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Date: 20011220

Dossier: 2000-4503-IT-I

ENTRE :

BERTRAND LEDUC,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifsdu jugement

La juge Lamarre, C.C.I.

[1]            Il s'agit d'un appel d'une cotisation établie par le ministre du Revenu national (" Ministre ") en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (" Loi ") pour l'année d'imposition 1999. Par cette cotisation, le Ministre a refusé à l'appelant un transfert de crédit d'impôt non utilisé de 719,61 $ pour déficience mentale ou physique grave et prolongée à l'égard de sa conjointe Ginette Michalk, en se fondant sur les articles 118.3, 118.4 et 118.8 de la Loi.

[2]            Pour établir sa cotisation, le Ministre a pris en compte les faits suivants que l'on retrouve au paragraphe 14 de la Réponse à l'avis d'appel :

a)        La conjointe de l'appelant annexa à sa déclaration de revenus de l'année d'imposition 1997, un formulaire T2201 dûment rempli et intitulé "Certificat pour le crédit pour personnes handicapées".

b)        Le formulaire T2201 était signé en date du 16 avril 1998 par un médecin autorisé, le docteur Louis Trudelle.

c)        Sur ce formulaire, le Dr. Trudelle diagnostiquait chez sa patiente une entéropathie au gluten (maladie coeliaque) et indiquait que la maladie de sa patiente "l'oblige à des restrictions diététiques sévères et permanentes".

d)        L'appelant demande que le crédit d'impôt pour personnes handicapées transféré soit accordé sur la foi du formulaire fourni pour l'année d'imposition 1997.

e)        Bien qu'à ce jour, il n'existe aucun médicament approprié pour guérir la maladie coeliaque, une diète spéciale stricte peut soulager ce mal.

f)         Depuis que la conjointe de l'appelant a été diagnostiquée en octobre 1997, elle suit le régime prescrit de façon très stricte.

g)        Aucun formulaire T2201 : "Certificat pour le crédit d'impôt pour personnes handicapées" n'a été fourni pour l'année d'imposition 1999.

h)        La conjointe de l'appelant, madame Ginette Michalk, peut se nourrir elle-même, à l'aide d'un appareil si nécessaire.

i)         Pour l'année d'imposition 1999, le ministre a déterminé que la capacité de la conjointe de l'appelant d'accomplir les activités courantes de la vie quotidienne n'était pas limitée de façon marquée en raison d'une déficience mentale ou physique, grave et prolongée.

[3]            La même question a été soulevée devant moi par le même appelant pour l'année d'imposition 1997 et j'ai rendu jugement en date du 5 novembre 1999,[1] admettant l'appel et donnant droit à l'appelant de réclamer dans le calcul de son impôt fédéral pour l'année 1997 un transfert de crédit d'impôt non utilisé de 719,61 $ pour déficience physique grave et prolongée à l'égard de sa conjointe, madame Ginette Michalk, conformément aux articles 118.3, 118.4 et 118.8 de la Loi.

[4]            Une demande de contrôle judiciaire concernant ce jugement a été présentée par l'intimée devant la Cour d'appel fédérale le 10 décembre 1999. Les motifs invoqués au soutien de cette demande de contrôle judiciaire étaient les suivants :

1.        La juge du procès a rendu une décision entachée d'une erreur de droit, en déterminant que le particulier souffrait d'une incapacité grave et prolongée et qu'il était limité de façon marquée dans l'accomplissement d'une activité quotidienne, tel que prévu aux alinéas 118.3(1)a), 118.3(1)a.1) et 118.4(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

2.        La juge du procès a également rendu une décision entachée d'une erreur de droit, en donnant une mauvaise interprétation du mot " s'alimenter " prévu à l'alinéa 118.4(1)c) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

3.        De plus, la juge du procès a rendu une décision fondée sur une conclusion de faits erronée, en considérant que le particulier devait consacrer un temps excessif à l'accomplissement d'une activité courante, soit celle de s'alimenter.[2]

[5]            Le 25 janvier 2000, l'intimée faisait parvenir un avis à la Cour d'appel fédérale, par lequel elle se désistait entièrement de sa demande de contrôle judiciaire.

[6]            Dans son avis d'appel dans le présent dossier, l'appelant invoque que le jugement de cette Cour du 5 novembre 1999 est définitif et sans appel. Or, il ressort de ce jugement que l'incapacité de madame Michalk est permanente et en conséquence, soutient l'appelant, la situation de madame Michalk ne peut avoir changé depuis. Il invoque le principe de la chose jugée et du respect du système judiciaire pour soulever une fin de non-recevoir afin que l'intimée ne puisse revenir à la charge annuellement sur la même question qui a été décidée par un tribunal compétent pour une année antérieure.

[7]            Avant l'audition du présent appel (relativement à l'année 1999), l'avocat de l'intimée a fait parvenir à la Cour un rapport d'expertise, signé par madame Nicole Doucet, nutritionniste et diététiste, expert-conseil en communications et relations publiques, sur la maladie coeliaque et sur le régime alimentaire approprié à cette maladie. Il est à noter que l'intimée n'avait présenté aucun témoin expert lors de l'appel présenté devant moi pour l'année 1997 alors que l'appelant avait présenté sa preuve à l'aide de deux témoins experts, soit le médecin traitant et une diététicienne.

[8]            Puisque l'appelant a soulevé une fin de non-recevoir basée sur le concept de l'autorité de la chose jugée, j'ai demandé aux parties de me faire part de leurs observations sur cette question préliminaire de même que sur l'application possible au Québec du concept équivalent de common law connu sous le nom de " issue estoppel " et ce, dans le contexte particulier d'appels de cotisations successives en matière d'impôt sur le revenu. Dans ce but, j'ai décidé de surseoir à l'audition de la preuve au mérite dans le présent appel. Les parties ont soumis leurs observations par écrit et les présents motifs résoudront cette question.

[9]              Avant d'aborder ce point, il importe tout d'abord de souligner que dans sa Réponse à l'avis d'appel, l'intimée prétend également qu'aucun formulaire T2201 " Certificat pour le crédit d'impôt pour personnes handicapées " n'a été fourni pour l'année d'imposition 1999. Cependant, il est admis que la conjointe de l'appelant avait annexé à sa déclaration de revenu pour l'année 1997 le formulaire T2201 dûment rempli. Ce certificat était signé en date du 16 avril 1998 par le Dr Trudelle, un médecin qui satisfait aux exigences énoncées au paragraphe 118.4(2). Il s'agit de déterminer si le manquement de la part de l'appelant et sa conjointe de déposer un tel certificat pour l'année 1999 empêche le transfert des crédits non utilisés susmentionnés.

[10]            Dans la décision Warner v. R., [1998] 4 C.T.C. 2613, le juge Beaubier a dû faire face à une situation très semblable à celle-ci. Il dit à la page 2614 :

The Appellant had filed with her 1992 Income Tax Return or possibly her 1993 Income Tax Return a proper medical certificate dated April 27, 1993, signed by Dr. G.R. Jenkins, which is a certificate that falls properly within the provisions of the Income Tax Act and that no other certificate was filed for 1994. Pursuant to s. 118.3(1), paragraph (b), the Court finds that by that means the Appellant had filed for a taxation year with the Minister, the certificate described in paragraph a.2. Once the certificate was on file (and there was no other certificate on file) the certificate dated April 27, 1993 qualified for the 1994 taxation year within the provisions of paragraph (b) as quoted. [Je souligne.]

[11]            Les alinéas 118.3(1)a.2) et 118.3(1)b) se lisent comme suit :

118.3: Crédit d'impôt pour déficience mentale ou physique.

          (1) Le produit de la multiplication de 4 118 $ par le taux de base pour l'année est déductible dans le calcul de l'impôt payable par un particulier en vertu de la présente partie pour une année d'imposition, si les conditions suivantes sont réunies:

[...]

a.2)     l'une des personnes suivantes atteste, sur formulaire prescrit, qu'il s'agit d'une déficience mentale ou physique grave et prolongée dont les effets sont tels que la capacité du particulier d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne est limitée de façon marquée:

          (i) un médecin en titre,

          (ii) s'il s'agit d'une déficience visuelle, un médecin en titre ou un optométriste,

          (iii) s'il s'agit d'une déficience auditive, un médecin en titre ou un audiologiste;

          (iv) s'il s'agit d'une déficience quant à la capacité à marcher ou à s'alimenter et à s'habiller, un médecin en titre ou un ergothérapeute,

          (v) s'il s'agit d'une déficience sur le plan de la perception, de la réflexion et de la mémoire, un médecin en titre ou un psychologue;

118.3(1)

b) le particulier présente au ministre l'attestation visée à l'alinéa a.2) pour une année d'imposition;

[12]          Ainsi, vu qu'en 1997 l'appelant et sa conjointe ont fourni un certificat dûment rempli par un médecin en titre, l'exigence de l'alinéa 118.3(1)b) est comblée pour l'année d'imposition 1997 et pour les années postérieures.

Fin de non-recevoir alléguée sur la question de la capacité de la conjointe de l'appelant d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne

[13]          Selon l'avocat de l'intimée, la doctrine de l'" issue estoppel " ne s'applique pas dans la province de Québec. Il se réfère à la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans Banque Nationale c. Soucisse et autres, [1981] 2 R.C.S. 339, où le juge Beetz distingue la doctrine de l'estoppel tirée de la common law de la doctrine de la fin de non-recevoir qui existe en droit civil québécois. À ce sujet, le juge Beetz se référait à l'opinion du juge Mignault dans l'arrêt Grace and Company c. Perras (1921), 62 R.C.S. 166, où ce dernier faisait remarquer ce qui suit à la page 172 :

[TRADUCTION] la théorie de l'estoppel qui existe en Angleterre et dans les provinces de common law au Canada n'existe pas dans le droit de la province de Québec. Cela ne signifie pas cependant que dans bien des cas où, en Angleterre, une personne peut se voir opposer une fin de non-recevoir, elle ne serait pas tenue responsable dans la province de Québec.

[14]          L'avocat de l'intimée cite certaines décisions où, selon lui, les tribunaux canadiens auraient refusé d'appliquer la doctrine de l'" issue estoppel " dans la province de Québec (Lafarge Canada Inc. c. Canada, [2001] A.C.F. no 372 (C.F. 1re instance); Dufresne Engineering Company Limited c. Le Sous-ministre du revenu du Québec, [1984] R.D.F. 164 (C.A.Q.); Alameda Holdings Inc. c. Canada, [1999] A.C.I. no 839 (C.C.I.)).

[15]          Il en conclut donc que le concept d'estoppel tel qu'appliqué en common law est inconnu en droit civil québécois.

[16]          Par ailleurs, l'avocat de l'intimée soutient que, même si la doctrine de l'" issue estoppel " était en vigueur dans la province de Québec, elle ne trouverait pas application en l'espèce. En effet, pour que cette fin de non-recevoir s'applique, Lord Guest de la Chambre des Lords d'Angleterre dans l'affaire Carl Zeiss Stiftung v. Rayner & Keeler Ltd. (No. 2), [1967] 1 A.C. 853, a établi certains critères à respecter, lesquels ont été repris par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Angle c. M.R.N., [1975] 2 R.C.S. 248 à la page 254 :

[Lord Guest] définit les conditions de l'issue estoppel comme exigeant :

[TRADUCTION] . . . (1) que la même question ait été décidée; (2) que la décision judiciaire invoquée comme créant la fin de non-recevoir soit finale; et, (3) que les parties dans la décision judiciaire invoquée, ou leurs ayants droit, soient les mêmes que les parties engagées dans l'affaire où la fin de non-recevoir est soulevée, ou leurs ayants droit . . .

[17]          L'avocat de l'intimée soutient que l'appelant n'a pas fait la preuve que toutes ces exigences ont été satisfaites. Ainsi, l'avocat soutient que le jugement du 5 novembre 1999 ne portait pas sur la même question puisque la cotisation en litige dans ce jugement avait été établie pour l'année d'imposition 1997 seulement. Selon l'avocat, cette Cour avait compétence pour trancher de la question soulevée par la cotisation établie pour l'année 1997 seulement, et non sur les cotisations établies pour les années subséquentes. L'avocat s'appuie sur une décision de la Cour d'appel en Angleterre, The Commissioners of Inland Revenue v. Sneath (1932), 17 T.C. 149, reprise par la Commission d'appel de l'impôt dans l'affaire Kindree v. M.N.R., 70 DTC 1054, pour soutenir qu'une décision statuant sur une cotisation pour une année d'imposition spécifique n'est définitive que pour cette seule année d'imposition et ce, même si une question identique est soulevée ultérieurement pour une année d'imposition subséquente. L'avocat invoque le passage suivant de Lord Hanworth, M.R., dans l'affaire Sneath, à la page 163 :

I am [. . .] of opinion that the assessment is final and conclusive between the parties only in relation to the assessment for the particular year for which it is made. No doubt, a decision reached in one year would be a cogent factor in the determination of a similar point in a following year, but I cannot think that it is to be treated as an estoppel binding upon the same party for all years.

[18]          L'avocat de l'intimée cite également une décision rendue par un tribunal de common law ayant compétence en matière de taxes foncières, où l'on a refusé d'appliquer la doctrine de l'" issue estoppel " quand il s'agissait d'une année d'imposition différente. Il s'agit de l'arrêt Quintette Coal Ltd. v. B.C., etc., [1988] 21 B.C.L.R. (2d) 193 (S.C.), où il est dit ce qui suit aux pages 197-98 :

There are a number of very impressive reasons why res judicata should not apply to successive tax assessment cases, all of which have been expressed most eloquently in the cases cited. The chief of these, I suggest, are:

1.        An assessor carries out a statutory duty.

2.        An assessment or valuation is temporary in nature and limited in time.

3.              The jurisdiction of a decision-making tribunal is limited. Its function begins and ends with determining the assessment of a defined period.

4.        The assessment for a new year is not "eadem quaestio".

5.        No real lis is involved since the assessor has no self-interest.

[19]          Ainsi, l'avocat de l'intimée soutient que la conclusion de fait adoptée dans le jugement du 5 novembre 1999 portait sur la capacité de madame Michalk de s'alimenter en 1997. Selon lui, la condition physique de madame Michalk peut avoir changé depuis, et la situation de fait qui existait en 1997 n'est pas nécessairement la même qu'en 1999. Pour ces raisons, il croit qu'on ne peut parler de chose jugée en l'espèce.

[20]          Quant à l'appelant, il soutient simplement que la doctrine de l'" issue estoppel " s'applique à toute loi fédérale et plus particulièrement à la Loi. Selon lui, il ne fait aucun doute que cette doctrine fait maintenant partie du droit canadien (voir l'affaire Angle, précitée) et le fait pour la Cour suprême du Canada d'avaliser la présence de cette règle en droit canadien permet de conclure que toute loi fédérale est soumise à l'application de la doctrine de l'" issue estoppel ". Selon lui, cette doctrine est une règle de justice naturelle et rien dans le droit québécois n'empêche son application.

[21]          L'appelant conclut qu'imposer à un contribuable de retourner devant un tribunal d'année en année pour justifier que son handicap est une déficience physique grave et prolongée qui restreint de façon marquée sa capacité de s'alimenter porte atteinte à l'intégrité de notre système judiciaire. Il demande donc à cette Cour de déclarer qu'il y ait chose jugée en l'espèce.

Analyse

[22]          En réponse au premier argument de l'intimée, à savoir que la doctrine de l'" issue estoppel " ne s'applique pas dans la province de Québec, il convient en premier lieu de souligner la différence qui existe en common law entre " estoppel by representation " et l'" issue estoppel ".

[23]          Dans l'affaire Canadian Superior Oil c. Hambly, [1970] R.C.S. 932, le juge Martland de la Cour suprême du Canada résumait les éléments essentiels de l'" estoppel by representation " (en se référant à l'arrêt Greenwood v. Martins Bank, [1933] A.C. 51, 57) comme suit aux pages 939-940 :

[TRADUCTION] Les facteurs essentiels pour fonder une fin de non-recevoir sont, je pense, les suivants :

(1)        Une affirmation, ou une conduite y équivalant, qui a pour but d'inciter la personne à qui elle est faite à adopter une certaine ligne de conduite.

(2)         Une action ou une omission résultant de l'affirmation, en paroles ou en actes, de la part de la personne à qui l'affirmation est faite.

(3)         Un préjudice causé à cette personne en conséquence de cette action ou omission.

[24]          C'est cette doctrine de l'" estoppel by representation " qui a été considérée non applicable dans la province de Québec par le juge Mignault dans l'arrêt Grace and Company c. Perras (1921), 62 R.C.S. 166, précité, et dont le raisonnement a été suivi par la suite dans les arrêts Banque Nationale c. Soucisse et autres, Dufresne Engineering Co. Ltd., Alameda Holdings, et Lafarge Canada, précités, sur lesquels se fonde le procureur de l'intimée. Toutefois, cette doctrine de l'" estoppel by representation " ne nous concerne pas dans le cas actuel puisque nous ne sommes pas en présence de déclarations ou d'affirmations faites entre les parties.

[25]          La notion de l'" issue estoppel " est un tout autre concept dérivé de l'estoppel per rem judicatam, lequel a été analysé et reconnu au Canada par la Cour suprême dans l'affaire Angle, précitée. Ainsi, l'estoppel per rem judicatam est une fin de non-recevoir soulevée lorsqu'un tribunal compétent a rendu une décision sur une question qui est à nouveau soulevée dans de nouvelles procédures judiciaires. L'estoppel per rem judicatam se divise en deux formes d'estoppel, soit le " cause of action estoppel " et l'" issue estoppel ".[3]

[26]          La première forme, soit le " cause of action estoppel " empêche une personne d'intenter une action contre une autre lorsque la même cause d'action a déjà été décidée dans des procédures antérieures par un tribunal compétent (voir Angle, précitée, page 254).

[27]          La deuxième forme d'estoppel per rem judicatam, connue sous le nom d'" issue estoppel ", tire son expression de l'arrêt Hoystead v. Federal Commissioner of Taxation (1921), 29 C.L.R. 537, dans la décision rendue par la Haute Cour d'Australie où les propos du juge Higgins (lesquels propos sur l'" issue estoppel " ont été confirmés en appel par le Conseil privé dans l'arrêt Hoystead v. Commissioner of Taxation, [1926] A.C. 155) sont repris par le juge Dickson dans l'arrêt Angle, précité, à la page 254 :

[TRADUCTION] Je reconnais pleinement la distinction entre le principe de l'autorité de la chose jugée applicable lorsqu'une demande est intentée pour la même cause d'action que celle qui a fait l'objet d'un jugement antérieur, et cette théorie de la fin de non-recevoir qu'on applique lorsqu'il arrive que la cause d'action est différente mais que des points ou questions de fait ont déjà été décidés (laquelle je puis appeler théorie de l'"issue-estoppel").

Le juge Dickson entérine ensuite les conditions invoquées par Lord Guest dans l'arrêt Carl Zeiss, précité, à la page 254 et reprises par l'avocat de l'intimée dans son argumentation (voir paragraphe 16 de ces présents motifs).

[28]          Le juge Dickson ajoute à la page 255:

[. . .] Il ne suffira pas que la question ait été soulevée de façon annexe ou incidente dans l'affaire antérieure ou qu'elle doive être inférée du jugement par raisonnement. [...] La question qui est censée donner lieu à la fin de non-recevoir doit avoir été " fondamentale à la décision à laquelle on est arrivé " dans l'affaire antérieure: d'après Lord Shaw dans l'arrêt Hoystead v. Commissioner of Taxation. Les auteurs de l'ouvrage Spencer Bower and Turner, Doctrine of Res Judicata, 2e éd. pp. 181, 182, cité par M. le Juge Megarry dans l'arrêt Spens v. I.R.C.,9 à la p. 301, décrivent dans les termes suivants la nature de l'examen auquel on doit procéder:

                [TRADUCTION] . . . si la décision sur laquelle on cherche à fonder la fin de non-recevoir a été " si fondamentale " à la décision rendue sur le fond même du litige que celle-ci ne peut valoir sans celle-là. Rien de moins ne suffira. [Je souligne.]

____________________________

9 [1970] 3 All. E.R. 295.

[29]          À mon avis, l'" issue estoppel " est une fin de non-recevoir qui trouve un parallèle, dans la province de Québec, dans l'autorité de la chose jugée (ou res judicata). Dans l'arrêt Banque Nationale c. Soucisse, précité, le juge Beetz se réfère à plusieurs auteurs de doctrine de droit civil français pour décrire les fins de non-recevoir, aux pages 359-360 :

[La définition de Pothier] se rapproche de celle de Denisart, Collection de décisions, t. 8, Paris, 1789, à la p. 638:

On appelle fin de non-recevoir une espèce d'exception péremptoire, par le moyen de laquelle celui qui défend à une demande, peut la faire rejeter, sans entrer dans la discussion du fond.

C'est cette définition que L.L.F. Lemerle (Traité des fins de non recevoir, Nantes, 1819, aux pp. 2 et 3) fait sienne, à toutes fins pratiques:

Les fins de non recevoir sont des exceptions péremptoires par le moyen desquelles on peut faire rejeter une demande sans entrer dans la discussion; et les exceptions péremptoires sont des motifs d'exclusion de l'action tellement puissants, qu'ils anéantissent cette action.

[...]

[...] Les auteurs classent parmi les fins de non-recevoir les exceptions les plus nombreuses et les plus diverses qui n'ont entre elles rien d'autre en commun que cette définition. Par exemple, on y compte la chose jugée [...]

[Je souligne.]

[30]            L'autorité de la chose jugée est définie comme suit à l'article 2848 du Code civil du Québec (" CCQ ") (anciennement l'article 1241 du Code civil du Bas Canada):

ART. 2848. L'autorité de la chose jugée est une présomption absolue; elle n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement, lorsque la demande est fondée sur la même cause et mue entre les mêmes parties, agissant dans les mêmes qualités, et que la chose demandée est la même.

[31]            La Cour suprême du Canada dans l'arrêt Roberge c. Bolduc, [1991] 1 R.C.S. 374, analyse la chose jugée comme suit sous la plume de la juge l'Heureux-Dubé aux pages 402 à 404 :

          Pothier, dans Oeuvres de Pothier (1890), t. 2, au no 885, p. 469, explique que:

       L'autorité de la chose jugée fait présumer vrai et équitable tout ce qui est contenu dans le jugement; et cette présomption étant juris et de jure, exclut toute preuve du contraire. [En italique dans l'original.]

(Dans le même sens, voir Aubry et Rau, Droit civil français (6e éd. 1958), t. 12, no 769, p. 319; Laurent, Principes de droit civil (5e éd. 1893), t. 20, au no 1, p. 5.)

         La raison d'être de cette présomption légale irréfragable de validité des jugements est ancrée dans une politique sociale d'intérêt public visant à assurer la sécurité et la stabilité des rapports sociaux. L'inverse signifierait l'anarchie, avec la perspective de procès sans fin et de jugements contradictoires.

         Les auteurs, tant en France qu'au Québec, expriment sensiblement la même opinion. Planiol et Ripert, dans leur Traité pratique de droit civil français (2e éd. 1954), t. VII, au no 1552, p. 1015, font observer ceci:

En réalité cette présomption légale recouvre une règle de fond. Le jugement une fois rendu doit terminer définitivement le procès si les voies de recours ont été en vain exercées ou s'il n'en a pas été fait usage. Il y a une nécessité sociale de premier ordre à ce que les litiges ne recommencent pas indéfiniment sur le même sujet. La stabilité des rapports sociaux exige que les décisions de justice soient respectées au même titre que la loi.

[...]

         Une conséquence inéluctable de la présomption irréfragable de validité des jugements est que l'autorité de la chose jugée existe même dans le cas où le jugement est entaché d'erreur. Le Code de procédure civile prévoit expressément un certain nombre de voies de recours pour corriger les erreurs qui ont pu se glisser dans un jugement (Livre III, " Moyens de se pourvoir contre les jugements "), dont l'appel et la possibilité de rétractation de jugement. Toutefois, si ces recours ne sont pas exercés, le jugement acquerra forcément, en vertu de l'art. 1241 C.c.B.-C. et des principes qui le sous-tendent, l'autorité de la chose jugée.

         Il y a unanimité sur cette question. Laurent, op. cit., au no 1, pp. 5 et 6, étudie l'effet du principe de la chose jugée eu égard à l'erreur judiciaire:

Sans doute, le juge peut se tromper en fait ou en droit; mais les parties ne sont pas admises à prouver ces erreurs, la loi leur dénie l'action en justice [...] Pourquoi, malgré cette possibilité d'erreur, et alors même que des documents authentiques prouveraient que le juge s'est trompé, la loi ne permet-elle pas de revenir sur la chose jugée? Le législateur a tenu compte des chances d'erreur; comme remède au mal, il a établi deux degrés de juridiction: le juge d'appel peut redresser les erreurs qui sont échappées au premier juge. Mais quand les recours que la loi organise sont épuisés, il faut que les procès aient une fin; si l'on pouvait toujours les renouveler sous prétexte d'erreur, les contestations se perpétueraient et le monde ne serait qu'un immense procès.

Chauveau, op. cit., ajoute ce qui suit, au no 36, p. 33:

       Que dire des jugements qui sont entachés de vices intrinsèques, de droit ou de forme, qui cependant n'en mettent pas l'existence en doute? [...] C'est à la partie intéressée à se prévaloir de ces nullités en temps opportun, au moyen d'un des recours que la loi lui donne: ce serait saper en sa base toute la théorie sur laquelle est fondée la présomption de la chose jugée que de permettre la réouverture du débat dans ces circonstances.

[32]            Toutefois, pour que s'applique le principe de la chose jugée, il faut que les conditions strictes énoncées à l'article 2848 du CCQ soient réunies. En ce qui concerne les conditions relatives au jugement comme tel, le tribunal doit avoir compétence, le jugement doit être définitif et il doit avoir été rendu en matière contentieuse (voir Roberge c. Bolduc, précité, à la page 404). Pour ce qui est des conditions relatives à l'identité, l'article 2848 exige que trois identités se rencontrent, soit l'identité des parties, d'objet et de cause. Ainsi s'exprimait le juge Mignault dans l'arrêt de la Cour suprême du Canada, Laferrière c. Gariépy, (1921), 62 R.C.S. 557, à la page 569 :

         La doctrine de la chose jugée repose sur une présomption juris et de jure et même d'ordre public que le fait constaté par le juge est vrai: res judicata pro veritate habetur. Elle a pour fondement non pas l'acquiescement de la partie, acquiescement qui découlerait de la circonstance qu'elle n'a pas appelé du jugement qui la condamne, mais la vérité irrécusable du fait que constate ce jugement, lequel, quand il est devenu définitif, ne peut plus être mis en question. Et cette présomption de vérité a été admise pour empêcher de nouveaux procès entre les mêmes parties sur la même question et pour rendre impossible que les parties puissent obtenir des arrêts contradictoires.

         Il faut pour cela que ce qu'on a appelé les trois identités se rencontrent: identité d'objet en ce sens, dit l'article 1241 C.C., que la demande soit "pour la même chose que dans l'instance jugée"; identité de cause, c'est-à-dire, pour citer le même article, "lorsque la demande est fondée sur la même cause:" et identité de personnes, soit une demande "entre les mêmes parties agissant dans les mêmes qualités." [Je souligne.]

[33]            En ce qui concerne l'identité d'objet, madame la juge L'Heureux Dubé s'exprime ainsi dans l'affaire Roberge c. Bolduc aux pages 414-15 :

         Pour déterminer, donc, l'" objet " d'une action, il y a lieu d'examiner à la fois la nature du droit dont l'exécution est poursuivie et le redressement ou le but recherché. Cela ne signifie pas qu'il doit y avoir identité du redressement recherché ou du but poursuivi. Mignault, op. cit., explique, à la p. 105:

. . . il importe de compléter la règle en disant qu'il n'est pas nécessaire que les deux demandes concluent identiquement à la même condamnation, mais qu'il y aura chose jugée dès que l'objet de la seconde action se trouve implicitement compris dans l'objet de la première.

                Nadeau et Ducharme, op. cit., au no 577, p. 479, expriment un avis semblable:

       Il n'est donc pas nécessaire que les deux demandes concluent à des condamnations identiques; il suffit que l'objet de la seconde action soit implicitement compris dans l'objet de la première . . . [Références omises.]

(Voir aussi Royer, op. cit., au no 795, pp. 294 et 295.)

         Cette position trouve également appui dans la jurisprudence. L'arrêt de principe sur la question de l'identité d'objet est Pesant v. Langevin (1926), 41 B.R. 412, où le juge Rivard dit, à la p. 421:

L'objet d'une demande, c'est le bénéfice que l'on se propose d'obtenir en la formulant. L'identité matérielle, c'est-à-dire l'identité d'une même chose corporelle, n'est pas nécessairement exigée. Peut-être force-t-on un peu le sens du mot " objet ", mais on admet comme suffisante une identité abstraite de droit. " Cette identité de droit existe non seulement lorsque c'est exactement le même droit qui est réclamé sur la même chose ou sur quelqu'une de ses parties, mais encore lorsque le droit qui fait le sujet de la nouvelle demande ou de la nouvelle exception, sans être absolument identique à celui qui a fait l'objet du premier jugement, en forme néanmoins une partie nécessaire, y est virtuellement compris, comme en étant un démembrement, une suite ou une conséquence essentielle ". En d'autres termes, si deux objets sont tellement connexes que les deux débats qui se font à leur sujet soulèvent la même question concernant l'accomplissement de la même obligation, entre les mêmes parties, il y a chose jugée. [Références omises.] [Je souligne.]

[34]            Quant à l'identité de cause, madame la juge L'Heureux-Dubé se réfère à l'arrêt Rocois Construction c. Québec Ready Mix, [1990] 2 R.C.S. 440, où le juge Gonthier propose ce qui suit aux pages 454 à 456 :

[...] Les expressions " fait principal qui constitue le fondement direct " du droit, " fait juridique qui a donné naissance au droit réclamé ", " origine ou [...] principe générateur du droit réclamé " ou " source juridique de l'obligation ", sont des tentatives visant à capturer par le langage la notion fuyante de cause [...].

[...]

[...] Il serait certainement erroné d'assimiler la cause à une règle de droit sans égard à son application aux faits considérés. En conséquence, l'existence de deux règles de droit applicables comme fondement des droits du demandeur ne mène pas directement à la conclusion qu'il existe deux causes.

         Bien entendu, l'existence de deux règles de droit applicables à un ensemble de faits engendre en pratique une dualité de causes dans la vaste majorité des situations parce que des règles distinctes commandent généralement des qualifications juridiques différentes. Mais ce n'est pas le fait qu'il y ait deux règles applicables qui est en soi déterminant; c'est la dualité des qualifications juridiques qui peuvent en découler. Lorsque l'essence de la qualification juridique des faits allégués est identique sous l'empire de l'une et l'autre des règles, on doit conclure à l'identité de cause.

[35]            Pour ce qui est de l'identité des parties, le texte de l'article 2848 du CCQ est explicite : la présomption de chose jugée ne s'applique que si la demande est entre les mêmes parties agissant dans les mêmes qualités.

[36]            Ainsi, l'on remarque, tant pour l'application de la doctrine de la chose jugée sous le Code civil que pour celle de la doctrine de l'" issue estoppel " en common law, que les conditions requises sont similaires. C'est d'ailleurs l'observation que fait Donald J. Lange dans son ouvrage The Doctrine of Res Judicata in Canada, Markham (Ont.), Butterworths, 2000, à la page 34 :

In the law of Canada, there is compelling support for the proposition that the common law doctrine of issue estoppel and the Québec Civil Code doctrine of res judicata are to be treated as equivalent, interchangeable doctrines.

[37]            Ainsi, en vertu de l'article 2848 du CCQ, et tel qu'établi par la Cour suprême du Canada, entre autres dans les arrêts Roberge c. Bolduc etLaferrière c. Gariépy, précités, les conditions nécessaires pour qu'une décision ait l'autorité de la chose jugée vis-à-vis une autre chose demandée sont les suivantes :

i)                le jugement original doit provenir d'un tribunal compétent, être définitif et sans appel;

ii)               la chose demandée doit être la même, c'est-à-dire avoir le même objet;

iii)              la nouvelle demande doit être fondée sur la même cause; et

iv)              cette demande doit être mue par les mêmes parties, lesquelles doivent agir dans les mêmes qualités.

Il est donc opportun de vérifier si ces critères s'appliquent à la présente affaire.

i)                Le jugement

[38]            Le jugement que j'ai rendu le 5 novembre 1999 était un jugement rendu selon la procédure informelle. L'article 18.24 de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt, L.R.C. 1985, ch. T-2, se lit comme suit :

18.24 Le jugement de la Cour sur un appel visé à l'article 18 est définitif et sans appel sous réserve de la révision prévue à l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale.

[39]            Puisque l'intimée s'est désistée en date du 25 janvier 2000 de sa demande de contrôle judiciaire devant la Cour d'appel fédérale, le jugement que j'ai rendu le 5 novembre 1999 est devenu définitif et sans appel en vertu de l'article 18.24 de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt.

ii)               Identité d'objet

[40]            Tel qu'analysé par les auteurs et la jurisprudence et repris par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Roberge c. Bolduc, précitée, l'objet d'une action en justice se définit comme le bénéfice qu'un plaideur recherche ou un droit qu'il désire faire sanctionner. Par ailleurs, la présomption de l'article 2848 du CCQ n'exige pas qu'il y ait une identité matérielle de la chose demandée. Il suffit qu'il y ait une identité abstraite ou formelle du droit réclamé (voir Jean-Claude Royer, La preuve civile, 2e éd., Cowansville (Qué.), Yvon Blais, 1995, au paragraphe 835).

[41]            Rappelons que le juge Rivard disait dans l'affaire Pesant c. Langevin, précitée, que cette identité de droit existe non seulement lorsque c'est exactement le même droit qui est réclamé sur la même chose mais encore lorsque le droit qui fait le sujet de la nouvelle demande, sans être absolument identique à celui qui a fait l'objet du premier jugement, en forme néanmoins une partie nécessaire, comme en étant une suite ou une conséquence essentielle.

[42]            Dans la situation actuelle, l'appelant demandait en 1997 un transfert de crédit non-utilisé pour déficience physique grave et prolongée à l'égard de sa conjointe. Il demande en 1999 le même crédit selon les mêmes articles de Loi, soit les articles 118.3, 118.4 et 118.8 de la Loi, lesquels n'ont pas été modifiés depuis, pour la même maladie affectant sa conjointe. À mon avis, on peut donc parler d'identité d'objet.

iii)              L'identité de cause.

[43]            A propos de cette identité, J.C. Royer observe dans son ouvrage, La preuve civile, précité, aux pages 495-496, au paragraphe 830 :

[...] La cause d'une action consiste dans les faits allégués dans une procédure qui ont des effets de droit. Elle comprend un élément matériel et concret, soit les faits matériels et les actes juridiques allégués dans les procédures écrites, et un élément formel et abstrait, soit la qualification juridique de ces faits. L'identité de cause suppose une identité de ces deux éléments. [Je souligne.]

[44]            Le juge Gonthier disait dans l'affaire Rocois, précitée, que " l'existence de deux règles de droit applicables comme fondement des droits du demandeur ne mène pas directement à la conclusion qu'il existe deux causes ". Il ajoutait que " lorsque l'essence de la qualification juridique des faits allégués est identique sous l'empire de l'une et l'autre des règles, on doit conclure à l'identité de cause ".

[45]            Dans la situation actuelle, la Loi donne le pouvoir au Ministre de fixer l'impôt d'un contribuable pour chaque année d'imposition. Toutefois, si la règle de droit est la même d'une année à l'autre, le pouvoir annuel prévu à la Loi de fixer cet impôt n'implique pas nécessairement, à mon avis, qu'il ne peut y avoir identité de cause d'une année à l'autre, si la qualification juridique des faits allégués est identique. Or, dans le cas en l'espèce, je suis d'avis que l'essence de la qualification juridique des faits allégués dans le jugement du 5 novembre 1999 -- ayant donné à l'appelant le droit au crédit prévu aux articles 118.3, 118.4 et 118.8 de la Loi selon la règle de droit applicable en 1997 -- est identique sous la règle de droit applicable en 1999. En effet, il a été décidé dans le jugement du 5 novembre 1999 que la capacité de madame Michalk d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne était limitée de façon marquée. Bien que ce jugement statue sur l'invalidité d'une cotisation établie pour l'année 1997, la conclusion de fait dans ce jugement établit que la maladie coeliaque dont souffre madame Michalk est grave et permanente et qu'il n'existe aucune thérapie connue ni aucun médicament pouvant guérir cette maladie. Dans sa Réponse à l'avis d'appel, l'intimée ne soutient pas qu'une nouvelle thérapie ou qu'un nouveau médicament a été trouvé pour soulager cette maladie. L'intimée invoque simplement " [qu']une diète spéciale stricte peut soulager ce mal " et peut permettre à madame Michalk de contrôler en partie cette maladie. Ce fait a été pris en compte dans le jugement du 5 novembre 1999 et n'est pas un fait nouveau. L'intimée a d'ailleurs soulevé dans ses motifs d'appel devant la Cour d'appel fédérale, que " la juge du procès a rendu une décision fondée sur une conclusion de faits erronée, en considérant que [madame Michalk] devait consacrer un temps excessif à l'accomplissement d'une activité courante, soit celle de s'alimenter ". En retirant sa demande de contrôle judiciaire, l'intimée accepte maintenant cette interprétation, et le jugement, en arrivant à cette conclusion de fait, a dès lors acquis, en vertu de l'article 2848 CCQ, l'autorité de la chose jugée (voir Roberge c. Bolduc, précitée, aux pages 402-404). Dès lors, l'intimée se trouve, à mon sens, mal venue de vouloir faire revivre un nouveau procès à l'appelant, sur des faits analogues.

[46]            À ceci, l'avocat de l'intimée soutient, en s'appuyant sur la décision Kindree, précitée, qui elle-même se fondait sur l'arrêt Sneath de la Cour d'appel d'Angleterre, précité (deux décisions de common law), qu'étant donné les années d'imposition différentes, il ne peut y avoir identité de cause entre le jugement du 5 novembre 1999 et le présent appel.

[47]            Il importe ici de souligner de nouveau la distinction en common law entre le concept de cause of action estoppel, à savoir " l'autorité de la chose jugée applicable lorsqu'une demande est intentée pour la même cause d'action que celle qui a fait l'objet d'un jugement antérieur ", et l'" issue estoppel ", " cette théorie de la fin de non-recevoir qu'on applique lorsqu'il arrive que la cause d'action est différente mais que des points ou questions de fait ont déjà été décidés " (tels que définis par le juge Higgins de la Haute Cour d'Australie dans l'affaire Hoystead, précitée, et approuvés par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Angle, précité).

[48]            Il semble, à la lecture de l'arrêt Sneath, cité par l'avocat de l'intimée, que la Cour se soit basée uniquement sur le cause of action estoppel, l'une des formes de l'estoppel per rem judicatam, pour dire qu'on ne pouvait invoquer la chose jugée en matière fiscale à l'égard d'une décision judiciaire statuant sur une cotisation relative à une année d'imposition à l'encontre d'une autre cotisation pour une autre année d'imposition. Je note que la question de l'" issue estoppel " n'a pas été abordée dans cet arrêt, tout comme elle n'a pas été débattue dans l'arrêt du Conseil privé dans Caffoor v. Commissioner of Income Tax, Colombo, [1961] A.C. 584, lequel a également refusé d'appliquer le principe de la chose jugée relativement à un jugement statuant sur une cotisation pour une année d'imposition différente.

[49]            Cependant, dans l'affaire Angle, précitée, le juge Laskin[4] fait observer, en s'appuyant sur l'arrêt Hoystead, précité, qu'il peut y avoir " issue estoppel " lorsqu'il n'y a pas ouverture à la chose jugée dans son sens strict d'identité de causes d'action ou d'objets, de cause of action estoppel. La distinction entre ces deux concepts d'estoppel n'a pas été observée dans l'arrêt Caffoor, qui parle plutôt d'estoppel per rem judicatam - le terme générique qui inclut le cause of action estoppel et l'issue estoppel. En traitant de cet arrêt de la Chambre des Lords, le juge Laskin s'exprime ainsi à la page 266 de l'arrêt Angle :

Supposant, tel qu'indiqué dans Caffoor, que les principes appliqués aux affaires de cotisation d'impôt [TRADUCTION] " constituent un secteur quelque peu anormal du droit général relatif à l'estoppel per rem judicatam, et ne peuvent facilement tirer origine des autres secteurs du contentieux dans lesquels on doit tenir compte de semblables estoppels, ou y être transposés " (voir [1961] A.C. aux pp. 599-600), l'espèce présente ne met pas en cause des cotisations d'impôt successives contre l'appelante et par conséquent ne peut reposer sur l'anomalie dont il est question. De plus, dans la mesure où la jurisprudence anglaise est concernée, il me semble que ce qui a été dit sur l'issue estoppel dans l'arrêt Carl Zeiss Stiftung v. Rayner and Keeler Ltd. (no 2), [1967] 1 A.C. 853, rend improbable qu'une règle anormale quelconque, comme celle sur laquelle l'arrêt Caffoor a semblé être fondé, puisse garder quelque valeur à l'avenir. De toute façon, je rejetterais l'introduction de semblable anomalie dans le droit canadien.

[Je souligne.]

[50]            Il est vrai que le débat dans l'affaire Angle ne mettait pas en cause des cotisations d'impôt successives et que le juge Laskin a reconnu que la cause dans cette affaire ne reposait pas sur l'anomalie à laquelle on faisait référence dans l'affaire Caffoor. Toutefois, le juge Laskin énonce clairement que par suite de l'arrêt Carl Zeiss, précité (lequel confirme les règles d'application de l'" issue estoppel "), il est improbable qu'une règle anormale, comme celle retenue dans l'affaire Caffoor relativement à des cotisations successives, puisse être suivie à l'avenir et, de toute façon, il en rejette toute application au Canada.

[51]            Dans ce contexte, l'avocat de l'intimée a sans doute raison de dire qu'il n'y a pas identité de cause d'action ou de cause of action estoppel dans le sens strict donné à l'estoppel per rem judicatam puisque l'on doit traiter de cotisations portant sur des années d'imposition différentes. Mais ceci n'exclut pas pour autant la possibilité pour l'appelant d'invoquer la chose jugée (telle qu'acceptée en droit civil) dans le sens que la common law donne à l'" issue estoppel ", dans la mesure où la question de fait, relative à la capacité de la conjointe de l'appelant d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne, à savoir s'alimenter, a déjà été décidée dans une décision antérieure, soit dans le jugement du 5 novembre 1999, et que c'est cette même question de fait qui est soulevée à nouveau pour une autre année d'imposition.[5]

[52]            Le principe est bien expliqué par Lord Denning dans l'arrêt Fidelitas Shipping Co. Ltd. v. V/O Exportchleb., [1966] 1 Q.B. 630 à la page 640 :

[...] It is a case of "issue estoppel" as distinct from "cause of action estoppel" and "fact estoppel," a distinction which was well explained by Diplock L.J. in Thoday v. Thoday.10 The law, as I understand it, is this: if one party brings an action against another for a particular cause and judgment is given upon it, there is a strict rule of law that he cannot bring another action against the same party for the same cause. Transit in rem judicatam: see King v. Hoare.11 But within one cause of action, there may be several issues raised which are necessary for the determination of the whole case. The rule then is that, once an issue has been raised and distinctly determined between the parties, then, as a general rule, neither party can be allowed to fight that issue all over again. The same issue cannot be raised by either of them again in the same or subsequent proceedings except in special circumstances, see Badar Bee v. Habib Merican Noordin,12 per Lord Macnaghten.13 And within one issue, there may be several points available which go to aid one party or the other in his efforts to secure a determination of the issue in his favour. The rule then is that each party must use reasonable diligence to bring forward every point which he thinks would help him. If he omits to raise any particular point, from negligence, inadvertence, or even accident (which would or might have decided the issue in his favour), he may find himself shut out from raising that point again, at any rate in any case where the self-same issue arises in the same or subsequent proceedings. But this again is not an inflexible rule. It can be departed from in special circumstances: see Henderson v. Henderson14; Hoystead v. Commissioner of Taxation15; New Brunswick Railway Co. v. British & French Trust Co.16; Connelly v. Director of Public Prosecutions.17

_________________________

10 [1964] P. 181, 198; [1964] 2 W.L.R. 371, 385; [1964] 1 All E.R. 341, 352, C.A.

11 (1844) 13 M. & W. 494, 504.

12 [1909] A.C. 615.

13 Ibid. 623.

14 (1843) 3 Hare 100, 115.

15 [1926] A.C. 155, 170; 42 T.L.R. 207, P.C.

16 [1939] A.C. 1; 55 T.L.R. 260; [1938] 4 All E.R. 747.

17 [1964] A.C. 1254; [1964] 2 W.L.R. 1145; [1964] 2 All E.R. 401, C.C.A., H.L.(E.).

[53]            Il ressort de ce passage qu'on pourra invoquer la non-application de l'" issue estoppel " dans certaines situations exceptionnelles. Ces circonstances exceptionnelles n'incluent pas toutefois le cas où une partie a omis de soulever un point en particulier par négligence, inadvertance ou même par accident.

[54]            Ceci ressort également de l'analyse faite par Lord Diplock dans le même arrêt Fidelitas, précité, aux pages 642-643 :

[...] The determination of the issue between the parties gives rise to what I ventured to call in Thoday v. Thoday19 an "issue estoppel." It operates in subsequent suits between the same parties in which the same issue arises. [...] The principle was expressed as long ago as 1843 in the words of Wigram V.-C. in Henderson v. Henderson20 which were expressly approved by the Judicial Committee of the Privy Council in Hoystead v. Commissioner of Taxation.21 I would not seek to better them: "I believe I state the rule of the court correctly when I say, that where a given matter becomes the subject of litigation in, and of adjudication by, a court of competent jurisdiction, the court requires the parties to that litigation to bring forward their whole case, and will not (except under special circumstances) permit the same parties to open the same subject of litigation in respect of matter which might have been brought forward as part of the subject in contest, but which was not brought forward, only because they have, from negligence, inadvertence, or even accident, omitted part of their case. The plea of res judicata applies, except in special cases, not only to points upon which the court was actually required by the parties to form an opinion and pronounce a judgment, but to every point which properly belonged to the subject of litigation, and which the parties, exercising reasonable diligence, might have brought forward at the time."

__________________________

19 [1964] P. 181, 198.

20 (1843) 3 Hare 100, 114.

21 [1926] A.C. 155, 170.

[55]            Le principe a été repris avec approbation par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Canada c. Chevron Canada Resources Ltd., [1999] 1 C.F. 349, où le juge Noël entérine les propos du Conseil Privé dans l'arrêt Thomas v. Trinidad and Tobago (A.G.) (1991), 115 N.R. 313, à la page 316, qui reprend la règle énoncée plus haut dans les arrêts Henderson et Hoystead, précités, et plus particulièrement le passage suivant dans l'affaire Trinidad and Tobago, à la page 368 :

Dans Greenhalgh v. Mallard, [1947] 2 All E.R. 255, le lord juge Somervell a dit, à la page 257:

"Je pense que, selon la jurisprudence à laquelle je vais faire référence, il serait exact de dire que le principe de la chose jugée en cette matière n'est pas restreint aux questions que l'on demande à la cour de trancher, mais qu'il s'étend aux questions et aux faits dont il est tellement clair qu'ils font partie de l'objet du litige et qu'ils auraient pu être soulevés que la cour commettrait un abus de procédure en permettant le commencement d'une nouvelle instance portant sur ceux-ci."

Dans Yat Tung Co. v. Dao Heng Bank, [1975] A.C. 581, lord Kilbrandon, qui a rendu la décision du Comité, a cité l'extrait susmentionné du jugement du vice-chancelier Wigram et a poursuivi, à la page 590:

Le pouvoir d'interdire que l'"objet d'un litige" soit soulevé de nouveau - pouvoir qui ne devrait être exercé par les tribunaux qu'après une analyse exhaustive de l'ensemble des circonstances - est limité aux cas où une question aurait été soulevée plus tôt s'il y avait eu diligence raisonnable. De plus, bien que la négligence, l'erreur et même le cas fortuit ne constituent pas des excuses suffisantes, il existe néanmoins des "circonstances exceptionnelles" qui permettent la non-application de la règle dans les cas où l'intérêt de la justice l'exige.

[56]            Par ailleurs, si une partie juge qu'il y a des circonstances exceptionnelles justifiant la mise de côté du principe de la chose jugée, il lui incombe de démontrer en quoi consistent ces circonstances exceptionnelles (voir Chevron, précitée, page 371, paragraphe 47). D'après Phipson, précité, à la page 885, au paragraphe 33-55, le critère d'admission d'une exception à la doctrine de l'" issue estoppel " est le suivant :

[...] the fresh evidence relied on must fundamentally change the appearance of the case, and no doubt this applied no less within the subordinate issues which may give rise to estoppels. [Je souligne.]

[57]            D'après Diplock L.J., dans l'arrêt Mills v. Cooper, [1967] 2 Q.B. 459, 468-69 (C.A.), on ne peut déroger à l'application de l'" issue estoppel " :

[...] unless further material which is relevant to the correctness or incorrectness of the assertion and could not by reasonable diligence have been adduced by that party in the previous proceedings has since become available to him.43 [Je souligne.]

_____________________

43 Voir aussi D.P.P. v. Humphrys, [1977] A.-C. 1, à la p. 39D-E per Lord Hailsham, à la p. 48E-H per Lord Edmund-Davies; Tebbutt v Haynes, [1981] 2 All ER 238 (C.A.).

[58]            Dans son argumentation écrite, l'avocat de l'intimée invoque que la décision rendue dans le jugement du 5 novembre 1999 était fondée sur une conclusion de fait propre à la situation de la conjointe de l'appelant, soit sa capacité de s'alimenter, en 1997. Il suggère que depuis 1997, madame Michalk aurait acquis de l'expérience quant à la gestion de tous les aspects de son régime alimentaire, et que probablement elle consacre moins de temps maintenant à cette activité de la vie quotidienne qu'en 1997. Il invoque également que sa condition physique peut avoir changé depuis 1997. Il semble suggérer que la disponibilité et l'accessibilité des aliments de remplacement de même que le coût de ceux-ci ont été considérés par cette Cour pour l'année 1997, mais que la situation peut également avoir changé en 1999. Pour établir ceci, l'intimée entendait offrir une preuve différente de celle offerte en 1997. L'intimée a en effet fait parvenir un rapport d'expertise d'une nutritionniste-diététicienne sur la maladie coeliaque et sur le régime alimentaire approprié à cette maladie.

[59]            Je répondrai à ceci, d'une part, en réitérant que le jugement du 5 novembre 1999 faisait état d'une maladie grave et permanente. Je ne vois pas comment l'intimée peut maintenant invoquer que l'état physique de madame Michalk peut avoir changé depuis 1997. Dans sa Réponse à l'avis d'appel, l'intimée reconnaît d'ailleurs que madame Michalk doit suivre des restrictions diététiques sévères et permanentes et qu'il n'existe aucun médicament approprié à ce jour pour guérir la maladie coeliaque.

[60]            D'autre part, l'intimée essaie maintenant de prouver son point par l'apport d'un témoin expert qu'elle aurait très bien pu faire témoigner lors de l'audition de l'appel de la cotisation pour l'année 1997. Tel que l'approuvait le juge Noël dans l'affaire Chevron, précitée, le principe de la chose jugée s'étend aux questions et aux faits qui font clairement partie de l'objet du litige et qui auraient pu être soulevés au moment opportun.

[61]            Le jugement du 5 novembre 1999 établit que madame Michalk " doit, pour s'alimenter (c'est-à-dire pour faire toutes les démarches nécessaires pour la préparation de repas convenables à sa diète), prendre un temps beaucoup plus long que celui que des personnes en santé doivent normalement consacrer à cette activité " (Leduc c. Canada, précité, paragraphe 16). Ce jugement indique également que " la preuve a également démontré que la capacité pour madame Michalk de s'alimenter de façon quotidienne est limitée de façon marquée " (Leduc c. Canada, précité, paragraphe 19).

[62]            Je ne vois pas en quoi cette capacité de s'alimenter serait moins limitée de façon marquée avec le passage des années, si l'on compare la situation à des personnes ne souffrant pas de cette déficience physique.

[63]            À tout évènement, il m'apparaît ici que l'intimée tente de faire une preuve (par l'intermédiaire de son témoin expert) qu'elle a omis, par négligence, inadvertance ou accident, de présenter lors de l'audition de l'appel à l'encontre de la cotisation établie pour l'année 1997. Ce nouveau point de vue de l'intimée aurait pu, à mon avis, être soulevé à ce moment s'il y avait eu diligence raisonnable.

[64]            À mon avis, la preuve que veut soumettre à nouveau l'intimée pour convaincre cette Cour que l'appelant n'a pas droit au transfert de crédit inutilisé pour déficience physique pour l'année d'imposition 1999, alors qu'un tel droit lui avait été accordé pour l'année d'imposition 1997, ne changerait pas fondamentalement l'issue du débat, ou la qualification juridique des faits allégués que l'on retrouve dans le jugement du 5 novembre 1999.

[65]            Il se trouve en effet que la question de fait qui se posait dans ce jugement antérieur -- de déterminer si la capacité de madame Michalk d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne était limitée de façon marquée compte tenu de sa déficience grave et prolongée -- était fondamentale à la décision d'accorder le crédit en vertu de la Loi. Cette même question de fait se reposerait à nouveau si j'entendais l'appel au fond pour l'année 1999. Compte tenu du caractère permanent de la maladie et qu'il n'y a pas d'autre remède à cette maladie que de suivre une diète stricte, et que tous ces faits ont été pris en compte dans le jugement du 5 novembre 1999, il y a lieu, à mon avis, d'invoquer la chose jugée.[6]

[66]            En l'occurrence, je ne considère pas que l'intimée a démontré qu'il y avait des circonstances exceptionnelles (telles, par exemple, la découverte d'un médicament, ou de nouveaux faits matériels qui pourraient fondamentalement changer la cause de l'action, ou encore un changement juridique établi par un tribunal d'appel ou par une modification législative) justifiant la mise de côté du principe de la chose jugée. Il en résulte qu'il y a, à mon avis, identité de cause en l'espèce.

(iv)             Identité des parties

[67]            Il est clair ici que ce sont les mêmes parties qui sont en cause dans le présent appel et dans l'appel à l'égard duquel jugement a été rendu pour l'année 1997.

Conclusion

[68]            En conséquence, vu que les conditions pour l'applicabilité du principe de la chose jugée (à savoir identité des parties, d'objet et de cause), auxquelles s'apparentent les conditions de l'" issue estoppel ", sont, à mon avis, réunies, je considère qu'il n'est pas approprié pour cette Cour d'entrer à nouveau dans la discussion de fond sur la question de fait traitant de la capacité de la conjointe de l'appelant d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne. Il y a, à mon point de vue, autorité de la chose jugée sur cette question.

Décision

[69]            Puisque je considère 1) qu'il y a autorité de la chose jugée sur la question de fait portant sur la capacité de madame Michalk de s'alimenter de façon quotidienne, qui est limitée de façon marquée au sens de la Loi compte tenu de sa déficience grave et prolongée, 2) que cette question était fondamentale à la résolution de la question en litige, soulevée pour l'année d'imposition 1997 quant à l'octroi du crédit d'impôt réclamé pour déficience physique aux termes des articles 118.3, 118.4 et 118.8 de la Loi, 3) que la même question fondamentale est à la base du présent appel, puisque la question en litige porte sur l'octroi de ce même crédit pour l'année d'imposition 1999, et 4) que les autres conditions prévues aux articles 118.3, 118.4 et 118.8 de la Loi sont réunies, je conclus que le présent appel doit être admis sans qu'il soit nécessaire de procéder à une audition au mérite.

[70]            Le tout avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 20ième jour de décembre 2001.

" Lucie Lamarre "

J.C.C.I.

2000-4503(IT)I

ENTRE :

BERTRAND LEDUC,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

L'honorable juge Lucie Lamarre

Comparutions

Pour l'appelant :               L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :         Me Michel Lamarre

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (" Loi ") pour l'année d'imposition 1999 est admis avec dépens, sans qu'il soit nécessaire de procéder à une audition au mérite selon les motifs de jugement ci-joints, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l'appelant a le droit de réclamer dans le calcul de son impôt fédéral pour l'année d'imposition 1999 un transfert de crédit d'impôt non utilisé de 719,61 $ pour déficience physique grave et prolongée à l'égard de sa conjointe, madame Ginette Michalk, et ce, conformément aux articles 118.3, 118.4 et 118.8 de la Loi.

Signé à Ottawa, Canada, ce 20ième jour de décembre 2001.

" Lucie Lamarre "

J.C.C.I.




[1]               Voir Bertrand Leduc c. Canada, [1999] A.C.I. no 765 (Q.L.).

[2]               Voir dossier de la Cour canadienne de l'impôt 98-2444(IT)I.

[3]               M.N. Howard, P. Crane & D.A. Hochberg, Phipson on Evidence, 14e éd., London, Sweet & Maxwell, 1990, à la page 882 au paragraphe 33-52 [ci-après Phipson].

[4]               Il est à noter que le juge Laskin était dissident sur la conclusion dans cette affaire, mais non pas sur la reconnaissance et sur l'existence comme telles du principe de " l'issue estoppel " au Canada, ce sur quoi il y avait unanimité des juges.

[5]               Voir à titre de parallèle la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Wierbicki c. Canada, [2000] A.C.F. no 413 (Q.L.), où l'on a accepté d'appliquer le principe de la chose jugée en matière fiscale relativement à un jugement de cette Cour qui établissait qu'il n'y avait aucune perte résiduelle au cours d'une année d'imposition et dont on demandait le report dans des années subséquentes.

[6]               En ce sens, je considère que la jurisprudence invoquée par l'avocat de l'intimée en matière de taxes foncières ne peut trouver application ici. En effet, les faits en matière d'évaluation foncière n'ont pas un caractère permanent comme c'est le cas ici.

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