Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 20020308

Dossier: 2001-1988-IT-I

ENTRE :

OMER G. LÉGER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

Le juge Angers, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'appels régis par la procédure informelle que l'appelant a interjetés à l'encontre de cotisations établies pour ses années d'imposition 1996 et 1997. L'appelant s'est vu refuser par le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) des dépenses totalisant 22 705 $ et 15 302 $, respectivement, au motif qu'elles n'ont pas été effectuées en vue de retirer un revenu de l'entreprise ou, subsidiairement, au motif que l'appelant n'a jamais tiré un revenu contre lequel il pouvait déclarer ces montants à titre de dépenses.

[2]            L'appelant est aujourd'hui semi-retraité, mais il exerce des activités d'agent d'assurance pour Assomption-Vie. Il a relaté à la Cour les idées qu'il avait eues et les démarches qu'il a entreprises au début de l'année 1996 pour démarrer une entreprise. Il était au courant que le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Edouard francophones étaient mal connus des opérateurs d'autocars du Québec. Les départs en autocars se faisaient principalement de Montréal et de Québec, avec un arrêt dans la région d'Edmundston (Nouveau-Brunswick) ou de Grand-Sault (Nouveau-Brunswick). Le lendemain, les autocars se rendaient dans l'Île-du-Prince-Edouard. Au retour, ils passaient par la région gaspésienne sans faire un autre arrêt au Nouveau-Brunswick.

[3]            L'appelant se proposait donc de changer les destinations en organisant lui-même des voyages en autocar. Il voulait ainsi s'assurer que les voyageurs passent au moins quatre soirées au Nouveau-Brunswick et une dans l'Île-du-Prince-Edouard. Venant de la région acadienne, l'appelant voulait tirer profit des différentes attractions touristiques de sa région et les promouvoir en même temps. Il faut signaler que l'appelant est un ancien ministre du tourisme pour le Nouveau-Brunswick.

[4]            Il a donc enregistré un certificat d'appellation commerciale le 1er janvier 1996 sous le nom « destination acadie » avec, comme buts, l'organisation de voyages et d'activités et la promotion touristique. Il voulait gérer son entreprise à partir de la région de Moncton, au Nouveau-Brunswick.

[5]            L'appelant nous a expliqué les démarches qu'il a entreprises en vue de promouvoir son entreprise dans la province de Québec et les difficultés qu'il a rencontrées. Il a présenté de la correspondance confirmant certaines des démarches qu'il a effectuées. Une lettre confirme qu'il a eu de quatre à cinq consultations avec un avocat de Québec sur son projet d'entreprise. D'autres lettres confirment certaines démarches auprès d'agences de voyage à Montréal et à Charlesbourg. Il n'y a aucun doute que son projet avait l'appui d'intervenants dans le domaine touristique au Nouveau-Brunswick comme en fait foi la correspondance présentée en preuve.

[6]            Une lettre du 28 mars 1996 provenant de l'Office de la protection du consommateur du gouvernement du Québec semble avoir ralenti les ardeurs de l'appelant. Cette lettre donnait suite à une lettre de l'avocat de l'appelant qui cherchait à s'enquérir au sujet des exigences du Québec en matière de sollicitation d'une clientèle résidant au Québec en vue de vendre des voyages organisés en Acadie. L'appelant a été informé dans la lettre de l'Office de la protection du consommateur qu'il devait détenir un permis d'agent de voyage du Québec et s'immatriculer auprès du greffier de la Cour supérieure du Québec en vertu de la Loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales (L.Q. 1993, c. 48). Nous pouvons déduire de la preuve que l'appelant ne s'est pas conformé à ces exigences.

[7]            L'appelant a informé la Cour qu'il a toutefois continué ses démarches en effectuant des visites au Québec chez des agences de voyage. Il n'y a toutefois rien de précis quant à l'aboutissement de ses efforts. Il a reconnu que son entreprise n'a généré aucun revenu au cours des deux années d'imposition. N'ayant pas réalisé au début à quel point son projet était complexe, il a éventuellement décidé de laisser tomber. L'appelant croit toujours à son projet et il est convaincu qu'il aurait réussi.

[8]            Toutes ces démarches lui ont occasionné des dépenses. Ce sont ces dépenses qu'il a déduites de ses autres revenus pour les deux années en question. L'appelant n'a produit en preuve aucun reçu à l'appui de ces dépenses. La preuve nous a toutefois permis d'apprendre qu'il avait produit des reçus au vérificateur du Ministre. L'appelant n'avait pas fait pas de distinction entre les reçus pour les dépenses encourues dans le cadre de la vente d'assurance et celles encourues dans le cadre des activités de « destination acadie » .

[9]            En contre-interrogatoire, il a reconnu que l'information qu'il a donné à son comptable pour préparer ses déclarations de revenus provenait de chiffres approximatifs qu'il avait lui-même calculés. Les dépenses étant combinées, il lui était donc impossible de distinguer celles qui provenaient de la vente d'assurance et celles qui provenaient des activités de son entreprise.

[10]          Les reçus fournis au vérificateur ne se rapportent qu'à des achats d'essence et à des repas au restaurant. La majorité des reçus proviennent d'entreprises situées dans la région de Moncton. Pour l'essence, l'appelant explique qu'il faisait le plein dans sa région avant de quitter. Selon le vérificateur, les reçus sous la rubrique « divertissement » n'indiquaient pas le nom de la personne sollicitée.

[11]          L'intimée a fait témoigner le vérificateur du Ministre dans ce dossier, soit monsieur Jean-Luc Gagnon. Après avoir révisé le dossier de l'appelant et ses états financiers, monsieur Gagnon a communiqué avec ce dernier et obtenu de lui des renseignements supplémentaires afin de compléter sa vérification.


[12]          Monsieur Gagnon a expliqué l'analyse qu'il a faite des dépenses déclarées par l'appelant. Il a divisé les dépenses sous différentes rubriques, selon l'information recueillie. Je reproduis ci-dessous le tableau qu'il a préparé :

1996

réclamé

accepté

refusé

publicité

5 500,00 $

825,00 $

4 675,00 $

repas et divertissement*

300,00 $

300,00 $

automobile

16 741,80 $

2 462,00 $

14 280,00 $

bureau

500,00 $

75,00 $

425,00 $

comptabilité et frais d'avocat

713,60 $

614,00 $

100,00 $

voyage*

4 300,00 $

588,00 $

3 711,00 $

téléphone et services publics

   840,00 $

126,00 $

714,00 $

cotisation du 18 novembre 1999

28 895,40 $

4 690,00 $

**24 205,00 $

cotisation du 4 janvier 2001

1 500,00 $

(1 500,00$)

6 190,00 $

**22 705,00 $

* le Ministre a inclus repas, hôtel et divertissement dans l'item « voyage »

** différences dues aux chiffres arrondis

1997

réclamé

accepté

refusé

publicité

2 306,50 $

347,00 $

1 960,00 $

taxe, licence et honoraires

20,00 $

3,00 $

17,00 $

repas et divertissement

1 239,09 $

375,00 $

864,00 $

automobile

14 154,36 $

2 072,00 $

12 082,00 $

bureau

268,99 $

41,00 $

228,00 $

comptabilité et frais d'avocat

220,00 $

110,00 $

110,00 $

voyage*

800,37 $

279,00 $

521,00 $

téléphone et services publics

1 200,00 $

180,00 $

1 020,00 $

cotisation du 18 novembre 1999

20 209,31 $

3 407,00 $

**16 802,00 $

cotisation du 4 janvier 2001

1 500,00 $

(1 500,00$)

4 907,00 $

**15 302,00 $

**différences dues aux chiffres arrondis

[13]          Le vérificateur a affirmé que c'est principalement à cause de l'inexistence de pièces justificatives qu'il a refusé de déduire les dépenses de l'appelant pour les deux années d'imposition. De plus, il lui était impossible de faire la distinction entre les dépenses de l'appelant liées à son revenu de commissions comme agent d'assurance et celles liées aux démarches qu'il a faites en vue de mettre sur pied son entreprise. En outre, tel que mentionné, la plupart des dépenses avaient été effectuées dans la région de Moncton.

[14]          Le vérificateur a donc refusé les dépenses de publicité, de bureau, de téléphone et de services publics de l'appelant parce qu'aucune pièce justificative n'a été produite. Il a toutefois accepté 15 % de ce montant comme étant raisonnablement encouru par l'appelant dans les démarches qu'il a faites en vue de mettre sur pied son entreprise.

[15]          Sous la rubrique « voyage » , laquelle inclut les repas et les divertissements, l'appelant a fourni des reçus totalisant 3 954 $ pour l'année. La plupart des reçus provenaient d'établissement commerciaux dans la région de Moncton et aucune explication n'avait été fournie à leur égard. Dans leur ensemble, le vérificateur a accepté 25 % de la moitié du total des reçus comme dépenses effectuées par l'appelant dans les démarches qu'il a faites en vue de mettre sur pied son pied son entreprise.

[16]          Sous la rubrique « automobile » l'appelant a déclaré des dépenses de 16 741,80 $ alors que les reçus fournis totalisaient 3 543 $. Les reçus en question se rapportaient à des achats d'essence et à des réparations. Sous ces deux sous-rubriques, l'appelant avait déclaré des dépenses de 7 500 $ en essence et de 450 $ en réparations. Donc, les reçus ne correspondaient pas au montant déclaré. Le vérificateur a donc accepté un montant équivalant à 25 % du montant de ses revenus provenant de commissions qui étaient de 1 324,09 $, soit 331 $. Sur le solde du 16 741,80 $ moins le 331 $, il a accepté 15 % comme dépenses liées aux démarches faites par l'appelant en vue de mettre sur pied son entreprise.

[17]          La dernière rubrique traite des frais d'avocat et de comptabilité. Deux reçus ont été fournis au vérificateur. Le premier, établi à l'égard d'un paiement de 513,60 $, se rapportait à la préparation d'un document pro-forma et a été accepté. Le deuxième reçu, de l'ordre de 200 $, visait la préparation des déclarations de revenus de l'appelant pour 1996. Le vérificateur a refusé la moitié de ce dernier montant en raison d'un élément personnel. Il a donc accepté 614 $ comme dépenses liées aux démarches faites par l'appelant en vue de mettre sur pied son entreprise.

[18]          Le vérificateur a procédé de la même façon en 1997 avec les dépenses déclarées, les reçus fournis et les pourcentages acceptés en ce qui concerne les dépenses liées aux démarches faites par l'appelant en vue de mettre sur pied son entreprise. Sur 20 209 $ déclarés par l'appelant, 3 405 $ ont été acceptés et 16 802 $ ont été refusés. Dans une cotisation subséquente, en date du 4 janvier 2001, le Ministre permettait à l'appelant de déduire un montant supplémentaire de 1 500 $ pour chacune des années d'imposition en appel.

[19]          Dans sa sommation, la procureure de l'intimée a reconnu que l'appelant a engagé des dépenses en vue de tirer un revenu d'entreprise. Elle a fait valoir toutefois qu'il lui incombait de prouver que ses dépenses étaient effectivement liées au revenu de l'entreprise. Elle a soumis que la preuve présentée par l'appelant était nettement insuffisante à cet égard. N'ayant conservé aucun livres de compte ni registres pouvant indiquer le nombre de voyages, la destination, le montant des dépenses et autres, il est impossible d'analyser la preuve. De plus, les reçus fournis se rapportent principalement à des dépenses encourues dans la région immédiate où réside l'appelant. Ce dernier n'a fourni aucun détail sur ses rencontres avec certains intervenants au Québec. L'appelant a reconnu que les montants non justifiés par des reçus ne sont que des estimations de ses dépenses.

[20]          L'appelant, pour sa part, a soutenu que les dépenses déclarées ont été encourues. Il a reconnu qu'il ne peut pouvait prouver tous les efforts qu'il a déployés, mais il a soutenu avoir fait plusieurs démarches. Il a reconnu ne pas avoir les reçus nécessaires, mais que ce ne sont pas des chiffres pigés au hasard. Les dépenses liées à ses activités sont justifiées et il a fait remarquer qu'il conserve aujourd'hui ses reçus.

[21]          Dans sa Réponse à l'avis d'appel, l'intimée soutient, entre autres, que les dépenses refusées ne sont pas admissibles puisqu'elles ne concernent pas des dépenses engagées par l'appelant en vue de tirer un revenu de l'entreprise selon l'alinéa 18(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ). Il se lit comme suit :

ARTICLE 18: Exceptions d'ordre général.

(1)Dans le calcul du revenu du contribuable tiré d'une entreprise ou d'un bien, les éléments suivants ne sont pas déductibles:

a) Restriction générale — les dépenses, sauf dans la mesure où elles ont été engagées ou effectuées par le contribuable en vue de tirer un revenu de l'entreprise ou du bien;


[22]          Toutefois, dans les faits, le Ministre a, de façon arbitraire, permis à l'appelant de déduire un pourcentage des dépenses déclarées puisqu'il acceptait que certaines des dépenses déclarées l'avaient été en vue de tirer un revenu d'entreprise. Le Ministre n'a permis à l'appelant de déduire qu'un pourcentage de ses dépenses au motif qu'aucune pièce justificative n'avait été produite.

[23]          L'appelant a reconnu ne pas avoir consigné ses déplacements et avoir très peu de reçus à l'appui des dépenses déclarées. Il a admis que la plupart des dépenses étaient des estimations qu'il a faites et il a prétendu avoir effectivement encouru des dépenses dans le cadre de ses démarches.

[24]          Il incombait à l'appelant de démontrer que les cotisations du Ministre pour les deux années d'imposition sont inexactes. Quoique l'appelant m'est apparu être une personne très crédible, il n'a pas réussi à démontrer l'authenticité des dépenses qu'il a déduites dans ses déclarations de revenu. Le peu de preuve que l'appelant a présenté quant à ses déplacements, à leur fréquence et aux rencontres à l'extérieur ne peut justifier les montants qu'il a déclarés à titre de dépenses. Il faut se rappeler des propos du juge Reid dans 421229 Ontario Ltd. v. The Queen [1995] 1 C.T.C. 305, à la page 308 :

"I note, however, that the income tax system is a self-assessment system. All the information concerning the taxpayer's affairs is in the knowledge of the taxpayer. In such circumstances, once the Minister has proven the facts which exist in this case, there can be no complaint about the onus of proof to disprove the conclusions which arise therefrom being on the taxpayer."

[25]          Il faut aussi se rappeler que, dans toute cette affaire, l'appelant n'a tiré aucun revenu. En fait, les exigences de l'Office de la protection du consommateur du gouvernement du Québec du 28 mars 1996 et le manque de preuve que l'appelant s'y est conformé amènent la Cour à se demander pourquoi l'appelant a déclaré tant de dépenses de publicité de voyage et de frais d'automobile après cette date. Je suis d'avis que la position prise par le vérificateur du Ministre dans les circonstances était des plus raisonnable à l'égard des dépenses déclarées par l'appelant.


[26]          Pour ces motifs, les appels interjetés à l'encontre des cotisations établies pour les années d'imposition 1996 et 1997 sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de mars 2002.

« François Angers »

J.C.C.I.

No DU DOSSIER DE LA COUR :                        2001-1988(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                                 OMER G. LÉGER

                                                                                                                et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      Moncton, Nouveau-Brunswick

DATE DE L'AUDIENCE :                                    le 15 janvier 2002

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :                         L'honorable juge François Angers

DATE DU JUGEMENT :                                      le 8 mars 2002

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :                                                    L'appelant lui-même

Pour l'intimée :                                                       Me Dominique Gallant

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

                                Nom :                      

                                Étude :                    

Pour l'intimé(e) :                                                    Morris Rosenberg

                                                                                                Sous-procureur général du Canada

                                                                                                Ottawa, Canada

2001-1988(IT)I

ENTRE :

OMER G. LÉGER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 15 janvier 2002 à Moncton, Nouveau-Brunswick par

l'honorable juge François Angers

Comparutions

Pour l'appelant :                                            L'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :                                    Me Dominique Gallant

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'égard des années d'imposition 1996 et 1997 sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de mars 2002.

« François Angers »

J.C.C.I.


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.