Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

98-915(GST)I

98-917(GST)I

 

ENTRE :

 

ANSON QUON et EDWARD GRYSCHUK,

 

appelants,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

Requête entendue par conférence téléphonique le 25 juin 2001

à Ottawa (Ontario) par

 

l'honorable juge M. A. Mogan

 

Comparutions

 

Avocate des appelants :                      Me A. Christina Tari

 

Avocat de l'intimée :                           Me Michael Ezri

 

 

ORDONNANCE

 

          Vu la requête de l’avocat de l’intimée visant à obtenir une ordonnance modifiant les jugements rendus par l’honorable juge M. A. Mogan datés du 26 avril 2001 et accueillant les appels sans dépens;


          Après avoir lu les actes de procédure déposés dans les présents appels ainsi que la correspondance échangée entre les avocats des parties en ce qui concerne les dépens;

 

          Et après avoir entendu les avocats des parties;

 

          Il est ordonné que la requête de l'intimée soit rejetée, sans dépens.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de juin 2001.

 

 

« M. A. Mogan »

J.C.C.I.

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de mars 2002.

 

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur

 


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Date: 20010627

Dossier: 98-915(GST)I

98-917(GST)I

 

ENTRE :

 

ANSON QUON et EDWARD GRYSCHUK,

 

appelants,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

Le juge Mogan, C.C.I.

 

[1]     Les appels susmentionnés ont été entendus ensemble sur preuve commune. Les deux appelants (Anson Quon et Edward Gryschuk) étaient les administrateurs de Edan Food Sales Inc. (la « compagnie »). Une cotisation a été établie à leur égard en vertu de l’article 323 de la Loi sur la taxe d'accise en leur qualité d’administrateurs de la compagnie pour le défaut de cette dernière de verser environ 23 800 $ relativement à la taxe sur les biens et services (« TPS »). Les deux appelants ont interjeté appel à l’encontre de leurs cotisations au motif qu’ils avaient respecté le critère de diligence raisonnable du paragraphe 323(3). Chacun des appelants a choisi de voir son appel entendu sous le régime de la procédure informelle.

 

[2]     Le 26 avril 2001, j’ai signé les motifs du jugement et les jugements formels admettant les deux appels. Dans la dernière phrase de mes motifs, j’ai déclaré ce qui suit :

 

          [TRADUCTION]

 

Les appels sont accueillis et, dans la mesure permise, les dépens sont adjugés comme si les deux appels n'en constituaient qu'un seul.

 

Je tentais d’indiquer que j’adjugerais les dépens si ceux-ci étaient permis dans les circonstances de ces deux appels. Le jugement formel rendu dans l’appel de Anson Quon précisait ce qui suit :

 

L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation (taxe sur les produits et services) établie en vertu du paragraphe 323(1) de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 10 juin 1996 et porte le numéro 59535, est accueilli, avec dépens, et la cotisation est annulée.

 

Le jugement formel de l’appel d’Edward Gryschuk était le même, sauf pour ce qui est du numéro de l’avis de cotisation. Je ne prétendais pas décider dans le libellé des jugements formels que chacun des appelants avait droit aux dépens; mais je supposais que chaque jugement formel serait lu conjointement avec la dernière phrase de mes motifs. Le 25 juin 2001, j’ai entendu une requête présentée par l’intimée qui souhaitait obtenir une ordonnance modifiant les jugements formels afin d’accueillir les appels mais sans les dépens. (Je souligne).

 

[3]     Selon l’intimée, les appelants n’ont pas droit aux dépens parce qu’ils n’ont pas rempli les conditions du paragraphe 9(1) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt à l’égard des appels en matière de TPS :

 

9(1)      Les dépens sont laissés à la discrétion du juge qui règle l’appel, dans les circonstances établies à l’article 18.3009 de la Loi qui prévoit :

 

18.3009 (1)   Dans sa décision d'accueillir un appel visé à l'article 18.3001, la Cour :

 

a)            rembourse à la personne qui a interjeté appel le droit de dépôt qu'elle a acquitté en vertu de l'alinéa 18.15(3)b);

 

b)            peut, conformément aux modalités prévues par ses règles, allouer les frais et dépens à cette personne si le jugement réduit de plus de moitié le montant de la taxe, de la taxe nette, du remboursement, des intérêts ou de la pénalité qui font l'objet de l'appel et si les conditions suivantes sont réunies :

 

(i)         le montant en litige est égal ou inférieur à 7 000 $,

(ii)        le total des fournitures pour l'exercice précédent de cette personne est égal ou inférieur à 1 000 000 $.

 

 

Selon la réponse de l’intimée à chaque avis d'appel, le montant imposé à chacun des appelants est composé des trois éléments suivants :

 

                             Taxe nette                       20 536,30 $

                             Intérêts                             1 677,75 $

                             Pénalité                             1 633,07 $

                                                                   23 847,12 $

 

L’expression « montant en litige » est définie dans la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt de la manière suivante :

 

2.2 (2) Pour l'application de la présente loi, « montant en litige » dans un appel s'entend des montants suivants :

 

a)         la taxe, la taxe nette et le remboursement, au sens de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise, qui font l'objet de l'appel;

 

b)         les intérêts ou pénalités en vertu de cette partie qui font l'objet de l'appel;

 

c)         la taxe, la taxe nette ou le remboursement, au sens de cette partie, sur lequels l'appel aura vraisemblablement un effet lors d'un autre appel ou de la détermination d'une autre cotisation ou d'une cotisation projetée de la personne qui a interjeté appel.

 

[4]     Revenant au paragraphe 18.3009(1) de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt cité ci-dessus dans le cadre du paragraphe 9(1) des Règles, l’intimée soutient que les appelants n’ont pas rempli la condition du sous‑alinéa 18.3009(1)b)(i) parce que le « montant en litige » n’était pas inférieur à 23 847,12 $ et excédait certainement de beaucoup 7 000 $.

 

[5]     Selon les appelants, le paragraphe 9(1) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt relativement aux appels en matière de TPS ne prévoit pas un appel interjeté par une personne qui peut être indirectement responsable en tant qu’administrateur d’une société qui a fait l’objet d’une cotisation en vertu de l’article 323 de la loi sur la TPS. La définition de « montant en litige » du paragraphe 2.2(2) de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt parle de la taxe, de la taxe nette, des intérêts et des pénalités. Les mêmes mots figurent à l’alinéa 18.3009(1)b) de la même loi. L’avocate des appelants soutient qu’une cotisation établie à l’égard d’un administrateur en vertu de l’article 323 de la loi sur la TPS représente la responsabilité indirecte d’un tiers en ce qui concerne le « défaut de verser un montant ». En tant que tel, seul le contribuable principal constitué en société est tenu de payer la taxe, les intérêts ou les pénalités. L’administrateur fait l’objet d’une cotisation pour le montant total que la société a fait défaut de verser. Les parties pertinentes de l’article 323 sont les suivantes :

 

323(1)  Les administrateurs de la personne morale au moment où elle était tenue de verser une taxe nette comme l'exigent les paragraphes 228(2) ou (2.3), sont, en cas de défaut par la personne morale, solidairement tenus, avec cette dernière, de payer cette taxe ainsi que les intérêts et pénalités y afférents.

 

323(3)  L'administrateur n'encourt pas de responsabilité s'il a agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le manquement visé au paragraphe (1) que ne l'aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances.

 

[6]     Un administrateur d’une société peut encourir une responsabilité en vertu du paragraphe (1) uniquement si la société a fait défaut de « verser une taxe nette ». Lorsque cette condition est remplie, les administrateurs sont solidairement tenus « de payer cette taxe ainsi que les intérêts et pénalités y afférents ». Dans les deux présents appels de MM. Quon et Gryschuk, il n’y a pas de litige quant aux montants de taxe, d’intérêts ou de pénalités. Il s’agissait uniquement de savoir s’ils étaient en mesure de prouver qu'ils avaient respecté le critère de la diligence raisonnable du paragraphe 323(3). Par conséquent, il n’y avait pas de demi-mesure dans l’appel de chaque appelant en ce qui concerne le montant total sur lequel la cotisation était fondée.

 

[7]     Je suis porté à croire que les appelants ont droit aux dépens. Dans un procès civil, la partie qui obtient gain de cause se verra normalement adjuger les dépens. Ce principe est reflété par l’article 147 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) :

 

147(1)  Sous réserve des dispositions de la Loi, la Cour a entière discrétion pour adjuger les frais et dépens aux parties à une instance, pour en déterminer la somme, pour les répartir et pour désigner les personnes qui doivent les supporter.

 

147(3)  En exerçant sa discrétion conformément au paragraphe (1), la Cour peut tenir compte :

 

a)         du résultat de l'instance;

b)         […]

 

Les deux appelants (MM. Quon et Gryschuk) ont totalement obtenu gain de cause dans leurs appels interjetés à l’encontre des cotisations établies à leur égard en leur qualité d’administrateurs de la compagnie. À première vue, le libellé de l’alinéa 18.3009(1)b) ne s’applique pas aux présents appels parce que les appelants n’ont pas tenté individuellement de réduire le montant de la taxe, de la taxe nette, des intérêts ou des pénalités. Ils tentaient simplement de se soustraire à la responsabilité indirecte à l’égard du montant total (23 847,12 $) imposé contre eux en leur qualité d’administrateurs. Si la compagnie avait interjeté appel, il aurait pu y avoir un certain nombre de questions relatives à la responsabilité de base de la compagnie à l’égard de la taxe, de la taxe nette, des intérêts ou des pénalités en vertu des différentes dispositions de la loi sur la TPS imposant une responsabilité et elle aurait tenté de réduire un ou plusieurs montants qui ont été imposés à son égard. Les jugements dans les présents appels n’ont pas réduit ni étendu la responsabilité de la compagnie à l’égard de la taxe, de la taxe nette, des intérêts ou des pénalités et ils n’ont pas réduit ni étendu la responsabilité de toute autre personne qui aurait pu être administrateur de la compagnie.

 

[8]     Il me semble que le plafond de 7 000 $ du sous-alinéa 18.3009(1)b)(i) vise à empêcher un contribuable, directement responsable en vertu de la loi sur la TPS (et non indirectement responsable en tant qu’administrateur d’une société), de recouvrer des dépens s’il a choisi la procédure informelle alors que le montant en litige était important.

 

[9]     Les Règles de la Cour canadienne de l’impôt concernant les appels en matière de TPS sont relativement courtes, ne comptant que 18 articles. Si l’on accepte qu’un contribuable peut choisir la procédure informelle et obtenir gain de cause sans égard au montant en litige, force est de constater que les Règles contiennent des lacunes. Je suis convaincu qu’il y a une lacune à l’article 9 des Règles sur la TPS en ce qui concerne l’administrateur d’une société qui interjette appel avec succès à l’encontre d’une cotisation établie à son égard en vertu de l’article 323 de la loi sur la TPS.

 

[10]    L’article 18.3001 de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt permet à une personne, produisant un avis d'appel en vertu de la loi portant sur la TPS, de choisir la procédure informelle :

 

18.3001           Sous réserve de l'article 18.3002, le présent article et les articles 18.3003 à 18.302 s'appliquent, avec les adaptations nécessaires, aux appels interjetés aux termes de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise, si une personne en fait la demande dans son avis d'appel ou à toute date ultérieure prévue par les règles de la Cour.

 

Pour les besoins de la présente requête de l’intimée portant sur les dépens en vertu du paragraphe 18.3009(1), les mots importants dans l’article 18.3001 sont « avec les adaptations nécessaires ». L’article 18.3009 fait clairement partie du groupe des articles 18.3003 à 18.301. À mon avis, le paragraphe 18.3009(1) devrait être modifié dans les circonstances suivantes :

 

(i)      un administrateur d’une société a interjeté appel à l’encontre d’une cotisation établie en vertu de l’article 323 de la loi sur la TPS et a choisi la procédure informelle;

 

(ii)      l’administrateur-appelant ne tente pas de réduire le montant de la taxe, de la taxe nette, des intérêts ou des pénalités imposés contre la société;

 

(iii)     l’administrateur-appelant tente seulement de se soustraire à toute responsabilité personnelle en démontrant qu'il a fait preuve de diligence raisonnable au sens du paragraphe 323(3);

 

(iv)     la responsabilité personnelle de l’administrateur-appelant, en vertu du paragraphe 323(1), est supérieure à 7 000 $ mais est raisonnablement faible compte tenu du plafond de 7 000 $ prévu au sous-alinéa 18.3009(1)b)(i) et compte tenu des coûts du procès.

 

[11]    Dans les circonstances des deux présents appels, je considère que la responsabilité personnelle de 23 847,12 $ de chacun des appelants en vertu du paragraphe 323(1) est raisonnablement faible compte tenu de la limite de 7 000 $ prévue par la loi et des coûts du procès. Le préambule du paragraphe 9(1) des Règles sur la TPS précise : « Les dépens sont laissés à la discrétion du juge …. ». Dans le cadre des présents appels, j’ai exercé mon pouvoir discrétionnaire afin d’adjuger aux appelants les dépens, dans la mesure permise, sans déterminer à ce moment là si les appelants avaient droit à des dépens. Ayant entendu la requête, toutefois, je détermine maintenant que les appelants ont droit aux dépens qui seront adjugés comme s’il n’y avait qu’un seul appel. La requête de l'intimée est rejetée.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de juin 2001.

 

 

« M. A. Mogan »

J.C.C.I.

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 13e jour de mars 2002.

 

 

 

 

 

Mario Lagacé, réviseur

 

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