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Date: 20010628

Dossier: 2000-2692-IT-I

ENTRE :

RICHARD FENNEY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

Le juge Miller, C.C.I.

[1]            Richard Fenney interjette appel de la nouvelle cotisation du ministre pour son année d'imposition 1994. Dans cette nouvelle cotisation, le ministre a imposé un revenu d'entreprise brut de 28 400 $ et a admis des dépenses d'entreprise de 11 914 $, ce qui donnait un revenu d'entreprise net de 16 486 $. L'ensemble du revenu et des dépenses se rapporte à la construction d'une piscine et d'un bâtiment annexe par M. Fenney pour M. Nadir Jamal. M. Fenney soutient qu'il n'a pas fait d'argent dans le projet de construction de la piscine. Le litige porte sur la proportion des dépenses qui est déductible relativement à ce projet.

[2]            J'ai trouvé que M. Fenney avait témoigné d'une manière honnête et directe. M. Fenney avait construit une piscine et un bâtiment annexe. Il l'avait fait de la façon la moins coûteuse possible, car il savait que le projet ne lui rapporterait pas d'argent. Il avait accepté le projet parce que cela le ferait connaître dans la localité et lui permettrait d'acquérir une réputation comme entrepreneur. Le travail était généralement au ralenti à cette époque, et seules les personnes qui semblaient travailler avaient des chances de continuer à avoir du travail. M. Fenney était par ailleurs en chômage; son épouse, ses trois enfants et lui vivaient de l'aide sociale. Je ne mets pas en doute la motivation de M. Fenney à accepter ce projet. Comme il l'a dit, il lui fallait sortir du cercle vicieux de la pauvreté, et c'était de cette manière qu'il avait choisi de le faire. Il a reconnu qu'il n'avait pas un sens aigu des affaires; il était en fait un piètre teneur de registres. Comme il estimait qu'il perdait de l'argent dans le projet, la tenue de registres ne lui semblait pas importante. Ce n'est que lorsque l'administration gouvernementale l'a interrogé qu'il s'est rendu compte que le fait de ne pas avoir tenu de registres satisfaisants était une erreur qui pouvait s'avérer coûteuse. Il a alors cherché à rassembler autant de reçus, factures et relevés bancaires qu'il pouvait pour l'année 1994, puisqu'il était devenu évident par suite de ses rapports avec des représentants de l'Agence des douanes et du revenu du Canada que, sans de telles pièces justificatives, sa déclaration selon laquelle ses dépenses dépassaient son revenu ne serait probablement pas admise. Diverses raisons permettent d'expliquer pourquoi M. Fenney avait de la difficulté à fournir des pièces justificatives à l'égard des dépenses. Premièrement, il s'agissait d'une nouvelle entreprise pour M. Fenney, qui entrait dans le monde risqué des entrepreneurs indépendants. Deuxièmement, M. Fenney a reconnu qu'il n'était pas compétent en matière de tenue de livres. Troisièmement, plusieurs années s'étaient écoulées depuis que les dépenses avaient été réellement engagées. Quatrièmement, M. Fenney cherchait à réaliser le projet de la façon la moins coûteuse possible, sachant que le projet ne serait probablement pas rentable. Pour cette raison, il achetait des matériaux au comptant, grâce à des contacts qu'il établissait par le biais de petites annonces dans un journal local. Ainsi, il acquérait des matériaux d'occasion à bas prix. Il cherchait en outre à faire travailler des sous-traitants à temps perdu, à des tarifs réduits.

[3]            Il ne fait aucun doute que M. Fenney a construit une piscine et un bâtiment annexe assez importants, sur la foi de son témoignage et sur la foi de photographies présentées à l'appui. En outre, il est clair que M. Jamal lui a versé 28 400 $ pour le projet. Le ministre a pu trouver une justification à 11 914 $ de dépenses. M. Fenney a témoigné au sujet des dépenses ci-après énumérées, à l'égard desquelles il ne pouvait fournir aucune pièce justificative autre que ses propres notes manuscrites.

                Fenêtres et portes                                                                                        2 170 $

                Électricité                                                                                                       1 400 $

                Toile de piscine                                                                                               650 $

                Tapis                                                                                                                 650 $

                Cloisons sèches                                                                                              500 $

                Isolation                                                                                                        1 200 $

                Soudure                                                                                                            300 $

                Béton                                                                                                             2 600 $

                Travail manuel                                                                                             2 400 $

                Total                                                                                                             11 870 $

M. Fenney a pu fournir certaines pièces justificatives en ce qui concerne ce qui suit :

                Piscine                                                                                                              900 $

                Certificat d'inspection                                                                                     72 $

                Total                                                                                                                  972 $

Les dépenses qui n'avaient pas été admises par le ministre et dont M. Fenney a fait état au procès s'élevaient en tout à 12 842 $. Il y avait une certaine confusion quant au paiement de 2 400 $ de frais de main-d'oeuvre, car des notes manuscrites de M. ou Mme Fenney indiquent qu'il s'agit d'une somme qui a été payée à M. Fenney lui-même et non à un tiers, mais M. Fenney a nié que tel ait été le cas. L'agente des appels avait considéré les 2 400 $ comme étant le revenu gagné par M. Fenney dans ce projet.

[4]            La véritable question dont je suis saisi est celle de savoir si je peux admettre des déductions relatives à des dépenses qui ne sont étayées que par le propre témoignage de l'appelant. Je crois M. Fenney quand il dit qu'il est impossible qu'une telle piscine et qu'un tel bâtiment annexe puissent avoir été construits à un coût avoisinant les 11 914 $ de frais admis par le ministre. J'accepte en outre son affirmation selon laquelle il est ridicule de prétendre que M. Jamal aurait payé 11 914 $ au titre du coût du projet et qu'il aurait versé à M. Fenney 16 486 $ de profit. Je suis convaincu que le coût du projet était bien supérieur à 11 914 $.

[5]            L'avocate de l'intimée a soutenu que l'article 230 de la Loi de l'impôt sur le revenu oblige le contribuable à tenir des registres satisfaisants, et qu'un contribuable qui ne répond pas à une norme appropriée à cet égard ne peut réfuter les hypothèses du ministre. À l'appui de cet argument, l'avocate invoquait les paragraphes qui suivent de la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Njenga c. Le ministre du Revenu national, C.A.F., no A-614-95, 26 septembre 1996 (96 DTC 6593) :

3               Le système fiscal est fondé sur l'autocontrôle. Il est d'intérêt public que la charge de prouver le fondement des déductions et des réclamations repose sur le contribuable. Le juge de la Cour de l'impôt a statué que les personnes comme la requérante doivent être en mesure de produire toutes les informations et justifications permettant d'appuyer les réclamations qu'elles font. Nous sommes d'accord avec cette conclusion. Mme Njenga, à titre de contribuable, a la responsabilité de justifier ses affaires personnelles d'une manière raisonnable. Des reçus écrits par elle-même et des allégations sans preuve ne sont pas suffisants.

4               Le problème du manque de justification est encore aggravé par le fait que le juge du procès, à qui il revient d'apprécier la crédibilité, a conclu que la requérante ne répondait pas aux exigences sur ce point.

[6]            Certes, dans l'arrêt Njenga, la Cour a indiqué clairement que la charge de prouver le fondement de déductions admissibles incombe au contribuable et que ce dernier doit tenir de la documentation permettant d'appuyer les réclamations qu'il fait. Toutefois, il était clair dans l'affaire Njenga que le juge du procès avait conclu que l'appelante ne répondait pas aux exigences pour ce qui est de la crédibilité. Tel n'est pas le cas en l'espèce. Je crois ce que dit M. Fenney. Je n'interprète pas l'arrêt Njenga comme interdisant d'une manière absolue d'admettre des dépenses non étayées de documents : cet arrêt doit être interprété dans le contexte du manque de crédibilité d'un témoin.

[7]            Dans le cas d'un témoin digne de foi comme M. Fenney, je suis disposé à prendre en considération les dépenses dont il a fait état au procès, en vue de déterminer si elles sont raisonnables. À une exception près, je conclus que chacun des éléments présentés par M. Fenney représente une dépense légitime à l'égard de la piscine et du bâtiment annexe. Les dépenses semblent même passablement peu élevées. Par ailleurs, comme une certaine documentation indique que les 2 400 $ de frais de main-d'oeuvre peuvent avoir été payés à M. Fenney, je ne suis pas disposé à admettre ces frais à titre de dépense déductible.

[8]            Bien que M. Fenney ait affirmé qu'il n'avait pas fait d'argent dans ce projet, il m'a présenté uniquement une liste de dépenses totalisant 12 842 $ en sus des dépenses déjà admises par le ministre. De ce montant, je conclus qu'une somme de 10 442 $ représente des dépenses d'entreprise raisonnables qui sont déductibles. En conséquence, j'admets l'appel en partie et renvoie l'affaire au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation compte tenu du fait que M. Fenney peut déduire, d'un revenu d'entreprise de 28 400 $, les dépenses de 11 914 $ précédemment admises par le ministre ainsi que les dépenses de 10 442 $ que j'admets maintenant, soit en tout 22 356 $ de dépenses. Je n'accorde pas de dépens.

                Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour de juin 2001.

« Campbell J. Miller »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 26e jour de mars 2002.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Philippe Ducharme, réviseur

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-2692(IT)I

ENTRE :

RICHARD FENNEY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 18 juin 2001 à Toronto (Ontario) par

l'honorable juge Campbell J. Miller

Comparutions

Pour l'appelant :                                   l'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :                           Me Brianna Caryll

JUGEMENT

L'appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 1994 est admis, sans frais, et l'affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation selon les motifs du jugement ci-joints.

          Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour de juin 2001.

« Campbell J. Miller »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 26e jour de mars 2002.

Philippe Ducharme, réviseur

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