Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 20010717

Dossiers: 2000-1446-EI,

2000-1448-CPP

ENTRE :

SHAW COMMUNICATIONS INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

PATRICK PLUMMER,

intervenant.

Motifsde l'ordonnance

Le juge Mogan

[1]            L'entreprise de l'appelante offre des services de télédistribution, des services audionumériques ainsi que des services d'accès à Internet à des foyers et des entreprises situés dans diverses régions du Canada. L'appelante a conclu des contrats avec des particuliers (les « travailleurs » ) aux fins des travaux d'installation et de réparation que supposent les différents services qu'elle fournit.

[2]            Dans une décision rendue le 15 novembre 1999, l'intimée a déterminé que (i) l'emploi des travailleurs ouvrait droit à pension au sens de l'alinéa 6(1)a) du Régime de pensions du Canada et que (ii) l'emploi des travailleurs était assurable au sens de l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'assurance-emploi pour le motif que, du 1er janvier au 2 novembre 1998, les travailleurs étaient des employés régis par des contrats de louage de services et non des entrepreneurs indépendants.

[3]            L'appelante a déposé un avis d'appel de cette décision à la Cour le 11 février 2000. L'intimée a déposé une réponse à l'avis d'appel le 29 mai 2000. L'appel soulève la question de savoir si, du 1er janvier au 2 novembre 1998, les travailleurs en question ont fourni des services à l'appelante conformément à un contrat de louage de services (en tant qu'employés) ou conformément à un contrat d'entreprise (en tant qu'entrepreneurs indépendants). Essentiellement, il s'agit de déterminer si les travailleurs étaient des employés de l'appelante ou des entrepreneurs indépendants. L'audition de l'appel doit avoir lieu à Calgary le 24 septembre 2001 et durer quatre jours.

[4]            Dans un avis de requête daté du 28 juin 2001, l'intimée a demandé l'autorisation de modifier la réponse à l'avis d'appel en vue de rétracter certains aveux et de faire certaines déclarations. Pour les motifs exposés ci-après, je suis arrivé à la conclusion que l'intimée devrait être autorisée à modifier sa réponse. Lorsqu'il s'agit d'appels interjetés en vertu du Régime de pensions du Canada et de la Loi sur l'assurance-emploi, la Cour doit suivre certaines règles. Cependant, il n'y a rien dans ces règles qui traite de la modification d'actes de procédure ou de la rétractation d'aveux. Par conséquent, je me reporterai aux articles 54 et 132 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) :

54          Une partie peut modifier son acte de procédure, en tout temps avant la clôture des actes de procédure, et subséquemment en déposant le consentement de toutes les autres parties, ou avec l'autorisation de la Cour, et la Cour en accordant l'autorisation peut imposer les conditions qui lui paraissent appropriées.

132           Avec le consentement des parties ou l'autorisation de la Cour, une partie peut rétracter soit un aveu contenu dans une réponse à une demande d'aveux, soit un aveu présumé ou un aveu figurant dans un acte de procédure d'une partie.

[5]            Ces dispositions confèrent à la Cour un vaste pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne la modification d'actes de procédure et la rétractation d'aveux. La règle générale relativement à ces modifications a été énoncée par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Canderel Ltée, Canada (C.A.), [1994] 1 C.F. 3, à la page 10 (93 DTC 5357, à la page 5360) :

[...] la règle générale est qu'une modification devrait être autorisée à tout stade de l'action aux fins de déterminer les véritables questions litigieuses entre les parties, pourvu, notamment, que cette autorisation ne cause pas d'injustice à l'autre partie que des dépens ne pourraient réparer, et qu'elle serve les intérêts de la justice.

Lorsqu'une partie demande l'autorisation de modifier ses actes de procédure, il importe surtout de ne pas causer un préjudice à la partie adverse. Dans son mémoire, l'avocat de l'appelante a énuméré un certain nombre de critères dont la Cour doit tenir compte pour déterminer s'il y a lieu d'autoriser la modification des actes de procédure. Il n'a pas précisé cependant en quoi les modifications demandées par l'intimée porteraient préjudice à l'appelante si elles étaient autorisées. La question est la suivante : les intérêts de la justice seraient-il mieux servis si les rétractations étaient autorisées ou si elles étaient refusées? Ainsi que le juge Bowman l'a dit dans l'affaire Continental Bank Leasing Corporation c. La Reine, C.C.I., no 91-684(IT), 29 janvier 1993, à la page 9 (93 DTC 298, à la page 302) (citée aussi par la Cour d'appel fédérale dans Canderel) :

[...] Il n'existe aucun facteur qui soit prédominant, ou dont la présence ou l'absence soit nécessairement déterminante. On doit accorder à chacun des facteurs le poids qui lui revient dans le contexte de l'espèce. Il s'agit, en fin de compte, de tenir compte de la simple équité, du sens commun et de l'intérêt qu'ont les tribunaux à ce que justice soit faite.

[6]            L'appelante a fait valoir que l'avocat de l'intimée ne devrait pas être autorisé à modifier sa réponse car il n'a pas indiqué pourquoi il souhaite modifier l'acte de procédure en question ou rétracter des aveux. Au cours de l'audition de la requête en cause ici, l'avocat de l'intimée a déclaré que l'employé du ministre qui avait rendu la décision visée par l'appel et qui a été désigné pour prendre part à l'interrogatoire préalable avait été gravement malade et qu'il venait tout juste de recommencer à travailler à temps plein, ce qui avait permis à l'avocat de l'intimée de commencer à préparer l'interrogatoire préalable. L'avocat a expliqué que c'est dans le cadre de la préparation de l'interrogatoire préalable avec l'employé désigné qu'il a été déterminé que les actes de procédure ne correspondaient pas à tous égards à la thèse du ministre. Bien qu'aucune déclaration sous serment n'ait été déposée à l'appui de la requête de l'intimée pour étayer cette explication, je l'accepte quand même.

[7]            Dans l'affaire Andersen Consulting c. Canada (C.A.), [1998] 1 C.F. 605, à la page 612 ([1998] 1 C.T.C. 322, à la page 327), la Cour d'appel fédérale a déclaré qu'elle privilégiait une approche :

[...] qui assure à la juridiction saisie d'une requête en modification des plaidoiries, même lorsque la modification vise à rétracter un ou des aveux, la souplesse nécessaire pour faire en sorte que les points jugeables passent en jugement, sans que les parties n'aient à subir d'injustice.

Je privilégie une ligne de conduite qui favorise l'admission libérale des faits. Aucun tribunal ne souhaite décourager les défendeurs d'admettre des faits. Si les tribunaux ne permettent pas la rétractation d'aveux lorsque des faits nouveaux sont mis au jour, les parties refuseront de faire des aveux qui, à ce moment-là, semblent être raisonnables. Ainsi que la Cour d'appel fédérale l'a dit dans l'affaire Andersen, à la page 612 (C.T.C. : à la page 327) :

[...] Nous devons faire en sorte que la procédure de rétractation d'aveu ne devienne pas tellement complexe et tellement stricte que les défendeurs ne feront pratiquement plus d'aveux.

[8]            L'avocat de l'intimée soutient que le projet de réponse modifiée précise la thèse du ministre et les questions en litige qui sont soumises à la Cour. Un tribunal devrait pouvoir trancher les affaires sur le fondement des faits exacts. Interdire à l'intimée la modification de sa réponse pourrait contraindre le tribunal à fonder sa décision sur une prémisse factuelle erronée. Les faits initialement exposés dans les actes de procédure ne sont pas nécessairement coulés dans le béton. Je suis d'accord avec le juge Bowman qui, dans l'affaire Continental Bank, a affirmé qu'en refusant d'autoriser des modifications on pourrait restreindre la capacité de la Cour d'examiner le fond de l'affaire sous tous ses aspects dans le cadre du procès.

[9]            L'intimée a demandé l'autorisation de modifier sa réponse avant la tenue des interrogatoires préalables. Treize mois se sont écoulés depuis le dépôt de la première réponse, mais le processus vient à peine de commencer. Je n'ai pas été convaincu que le projet de réponse modifiée causerait un préjudice ou une injustice à l'appelante.

[10]          Pour ces motifs, la demande de l'intimée en vue de modifier la réponse est accueillie à la condition que toute réponse modifiée soit signée par l'avocat de l'intimée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de juillet 2001.

« M. A. Mogan »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme ce 16e jour d'avril 2002.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Martine Brunet, réviseure

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

2000-1446(EI)

2000-1448(CPP)

ENTRE :

SHAW COMMUNICATIONS INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

PATRICK PLUMMER,

intervenant.

Requête entendue par conférence téléphonique le 9 juillet 2001 à Ottawa (Ontario), par

l'honorable juge M. A. Mogan

Comparutions

Avocat de l'appelante :                         Me Alistair Campbell

Avocat de l'intimé :                              Me Michael Taylor

Pour l'intervenant :                     Personne n'a comparu

ORDONNANCE

Vu la requête de l'avocat de l'intimée visant à obtenir une ordonnance autorisant la modification de la réponse à l'avis d'appel;

         

Vu la déclaration sous serment de Linda Plitt;

Et vu les allégations des avocats des parties;

L'intimée est autorisée à modifier sa réponse à l'avis d'appel conformément au libellé du projet de réponse modifiée joint à la déclaration sous serment de Linda Plitt, à la condition que toute réponse modifiée soit signée par l'avocat de l'intimée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de juillet 2001.

« M. A. Mogan »

J.C.C.I.

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour d'avril 2002.

Martine Brunet, réviseure


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