

4.              si le ministre du Revenu national a à bon droit imposé une pénalité à Ltd. pour chacune des années d'imposition 1995 et 1996 en application du paragraphe 163(2) de la Loi.

FAITS :

[3]            Arthur et Linda ont chacun possédé la moitié des actions émises et en circulation de Ltd. tout au long des années d'imposition 1995 et 1996. Pendant ces deux années, Ltd. a possédé et exploité deux appareils de transport.

[4]            Pour décrire l'organisation de l'entreprise de Ltd., Arthur a indiqué dans son témoignage qu'il avait encaissé ses régimes enregistrés d'épargne-retraite afin d'avancer de l'argent à la compagnie. Il a déclaré qu'il n'y avait presque aucune tenue de livres dans les premiers temps de l'exploitation de la compagnie et que la comptabilité était faite au mieux à la va-comme-je-te-pousse. Il a déclaré qu'il avait rassemblé les dossiers à la fin de l'année et les avait apportés à un comptable. Pendant les deux années en litige, Ltd. a contribué aux frais d'exploitation de la résidence, qui servait de bureau. Il a déclaré que les écritures du compte de prêts aux actionnaires avaient été effectuées comme des articles au journal par le comptable à la fin de chaque année. Le bilan de Ltd. indique que les prêts aux actionnaires s'élevaient à 40 656,15 $ au 28 février 1995. Le montant des prêts aux actionnaires figurant sur le bilan du 28 février 1996 est de 49 581,70 $.

[5]            Arthur a déclaré qu'il avait exploité l'entreprise comme si c'était la sienne et il l'a décrite comme un exercice de survie. Bref, il a accordé peu d'attention, si tant est qu'il en ait accordé, à Ltd. en tant qu'entité. Il a déclaré qu'il n'avait jamais tenté de cacher des dépenses et qu'il ne comprenait tout simplement pas ce qu'étaient des dépenses d'entreprise valables, par exemple les frais de déplacement. Il a déclaré que c'était la comptabilité peu soignée - c'est-à-dire le fait que des documents étaient lancés dans des boîtes de onze à douze mois plus tard - qui avait entraîné l'établissement des nouvelles cotisations. Il a affirmé qu'il supposait simplement qu'il s'agissait de dépenses de la compagnie. Par exemple, il a indiqué que Costco était la source d'un certain nombre de fournitures et que les fournitures personnelles et celles de la compagnie étaient toutes deux achetées chez Costco. Il a également expliqué comment, au cours des trois dernières années, le système comptable de Ltd. avait été modifié.

[6]            L'avocat des appelants a reconnu, au début de l'audience, que les dépenses de Ltd. indiquées ci-dessus n'étaient pas des dépenses d'entreprise. Entre autres caractéristiques, Ltd. paie maintenant un loyer mensuel pour des locaux à bureaux chez Arthur et Linda.

OBSERVATIONS DES APPELANTS :

[7]            L'avocat des appelants a soutenu qu'il devait y avoir compensation entre les montants payés par Ltd. au nom d'Arthur et de Linda et les prêts aux actionnaires, qui étaient supérieurs à ces montants. Il a déclaré qu'il était logique que les dépenses engagées par la compagnie au nom des particuliers soient affectées en réduction du compte de prêts aux actionnaires. Il a soutenu que, si Ltd. souhaitait payer les autres dépenses des appelants, elle n'avait qu'à débiter le compte de prêts aux actionnaires puisqu'il y avait de l'argent à cette fin. Il a soutenu que les appelants croyaient que les dépenses déduites par la compagnie étaient des dépenses d'entreprise et qu'ils avaient une organisation financière très rudimentaire en 1995, mais qu'ils analysaient maintenant avec soin les dépenses personnelles et les dépenses d'entreprise et les séparaient.

[8]            Il a également soutenu que cette action était justifiée par le fait que, si de l'argent était dépensé pour la compagnie, il était ajouté au compte de prêts, augmentant ainsi les prêts aux actionnaires. Il a soutenu que l'on pouvait logiquement supposer que cela indiquait une intention à double sens. Il a également déclaré que cela ne signifiait pas que Ltd. ne réduirait pas le compte de prêts si elle dépensait l'argent de ses contribuables.

OBSERVATIONS DE L'INTIMÉE :

[9]            L'avocate de l'intimée a mentionné plusieurs précédents établissant qu'il était inacceptable qu'une compagnie et son actionnaire aient le droit, à des fins comportant des conséquences sur les droits de tiers, de réécrire l'histoire et de considérer des événements imaginaires comme s'étant produits[1]. Dans l'affaire Gannon c. M.R.N., C.C.I., no 86-782, 22 mars 1988 (88 DTC 1282), cette Cour a rejeté un appel semblable en déclarant ce qui suit :

[...] Il s'agit simplement d'une affaire dans laquelle la compagnie et l'appelant se doivent réciproquement de l'argent. Rien ne vient appuyer la proposition de l'appelant que, de fait, des dettes réciproques ne sauraient exister et que dans tous les cas où elles pourraient se présenter, il y a automatiquement compensation.

[10]          Dans ces deux cas, l'appelant n'a pas obtenu gain de cause.

[11]          Dans l'affaire Docherty c. M.R.N., C.C.I., no 89-1830(IT), 22 janvier 1991 (91 DTC 537), le témoignage du comptable et les documents de travail ont été considérés comme des preuves suffisantes de l'intention d'opérer compensation. Dans une autre affaire, des éléments de preuve ont été trouvés dans les dossiers de la société, et ces éléments, combinés aux témoignages compatibles des témoins, ont permis à la Cour de conclure à l'existence d'une intention de procéder à la compensation[2]. On a cependant déterminé dans une autre affaire qu'un appelant pouvait obtenir gain de cause lorsque des erreurs ou des erreurs comptables s'était produites, la cour concluant qu'il ne devait pas y avoir d' « avantage » aux termes du paragraphe 15(1) lorsqu'une erreur était le résultat d'un acte ou d'une omission d'un tiers agissant de bonne foi mais selon une prémisse erronée[3].

ANALYSE ET CONCLUSION :

[12]          Arthur avait démarré une nouvelle entreprise à la suite d'une tragédie personnelle, et je n'ai aucun doute sur le fait que cette entreprise était, comme il l'a indiqué, une activité de survie. Il a procédé, en tant qu'actionnaire exploitant l'entreprise de Ltd., à l'installation d'un système comptable qui devait, pour les années ultérieures à 1996, classer avec exactitude les dépenses de Ltd. Toutefois, aucun élément de preuve ne corrobore la compensation des montants dépensés par Ltd. au nom des autres appelants. Non seulement il n'y avait pas de preuve en ce sens, mais en outre aucune compensation ne pouvait avoir été envisagée puisque Ltd. cherchait à déduire, au titre des dépenses, les montants qu'elle avait dépensés au nom d'Arthur et de Linda. Par conséquent, je ne peux conclure qu'Arthur et Linda avaient le droit, pendant les années d'imposition en litige, d'affecter ces dépenses en compensation des prêts aux actionnaires.

[13]          Des pénalités ont été imposées aux trois appelants en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi, lequel permet d'imposer des pénalités lorsqu'une personne,

[...] sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde dans l'exercice d'une obligation prévue à la présente loi ou à son règlement, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration [...]

[14]          Le paragraphe 163(3) est ainsi rédigé :

Dans tout appel interjeté, en vertu de la présente loi, au sujet d'une pénalité imposée par le ministre en vertu du présent article, le ministre a la charge d'établir les faits qui justifient l'imposition de la pénalité.

[15]          L'avocate de l'intimée n'a présenté aucune observation à l'égard des pénalités.

[16]          Je conclus, dans les circonstances, qu'aucun des appelants n'a « sciemment » ou « dans des circonstances équivalant à faute lourde » présenté de faux énoncé dans une déclaration. Les appelants, peu expérimentés dans l'exploitation d'une entreprise, ont été négligents, mais ils n'ont pas commis de faute lourde.

[17]          En conséquence, les montants susmentionnés ont à bon droit été rejetés en tant que déductions de Ltd., et les autres montants ont à juste titre été inclus dans le revenu d'Arthur et de Linda en vertu du paragraphe 15(1), qui précise que le montant ou la valeur d'un avantage conféré à un actionnaire d'une société doit être inclus dans le calcul du revenu de cet actionnaire. Toutes les pénalités seront annulées.

[18]          Il n'y aura aucune adjudication de frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de juin 2001.

« R. D. Bell »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 28e jour de mars 2002.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Philippe Ducharme, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-3306(IT)I

ENTRE :

ARTHUR BALLEGEER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Linda Ballegeer

(2000-3307(IT)I) et de A & L Consulting Ltd. (2000-3308(IT)I)

le 1er juin 2001 à Winnipeg (Manitoba) par

l'honorable juge R. D. Bell

Comparutions

Avocat de l'appelant :                 Me Sergio Pustogorodsky

Avocate de l'intimée :                 Me Tracy Harwood-Jones

JUGEMENT

          Les appels interjetés à l'encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1995 et 1996 sont admis, sans frais, uniquement dans la mesure où les pénalités imposées en application du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu sont annulées, et les nouvelles cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour le motif susmentionné, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de juin 2001.

« R. D. Bell »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de mars 2002.

Philippe Ducharme, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-3307(IT)I

ENTRE :

LINDA BALLEGEER,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus sur preuve commune avec les appels d'Arthur Ballegeer

(2000-3306(IT)I) et de A & L Consulting Ltd. (2000-3308(IT)I)

le 1er juin 2001 à Winnipeg (Manitoba) par

l'honorable juge R. D. Bell

Comparutions

Avocat de l'appelante :               Me Sergio Pustogorodsky

Avocate de l'intimée :                 Me Tracy Harwood-Jones

JUGEMENT

          Les appels interjetés à l'encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1995 et 1996 sont admis, sans frais, uniquement dans la mesure où les pénalités imposées en application du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu sont annulées, et les nouvelles cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour le motif susmentionné, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de juin 2001.

« R. D. Bell »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de mars 2002.

Philippe Ducharme, réviseur


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-3308(IT)I

ENTRE :

A & L CONSULTING LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Linda Ballegeer

(2000-3307(IT)I) et d'Arthur Ballegeer (2000-3306(IT)I)

le 1er juin 2001 à Winnipeg (Manitoba) par

l'honorable juge R. D. Bell

Comparutions

Avocat de l'appelante :               Me Sergio Pustogorodsky

Avocate de l'intimée :                 Me Tracy Harwood-Jones

JUGEMENT

          Les appels interjetés à l'encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1995 et 1996 sont admis, sans frais, uniquement dans la mesure où les pénalités imposées en application du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu sont annulées, et les nouvelles cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour le motif susmentionné, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de juin 2001.

« R. D. Bell »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 28e jour de mars 2002.

Philippe Ducharme, réviseur



[1]           Wood c. M.R.N., C.C.I., no 86-840, 18 février 1988 (88 DTC 1180).

[2]           Caraberis c. R., C.C.I., no 95-3085(IT)G, 26 juin 1998 (98 DTC 1865).

[3]           Robinson c. M.R.N., C.C.I., no 90-2138(IT), 8 février 1993 (93 DTC 254).

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